La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2018 | FRANCE | N°16BX03891

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2018, 16BX03891


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société Forbiz Srl, prise en la personne de son mandataire ad hoc, M. C...A..., a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2008 à 2011, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1400940 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Poitiers après avoir donné acte du désistement des conclusions de la requête relatives aux rappels de tax

e sur la valeur ajoutée et aux pénalités correspondantes, a rejeté le surplus de la req...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société Forbiz Srl, prise en la personne de son mandataire ad hoc, M. C...A..., a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2008 à 2011, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1400940 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Poitiers après avoir donné acte du désistement des conclusions de la requête relatives aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et aux pénalités correspondantes, a rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées le 5 décembre 2016 et le 22 février 2017, M. A..., agissant pour le compte de la société Forbiz et représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 octobre 2016 rejetant le surplus de la requête ;

2°) de lui accorder la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés en litige et, à tout le moins, leur réduction et la décharge de la majoration de 80 % ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la vérification de comptabilité a été irrégulièrement menée puisque le vérificateur n'a dialogué qu'avec le gérant et non avec le liquidateur ; contrairement à ce que soutient l'administration, cette liquidation n'est pas frauduleuse, ainsi qu'en atteste la circonstance que la procédure était engagée avant la réception de l'avis de contrôle fiscal ; la nomination de M. A... comme mandataire ad hoc ne peut avoir régularisé la procédure dès lors que l'ordonnance du tribunal de commerce le désignant est postérieure à l'avis de mise en recouvrement ; de même, la proposition de rectification devait être adressée à un liquidateur désigné ;

- au surplus, cette proposition a été adressée à l'établissement français alors qu'elle devait être adressée au siège social, en Roumanie ;

- le jugement méconnaît l'autorité de la chose jugée au pénal en se référant, pour établir l'existence d'un établissement stable en France, à des éléments d'une procédure pénale qui a abouti à une relaxe par le tribunal correctionnel ;

- M. A...avait un projet de création en France d'une société de construction de maisons à ossature en bois ; s'il a parfois aidé les salariés de la société Terra Proiect, il agissait bénévolement ; pour d'autres prestations de services, il a adopté le statut d'auto-entrepreneur ; c'est ainsi le cas pour son activité sur le chantier du Domaine de Dienné, qui a donné lieu à des revenus déjà imposés ;

- la société Forbiz, quant à elle, n'a jamais disposé d'un établissement stable sur le sol français ; son activité s'est intégralement déroulée sur le territoire roumain ; l'établissement en France ne peut se déduire de la résidence en France de M. A...et aucune réunion n'a jamais eu lieu à son domicile, qui ne peut être regardé comme un siège social ; la preuve des déplacements de celui-ci en Roumanie pour faire le point avec la société Terra Proiect a été apportée ; c'est en Roumanie qu'il a signé les contrats de commissions ; la société ne disposait pas en France d'un établissement répondant aux critères fixés par l'article 5 de la convention fiscale franco-roumaine ;

- les facturations par la société Forbiz correspondent uniquement à des commissions pour les contrats que la société Terra Proiect a réalisés en France mais, pour autant, les relations contractuelles établies entre les deux sociétés de droit roumain se sont déroulées et concrétisées en Roumanie, où réside le gérant de la société Terra Proiect ;

- le commissionnement réalisé par Forbiz ne pourrait être considéré comme un accessoire des activités de construction réalisées par Terra Proiect sur le territoire français ;

- à tout le moins, il convient de prendre en considération, dans la reconstitution du chiffre d'affaires, l'ensemble des factures correspondant à des charges relatives à l'activité ;

- la majoration de 80 % n'a pas lieu d'être, dès lors que la société Forbiz est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Roumanie, et qu'elle est parfaitement en règle de ses déclarations fiscales auprès des autorités roumaines ; elle ne peut donc être regardée comme ayant eu une activité occulte.

