La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2018 | FRANCE | N°17BX02999

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 12 décembre 2018, 17BX02999


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Communauté d'agglomération de l'espace sud Martinique (CAESM) a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la société Datex Martinique à lui verser une somme totale de 1 736 262,47 euros, se décomposant en une somme de 549 136,97 euros au titre du solde des flux financiers survenus en exécution du contrat de délégation de service public de la restauration scolaire en date du 15 janvier 1999, une somme de 427 758,50 euros au titre de la remise en état des installations déléguées

dans le cadre de la délégation de service public et somme de 759 367 euros ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Communauté d'agglomération de l'espace sud Martinique (CAESM) a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la société Datex Martinique à lui verser une somme totale de 1 736 262,47 euros, se décomposant en une somme de 549 136,97 euros au titre du solde des flux financiers survenus en exécution du contrat de délégation de service public de la restauration scolaire en date du 15 janvier 1999, une somme de 427 758,50 euros au titre de la remise en état des installations déléguées dans le cadre de la délégation de service public et somme de 759 367 euros au titre du " solde de dotation GER ".

Par un jugement n° 1500135 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de la Martinique a condamné la société Datex Martinique à verser à la CAESM une somme de 320 038,74 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions reconventionnelles présentées par la Datex à hauteur de 584 322,45 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2017, et des mémoires, enregistrés les 4 et 13 novembre 2018, la Communauté d'agglomération de l'espace sud Martinique (CAESM), représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 20 juin 2017, en ce qu'il a partiellement rejeté ses prétentions indemnitaires ;

2°) de condamner la société Datex à lui verser la somme de 1 187 125,50 euros assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation, se décomposant en 427 758,50 euros au titre des frais de remise en état des installations relevant du périmètre de la délégation de service public et 759 367 euros au titre du solde de la " dotation GER " ;

3°) de rejeter les conclusions reconventionnelles de la société Datex ;

4°) de mettre à la charge de la Datex la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le jugement n'a pas fait droit à ses prétentions relatives aux frais de remise en état des installations et du solde GER ;

- s'agissant des frais de remise en état des installations, celle-ci incombait bien au concessionnaire en vertu de l'article 62b du contrat ; le cabinet spécialisé Alma Consulting a chiffré ces frais à la somme de 471 049 euros et, dans le cadre d'un protocole transactionnel, les parties se sont finalement accordées sur la somme de 427 758,50 euros ; l'audit qu'elle a pris soin de faire réaliser montre que de nombreuses installations ont été rendues " en mauvais état " ;

- s'agissant de la restitution du solde du compte GER, il ressort très clairement de la jurisprudence que, dans le silence du contrat, le solde positif provisionné au titre de ce compte revient à l'autorité délégante ; c'est donc à tort que les premiers juges ont rejeté ses prétentions, motifs pris de l'absence de disposition contractuelle et du bon état d'usage des installations ; il ressort de l'audit de Calia que le solde de dotation GER non dépensé par la société Datex au 14 janvier 2014 est de 759 367 euros ; cet audit met en exergue que cette dotation a impacté le prix de la redevance perçue auprès des usagers ; les dépenses GER supportées par la société Datex ont donc bien été supportées par les usagers du service et la CAESM.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 octobre 2017 et le 12 novembre 2018, la société Datex Martinique, représentée par MeB..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement, en tant qu'il l'a condamnée à verser une somme de 320 038,74 euros à la CAESM et rejeté ses conclusions reconventionnelles au titre de la valeur non amortie des biens financés en cours de contrat pour un montant de 347 082,78 euros et au titre de la rupture anticipée du contrat pour un montant de 293 838,56 euros ;

3°) à la condamnation de la CAESM à lui verser la somme de 463 941,10 euros ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de la CAESM la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle était débitrice d'une somme de 579 164,33 euros au titre des redevances sur les prestations annexes, alors que cette somme inclut des prestations de fourniture de goûters et de petits déjeuners pour un montant de 143 058,50 euros, qui étaient pourtant exclues de l'assiette de calcul de la redevance ;

