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17/12/2018 | FRANCE | N°18BX02232,18BX02269

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2018, 18BX02232,18BX02269


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Le syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 7 octobre 2013 par laquelle la directrice de l'agence régionale de santé Océan Indien (ARS-OI) a autorisé la SELARL Pharmacie Ylang Ylang à transférer son officine de pharmacie du 38 rue des Bons enfants au 149 bis avenue François Mitterrand à Saint-Pierre, ainsi que la décision du ministre des affaires sociales et de la santé rejetant implicitement le recours hiérarch

ique formé contre cette décision.

Par un jugement n°1400311 du 25 mars 2016,...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Le syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 7 octobre 2013 par laquelle la directrice de l'agence régionale de santé Océan Indien (ARS-OI) a autorisé la SELARL Pharmacie Ylang Ylang à transférer son officine de pharmacie du 38 rue des Bons enfants au 149 bis avenue François Mitterrand à Saint-Pierre, ainsi que la décision du ministre des affaires sociales et de la santé rejetant implicitement le recours hiérarchique formé contre cette décision.

Par un jugement n°1400311 du 25 mars 2016, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 7 octobre 2013 et le rejet implicite du recours hiérarchique.

Par un arrêt n° 16BX02123, 16BX02124 du 20 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang tendant à l'annulation et au sursis à exécution de ce jugement.

Par une décision n°409127 du 30 mai 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour et a renvoyé cette affaire devant la cour.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 juin 2016, 20 octobre 2016 et 23 juillet 2018 sous le n°18BX02232, la SELARL Pharmacie Ylang Ylang, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1400311 du 25 mars 2016 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) de rejeter la demande du syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le dossier de demande de transfert d'officine déposé par M. F...doit être regardé comme complet, dès lors que les deux associés de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang étaient titulaires d'un diplôme national de pharmacien et régulièrement inscrits au Tableau E de l'ordre à la date du dépôt du dossier, soit le 23 juillet 2013 ;

- la légalité de l'acte en litige n'est pas affectée par l'emploi dans ses mentions des termes " décision ", " arrêté " ou " licence ", ceux-ci étant identiques ;

- l'extrait KBIS de la SELARL précise bien son nom commercial, Pharmacie Ylang Ylang et son siège social, 149 bis avenue du Président Mitterrand à Terre Sainte, Saint Pierre, de sorte qu'il n'existe aucune ambiguïté sur ce point ; ce document n'a pas été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative ;

- la validité du récépissé du 29 juillet 2013 ne peut être contestée, dès lors que ce récépissé n'est pas un acte administratif susceptible de recours contentieux et que le Conseil d'Etat, dans sa décision du 30 mai 2018, a estimé le dossier complet ;

- conformément aux dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 21 mars 2000, la demande de transfert d'officine ne nécessitait aucune autorisation au titre de la législation sur l'urbanisme, ni aucune attestation en ce sens du service d'urbanisme de la commune de Saint-Pierre ;

- le visa n°8 de la décision contestée mentionnant la " Pharmacie des Alizés " ne saurait entacher la décision du 7 octobre 2013 d'illégalité, dés lors que la légalité d'un acte administratif ne s'apprécie pas au regard de ses visas, mais de ses motifs ;

- la légalité du dossier de demande de transfert s'apprécie à la date à laquelle il a été déposé, le 29 juillet 2013, et à cette date, M. F...et la SELARL Pharmacie Ylang Ylang étaient inscrits au tableau de l'ordre ; la radiation n'est intervenue que postérieurement à ce dépôt, et la légalité de la décision du 7 octobre 2013 ne peut donc être affectée par une décision postérieure à la date de dépôt du dossier ;

- l'ARS-OI a pu valablement considérer, en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 4 mars 1970 que le dossier déposé le 29 juillet 2013 était complet et recevable ;

- M. F...et la SELARL Pharmacie Ylang Ylang ont été radiés du Tableau E de l'ordre du 10 septembre 2013 au 20 novembre 2013, mais cette radiation se trouve sans effet sur la décision de transfert du 7 octobre 2013 dès lors qu'elle accorde au bénéficiaire un délai d'un an pour ouvrir son officine à compter de la notification de la décision ;

- la décision contestée est conforme aux dispositions des articles L. 5125-14 et L. 5125-10 du code de la santé publique ; la décision de transfert ne doit pas tenir compte de la population par quartier mais de la population totale de la commune, laquelle en l'espèce, a augmenté de plus de 37,85% avec un nombre d'officines resté identique ;

- s'agissant d'une demande de transfert d'officine présentée par une société d'exercice libéral, la production des pièces visées au b) du 1° du II de l'article 1er de l'arrêté du 21 mars 2000 n'était pas requise ;

- en tout état de cause, la directrice générale de l'ARS-OI précise dans son mémoire du 12 décembre 2014, que le dossier de demande de transfert a été déclaré complet lorsque les demandes d'avis ont été présentées aux instances concernées et que la situation de Mme E...D..., pharmacienne et titulaire d'officine par ses activités répond parfaitement aux exigences de la loi du 31 décembre 1990 ;