Par un mémoire enregistré le 28 avril 2017, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- ni la décision de liquidation ni la radiation de la société Forbiz n'ont fait l'objet d'une publication dans un journal d'annonces légales comme le prévoit l'article R. 237-2 du code de commerce ; dans ces conditions la délibération de l'assemblée générale des associés du 6 décembre 2012 et la radiation du 15 mai 2013 ne sont pas opposables à l'administration ; par ailleurs, aucun liquidateur amiable n'a été désigné par l'assemblée générale le 6 décembre 2012 ; l'expert comptable n'avait pas compétence pour représenter la société ; la circonstance que l'intention de liquider la société était antérieure à l'avis de vérification est sans incidence sur la régularité du contrôle ; M. et Mme A...résident fiscalement en France ; M. A...était donc le représentant légal de la société au moment du contrôle ;

- la société Forbiz avait une activité en France exercée à partie d'un établissement stable ; la proposition de rectification devait donc être adressée à son représentant légal en France ; la société roumaine a été parfaitement informée de l'engagement du contrôle ;

- le tribunal correctionnel de Poitiers ne s'est pas prononcé sur l'existence ou non d'un établissement stable en France ; la société ne peut se prévaloir de l'autorité de chose jugée ;

- la société ne s'est pas limitée à une simple activité de commissionnement lié à la mise en relation d'affaire de la société française Domaine de Dienné et des sociétés roumaines Terra Proiect puis Pinus, mais a agi comme intermédiaire en encadrant les ouvriers roumains et en encaissant les rémunérations pour le compte des sociétés roumaines ; elle effectuait également des achats en France pour le compte des sociétés roumaines, rendait des services à ses salariés et effectuait des prestations de services pour son compte ;

- cette activité impliquait la présence permanente sur le chantier de M.A..., qui a fixé en France le centre de ses intérêts ; la société a elle-même déclaré qu'elle assurait son démarchage par internet et l'examen de comptabilité a révélé qu'aucun frais de déplacement du gérant n'avait été effectué à la date de signature de la convention ; les dépenses de déplacement alléguées ont été rejetées au motif que leur objet n'était pas établi ; l'analyse des charges témoigne au contraire d'une présence constante en France ; il n'est pas établi que la société aurait eu une activité effective en Roumanie ; elle a donc bien disposé d'un établissement stable en France, que ce soit au regard du droit interne ou au regard du droit conventionnel ;

- la preuve du caractère professionnel des frais de déplacement fait obstacle à ce qu'ils soient regardés comme des charges déductibles ;

- la société Forbiz ne s'est pas fait connaître comme exerçant une activité imposable en France et n'a déposé aucune déclaration d'impôt sur les sociétés, en dépit de mises en demeure ; la preuve du caractère occulte de son activité est donc démontré et justifie l'application de la majoration de 80 %.

Par une ordonnance du 10 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 5 octobre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de Mme Deborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Forbiz, société de droit roumain constituée le 27 juillet 2006 entre M. A... et son épouse, a été radiée du registre du commerce et des sociétés de Prahoha (Roumanie) le 15 mai 2013. Elle a fait l'objet la même année, à la suite de la communication d'informations transmises par les services de gendarmerie révélant qu'elle exerçait une activité en France, d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices clos de 2008 à 2011. Il en est résulté des rappels d'impôt sur les sociétés au titre de chacun des exercices en cause, augmentés de la majoration de 80 % pour exercice d'une activité occulte, prévue par l'article 1728 du code général des impôts. M.A..., agissant en qualité de mandataire ad hoc de la société Forbiz, relève appel du jugement du 4 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôts sur les sociétés assignés à cette dernière, ainsi que des pénalités y afférentes.