- c'est également à tort qu'ils ont rejeté ses demandes au titre, d'une part, de la valeur non amortie des biens financés en cours de contrat pour un montant de 347 082,78 euros, et, d'autre part, de la rupture anticipée du contrat pour un montant de 293 838,56 euros ;

- s'agissant des installations, le protocole sur lequel se fonde la CAESM lui est parfaitement inopposable ; les frais de remise en état des installations, revendiqués par la CAESM, ne sont pas établis autrement que par des rapports d'audit ou des rapports techniques dont la méthodologie n'est pas connu ; en tout état de cause, elle a procédé à certaines réparations ; les constats d'huissier qu'elle a fait réaliser montrent que les installations étaient " dans un bon état d'entretien " ; de toutes façons, il ressort de l'article 62b du contrat qu'elle était seulement tenue, en fin de concession, de remettre les biens " en état normal d'entretien " ; l'état général " moyen " d'un équipement résulte normalement de son âge et de son usage ; surtout, la CAESM est mal fondée à solliciter une quelconque indemnisation si elle ne justifie pas avoir acquitté les coûts allégués de remise en état ;

- la demande de la CAESM au titre du solde GER est irrecevable, car c'est une demande indemnitaire nouvelle et donc tardive, présentée dans un mémoire devant le tribunal administratif qui ne lui a jamais été communiqué ; cette demande est de toutes façons mal fondée, car la constitution de la provision s'est opérée à ses frais, c'est-à-dire de sa propre initiative et en les prélevant sur sa rémunération ; en outre, si aucune clause ne prévoit la constitution d'une provision pour gros entretien et renouvellement, l'autorité délégante ne peut, à la fin de la convention, demander la restitution des sommes qui n'auraient pas été utilisées, le délégataire ayant seul décidé de sommes qu'il provisionne pour financer les travaux ; au surplus, le solde de ce compte n'était pas positif ;

- en revanche, la CAESM doit être condamnée, par la voie de l'appel incident, à lui verser la somme de 463 941,10 euros ;

- d'une part, la fourniture de goûters et petits déjeuners n'entrait pas dans l'assiette de calcul des redevances sur les prestations annexes ; l'article 1er de l'avenant n° 6 a précisé que l'assiette de redevance des repas " extérieurs " devait être calculée sur le chiffre d'affaire des repas facturés et non sur l'ensemble des prestations réalisées au sein de la cuisine ; les goûters et petits déjeuners ne peuvent être considérés comme des " repas " au sens de la convention ;

- d'autre part, ses demandes au titre du versement d'une indemnité correspondant à la valeur non amortie des biens financés en cours de contrat sont justifiées ; les factures produites correspondent bien aux investissements qu'elle a réalisés dans les cuisines, ce qui est corroboré par les constats d'huissier ; par ailleurs, les premiers juges ont opéré une distinction erronée entre valeur non amortie des biens et valeur nette comptable ; elle a en outre produit un inventaire de fin de contrat ; l'article 62b prévoit expressément que les biens financés par le concessionnaire doivent être remis au délégataire moyennant le versement d'une indemnité correspondant à la valeur non amortie des installations, ce qui inclut non seulement les investissements neufs mais aussi les investissements de renouvellement ; elle a fourni la liste précise de ces investissements via un inventaire qui a été établi contradictoirement ;

- enfin, elle a droit à une compensation en raison de la rupture anticipée du contrat ; conformément à la jurisprudence, la durée de 15 ans de la concession dit se décompter à partir de la mise en service de l'exploitation, soit le 1er septembre 1999 ; par suite, le terme normal du contrat était le 31 août 2014, et non le 15 janvier 2014 comme le fait valoir la CAESM ; elle a subi une perte de chiffre d'affaire du fait de la rupture anticipée du contrat ; elle a également droit à une indemnité sur la valeur non amortie des biens de retour, puisqu'elle n'a pas pu poursuivre jusqu'à son terme l'amortissement de ses investissements initiaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la CAESM, et de MeC..., représentant la société Datex Martinique.

Une note en délibéré pour la société Datex a été enregistrée le 22 novembre 2018.