- exiger que la SELARL Pharmacie Ylang Ylang soit inscrite au tableau de l'ordre pour pouvoir présenter une nouvelle demande de transfert revient à la priver de l'obtention de toute nouvelle licence ; en effet, d'une part l'ordre a compétence liée pour radier du tableau de l'ordre une pharmacie dont la licence a été annulée par le juge administratif et d'autre part aux termes de l'article L. 4222-1 du code de la santé publique, seuls les pharmaciens qui tiennent une officine ouverte sont inscrits au tableau de l'ordre ;

- le dossier de demande de transfert peut être considéré comme complet au regard de l'article 2-2 de la circulaire DH OS/SDO/05 n°2004-440 du 13 septembre 2004 relative aux officines de pharmacie et de la jurisprudence du Conseil d'Etat Melle C...du 04 mars 1970, en vertu desquelles le pharmacien qui n'a cessé d'exercer sa profession à l'emplacement de son ancienne officine qu'en raison de l'autorisation irrégulièrement délivrée par l'autorité administrative conserve le droit d'obtenir le transfert de son ancienne officine, même si toute activité a cessé dans le local précédent et même s'il est radié du tableau en raison précisément de la décision du juge administratif ;

- aucun texte règlementaire n'édicte que la renonciation au droit au bail du local précédent rend la licence caduque ; c'est bien parce que toute activité a cessé dans cet ancien local que la SELARL conserve le droit d'obtenir le transfert de son ancienne officine.

Par des mémoires enregistrés les 30 septembre, 28 octobre 2016, et 20 septembre 2018, présentés par le SCP Delaporte Briard, le syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang ;

2°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une infirmation des motifs du jugement du tribunal administratif de la Réunion du 25 mars 2016, d'annuler au vu des autres motifs invoqués par le syndicat, la décision du 7 octobre 2013, par laquelle la directrice générale de l'Agence régionale de santé-Océan indien a attribué à l'officine SELARL Pharmacie Ylang Ylang une licence de transfert ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- en vertu des dispositions combinées de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique, de l'article 2 de l'arrêté du 21 mars 2000 et des articles 5 et 6 de la loi du 31 décembre 1990, l'autorisation de transfert ne pouvait être valablement délivrée à la SELARL Pharmacie Ylang Ylang et à M. F...dès lors qu'ils étaient à la date de cette décision du 7 octobre 2013 radiés du tableau de l'ordre des pharmaciens ;

- si l'appelante soutient qu'en vertu de la circulaire DH OS/SDO/05 n°2004-440 du 13 septembre 2004 et de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 4 mars 1970, MlleC..., le pharmacien qui n'a cessé d'exercer sa profession à l'emplacement de son ancienne officine qu'en raison de l'autorisation irrégulièrement délivrée par l'autorité administrative conserve le droit d'obtenir son transfert de son ancienne officine, même si toute activité a cessé dans le local précédent et même s'il est radié du tableau en raison précisément de la décision du juge administratif, d'une part il ne ressort pas de la décision contestée que celle-ci ait été prise au regard de la circulaire susmentionnée et d'autre part la jurisprudence visée ne peut s'appliquer au cas d'espèce, puisque la SELARL Pharmacie Ylang Ylang avait définitivement renoncé au droit au bail sur son ancien emplacement ; elle aurait du déclarer le changement de siège de son officine dans les quinze jours suivant sa radiation du tableau de l'ordre ;

- à la date de la demande de transfert, le 5 juillet 2013, la licence délivrée en 1948 pour l'ouverture d'une officine de pharmacie au 38 rue des Bons enfants était caduque, dès lors qu'en février 2009, M. F...et la SELARL Pharmacie Ylang Ylang ont renoncé à leurs droits au bail sur le local situé à cette adresse, ce qui a eu pour effet de les priver de la libre disposition des locaux destinés à l'implantation de l'officine au sens de l'article R. 4222-3 du code de la santé publique ;

- les omissions, inexactitudes et insuffisances du dossier de demande sont bien de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative ;

- la demande est présentée par M. F...au nom de la SELARL " Pharmacie des Alizés ", dont le siège est au 38 rue des Bons enfants à Saint-Pierre, alors que l'extrait K'bis produit concerne une SELARL dénommée " pharmacie Ylang Ylang " dont le siège est au 149 bis avenue François Mitterrand, à Terre Sainte, sur la commune de Saint-Pierre ;

- le dossier de demande ne comporte pas le bail du 1er juin 2007 justifiant des droits du demandeur sur le local de transfert, en méconnaissance des dispositions du 5° de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique ;

- la demande de transfert du 23 juillet 2013 est irrecevable dès lors qu'à cette date, l'autorisation de transfert de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang pour le 149 bis avenue François Mitterrand avait déjà été annulée par la Cour ;

