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29/11/2018 | FRANCE | N°16BX00023,16BX00514,16BX01902

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2018, 16BX00023,16BX00514,16BX01902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la société EDF, l'Etat et le département de Lot-et-Garonne à l'indemniser des préjudices résultant des désordres affectant les berges du Lot au droit de sa propriété et les ouvrages installés sur ces berges.

Par un jugement n° 1403707 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la société EDF à verser à Mme B...la somme de 6 000 euros, avec intérêts au taux légal à la date du 15 mai 2014

et capitalisation des intérêts, d'autre part, a condamné le département de Lot-et-Garonne...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la société EDF, l'Etat et le département de Lot-et-Garonne à l'indemniser des préjudices résultant des désordres affectant les berges du Lot au droit de sa propriété et les ouvrages installés sur ces berges.

Par un jugement n° 1403707 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la société EDF à verser à Mme B...la somme de 6 000 euros, avec intérêts au taux légal à la date du 15 mai 2014 et capitalisation des intérêts, d'autre part, a condamné le département de Lot-et-Garonne à verser à Mme B...la somme de 1 500 euros, avec intérêts au taux légal à la date du 15 mai 2014 et capitalisation des intérêts, a mis à la charge de la société EDF et du département de Lot-et-Garonne une somme de 600 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

I. Sous le n° 16BX00023, par une requête et un mémoire enregistrés les 5 janvier 2016 et 9 mars 2017, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er décembre 2015 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner l'Etat, la société EDF et le département de Lot-et-Garonne à lui verser une somme de 40 000 euros en réparation des désordres matériels subis soit la réparation de 20 mètres linéaires d'enrochement ou à défaut la somme de 12 641,72 euros suivant devis du 12 août 2013, somme à réévaluer à la date de réalisation des travaux en fonction de la variation de l'indice Insee BT du coût de la construction, ainsi qu'une somme de 3 720 euros en réparation de son préjudice de jouissance, augmenté de 60 euros par mois à compter de la requête et jusqu'à complète réparation des berges de sa propriété, d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable du 15 mai 2014 et de prononcer la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, de la société EDF et du département de Lot-et-Garonne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué, qui ne lui assure une réparation de ses préjudices qu'à hauteur de 50 % alors même qu'il reconnaît qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, méconnaît le principe de réparation intégrale du préjudice ;

- elle n'a commis aucune faute exonératoire ; elle ne s'est ainsi pas livrée à un usage trop proche du fleuve pour l'aménagement de sa promenade ; il résulte du rapport d'expertise de M. F...qu'indépendamment de leur usage, les riverains doivent subir les conséquences du bouleversement entrainé par la construction du barrage de Temple-sur-Lot ; il ressort de ce même rapport d'expertise que les travaux d'enrochement réalisés en 1984 et 1988 constituaient des aménagements protecteurs de la berge ; cet enrochement, qui s'est effondré en janvier 2012, était préconisé par un expert judiciaire ; les travaux ont fait l'objet d'une déclaration de travaux en 1989, et il serait exagéré de considérer qu'il s'agit d'une situation illégale ; les berges, situées au-delà du point de référence 39,5 de la concession, sont sa propriété ; elle ignorait les risques liés à l'instabilité des berges lors de l'acquisition de l'immeuble en 1980 et n'avait ainsi pas connaissance du risque d'effondrement ; sa propriété étant éloignée du barrage, elle ne pouvait imaginer être amenée à subir les conséquences des manoeuvres sur ce barrage ; elle a pris les mesures adéquates de protection de sa propriété ; les désordres dont elle sollicite la réparation concernent une partie enrochée de la rive, ainsi que cela résulte d'un constat d'huissier ; il ne résulte pas du rapport LRPC que sa berge était mal entretenue ; en tout état de cause, il convient de se reporter, non pas à ce rapport de 2009, qui n'est pas concomitant, mais au rapport de M. A..., qui indique que la cause des désordres ne saurait résider dans un défaut d'entretien des berges ;

- la responsabilité sans faute d'EDF, exploitant du barrage, est engagée ; les désordres ont pour cause principale l'abaissement brutal du niveau du Lot, ainsi que cela résulte du rapport d'expertise ;

- contrairement à ce qu'affirme EDF, il n'y a plus de dragage de la rivière depuis de nombreuses années, et l'expert ne retient d'ailleurs pas cet élément comme une cause des désordres ; les désordres en cause ne peuvent d'avantage s'expliquer par une fragilité préexistante des berges, alors qu'elles ont précisément fait l'objet d'une consolidation par enrochement au droit de sa propriété ; l'expert estime également que les désordres en cause, sur un tronçon totalement artificiel où les processus naturels ont été modifiés par le noyage des berges, ne sont pas liés à des phénomènes naturels ;