Une note en délibéré pour la CAESM a été enregistrée le 11 décembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. La Communauté d'agglomération de l'espace sud Martinique (CAESM), qui comprend 12 communes, a concédé à la société Datex Martinique en 1999 le service de restauration scolaire par une convention venue à expiration en 2014. Sur le fondement des dispositions contractuelles, la CAESM a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la Datex à lui verser, d'une part, une somme de 549 136,97 euros correspondant aux redevances dues à raison des repas préparés par le concessionnaire à destination d'usagers extérieurs au territoire de l'espace sud et, d'autre part, une somme de 427 758, 50 euros correspondant aux frais de remise en état des installations, la société Datex ayant quant à elle présenté des conclusions reconventionnelles à hauteur de 584 322,45 euros. Par un jugement du 20 juin 2017, ledit tribunal administratif a condamné la société Datex à verser à la CAESM une somme de 320 038,74 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions reconventionnelles présentées par la société Datex. La CAESM fait appel de ce jugement, en ce qu'il a partiellement rejeté ses prétentions indemnitaires et demande la condamnation de la société Datex à lui verser la somme de 1 187 125,50 euros. Par la voie de l'appel incident, la société Datex Martinique demande également la réformation du jugement, en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 320 038,74 euros à la CAESM et en ce qu'il a rejeté certaines de ses conclusions reconventionnelles qu'elle chiffre désormais à 463 941,10 euros.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne les frais de remise en état des installations :

2. Aux termes du 1 de l'article 62b de la délégation de service public : " A l'expiration du contrat, le concessionnaire est tenu de remettre au concédant, en état normal d'entretien, tous les biens et équipements qui font partie intégrante du contrat, tels qu'ils figurent à l'inventaire défini à l'annexe 5. Cette remise est faite sans indemnité, à l'exclusion des dispositions prévues au 2 ci-dessous. Six mois avant l'expiration du contrat, les parties arrêtent et estiment s'il y a lieu, après expertise, les travaux à exécuter sur les ouvrages du contrat, qui ne sont pas en état normal d'entretien : le concessionnaire doit exécuter les travaux correspondants avant l'expiration du contrat. A défaut, les frais de remise en état correspondants sont déduits du cautionnement. ".

3. La CAESM fait valoir qu'aux termes de cet article, la remise en état des installations incombe au concessionnaire, que les différents rapports d'audit qui ont été effectués montrent que les installations n'ont pas été rendues en bon état et qu'aux termes d'un protocole transactionnel, la somme correspondant au coût de remise en état a été arrêtée entre les parties à 427 758,50 euros, somme qui est précisément celle qu'elle réclame à ce titre.

4. Alors que les biens définis à l'annexe 5 du contrat de délégation de service public et qui seuls faisaient l'objet d'une obligation de remise en état normal d'entretien, il résulte cependant de l'instruction, et notamment des constats d'huissier produits tant par la requérante que par la société Datex que ces biens ont été rendus dans un état d'usage normal, c'est-à-dire, comme le requièrent les stipulations de l'article 62b précité, dans un état normal d'entretien, compte tenu de l'usage auxquels ils ont été soumis et de leur vétusté. En outre, comme le fait valoir la société Datex, dès lors que le protocole auquel se réfère la CAESM est un simple projet qui n'est pas revêtu de la signature de la société concessionnaire, il ne peut être regardé comme valant engagement de sa part. Enfin, si la CAESM allègue, sur la base su rapport d'audit du cabinet Alma Consulting, que les frais de remise en état des installations s'élèveraient à plus de 470 000 euros, elle ne justifie pas avoir acquitté des frais à ce titre. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté ce chef de préjudice.

En ce qui concerne la provision pour gros entretien et réparations :

5. La CAESM soutient que le solde positif provisionné au compte " GER " (gros entretien et réparations) doit normalement revenir à l'autorité délégante et que l'audit réalisé par le cabinet Calia a mis en évidence un solde GER positif de 759 367 euros, ce qui signifie que ces dépenses GER ont en réalité été supportées par les usagers et la CAESM.

