La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2018 | FRANCE | N°16BX02364

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2018, 16BX02364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010 et la décharge des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts au titre de ces mêmes années.

Par un jugement n° 1302542-1302543 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une

requête, enregistrée le 20 juillet 2016, M. B...C..., représenté par Me A... et MeD..., demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010 et la décharge des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1736 du code général des impôts au titre de ces mêmes années.

Par un jugement n° 1302542-1302543 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2016, M. B...C..., représenté par Me A... et MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 mai 2016 ;

2°) la décharge des impositions et amendes en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, en ce qui concerne sa résidence fiscale, que :

- il ne remplit aucun des critères prévus à l'article 4 B du code général des impôts permettant de le faire regarder comme étant fiscalement domicilié... ; il n'y exerce en effet aucune activité professionnelle ; il n'y a pas le centre de ses activités économiques et son foyer ne se situe pas en France ; au contraire, au cours des années d'imposition en litige, sa résidence habituelle se situait en République centrafricaine ainsi que l'établissent les pièces qu'il verse au dossier ; il a certes prolongé son séjour en France mais pour des raisons indépendantes de sa volonté ;

Il soutient, en ce qui concerne l'existence d'un établissement stable en France, que :

- si la cour estimait qu'il était résident fiscal, il conviendrait d'appliquer l'article 23 de la Convention fiscale du 13 décembre 1969 conclue entre la France et la République centrafricaine ;

Il soutient, en ce qui concerne l'amende, que :

- la proposition de rectification ne contenait aucune information sur le délai de trente jours dont il disposait pour formuler des observations au sujet de l'amende fiscale fondée sur l'article 1736 du code général des impôts ; il en découle une atteinte aux garanties procédurales prévues par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;

- n'ayant pas été indiqué, ce délai n'a pu courir et il en résulte que l'avis de mise en recouvrement a été irrégulièrement émis ;

- la décharge de l'amende doit aussi être prononcée du fait qu'il n'était pas résident fiscal français au titre des années en litige et n'avait donc pas à déclarer ses revenus perçus au cours de cette période.

Par un mémoire en défense, présenté le 7 décembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- dans la proposition de rectification, le vérificateur a reproduit les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 1649 A du code général des impôts et de l'article 1736-IV du même code ; les amendes étaient visées au tableau contenu dans la proposition de rectification ; le délai de trente jours dont dispose le contribuable pour adresser des observations était clairement précisé en page de garde de la proposition de rectification ;

- le requérant a soutenu être résident fiscal au Gabon dès lors qu'il y avait un domicile permanent et que son employeur avait payé dans cet Etat un impôt sur le revenu pour son compte en 2009 et 2010 ; il n'a cependant présenté aucun document justifiant ses allégations, sauf une carte de séjour délivrée par la République du Gabon mentionnant une adresse de boîte postale à Libreville, valable d'avril 2007 à mai 2009 ;

- au contraire, le vérificateur a constaté que le requérant disposait d'un foyer permanent d'habitation en France, pays où se situait ses liens personnels les plus étroits ; cette existence a été caractérisée par plusieurs éléments concordants à savoir la résidence en France de sa fille, le fait qu'il soit propriétaire de plusieurs biens immobiliers, qu'il a toujours déposé ses déclarations de revenus au centre des finances publiques de Niort et qu'il était redevable d'une taxe d'habitation comme résidence principale à Prin-Deyrançon, résidence qui constituait bien la résidence personnelle et permanente d'habitation de l'intéressé ;

- tant au regard de l'article 4 A du code général des impôts que du 1 de l'article 23 de la Convention signée entre la France et la République centrafricaine, le requérant est passible de l'impôt sur le revenu en France au titre de l'ensemble de ses revenus, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'ils relèvent d'une activité exercée en France ;

- le fait que le requérant ait bénéficié d'un bureau et d'une secrétaire mis à sa disposition par la société " Sucaf RCA " pour la durée de la mission ne répond pas à la condition de permanence d'une base stable en République centrafricaine.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale entre le gouvernement de la République et le gouvernement de la République centrafricaine signée le 13 décembre 1969 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 à l'issue de laquelle l'administration a estimé qu'il avait perçu des revenus d'une mission d'assistance de direction exercée sur un site agro-industriel en République centrafricaine. Ces revenus n'ayant pas été déclarés, l'administration a procédé à leur évaluation d'office et il en est résulté pour M. C...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui ont été assorties de l'amende prévue par le IV de l'article 1736 du code général des impôts. M. C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers la décharge de ces suppléments d'impôts et de la pénalité qui lui a été appliquée. Il relève appel du jugement rendu le 19 mai 2016 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur la domiciliation fiscale :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

En ce qui concerne la domiciliation fiscale de M.C... au regard du droit interne :

3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...) ". Les conditions posées au a, b et c du 1 précité de l'article 4 B du code général des impôts sont alternatives et permettent chacune de déterminer la domiciliation fiscale en France.

4. Pour l'application des dispositions du a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer d'un contribuable célibataire, sans charge de famille, s'entend du lieu où il habite normalement et a le centre de sa vie personnelle, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal de ce contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où il ne dispose pas de foyer en France.