- la décision du 7 octobre 2013 est illégale, dès lors que l'article L. 5125-7 du code de la santé publique alors applicable prévoit que le transfert d'officine de pharmacie requiert la signature d'un arrêté, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- le dossier de demande de transfert du 29 juillet 2013, visé par la décision contestée, ne saurait être assimilé à une demande confirmative et considéré comme présenté à la date du 8 août 2007, date de la demande initiale, dans la mesure où le premier dossier présenté en 2007 a été considéré comme incomplet par la cour administrative d'appel dans son arrêt du 9 juin 2015 et que cette demande n'avait alors pas abouti à un rejet ; ainsi le dossier de demande de transfert devait être conforme aux dispositions en vigueur au 29 juillet 2013 ;

- l'administration a accordé une autorisation de transfert sur la base d'un extrait de KBIS erroné, qui mentionne à tort, le 38 rue des Bons Enfants comme adresse principale de l'établissement ;

- le dossier déposé par M. F...contient une attestation sur l'honneur sans production du document d'urbanisme requis par l'article 1er de l'arrêté du 21 mars 2000 ; eu égard à la décision du Conseil d'Etat n°372594 du 23 décembre 2014, il ne peut être regardé comme complet ;

- l'ARS-OI ne pouvait valablement mentionner dans le visa n° 8 de sa décision la " Pharmacie des Alizées " alors que cette dénomination a été abandonnée en 2008 et qu'elle n'a pas été utilisée dans le dossier de demande de transfert de 2013 ; l'annulation de la licence de transfert n'a créé aucun droit pour la SELARL Pharmacie Ylang Ylang ;

- contrairement à ce qu'affirme la SELARL Pharmacie Ylang Ylang, la régularisation de sa situation après l'annulation de sa première licence de transfert n'était pas rendue nécessaire au regard des besoins de la population, dés lors que l'ARS reconnait dans ses écritures un déficit de 20% de la population dans le quartier de Terre Sainte ;

- la radiation de M. F...et de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang ne relève pas d'une procédure indépendante ; M. F...aurait du déclarer le changement du siège de son établissement au conseil de l'ordre en vertu des dispositions des articles L. 4222-2 du code de la santé publique ;

- les réinscriptions au tableau de l'ordre de novembre 2013 sont illégales dés lors que le transfert d'officine n'entre pas dans les cas justifiant une inscription au tableau de l'ordre tels que prévus par l'article R. 4555-3 du code de la santé publique ; préalablement au dépôt d'une nouvelle demande de transfert, M. F...et la SELARL Pharmacie Ylang Ylang auraient du procéder à leur inscription au tableau au titre de leur licence d'octobre 1948 fixant l'officine au 38 rue des Bons Enfants ;

- contrairement à ce qu'affirme la SELARL Pharmacie Ylang Ylang, les dispositions du L. 5125-7 du code de la santé publique ne s'appliquent pas à sa situation, dés lors que ces dispositions visent la cessation d'activité d'une officine et non la cessation d'exploitation d'une licence ;

- l'ordre aurait du refuser d'inscrire au tableau M. F...et la SELARL Pharmacie Ylang Ylang en novembre 2013, puisque dans le cadre d'un transfert de licence, les adresses d'exercice sont modifiées mais non créées comme c'est le cas lors d'une création d'officine ;

- l'ARS-OI a instruit la demande de transfert d'une officine inexistante ;

- les inscriptions au tableau de l'ordre revendiquées le 29 juillet 2013 n'étaient pas régulières car elles étaient justifiées au titre de l'exploitation d'une licence annulée ; le dossier n'était donc pas complet ;

- l'ARS a commis une erreur de droit et de fait en autorisant le transfert de licence de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang au regard des besoins de la population sur la base de chiffres contestables ;

- les documents devant accompagner une demande de transfert d'officine sont les mêmes que ceux mentionnés au II de l'article 1er de l'arrêté du 21 mars 2000 quand bien même cet article 1er concernerait les demandes de création d'officine ;

- si la SELARL Pharmacie Ylang Ylang fait valoir que l'ARS-OI affirme dans son mémoire du 12 décembre 2014 avoir vérifié la situation de Mme E...D...associée au sein de la SELARL, la règlementation et notamment l'article 1er de l'arrêté du 21 mars 2000 impose au pharmacien intéressé d'apporter lui même la démonstration de son exercice professionnel.

Par une ordonnance du 21 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 octobre 2018.

Un mémoire enregistré le 19 octobre 2018 a été présenté pour la SELARL Pharmacie Ylang Ylang mais n'a pas été communiqué.

II. Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 juin 2016, 20 octobre2016 et 23 juillet 2018 sous le n°18BX02269, la SELARL Pharmacie Ylang Ylang, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 25 mars 2016 ;

2°) de mettre à la charge du syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 1 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- les moyens qu'elle invoque à l'appui du recours au fond sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation et la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ;

- l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables dès lors qu'elle délivrait des médicaments dans le secteur de Terre-Sainte dans lequel le transfert répondait de manière optimale aux besoins de la population et dans lequel se trouvent désormais seulement deux officines alors qu'il en existait contre cinq dans le secteur dans lequel était située l'ancienne officine pharmaceutique.

Par des mémoires enregistrés les 30 septembre, 28 octobre 2016 et 20 septembre 2018, présentés par le SCP Delaporte Briard, le syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens que la SELARL Pharmacie Ylang Ylang invoque à l'appui de son recours au fond ne sont pas de nature à justifier l'annulation du jugement entrepris et elle ne démontre pas que ces moyens seraient de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement, alors qu'il s'agit de deux conditions cumulatives ;

- elle invoque à tort l'article R. 811-17 du code de justice administrative alors que cet article ne peut être invoqué que dans les autres cas que ceux visés par les articles R. 811-15 et R. 811-16 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 21 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 octobre 2018.

Un mémoire a été présenté le 19 octobre 2018 par la SELARL Pharmacie Ylang Ylang, mais n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à 1'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé;

- l'arrêté ministériel modifié du 21 mars 2000 fixant la liste des pièces justificatives devant être jointes à une demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de MeG..., représentant le syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 octobre 1948, le préfet de La Réunion a autorisé l'ouverture d'une officine de pharmacie au 38 rue des Bons enfants à Saint-Pierre en lui attribuant une licence sous le n° 2. Par un arrêté du 4 décembre 2007 le préfet a autorisé le transfert de cette officine pharmaceutique au 149 avenue François Mitterrand à Saint-Pierre. Par un arrêt du 28 juin 2013, la cour a annulé cet arrêté du 4 décembre 2007 et le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis du 17 novembre 2011 rejetant la demande du syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion tendant à l'annulation de cette décision. Sur renvoi après cassation par le Conseil d'Etat de l'arrêt du 28 juin 2013, la cour a, par un arrêt n° 15BX00005 du 9 juin 2015, annulé l'arrêté du 4 décembre 2007 et le pourvoi dirigé contre cet arrêt a été rejeté par le Conseil d'Etat. Par une décision du 7 octobre 2013, la directrice générale de l'agence régionale de santé Océan indien a fait droit à une nouvelle demande de transfert d'officine pharmaceutique présentée le 5 juillet 2013 par M. F...agissant au nom de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang aux fins d'obtenir un transfert d'officine vers le 149 bis avenue François Mitterrand. Par un jugement du 25 mars 2016, confirmé par un arrêt de la cour du 20 décembre 2016, le tribunal administratif de La Réunion a fait droit à la demande du syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion et a annulé l'autorisation de transfert du 7 octobre 2013. Par une décision du 30 mai 2018, statuant sur le pourvoi de M. A...F...et de la SELARL Pharmacie Ylang-Ylang, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 20 décembre 2016 et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n°18BX02232 et n°18BX02269 tendent à l'annulation et au sursis à exécution d'un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la requête au fond n°18BX02232 :

Sur la légalité de la décision du 7 octobre 2013 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique : " L'autorisation de création ou de transfert d'une officine de pharmacie (...) est demandée au directeur général de l'agence régionale de santé où l'exploitation est envisagée par la personne responsable du projet, ou son représentant s'il s'agit d'une personne morale. (... ) I La demande est accompagnée d'un dossier comportant : / 1°L'identité, la qualification et les conditions d'exercice professionnel des pharmaciens auteurs du projet: / 2° Le cas échéant. les statuts de la personne morale pour laquelle la demande est formée : (...) / La liste des pièces justificatives correspondantes est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. / Lorsque le dossier est complet, le directeur général de 1'agence régionale de santé procède à l'enregistrement de la demande. Il délivre au demandeur un récépissé mentionnant la date et l'heure de cet enregistrement ".

4. En vertu de l'arrêté du 21 mars 2000 fixant la liste des pièces justificatives devant être jointes à une demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie, pour toute demande de création ou de transfert d'officine de pharmacie, le dossier mentionné à l'article R. 5125-1 précité du code de la santé publique doit notamment comporter, " lorsqu'il est envisagé d'exploiter l'officine sous forme de société d'exercice libéral, tout élément permettant de vérifier que les associés, qu'ils exercent ou non au sein de l'officine, remplissent les conditions prévues par les articles 5 et 6 de la loi du 31 décembre 1990 susvisée(...)". L'article 5 de la loi susvisée du 31 décembre 1990 impose, sous réserve des dérogations prévues à l'article 6 de cette même loi, que plus de la moitié du capital social et des droits de vote soit détenue, directement ou par l'intermédiaire de sociétés remplissant certaines conditions, par des professionnels en exercice au sein de la société et fixe les conditions que doivent remplir les personnes détenant le complément.