Sur l'existence d'un établissement stable et d'une activité imposable en France :

En ce qui concerne l'autorité de chose jugée par le juge pénal :

2. L'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. La même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. En l'occurrence, M. A...n'est pas fondé, pour affirmer que la société Forbiz ne disposait pas d'établissement stable en France, à invoquer l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal correctionnel de Poitiers du 3 juillet 2014 le relaxant des chefs de prêt illégal de main-d'oeuvre à but lucratif, d'exécution d'un travail dissimulé et d'emploi d'un ressortissant étranger non muni d'une autorisation de travail. En effet, ce jugement prononce une relaxe faute de preuve sans la moindre constatation matérielle de faits et, en tout état de cause, aucun des chefs de poursuites sur lesquels il statue n'avait trait à l'activité de la société Forbiz.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale et de la convention fiscale franco-roumaine :

3. L'article 209 du code général des impôts dispose que : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Par ailleurs, selon l'article 5 de la convention conclue le 27 septembre 1974 entre la France et la Roumanie : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. L'expression "établissement stable" comprend notamment : a) Un siège de direction ; b) Une succursale ; c) Un bureau (...) 3. On ne considère pas qu'il y a établissement stable si : (...) f) Une installation fixe d'affaires est utilisée par l'entreprise, aux seules fins de publicité, de fourniture d'informations, de recherches scientifiques ou d'activités analogues qui ont un caractère préparatoire ou auxiliaire. 4. Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 5, est considérée comme "établissement stable" dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne ne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise (...) ". L'article 7 de cette même convention précise que : " 1. les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable (...) ". Il résulte de ces dispositions et stipulations que, pour avoir un établissement stable sur le territoire de l'un des Etats contractants, une entreprise doit, soit y disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne non indépendante exerçant habituellement sur ce territoire, en droit ou en fait, des pouvoirs lui permettant d'engager l'entreprise dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant les activités propres de l'entreprise.

4. La société Forbiz, dont le siège social est situé à Cimpina, en Roumanie, avait comme activité déclarée la vente de matériaux de construction. M.A..., son mandataire et ancien dirigeant, soutient qu'elle n'exerçait pourtant qu'une activité de commissionnement, ses recettes étant constituées exclusivement des commissions perçues en qualité d'intermédiaire entre les sociétés roumaines de construction Terra Proiect, puis Pinus, et la société française Le Domaine de Dienné, dans le cadre de la réalisation d'un chantier de construction de chalets en bois destinés à l'hébergement touristique. Il ajoute que les relations contractuelles entre ses clients étaient établies et gérées en Roumanie, sa présence fréquente en France au cours de la période vérifiée n'étant liée qu'à une activité de conseiller technique développée à titre individuel dans le cadre d'un statut d'auto-entrepreneur. Il résulte cependant de l'instruction que tant l'enquête de gendarmerie que les opérations de contrôle menées par le vérificateur ont permis de constater que cette société assurait de manière permanente et constante l'encadrement des ouvriers roumains travaillant sur le chantier, qu'elle encaissait directement les rémunérations versées par la société française aux sociétés roumaines avant de les leur reverser après déduction de sa commission, qu'elle effectuait des achats pour le compte de ces même sociétés roumaines et avait à sa disposition leurs cartes bancaires. Par ailleurs, ainsi que l'ont souligné les premiers juges, M.A..., en produisant quelques factures de déplacements en Roumanie, dont le motif n'est pas établi, n'apporte pas la preuve de sa présence habituelle dans ce pays pour y assurer les actes de gestion de la société Forbiz, alors qu'il ne conteste pas avoir lui-même déclaré qu'il effectuait ses recherches de clientèle sur internet, qu'il est constant qu'il a fixé depuis de nombreuses années le centre de ses intérêts professionnels et familiaux en France, où il a déclaré son domicile fiscal, et qu'il a été établi qu'il était présent sur le chantier du Domaine de Dienné tout au long des opérations de construction, et était le seul interlocuteur du maître d'oeuvre. Le requérant ne démontre pas davantage que la société Forbiz, dont les dépenses ont été pour l'essentiel effectuées en France, aurait disposé en Roumanie de quelconques moyens humains et matériels, et il n'est nullement établi qu'elle y aurait fait l'objet d'un audit, ainsi qu'il l'affirme. Il est d'ailleurs constant que la vérification de comptabilité a pu se dérouler normalement à l'adresse du requérant en France, où étaient conservés les documents relatifs à l'activité de la société Forbiz. Dans ces conditions, M. A...ne peut sérieusement soutenir que la société qu'il dirigeait et qu'il représentait de fait dans les opérations ci-dessus rappelées n'avait, d'une part, d'autre activité que le commissionnement et, d'autre part, qu'elle ne réalisait aucune activité sur le territoire français. La société Forbiz doit au contraire, eu égard au contexte qui vient d'être décrit, être regardée comme ayant disposé en France d'un établissement stable au sens de l'article 5 de la convention conclue le 27 septembre 1974 entre la France et la Roumanie. Elle était ainsi passible de l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices réalisés en France, en application des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la régularité des opérations de vérification de comptabilité :

