Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'éducation nationale a implicitement refusé de lui verser ses traitements non perçus et de condamner l'État à lui régler les sommes dues ainsi que la somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1405021 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 décembre 2016 et 2 novembre 2017, M. C...E..., représenté par MeA..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 octobre 2016 ;
2°) de condamner l'État à lui verser une indemnité correspondant aux traitements qu'il n'a pas perçus au cours de la période allant des mois de novembre 2012 à septembre 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration a commis une faute en s'abstenant d'aménager son poste de travail de sorte qu'il n'a pu reprendre son poste et qu'ainsi il a perdu la moitié de sa rémunération ;
- l'avis du comité médical départemental est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé, que les pièces médicales sur lesquelles il se fonde ne lui ont pas été communiquées et que le médecin expert nommé est également son médecin traitant, en méconnaissance des règles de déontologie médicale ;
- son affection justifiait un congé de longue maladie ;
- l'avis du comité médical supérieur n'est pas suffisamment motivé ;
- son placement en congé de maladie ordinaire avant que le comité médical supérieur se soit prononcé est irrégulier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires fondées sur le défaut d'aménagement de poste, présentées pour la première fois en appel sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par lettre du 14 novembre 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. E...tendant à la condamnation de l'État sur le fondement de l'illégalité fautive du refus de lui accorder un congé de longue maladie dès lors que cette demande qui ne se rattache pas au même fait générateur que la demande fondée sur l'illégalité fautive de son maintien en congé de maladie ordinaire dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur et qui est présentée pour la première fois en appel, constitue une demande nouvelle.
M. C...E...a présenté le 16 novembre 2018 ses observations sur le moyen susceptible d'être relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.B...,
- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant M.E....
Une note en délibéré présentée par M. E...a été enregistrée
le 29 novembre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. M.E..., professeur certifié en fonctions au lycée Alfred Kastler à Talence (Gironde), placé en congé de maladie ordinaire à compter du 6 septembre 2012, a demandé,
le 13 septembre 2012, à bénéficier d'un congé de longue maladie. Le 24 janvier 2013, le comité médical départemental a émis un avis défavorable à sa demande. M. E...a contesté cet avis et demandé, le 26 mars 2013, la saisine du comité médical supérieur. Par courrier
du 24 avril 2013, l'intéressé a cependant demandé à reprendre son activité à compter
du 26 avril 2013. Par lettre du 3 mai 2013, confirmée le 23 mai suivant, le recteur de l'académie de Bordeaux a décidé de maintenir M. E...en congé de maladie ordinaire dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur. Le 17 mars 2014, M. E...a transmis au recteur de l'académie de Bordeaux l'avis défavorable à son placement en congé de longue maladie émis par le comité médical supérieur le 17 septembre 2013. L'intéressé a alors été réintégré à compter de cette date avec régularisation de son plein traitement. Par lettre du 18 mai 2014, le recteur a ensuite rejeté la demande formée par l'intéressé le 12 mai 2014 tendant au règlement des traitements non perçus du fait de son maintien en congé de maladie ordinaire à demi-traitement pour la période allant des mois de novembre 2012 à août 2013. Après le rejet, le 2 juin 2014, de son recours gracieux formé contre cette décision, puis le rejet implicite de son recours hiérarchique exercé selon lui par lettre du 23 juillet 2014 auprès du ministre de l'éducation nationale, M. E...a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'un recours tendant à l'annulation de cette dernière décision et à la condamnation de l'État à lui verser la part des traitements non perçus ainsi qu'une indemnité d'un montant de 1 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi. Il relève appel du jugement du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 du décret du 14 mars 1986 : " Il est institué auprès du ministre chargé de la santé un comité médical supérieur (...) ". Aux termes de l'article 9 du même décret " Le comité médical supérieur, saisi par l'autorité administrative compétente, soit de son initiative, soit à la demande du fonctionnaire, peut être consulté sur les cas dans lesquels l'avis donné en premier ressort par le comité médical compétent est contesté. / Le comité médical supérieur se prononce uniquement sur la base des pièces figurant au dossier tel qu'il lui est soumis au jour où il l'examine. (...) ". Aux termes de l'article 35 de ce décret : " Pour obtenir un congé de longue maladie ou de longue durée, les fonctionnaires en position d'activité ou leurs représentants légaux doivent adresser à leur chef de service une demande appuyée d'un certificat de leur médecin traitant spécifiant qu'ils sont susceptibles de bénéficier des dispositions de l'article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée.(...) L'avis du comité médical est transmis au ministre qui le soumet pour avis, en cas de contestation par l'administration ou l'intéressé, au comité médical supérieur visé à l'article 8 du présent décret(...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative, dès lors qu'elle a saisi pour avis le comité médical supérieur, comme elle doit le faire en cas de contestation du fonctionnaire concerné de l'avis rendu par un comité médical sur une demande de congé de longue maladie, ne peut, en principe, statuer sur la demande du fonctionnaire qu'après avoir recueilli l'avis sollicité. Si elle doit, pour statuer à titre définitif sur la demande, attendre d'avoir recueilli l'avis du comité médical supérieur, il lui appartient, alors qu'elle est tenue de placer les fonctionnaires soumis à son autorité dans une position statutaire régulière, de prendre, à titre provisoire, une décision plaçant l'intéressé dans l'une des positions prévues par son statut.
4. M. E...ayant contesté l'avis défavorable émis par le comité médical sur sa demande de congé de longue maladie et ayant demandé, le 26 mars 2013, la saisine du comité médical supérieur, le recteur de l'académie de Bordeaux ne pouvait prendre sa décision qu'après avoir recueilli l'avis du comité médical supérieur. Étant tenu de placer l'intéressé soumis à son autorité dans une position statutaire régulière, il appartenait au recteur de placer M. E...dans l'une des positions prévues par son statut. Dès lors, le recteur de l'académie de Bordeaux, qui devait attendre l'avis du comité médical supérieur avant de se prononcer sur les demandes formées par M.E..., pouvait légalement décider de maintenir l'intéressé en position de congé de maladie ordinaire.
5. En deuxième lieu, si M. E...se prévaut de la faute qu'aurait commise l'administration en n'aménageant pas suffisamment son poste de travail, alors qu'il a été reconnu comme travailleur handicapé le 1er décembre 2008, il ne résulte, en tout état de cause, pas de l'instruction que ce défaut, au demeurant non établi, serait en lien de causalité direct et certain avec la perte de ses traitements en conséquence de son maintien en congé de maladie ordinaire dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur.
6. En troisième et dernier lieu, si, pour obtenir la condamnation de l'État à lui payer les traitements qu'il estime lui être dus, M. E...se prévaut de l'irrégularité des avis rendus par le comité médical départemental puis par le comité médical supérieur ainsi que de l'erreur d'appréciation sur son état de santé, il doit être regardé comme recherchant la responsabilité de l'État sur le fondement de l'illégalité fautive du refus de le placer en congé de longue maladie, distinct de la décision litigieuse prise dans l'attente de l'avis du comité médical supérieur.
Par suite, cette demande, qui ne se rattache pas au même fait générateur, présentée pour la première fois en appel, constitue une demande nouvelle et doit être rejetée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande M. E...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.
Le rapporteur,
Didier B...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX04110