5. S'il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de création ou de transfert d'officine de pharmacie, présentée au titre des dispositions mentionnées ci-dessus, de s'assurer du caractère complet du dossier présenté à l'appui de cette demande, la circonstance que ce dossier ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de la santé publique pour l'examen de cette demande, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation que l'autorité administrative devait porter sur la conformité du projet à la réglementation applicable, y compris sur l'application du droit d'antériorité, par rapport aux demandes ultérieures concurrentes, prévu par l'article L. 5125-5 du code de la santé publique.

6. Pour annuler la décision du 7 octobre 2013, le tribunal administratif de La Réunion s'est fondé sur le motif tiré de ce que le dossier de demande de transfert présenté par M. F... au nom de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang, au sein de laquelle M. F...et Mme D...se trouvent associés, ne contenait aucune pièce de nature à justifier de la qualité de pharmacienne en exercice de Mme D...ou de l'une des qualités prévues par les articles 5 et 6 de la loi du 31 décembre 1990. Toutefois il ressort des pièces du dossier et notamment du mémoire du 12 décembre 2014 produit par l'ARS, devant le tribunal administratif que l'ARS avait obtenu auprès de l'ordre des pharmaciens des informations indiquant que Mme D...avait bien la qualité de pharmacienne. C'est donc à tort que le tribunal administratif s'est fondé au point 8 de son jugement sur la circonstance selon laquelle l'ARS n'avait pu estimer que le dossier de demande de transfert de l'officine était complet.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 5125-4 du code de la santé publique : " Toute création d'une nouvelle officine, tout transfert d'une officine d'un lieu dans un autre et tout regroupement d'officines sont subordonnés à l'octroi d'une licence (...) ". En vertu de l'article R 5125-1 du même code : " L'autorisation de création ou de transfert d'une officine de pharmacie (...) est demandée au directeur général de l'agence régionale de santé où l'exploitation est envisagée ...La demande est accompagnée d'un dossier comportant : (...) 3° La localisation de l'officine projetée et, le cas échéant, de l'officine ou des officines dont le transfert ou le regroupement est envisagé (...) ". Selon l'article R4222-3 de ce code : " La demande (d'inscription au tableau) est accompagnée : 1° Lorsqu'elle est présentée en vue d'exercer en qualité de titulaire d'officine : a) De la copie de la licence prévue à l'article L. 5125-4 (...) ". En vertu du décret du 28 août 1992 relatif à l'exercice en commun de la profession de pharmacien d'officine sous forme de société d'exercice libéral, dont les dispositions ont été insérées aux articles R. 5125-14 à R. 5125-24 du code de la santé publique, la société d'exercice libéral de pharmaciens d'officine, qui a pour objet social l'exercice en commun de la profession de pharmacien d'officine, ne peut exploiter plus d'une officine et est constituée sous la condition suspensive de son inscription au tableau de l'ordre, cette inscription ne dispensant pas toutefois les pharmaciens exerçant dans la société de leur inscription personnelle au tableau. Il s'évince de la combinaison des dispositions précitées que la présentation d'une demande de transfert d'une officine pharmaceutique est subordonnée à la justification d'une licence préexistante et d'une inscription à l'ordre du ou des pharmaciens exerçant dans le cadre d'une société et de la société elle-même.

8. Par l'arrêt n°15BX00005 du 9 juin 2015 devenu définitif, la cour, a annulé l'arrêté du 4 décembre 2007 par lequel le préfet de La Réunion a autorisé le transfert de l'officine de pharmacie du 38 rue des Bons enfants à Saint-Pierre au 149 avenue François Mitterrand à Saint-Pierre alors que par ailleurs, le Conseil de l'ordre des pharmaciens avait radié de l'ordre le 10 septembre 2013, M. A...F...et la SELARL Pharmacie Ylang Ylang, Toutefois, la SELARL Pharmacie Ylang Ylang n'a cessé l'exercice de sa profession à l'emplacement de son ancienne officine 38 rue des Bons enfants, ayant renoncé en février 2009 au bail détenu à cet emplacement, qu'en raison de l'autorisation de transfert du 4 décembre 2007 irrégulièrement délivrée par le préfet, au 149 avenue François Mitterrand à Saint-Pierre, emplacement sur lequel la SELARL a procédé à une exploitation effective de l'officine de pharmacie. Par suite, la SELARL n'avait perdu les droits qu'elle tenait de sa première licence d'exploitation que du fait de l'autorisation de transfert du 4 décembre 2007, finalement annulée et dès lors, elle conservait le droit d'obtenir le transfert de son ancienne officine alors même qu'à la date de la nouvelle décision du 7 octobre 2013, elle avait cessé toute activité à l'emplacement de cette ancienne officine. Dans ces conditions, et même si, par voie de conséquence de la renonciation à l'exploitation de la licence d'origine et de l'annulation de l'autorisation de transfert, le Conseil de l'ordre des pharmaciens avait radié de l'ordre le 10 septembre 2013, M. A...F...et la SELARL Pharmacie Ylang Ylang, pour ne les réinscrire au tableau que le 19 novembre 2013 à la suite de la nouvelle décision de transfert du 7 octobre 2013, cette radiation contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif dans son second motif d'annulation de la décision de transfert du 7 octobre 2013, s'est trouvée sans effet sur la légalité de ladite décision de transfert du 7 octobre 2013.