5. Il résulte de l'instruction que M.C..., célibataire et sans charge de famille, est propriétaire d'un logement situé à Prin-Deyrançon (département des Deux-Sèvres) pour lequel il a acquitté une taxe d'habitation en 2009 et 2010. Il n'est pas contesté que M. C...se rendait régulièrement dans ce logement lors de ses séjours en France au cours des années d'imposition en litige. De plus, M. C...a souscrit à cette adresse ses déclarations de revenus au centre des finances publiques de Niort et non au centre des impôts des non résidents et s'est, au demeurant, présenté lui-même comme résident à Prin-Deyrançon au sens de la législation fiscale dans un acte de vente d'un bien immobilier datant de novembre 2008. La lettre de mission du 2 juin 2009 que lui a adressée son employeur porte, elle aussi, l'adresse du domicile de M. C... à Prin-Deyrançon, laquelle apparaît également sur les comptes bancaires dont ce dernier est titulaire en France. C'est également en France que M. C...perçoit ses pensions de retraite. A l'inverse, M. C...ne produit aucun élément établissant de manière probante que son foyer était situé, en réalité, hors de France au cours des années d'imposition en litige.

6. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que M. C... avait en France son foyer et son domicile fiscal au sens des dispositions précitées du a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts. Et, par suite, la circonstance qu'en 2009, M. C...a séjourné en France moins de cent quatre vingt-trois jours par an, en raison de ses activités professionnelles en République centrafricaine, est sans incidence sur sa domiciliation fiscale française.

7. Enfin, M. C...ne peut utilement soutenir, à l'appui de sa demande de décharge, que ses revenus ne sont pas de source française au sens des dispositions de l'article L. 164 B du code général des impôts dès lors que ces dernières ne s'appliquent qu'aux personnes dont le domicile fiscal est situé hors de France.

En ce qui concerne la domiciliation fiscale de M. C...au regard du droit international :

8. Aux termes de l'article 2 de la convention entre la République française et la République centrafricaine du 13 décembre 1969 : " 1. Une personne physique est domiciliée, en France(en France ".

9. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le " foyer permanent d'habitation " de M. C..., au sens des stipulations précitées, doit être regardé comme situé en France au cours des années d'imposition en litige.

10. M. C...invoque, à titre subsidiaire, le 1 de l'article 23 de la convention en vertu duquel les revenus qu'une personne domiciliée.en France

11. Si M. C...a certes été, au cours des années d'imposition en litige, logé en Centrafrique par son employeur pour y exercer sa mission de direction d'une exploitation agricole, il ne produit aucun élément de nature à établir qu'il avait disposé en Centrafrique, pour cette activité, d'installations présentant un caractère de permanence, d'agents ou de commis à demeure. Il résulte à l'inverse de l'instruction que M. C...administrait son activité depuis la France où il recevait son courrier professionnel. Dans ces conditions, M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'il disposait en Centrafrique d'une base fixe d'affaires au sens des stipulations du 1 de l'article 23 de la convention entre la République française et la République centrafricaine.

Sur l'amende :

12. Aux termes de l'article 1736 du code général des impôts : " (...) IV. - Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 euros par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 euros par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. ". Aux termes de l'article 1649 A du même code : " (...) Les personnes physiques (...) domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (...). Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ". En application de ces dispositions, l'administration a appliqué à M. C...une amende d'un montant total de 6 000 euros, en ce qui concerne les années 2009 et 2010 en litige, pour absence de déclaration de comptes bancaires détenus au Gabon et à Monaco.

13. Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".

14. Il résulte de ces dispositions que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement des pénalités visées par le second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui appliquer et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations.

15. La proposition de rectification du 1er octobre 2012 comporte la mention selon laquelle " les rectifications proposées pourront entraîner l'application des majorations prévues par le code général des impôts " en renvoyant aux dispositions de ce code reproduites dans sa dernière page, parmi lesquelles ne figurent pas celles de l'article 1736 dont il a été fait application à M.C.en France Toutefois, la proposition de rectification informait M.C..., notamment à l'aide d'un tableau, qu'il était redevable d'une amende au motif qu'il avait omis de déclarer deux comptes bancaires qu'il possédait au Gabon et à Monaco, en application de l'article 1736 du code général des impôts dont les dispositions pertinentes étaient citées. Et dès lors que la première page de la proposition de rectification mentionnait que M. C...disposait d'un délai de trente jours pour présenter ses observations, les majorations doivent être regardées comme ayant été régulièrement appliquées au regard des exigences de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

16. Enfin, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que la domiciliation fiscale de M. C...était en France pour les années d'imposition en litige. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a fait application de l'amende prévue par l'article 1736 précité du code général des impôts au motif que M. C...s'était abstenu de déclarer à l'administration fiscale ses comptes bancaires à l'étranger.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 16BX02364 de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'action et des comptes. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02364


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02364
Date de la décision : 18/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL BANETTE GIROUDIERE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-18;16bx02364 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award