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29/11/2018 | FRANCE | N°16BX02483

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2018, 16BX02483


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté en date du 8 décembre 2014 par lequel le préfet de la Martinique l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite après prolongation d'activité, d'enjoindre à l'Etat de la promouvoir au grade de major à compter d'octobre 2014, et de condamner l'Etat à lui verser des indemnités de 43 200 euros et 3 500 euros au titre de sa perte de revenus et de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1500031 du 12 mai 2016, le tribunal a

dministratif de la Martinique a annulé l'arrêté contesté du 8 décembre 2014, a cond...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté en date du 8 décembre 2014 par lequel le préfet de la Martinique l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite après prolongation d'activité, d'enjoindre à l'Etat de la promouvoir au grade de major à compter d'octobre 2014, et de condamner l'Etat à lui verser des indemnités de 43 200 euros et 3 500 euros au titre de sa perte de revenus et de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1500031 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de la Martinique a annulé l'arrêté contesté du 8 décembre 2014, a condamné l'Etat à verser la somme de 1 000 euros à Mme C...au titre de son préjudice moral et a rejeté le surplus des conclusions de cette dernière.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2016 et un mémoire enregistré le 21 décembre 2017, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 12 mai 2016 en ce qu'il ne fait pas intégralement droit à ses demandes indemnitaires ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de reconstituer sa carrière à compter d'octobre 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a demandé sa prolongation d'activité le 19 avril 2014, et non le 25 septembre 2014 ; le silence gardé sur son courrier a fait naître une décision implicite d'acceptation le 20 juillet 2014 ;

- l'administration n'apporte aucune preuve de la consultation du comité médical et ne produit pas son avis ;

- elle apporte la preuve de son aptitude physique au maintien de son activité ; le docteur Bucher a produit deux certificats médicaux, qui ne concernent pas la reprise d'activité liée au congé maladie ; il a émis un avis favorable à sa prolongation d'activité ; l'administration a convoqué le docteur Camus dans le but de détourner les avis médicaux du docteur Bucher ; rien ne justifiait cette consultation, qui a enclenché la saisine du comité médical ;

- l'avis de ce comité médical a été rendu sans respect du contradictoire, dans des conditions irrégulières ; il ne peut donc servir à apprécier son aptitude physique ; cet avis n'est au demeurant pas produit ;

- sa psychiatre a relevé que son état s'était amélioré et est favorable à une reprise ;

- son arrêt maladie n'était dû qu'à des tensions avec ses supérieurs hiérarchiques et elle est totalement apte à travailler ; au demeurant, elle a continué à travailler pendant trois mois ;

- elle est donc en droit de poursuivre son contrat de trois ans ;

- la décision de la mettre à la retraite a été prise avant la réunion du comité médical ;

- l'illégalité fautive de cette décision lui ouvre droit à indemnisation dès lors qu'elle a perdu une chance sérieuse de poursuive son activité ;

- sa perte de revenus s'élève à 43 200 euros ; sa retraite est minorée ; elle a dû rembourser un indu de rémunération de 8 288,71 euros alors même qu'elle a exercé ses fonctions ; elle a été interdite bancaire et a dû payer des frais bancaires élevés ;

- elle a également subi un préjudice moral important.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le tribunal a pris en considération tous les éléments produits pour se prononcer ;

- les certificats émis par les docteurs Bucher et Camus ne visaient pas la même question : le document émis le 26 août 2014 concernait la reprise de l'activité professionnelle de l'intéressée à la suite de son arrêt maladie et son aptitude à terminer la première période de prolongation d'activité, celui qui a été signé le 9 septembre 2014 s'inscrivait dans la cadre de la seconde demande de MmeC..., visant la poursuite de son activité, au-delà du 19 octobre 2014 ;

- le certificat émis le 1er octobre 2014 par le docteur Debbah à la demande de Mme C... ne préjuge en rien de son aptitude à poursuivre ses fonctions au-delà du 19 octobre 2014, ce médecin spécialiste, non conventionné par la police nationale, ne connaissant ni les risques, ni les sujétions et difficultés du poste de sa patiente ;