9. Dans ces circonstances, l'annulation de l'autorisation de transfert du 4 décembre 2007 ne faisait pas obstacle à ce qu'une nouvelle autorisation de transfert soit accordée dans des conditions régulières en conformité avec les prescriptions législatives et réglementaires en vigueur à la date à laquelle cette nouvelle décision devait intervenir et compte tenu de la situation de fait constatée à cette date.

10. Il résulte de ce qui précède que M. F...et la SELARL Pharmacie Ylang Ylang pouvaient valablement présenter un dossier de demande de transfert et être éligibles à l'autorisation du 7 octobre 2013. Par suite, la SELARL Pharmacie Ylang Ylang est également fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu, comme second motif d'annulation, le moyen tiré de l'illégalité de la décision du 7 octobre 2013 en raison la radiation de M. F...et de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang du tableau de l'ordre des pharmaciens.

11. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion tant en première instance qu'en appel.

12. En premier lieu, ainsi qu'il est indiqué au point 6 du présent arrêt, la circonstance que l'autorisation de transfert du 7 octobre 2013 ait été accordée sans justification par la SELARL Pharmacie Ylang Ylang d'une licence préexistante et de l'inscription au tableau de l'ordre des pharmaciens de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang et de M.F..., se trouve sans incidence sur la légalité de l'autorisation de transfert du 7 octobre 2013.

13. Le syndicat soutient en deuxième lieu, que la demande du 5 juillet 2013 a été présentée par M. F...au nom de la SELARL " Pharmacie des Alizés", dont le siège est au 38 rue des Bons enfants à Saint-Pierre, alors que l'extrait K'bis produit concerne une SELARL dénommée " pharmacie Ylang Ylang " dont le siège est au 149 bis avenue François Mitterrand, à Terre Sainte, sur la commune de Saint-Pierre. La décision du 7 octobre 2013 autorise le transfert à M. F...associé de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang. La circonstance que la demande de transfert mentionne outre le nom de la SELARL Pharmacie Ylang Ylang, le nom de la pharmacie des Alizés, qui est l'ancien nom de la pharmacie, se trouve sans incidence sur la validité la demande laquelle indique expressément solliciter le transfert de la Pharmacie Ylang Ylang du 38 de la rue des Bons enfants à Saint-Pierre, au 149 bis avenue François Mitterrand de la même commune.

14. Si en troisième lieu, le syndicat fait valoir que l'extrait K'bis du 6 mai 2013 indique qu'il se rapporte à la SELARL Pharmacie Ylang Ylang dont le siège est au 149 bis avenue François Mitterrand, cet emplacement est celui qui avait été autorisé par l'arrêté du 4 décembre 2007, ce qui avait permis d'exercer l'activité à cette adresse, avant d'être finalement invalidé par l'arrêt de la cour du 28 juin 2013, puis confirmé après cassation par le Conseil d'Etat, par un arrêt de la cour du 9 juin 2015. Dans ces conditions, à la date du 6 mai 2013 à laquelle il a été établi, l'extrait K bis pouvait mentionner le 149 bis avenue François Mitterrand comme lieu d'exploitation.

15. En quatrième lieu, le syndicat soutient que le dossier de demande ne comportait pas le bail du 1er juin 2007 justifiant des droits du demandeur sur le local de transfert, en méconnaissance des dispositions du 4° de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique, selon lequel : " L'autorisation de création ou de transfert d'une officine de pharmacie (...) est demandée au directeur général de l'agence régionale de santé où l'exploitation est envisagée par la personne responsable du projet, ou son représentant s'il s'agit d'une personne morale. (... ) I La demande est accompagnée d'un dossier comportant : / 1°L'identité, la qualification et les conditions d'exercice professionnel des pharmaciens auteurs du projet: / 2° Le cas échéant les statuts de la personne morale pour laquelle la demande est formée de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique 3° La localisation de l'officine projetée et, le cas échéant, de l'officine ou des officines dont le transfert ou le regroupement est envisagé 4° Les éléments de nature à justifier les droits du demandeur sur le local proposé 5° Les éléments permettant de vérifier le respect des conditions minimales d'installation prévues à la sous-section 2 de la présente section. La liste des pièces justificatives correspondantes est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. / Lorsque le dossier est complet, le directeur général de 1'agence régionale de santé procède à l'enregistrement de la demande. Il délivre au demandeur un récépissé mentionnant la date et l'heure de cet enregistrement ". Toutefois en produisant un avenant n° 2 du 16 juillet 2013, au bail d'origine du 1er juin 2007 passé avec le propriétaire du local situé au 149 bis avenue François Mitterrand ainsi qu'un premier avenant du 27 juin 2007 au bail du 1er juin 2007, les demandeurs justifient suffisamment au sens des dispositions précitées, de leurs droits à occuper les lieux.