6. Cependant, si l'article 15 de la convention de délégation de service public prévoit que, s'agissant des biens immobiliers et locaux de la cuisine centrale, " le concessionnaire fait effectuer régulièrement et à ses frais tous les travaux de gros entretien et de réparation des biens immobiliers et locaux (...) afin de les maintenir en permanence en bon état d'usage et de fonctionnement ", aucune disposition contractuelle ne prévoit la constitution d'une provision GER et ses modalités. En outre, la Datex fait valoir, sans être valablement contredite, d'une part que la constitution de provisions s'est opérée à sa seule initiative et par prélèvement sur sa rémunération et, d'autre part, qu'en réalité, à la fin du contrat, le solde GER était négatif si l'on y incorpore les dépenses de gros entretien et non les seules dépenses de renouvellement. Au surplus, il ne résulte pas de l'instruction, comme cela a été dit ci-dessus, que les installations n'auraient pas été maintenues en bon état d'usage. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la CAESM n'était pas fondée à demander le solde de cette dotation.

Sur l'appel incident :

En ce qui concerne la redevance sur les repas extérieurs :

7. Il est constant qu'en application d'un avenant conclu le 25 octobre 2011, la société Datex Martinique devait acquitter une redevance au titre des repas servis hors du périmètre de la délégation du service public et préparés dans les cuisines de Rivière Salée et Ducos correspondant, respectivement, à 5 et 8 % du chiffre d'affaire hors taxe réalisé sur les " prestations annexes " par les cuisines centrales de Rivière Salée et Ducos.

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'audit établi par le cabinet Calia, que la société Datex Martinique devait, au titre des années scolaires 2012-2013 et 2013-2014, des redevances d'un montant respectif de 223 286 et de 76 237 euros. La société Datex soutient que ces montants incluent, à tort, les petits déjeuners et les goûters réalisés par les cuisines centrales. Toutefois, comme il a été dit au point précédent, la redevance est, selon les stipulations du contrat, calculée en pourcentage du chiffre d'affaires " des prestations annexes réalisées dans les locaux " des cuisines. Cette clause, qui vise l'ensemble des productions réalisées par la société Datex Martinique à destination de tiers dans les cuisines centrales de Rivière Salée et Ducos, n'exclut pas les petits déjeuners et les goûters. A cet égard, la société Datex Martinique ne saurait utilement, pour faire échapper les petits déjeuners et goûters à l'assiette de la redevance, se prévaloir de la clause relative à la composition des repas figurant à l'article 27 du contrat de concession dès lors que, prévue au chapitre relatif aux " prescriptions alimentaires et diététiques ", cette clause ne vise que les repas réalisées dans le cadre de la restauration scolaire et a seulement pour objet de déterminer les obligations du concessionnaire quant au contenu des prestations fournies dans ce cadre.

9. En deuxième lieu, si la société Datex soutient avoir déjà versé au titre desdites redevances une somme globale de 143 058, 50 euros, elle ne l'établit pas plus en appel qu'en première instance par les pièces qu'elle produit.

10. En dernier lieu, si la CAESM soutenait en première instance que la société Datex Martinique lui devait, au titre de l'année scolaire 2011-2012, une somme de 285 513,80 euros, elle ne justifiait toutefois pas du montant de cette créance. En revanche, il ressort des propres pièces de la société Datex Martinique qu'au cours de l'année scolaire 2011-2012, les cuisines centrales de Rivière Salée et Ducos ont réalisé un chiffre d'affaires sur les prestations annexes de respectivement 1 653 425 et 2 462 126 euros. Le montant de la redevance due au titre de cette année, que la société Datex au demeurant ne soutient pas avoir versée, doit en conséquence être fixé à 279 641,33 euros.

11. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont, en tout état de cause, considéré que les sommes dues par la société Datex Martinique au titre des redevances sur prestations annexes s'élevaient à un montant total de 579 164,33 euros.

En ce qui concerne les demandes reconventionnelles de la société Datex Martinique :

S'agissant de la valeur non amortie des biens financés en cours de contrat :

12. Aux termes du 2 de l'article 62b de la délégation de service public : " Les installations financées par le concessionnaire en cours de contrat et faisant partie intégrante du contrat, sont remises au concédant moyennant le versement par celle-ci d'une indemnité correspondant à la valeur non amortie desdites installations (...). ".