- l'avis formulé le 6 novembre 2014 par le comité médical, a précisé une nouvelle fois, que l'état de santé de l'agent s'opposait à son maintien en activité au-delà de l'âge de son départ à la retraite ;

- Mme C...n'a pas établi que son état de santé était compatible avec la poursuite de ses fonctions, à l'issue de sa première prolongation d'activité ;

- le ministre de l'intérieur n'a commis aucune erreur d'appréciation quant à la situation de l'intéressée en refusant de lui accorder le bénéfice de la prolongation d'activité demandée ;

- par courrier du 7 octobre 2014, l'intéressée a été informée de la transmission de son dossier au comité médical départemental ; l'administration a communiqué à Mme C...la date de la réunion de cette instance par voie téléphonique, aucune disposition n'imposant la transmission de cette information selon une quelconque forme ;

- l'acte du 8 décembre 2014 est dénué de tout vice de procédure et en conséquence, le ministre de l'intérieur n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- à supposer que l'intéressée n'ait pas été informée de la date de réunion du comité, entachant par là même l'acte d'une illégalité fautive, la requérante n'a pu établir, au regard des certificats qui lui ont été remis par les médecins, que son état de santé était compatible avec la prolongation de son activité, au-delà du 19 octobre 2014 ; la communication ou non de la date de la réunion du comité médical avant sa tenue, n'a pas eu d'incidence sur le contenu de la décision du 8 décembre 2014.

Par une ordonnance du 25 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 décembre 2017 à 12 heures.

Une pièce nouvelle a été présentée pour Mme C...le 22 octobre 2018 mais n'a pas été communiquée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du Il janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat;

- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires;

- le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 pris pour l'application de l'article 1-3 de la loi no 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...est entrée dans les cadres de la police nationale le 1er août 1981. Elle a été affectée au sein de la direction départementale de sécurité publique de la Martinique à compter du 1er septembre 2013, avec une autorisation de maintien en activité d'un an au-delà de la limite d'âge, jusqu'au 19 octobre 2014. Par deux courriers des 25 avril et 25 août 2014, elle a sollicité son maintien en activité au-delà de cette date, jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans. Après consultation du comité médical, le préfet de la Martinique n'a pas donné une suite favorable à la demande de Mme C...et, par un arrêté du 8 décembre 2014, il l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 20 octobre 2014. Saisi par l'intéressée, le tribunal administratif de la Martinique, par un jugement du 12 mai 2016, a annulé cet arrêté du 8 décembre 2014 au motif du défaut d'information de Mme C...quant à la date de la réunion du comité médical, a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 1 000 euros au titre de son préjudice moral, mais a rejeté le surplus de ses demandes, tendant notamment à sa réintégration avec promotion et à la réparation de son préjudice financier. Mme C...relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à ses conclusions.

2. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 30 décembre 2009 : " Les fonctionnaires régis par la loi du 13 juillet 1983 susvisée et appartenant au corps ou à des cadres d'emploi dont la limite d'âge est inférieure à 65 ans, sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à l'âge de 65 ans, sous réserve de leur aptitude physique, et dans les conditions fixées au présent décret ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " I. La demande de prolongation d'activité est présentée par le fonctionnaire à l'employeur public au plus tard 6 mois avant la survenance de la limite d'âge (...) La demande est accompagnée d'un certificat médical appréciant, au regard du poste occupé, l'aptitude physique de l'intéressé. Il est délivré par le médecin agréé prévu à l'article 1er du décret du 14 mars 1986 susvisé ou, le cas échéant, lorsque les statuts particuliers le prévoient, par le médecin habilité à apprécier l'aptitude physique du fonctionnaire. (...) II. Le demandeur et l'employeur public peuvent contester les conclusions du certificat médical devant le comité médical prévu à l'article 6 du décret du 14 mars 1986 (...) III. La décision de l'employeur public intervient au plus tard trois mois avant la survenance de la limite d'âge. Le silence gardé pendant plus de trois mois sur la demande de prolongation vaut décision implicite d'acceptation. L'employeur délivre à la demande de l'intéressé une attestation d'autorisation à la poursuite d'activité. Toutefois, aucune décision ne peut intervenir avant que le comité médical, lorsqu'il est saisi, ne se soit prononcé sur l'aptitude physique de l'intéressé. La décision de l'employeur public intervient au plus tard un mois après l'avis du comité médical. Le fonctionnaire reste en fonction jusqu'à l'intervention de la décision administrative. ".