16. Dans ces conditions, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que l'ARS aurait concernant au sens des dispositions précitées, " les éléments de nature à justifier les droits du demandeur sur le local proposé ", pris sa décision au vu d'un dossier incomplet.

17. En cinquième lieu, le moyen selon lequel la décision du 7 octobre 2013 est illégale, dès lors que l'article L. 5125-7 du code de la santé publique alors applicable prévoit que le transfert d'officine de pharmacie doit intervenir sous forme d'un arrêté, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dès lors que le transfert est autorisé simplement par une décision, doit être écarté dès lors que la forme que revêt une décision se trouve sans incidence sur sa légalité, seul important son contenu.

18. En sixième lieu, en vertu de l'article 1er de l'arrêté du 21 mars 2000 fixant la liste des pièces justificatives devant être jointes à une demande de création, de transfert ou de regroupement d'officines de pharmacie, le dossier doit comporter l'un des documents suivants : " a) Soit le permis de construire, lorsque celui-ci est exigé en application de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme pour la réalisation ou l'aménagement des locaux ; dans le cas où ce permis a été obtenu tacitement, doit être fournie l'attestation certifiant qu'aucune décision négative n'est intervenue à l'égard de la demande de permis de construire ou indiquant les prescriptions inscrites dans la décision accordant le permis de construire délivrée dans les conditions prévues à l'article R. 421-31 du code de l'urbanisme ; / b) Soit, dans le cas de travaux soumis à la déclaration prévue à l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme, la justification du dépôt de cette déclaration de travaux accompagnée d'une attestation sur l'honneur qu'aucune décision d'opposition n'a été notifiée au déclarant dans le délai réglementaire, ou la décision de l'autorité compétente d'imposer des prescriptions prévue à l'article R. 422-9 de ce code ; / c) Soit une attestation sur l'honneur du demandeur selon laquelle sa demande n'implique ni une demande de permis de construire ni une déclaration de travaux au titre de code de l'urbanisme "

19. Le syndicat soutient que le dossier de demande de transfert déposé par M. F...le 5 juillet 2013 est incomplet dès lors qu'il contient une attestation sur l'honneur, sans production du document des services de l'urbanisme requis par l'article 1er précité de l'arrêté du 21 mars 2000. Toutefois, l'attestation sur l'honneur du 12 juillet 2013 de M.F..., selon laquelle " les locaux de la pharmacie Ylang Ylang, 149 bis avenue François Mitterrand, ne nécessitent ni permis de construire ni déclaration de travaux (un permis de construire ayant déjà été délivré le 28 juillet 2008 et les travaux étant déjà terminés) pour l'ouverture et l'exploitation de l'officine de pharmacie " satisfait aux exigences de l'article 1er de l'arrêté précité du 21 mars 2000.

20. En septième lieu, le syndicat soutient que les réinscriptions de M. F...et de la SELARL " Pharmacie Ylang Ylang " au tableau de l'ordre de novembre 2013 sont illégales dès lors que le transfert d'officine n'entre pas dans les cas justifiant une inscription au tableau de l'ordre tels que prévus par l'article R. 4555-3 du code de la santé publique dans la mesure où préalablement au dépôt d'une nouvelle demande de transfert, M. F...et la SELARL Pharmacie Ylang Ylang auraient du procéder à leur inscription au tableau de l'ordre au titre de leur licence d'octobre 1948 fixant l'officine au 38 rue des Bons Enfants. En tout état de cause, le moyen est inopérant dès lors que la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle intervient, et que comme il est indiqué au point 6 du présent arrêt, dans le cas comme en l'espèce, d'une première autorisation annulée, il pouvait être fait droit par la décision du 7 octobre 2013, à une nouvelle demande de transfert alors même que du fait de l'annulation par la cour de la première décision de transfert du 4 décembre 2007, la radiation de l'ordre de la SELARL et de M. F...était intervenue, dès lors que la radiation ne procède que des effets de l'annulation de l'autorisation de transfert du 4 décembre 2007, et de la renonciation de la SELARL et de M.F..., du fait du bénéfice de cette autorisation de transfert, à l'exploitation de la précédente officine.

21. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s'ils n'ont pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d'origine (...) ". Selon l'article L. 5125-14 du même code : " Le transfert d'une officine de pharmacie peut s'effectuer, conformément à l'article L. 5125-3, au sein de la même commune, dans une autre commune du même département ou vers toute autre commune de tout autre département. Le transfert dans une autre commune peut s'effectuer à condition : 1° Que la commune d'origine comporte : a) Moins de 2 500 habitants si elle n'a qu'une seule pharmacie ; b) Ou un nombre d'habitants par pharmacie supplémentaire inférieur à 4 500 ; 2° Que l'ouverture d'une pharmacie nouvelle soit possible dans la commune d'accueil en application de l'article L. 5125-11 ". Le syndicat fait valoir que la condition posée par l'article L. 5125-11 du code selon laquelle : " (...) L'ouverture d'une nouvelle officine dans une commune de plus de 2 500 habitants où au moins une licence a déjà été accordée peut être autorisée par voie de transfert à raison d'une autorisation par tranche entière supplémentaire de 4 500 habitants recensés dans la commune (...) " ne serait pas réunie en l'espèce.

22. Toutefois, le moyen est inopérant dès lors que les dispositions de l'article L. 5125-11 du code de la santé publique, ne s'appliquent qu'en cas de transfert d'une officine de pharmacie d'une commune vers une autre, et non pas, comme en l'espèce, en cas du transfert d'une officine au sein d'une même commune. La décision d'autorisation du 7 octobre 2013 se fonde sur le fait que " (...) ce transfert n'a pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier d'origine puisque cette population continuera à être desservie par quatre officines. Même si deux officines sont déjà présentes dans la zone identifiée pour le transfert de pharmacie, l'implantation d'une troisième pharmacie, à environ 700 mètres de la pharmacie la plus proche, représentera une meilleure répartition des officines entre le centre ville et le quartier de Terre Sainte de la commune de Saint-Pierre ".

23. Il résulte des dispositions précitées que le transfert d'une officine ne peut être autorisé que s'il permet de toucher une zone non couverte par les officines existantes ou permet d'améliorer quant à la répartition optimale, la situation générale de la commune et celle du quartier où se situe l'officine transférée.

24. En l'espèce, il est tout d'abord constant que compte tenu de ce que le centre-ville dans lequel se trouvait l'emplacement d'origine de l'officine pharmaceutique, qui correspondait à 2 IRIS (" ilots regroupés pour l'information statistique ") comptait avant l'autorisation de transfert, cinq officines pour une population de 4909 habitants soit 982 h pour chaque officine, et après transfert, quatre officines pour une population par officine de 1227 habitants, le transfert n'a pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente. Par ailleurs si le syndicat fait valoir que la population du quartier de Terre Sainte dans lequel le transfert est autorisé, comptait avant l'autorisation de transfert, 9 233 habitants et que ce quartier comporte déjà deux pharmacies, il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense produit par l'ARS devant le tribunal administratif, que selon les chiffres non contestés produits par l'administration, dans le quartier de Terre Sainte, il y avait 4 IRIS, une population de 7 375 habitants et avant transfert, 2 officines, soit 3687 habitants par officine et après transfert trois officines soit 2458 habitants par officine.

25. Dans ces conditions, compte tenu de ce qu'il est constant que l'implantation d'une troisième pharmacie se fera à environ 700 mètres de la pharmacie la plus proche, la décision du 7 octobre 2013 n'est pas entachée d'erreur d'appréciation, à supposer même que dans le secteur de " Concession Conde " se trouvant également sur la commune de Saint-Pierre, il n'y aurait pas de pharmacie, alors que la population desservie serait de 2 824 habitants.

26. Il résulte de ce qui précède que le syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 7 octobre 2013 par lequel la directrice de l'agence régionale de santé Océan Indien (ARS-OI) a autorisé la SELARL Pharmacie Ylang Ylang à transférer son officine de pharmacie du 38 rue des Bons enfants au 149 bis avenue François Mitterrand à Saint-Pierre, ainsi que la décision rejetant implicitement le recours hiérarchique formé contre cette décision.

Sur la requête n° 18BX02269 tendant au sursis à exécution du jugement n°1400311 du 25 mars 2016 :

27. Dès lors qu'il est statué au fond sur les conclusions de la requête n° 18BX02232, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18BX02269 qui tendent à ce que la cour sursoie à l'exécution du jugement du 25 mars 2016.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SELARL Pharmacie Ylang-Ylang qui n'est n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, la somme que le syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge du syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion une somme de 2 000 euros au profit la SELARL Pharmacie Ylang-Ylang au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête présentée par la SELARL Pharmacie Ylang Ylang sous le n° 18BX02269.

Article 2 : Le jugement n°1400311 du 25 mars 2016 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.

Article 3 : La demande du syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion est rejetée.

Article 4 : Le syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion versera à la SELARL Pharmacie Ylang Ylang une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie Ylang Ylang au syndicat des pharmaciens indépendants de La Réunion (SPIR) et au ministre des affaires sociales et de la santé. Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé océan indien (ARS-OI).

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2018.

Le rapporteur,

Pierre BentolilaLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

4

N°s 18BX02232, 18BX02269


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX02232,18BX02269
Date de la décision : 17/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-04-005 Santé publique. Pharmacie. Exercice de la profession de pharmacien.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET BRIARD SARL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-17;18bx02232.18bx02269 ?
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