13. Pour demander le versement d'une indemnité d'un montant de 339 943,96 euros HT, soit 347 098,74 euros TTC, en application des stipulations précitées, la société Datex fait notamment valoir qu'elle a produit des factures, rattachables aux investissements en cause, ainsi que des constats d'huissier et un inventaire contradictoire de fin de contrat et qu'en tout état de cause, les premiers juges ont opéré une distinction erronée entre valeur non amortie des biens et valeur nette comptable. Toutefois, si elle produit à l'appui de sa demande des factures afin de justifier des investissements, ainsi qu'un constat d'huissier et un tableau récapitulatif des investissements transmis au concédant au 14 janvier 2014, ces pièces n'établissent pas que ces investissements ont tous été réalisés dans les cuisines de la délégation. En outre, à supposer même que lesdits investissements aient été effectivement réalisés, la société n'établit pas la réalité et le montant de la part non amortie restant à sa charge en se bornant à produire une liste et un tableau élaborés par ses soins retraçant les matériels acquis et leur valeur nette comptable au 14 janvier 2014, documents qui incluent des équipements cités à l'annexe 5 de la convention et qui ne peuvent par suite faire l'objet d'une indemnisation de la part du concédant. S'agissant enfin de l'inventaire final établi de façon contradictoire, elle ne produit pas plus en appel qu'en première instance cet élément qui seul permettrait d'établir ses droits. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal administratif a considéré que, faute d'éléments suffisamment probants pour étayer ses prétentions, la demande de la société Datex faite à ce titre devait être rejetée.

S'agissant de la rupture anticipée du contrat :

14. Aux termes de l'article 2 du contrat de délégation de service public : " La durée du présent contrat de concession est fixée à quinze ans (...). Le contrat prend effet à compter de sa notification au titulaire de la concession. ". Il résulte de l'instruction que le contrat a été notifié à la société Datex Martinique le 15 janvier 1999. Par ailleurs, le contrat prévoyait une période dite " pré-transitoire " jusqu'au 1er septembre 1999 au cours de laquelle le concessionnaire devait assurer la construction de la cuisine centrale ainsi que la mise en conformité des points de distribution à la liaison froide, puis une période " transitoire " entre le 1er septembre et le 31 décembre 1999, le démarrage de l'exploitation du service de restauration ayant été fixé au 1er janvier 2000.

15. La société Datex soutient que, n'ayant pu exécuter le service jusqu'au 1er septembre 1999, et n'ayant donc perçu aucune recette ni amorti aucun investissement jusqu'à cette date, il y a lieu de décompter le durée de 15 ans prévue par le contrat de concession à partir de la mise en service effective de l'exploitation, ce qui porte le terme du contrat au 31 août 2014. Elle réclame ainsi la somme de 147 905, 72 euros HT, soit 151 011,74 euros TTC, correspondant à une perte de chiffre d'affaire qu'elle impute à ce qu'elle estime être une rupture anticipée du contrat au 14 janvier 2014.

16. Cependant, comme l'a déjà relevé le tribunal administratif, la fin du contrat au 14 janvier 2014 ne résulte pas d'une rupture anticipée unilatéralement décidée par la CAESM, mais des stipulations précitées, dès lors que, contrairement à ce que fait valoir la société Datex, le point de départ pour calculer la durée totale du contrat n'était pas le 1er septembre 1999, mais bien le 15 janvier 1999, date de sa notification à la délégataire. En tout état de cause, même si cette dernière allègue d'une perte de chiffre d'affaires calculée sur 7 mois et demi supplémentaires, elle ne démontre pas dans quelle mesure une durée d'exploitation effective de 14 ans et demi au lieu de 15 ans ne lui aurait pas permis d'équilibrer ses charges et de réaliser une marge ou aurait grevé la valeur non amortie des biens de retour.

17. Il résulte de tout ce qui précède que tant les conclusions d'appel principal formé par la CAESM que les conclusions d'appel incident formé par la société Datex Martinique doivent être écartées.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : L'appel principal de la CAESM, l'appel incident et les conclusions reconventionnelles de la société Datex sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Communauté d'agglomération Espace sud Martinique et à la société Datex Martinique.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 décembre 2018.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

8

N° 17BX02999


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02999
Date de la décision : 12/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-04 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET ALKYNE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-12;17bx02999 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award