5. Aux termes de l'article 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1844-7 du code civil : " La société prend fin : (...) 4° Par la dissolution anticipée décidée par les associés ; (...) ". Aux termes de l'article 1844-8 du même code : " La dissolution de la société entraîne sa liquidation (...) La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci. (...) ". Aux termes de l'article R. 237-9 du code de commerce : " La société est radiée du registre du commerce et des sociétés sur justification de l'accomplissement des formalités prévues par les articles R. 237-7 et R. 237-8. ". Les actes d'ouverture et de clôture de la liquidation ne sont opposables aux tiers qu'après l'accomplissement des formalités de publicité au registre du commerce et des sociétés.

6. Il résulte de l'instruction que la société Forbiz a été dissoute à compter du 6 décembre 2012 à la suite d'une assemblée générale extraordinaire tenue par les deux associés le même jour, qui est aussi la date à laquelle a été réceptionné l'avis de vérification de comptabilité adressé par le service. A cette date, la liquidation n'avait toutefois pas été déclarée auprès du centre de formalité des entreprises et aucun liquidateur amiable n'avait été désigné. De plus, la décision du 6 décembre 2012 indiquait que les prévisions de l'acte constitutif demeuraient, pour le reste, inchangées jusqu'à la radiation de la société, laquelle n'est intervenue que postérieurement aux opérations de contrôle. Dès lors, et quand bien même les associés auraient eu l'intention de dissoudre la société préalablement à l'engagement du contrôle, l'administration a pu régulièrement adresser l'avis de vérification de comptabilité à M.A..., maintenu dans ses fonctions de gérant de la société, et estimer qu'il devait être l'interlocuteur du vérificateur tout au long des opérations de ce contrôle.

En ce qui concerne la notification de la proposition de rectification :

7. Aux termes du 2 de l'article 218 A du code général des impôts : " Les personnes morales exerçant des activités en France ou y possédant des biens, sans y avoir leur siège social, sont imposables au lieu fixé par arrêté du ministre de l'économie et des finances publié au Journal officiel. ". En application de ces dispositions, l'article 23 ter de l'annexe IV au même code, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que : " Le lieu d'imposition des personnes morales désignées au 2 de l'article 218 A du code général des impôts est fixé : - pour les sociétés ou personnes morales dont l'activité s'exerce en France dans un ou plusieurs établissements, au lieu du principal établissement (...) ". L'article 23 D de la même annexe dispose que : " Les sociétés qui, sans avoir leur siège social en France, y exercent une activité les rendant passibles de l'impôt sur les sociétés doivent indiquer, en outre, dans la déclaration prévue à l'article 23 A, le lieu de leur principal établissement en France, ainsi que les noms, prénoms et adresse de leur représentant en France (...). Pour les sociétés qui exercent une activité en France sans y avoir de siège social, l'adresse d'envoi est celle du principal établissement dans la mesure où le contribuable n'a pas fait connaître au service une autre adresse ". Par ailleurs, l'article 223 quinquies A du code prévoit que : " Les personnes morales désignées au 2 de l'article 218 A peuvent être invitées, par le service des impôts, à désigner, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la réception de cette demande, un représentant en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt ".