3. Le tribunal administratif a annulé l'arrêté du préfet de la Martinique du 8 décembre 2014 au motif, non contesté en appel par le ministre, que Mme C...a été privée d'une garantie procédurale tenant à ce qu'elle n'a pas été informée de la date de réunion du comité médical, en méconnaissance de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 susvisé, et n'a ainsi pas été en mesure de faire entendre le médecin de son choix par le comité. Les premiers juges ont cependant estimé que le refus de la prolongation d'activité de la requérante était justifié au fond par son inaptitude physique, ce qu'elle conteste.

4. Il est constant que Mme C...a été placée en congé de maladie ordinaire continu du 10 juin au 1er octobre 2014. Elle a repris son service le 2 octobre 2014, après un avis favorable du docteur Bucher, médecin conventionné de la police, lequel avait certifié, par un précédent avis 26 août 2014, qu'il n'existait pas de contre indication à ce qu'elle bénéficie d'une prolongation d'activité. Toutefois, à la demande de l'administration, Mme C...a été examinée une nouvelle fois le 9 septembre 2014 par le docteur Camus, également agréé, qui a certifié que son état de santé ne lui permettait pas de prolonger ses activités professionnelles au-delà du 19 octobre 2014. Il ressort des pièces du dossier que cette nouvelle consultation était justifiée par une prolongation du congé de maladie ordinaire de Mme C...à compter du 4 septembre 2014 et, à cet égard, le détournement de procédure allégué par la requérante n'est pas établi. Il est d'ailleurs constant que l'avis défavorable du docteur Camus a été confirmé par le comité médical dans sa séance du 6 novembre 2014. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, si Mme C...se prévaut d'un certificat médical rédigé le 19 octobre 2014 par un médecin psychiatre, attestant de l'amélioration de son état de santé, ce même certificat relève néanmoins le lien existant entre l'affection de la requérante et son environnement professionnel. Ainsi, et nonobstant la circonstance que Mme C...a, de fait, repris ses fonctions après le 19 octobre 2014, la décision refusant sa prolongation d'activité et l'admettant à faire valoir ses droits à la retraite, prononcée conformément à l'avis du médecin conventionné l'ayant examinée en dernier lieu et à celui du comité médical, doit être regardée comme bien fondée.

5. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 8 décembre 2014 admettant Mme C...à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 20 octobre 2014 aurait pu légalement être pris en l'absence du vice de procédure tenant au défaut d'information sur la date de réunion du comité médical. Par conséquent, la requérante ne justifie pas d'un droit à réintégration, et l'irrégularité entachant la procédure suivie devant le comité médical n'est pas de nature à lui ouvrir droit à une indemnité en réparation d'un préjudice de carrière. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal se serait livré à une appréciation inexacte de son préjudice moral, en évaluant à 1 000 euros l'indemnité destinée à en assurer la réparation.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique, après avoir annulé la décision litigieuse et lui avoir accordé 1 000 euros au titre de son préjudice moral, a rejeté le surplus de sa demande.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que sollicite Mme C...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

M. David Katz, premier conseiller,

Lu en audience publique le 29 novembre 2018.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Catherine JUSSY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 16BX02483


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02483
Date de la décision : 29/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Mise à la retraite pour ancienneté ; limites d'âge.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : LETURCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-29;16bx02483 ?
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