Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1303847 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme B...A..., épouseC..., tendant à l'annulation des décisions des 8 février et 25 juin 2013 par lesquelles le centre hospitalier universitaire de Toulouse (CHU) a refusé d'admettre l'imputabilité au service de sa tentative de suicide du 14 mai 2012.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2016, MmeA..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2016 ;
2°) d'annuler les décisions des 8 février et 25 juin 2013 par lesquelles le centre hospitalier universitaire de Toulouse (CHU) a refusé d'admettre l'imputabilité au service de sa tentative de suicide du 14 mai 2012 ;
3°) de mettre à la charge du CHU la somme de 2 400 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que :
- les décisions litigieuses sont intervenues au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ainsi que des articles 14 et 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme ;
- l'avis au vu duquel s'est prononcée la commission de réforme a été établi par un médecin qui n'était pas compétent pour se prononcer sur sa situation ;
- sa tentative de suicide n'est pas détachable du service.
Par un mémoire, enregistré le 23 juin 2017, le CHU, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la demande formée devant le tribunal administratif était tardive et que les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.E...,
- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,
- et les observations de MeG..., représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., aide-soignante au sein du centre hospitalier universitaire de Toulouse (CHU), a bénéficié d'un congé de formation professionnelle du 13 septembre 2011 au 27 avril 2012. Elle a sollicité à plusieurs reprises la dispense de l'obligation de servir pendant 24 mois, qui constitue la contrepartie de ce congé de formation professionnelle, mais le CHU n'a pas donné suite à ses demandes. Mme A...a alors sollicité, tardivement, son placement en disponibilité pour convenances personnelles. Sans réponse formelle à cette demande, elle s'est présentée sur son lieu de travail le 11 mai 2012, à l'issue de ses congés. Sa hiérarchie lui a alors indiqué par oral et par courriel que sa demande de placement en disponibilité était acceptée. Aucun arrêté de placement en disponibilité ne lui ayant été toutefois notifié, Mme A...a persisté à se présenter sur son lieu de travail afin d'effectuer son service les 12 et 13 mai suivants. Craignant que ce placement en disponibilité ne lui permette pas d'obtenir une dispense de son obligation de servir, Mme A...s'est finalement ravisée et a demandé à son représentant syndical d'obtenir le retrait de ce placement. À l'issue d'une réunion avec la direction qui a eu lieu le 14 mai 2012 au matin, ce représentant a informé Mme A...que sa mise en disponibilité était annulée et qu'elle pouvait rejoindre son poste de travail pour y prendre son service. Mme A... s'est alors présentée au cadre de santé mais celui-ci lui a indiqué qu'elle était placée en disponibilité et ne pouvait donc pas travailler. Mme A...s'est alors isolée pour ingérer le contenu d'un tube d'anxiolytiques (Lexomil). Un arrêté de mise en disponibilité pour convenance personnelle, daté du 11 mai 2012, lui a été notifié le 15 mai 2012. Sa demande tendant à ce que cette tentative de suicide soit reconnue comme imputable au service a été rejetée par une décision du 8 février 2013, confirmée, sur recours gracieux, le 25 juin 2013. Mme A...demande à la cour d'annuler le jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur la recevabilité de la demande de 1ère instance :
2. Aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative dans sa version applicable à l'espèce : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi. ". Il résulte de ces dispositions que la décision explicite du 25 juin 2013 par laquelle le CHU a explicitement rejeté le recours gracieux présenté par Mme A...le 16 avril 2013, intervenue dans le délai de deux mois suivant le rejet implicite de ce recours, a fait à nouveau courir le délai dont elle disposait pour saisir la juridiction compétente. Par suite, le CHU n'est pas fondé à soutenir que la demande que l'appelante a formée devant le tribunal administratif le 26 août 2013 était tardive.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service. Il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service. Il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment des témoignages produits tant par Mme A... que par le CHU, de la lettre que Mme A...a rédigé avant d'ingérer le contenu d'un tube d'anxiolytiques et de ses déclarations figurant sur le rapport d'accident de travail, que la tentative de suicide dont s'agit, à supposer même qu'elle ne puisse être regardée comme étant intervenue dans le temps du service, trouve son origine dans l'incertitude ressentie par Mme A... quant à sa situation professionnelle, qui l'a conduite à se présenter à plusieurs reprises sur son lieu de travail où elle ne s'est pas sentie " traitée comme une être humain " mais " invectivée, discréditée, harcelée, et sommée de partir immédiatement devant tous [ses] collègues ", et " poussée à bout (...) à partir... ". Dans ces conditions, en l'absence de toute circonstance la détachant du service, l'appelante est fondée à soutenir que cette tentative de suicide présente un lien direct avec ce service et caractérise dès lors un accident de service. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, elle est également fondée à demander l'annulation du jugement attaqué du 30 juin 2016 ainsi que des décisions des 8 février et 25 juin 2013 portant refus d'imputabilité au service de cet accident.
Sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge du CHU une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par MmeA....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2016 est annulé.
Article 2 : Les décisions des 8 février et 25 juin 2013, par lesquelles le CHU a refusé d'admettre l'imputabilité au service de la tentative de suicide commise par Mme A...le 14 mai 2012, sont annulées.
Article 3 : Le CHU versera à Mme A...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., épouseC..., et au centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.
Le rapporteur,
Manuel E...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°16BX03135