8. Il résulte de ces dispositions que, d'une part, les personnes morales qui exercent des activités en France, dans un ou plusieurs établissements, sans y avoir leur siège social, et qui sont imposables en France, le sont au lieu de leur principal établissement, et que, d'autre part, lorsqu'elles exercent une activité les rendant passibles de l'impôt sur les sociétés, elles sont tenues d'indiquer le lieu de leur principal établissement ainsi que les nom, prénoms et adresse de leur représentant en France, sans préjudice de la possibilité offerte à l'administration de leur demander de désigner un représentant en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt. A défaut d'une telle désignation, l'imposition est régulièrement établie au lieu apparaissant comme celui du principal établissement. En l'occurrence, l'administration, qui a demandé en vain à la société Forbiz, par un courrier du 18 décembre 2012, de désigner un représentant en France, était en droit d'envoyer les pièces de la procédure de redressement contradictoire, et notamment la proposition de rectification du 8 avril 2013, à " Monsieur le représentant de la société Forbiz, pour son établissement stable en France ", à l'adresse connue de M.A..., qui était le représentant dont la société était tenue d'indiquer le nom en application des dispositions précitées de l'article 23 D de l'annexe IV au code général des impôts.

Sur le bien-fondé des rappels d'impôt sur les sociétés :

9. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) / 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : / (...) ; / 3° si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite (...) ". Il est constant que la société Forbiz n'a pas déposé de déclaration de résultats en France au titre des exercices clos de 2008 à 2011 et ne s'est pas fait connaître en France d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce. La procédure de taxation d'office lui était dès lors applicable.

10. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ".

11. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

12. Il résulte de l'instruction que le service, sans remettre en cause la comptabilité de la société Forbiz, a déterminé le résultat imposable de chacun des exercices au vu des justificatifs présentés. S'agissant des charges, il a admis en déduction celles engagées dans l'intérêt de l'exploitation. Il a en revanche écarté un certain nombre de dépenses qui ne répondaient pas à cette condition. Il a en particulier constaté qu'il n'était pas justifié du caractère professionnel des frais de déplacement en Roumanie de M.A..., dans la mesure, notamment, où ces dépenses concernaient généralement aussi MmeA..., et que le couple a déclaré avoir conservé des liens familiaux et une résidence dans son pays d'origine, où il faisait des séjours fréquents à titre privé. Il n'est pas davantage justifié devant la cour de ce que l'ensemble des déplacements en Roumanie du requérant auraient été effectués dans l'intérêt de l'exploitation de la société Forbiz, M. A...ne produisant aucune pièce justificative complémentaire et, par conséquent, ce dernier n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration.

Sur la majoration pour activité occulte :

13. Aux termes du 1 de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. (...) ". Et selon l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.

14. La pénalité de 80 % pour activité occulte a été infligée à la société Forbiz en l'absence de dépôt dans le délai légal des déclarations qu'elle était tenue de souscrire et pour ne pas avoir fait connaître son activité auprès d'un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. M. A...ne saurait, pour contester le caractère occulte de l'activité en France de la société Forbiz, se prévaloir de l'inscription de ladite société au registre du commerce et des sociétés de Prahoha, en Roumanie, dès lors qu'il n'établit ni même n'allègue que ladite société aurait été imposée dans ce pays à raison des activités de son établissement stable en France. Le requérant ne peut davantage invoquer utilement la circonstance que la société n'aurait pas reçu le courrier du 18 décembre 2012 par lequel l'administration lui demandait de désigner un représentant en France, une telle demande présentant en tout état de cause un caractère facultatif selon l'article 223 quinquies A du code général des impôts. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère occulte de l'activité de la société Forbiz en France, et c'est à bon droit qu'il a été fait application de la majoration de 80 % prévue en pareil cas par les dispositions précitées du c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M.A..., mandataire ad hoc de la société Forbiz, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige et des pénalités y afférentes.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante instance, au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M.A..., agissant en qualité de mandataire de la société Forbiz, est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., mandataire de la société Forbiz et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique le 13 décembre 2018.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 16BX03891


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03891
Date de la décision : 13/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : VANNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-13;16bx03891 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award