- la responsabilité de l'Etat est également engagée ; sa responsabilité sans faute est engagée à raison de la validation, par les services de l'Etat, de la manoeuvre effectuée sur le barrage, qui est à l'origine des désordres ; sa responsabilité pour faute est par ailleurs engagée en qualité de concessionnaire, dès lors qu'une réglementation plus stricte relative aux consignes sur la surveillance de l'ouvrage aurait dû être mise en place compte tenu du risque existant ; sa responsabilité est aussi engagée en sa qualité de titulaire de la police des extractions ;

- la responsabilité du département de Lot-et-Garonne est, elle aussi, engagée ; si le Lot est certes une rivière domaniale, le département s'est cependant fixé comme mission d'exploiter l'axe Baïse-Garonne-Lot ; assurant la gestion de cet axe de navigation, il établit les conditions de sécurité de la navigation et n'a ainsi pas un rôle neutre ; sa responsabilité est donc engagée en raison d'un défaut de réglementation de la navigation, laquelle, autorisant une navigation trop près des berges, est à l'origine des désordres en cause ;

- sa propriété étant classée en type 2 selon le rapport d'expertise de M.A..., il résulte du tableau récapitulatif établi par l'expert que son préjudice lié au coût de réparation des désordres se monte à 40 000 euros ; si l'on s'en tient aux devis fournis en cours d'expertise, le montant total des travaux est de 12 641, 72 euros, montant à actualiser selon l'indice INSEE BT du coût de la construction ;

- son préjudice de jouissance doit être évalué à 60 euros par mois ;

- son préjudice présente un caractère anormal et spécial ; seuls certains riverains du Lot ont été concernés, l'expert ayant dénombré 37 sites ; l'effondrement de la rive enrochée excède la gêne inévitable liée à l'érosion du rivage.

Par des mémoires en défense enregistrés les 30 novembre 2016 et 3 mai 2017, la société EDF conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- Mme B...ne justifie pas avoir été titulaire, en application des dispositions alors applicables de l'article 25 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, reprises à l'article L. 2124-8 du code général de la propriété des personnes publiques, d'une autorisation aux fins de réaliser les travaux d'enrochement des berges de sa propriété ; elle est de la sorte réputée avoir bâti illégalement cet enrochement et ne peut en conséquence prétendre à une indemnisation ; l'endommagement de l'ouvrage de protection des berges est en effet la conséquence directe de l'implantation de celui-ci ; la réalisation d'un ouvrage de protection en limite des berges implique nécessairement de faire des travaux tant au-dessus de la cote 39,5 NGF, soit sur le terrain privé de la requérante, que sur le domaine public dans sa partie immergée afin d'ancrer les fondations de cet ouvrage dans le lit de la rivière ; s'agissant de l'ouvrage de MmeB..., ces enrochements sont bien visibles sous l'eau et donc dans le domaine public fluvial ainsi que cela résulte du rapport d'expertise de M.A... ;

- Mme B...n'a pas mis en oeuvre de mesures de protection nécessaires pour remédier à l'instabilité des berges de sa propriété ; les désordres se sont produits, d'après le rapport d'expertise, dans une zone non protégée, et cette analyse n'est pas contredite par les mentions du constat d'huissier ; il est ainsi probable qu'à l'endroit des désordres il n'y avait jamais eu d'enrochement ; en tout état de cause, Mme B...n'a pas entretenu l'ouvrage d'enrochement de ses berges, ainsi que cela résulte des mentions de la carte informative " Instabilité des berges du Lot " pour la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot produite au dossier ;

- il n'existe pas de lien de causalité direct entre l'abaissement du niveau du Lot mis en oeuvre lors de la manoeuvre de janvier 2012 et les désordres en cause ; cet abaissement n'a fait qu'accélérer la survenance de désordres inéluctables ; l'expert, qui a d'ailleurs admis que l'abaissement du Lot pouvait pour certaines propriétés n'avoir joué qu'un rôle d'accélérateur, n'est pas compétent pour déterminer les responsabilités encourues ; la propriété de Mme B...se trouve dans une zone de recul des berges irrémédiable et irréversible de 30 à 80 cm par an ;

- les risques inhérents à l'existence d'un barrage, alors même qu'ils n'étaient pas analysés dans un document officiel, étaient connus par Mme B...lors de son acquisition ; l'abaissement du Lot n'a pas revêtu un caractère brutal ou exceptionnel et ne constitue pas un dysfonctionnement ; les désordres résultent ainsi de l'exploitation normale de l'ouvrage, de sorte que le principe d'antériorité est applicable ;

- le montant des sommes demandées n'est pas justifié ; la requérante ne saurait se référer à l'estimation de l'expert alors qu'elle dispose d'un devis très largement inférieur à cette estimation ; il convient d'appliquer un abattement en fonction de l'état d'usage de l'ouvrage de protection en cause ;

- le préjudice de jouissance n'est pas établi.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 février 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'auteur d'un dommage ne peut être condamné qu'à hauteur de sa participation à la réalisation de ce dommage ;

- la propriété de Mme B...fait partie d'une zone d'instabilité chronique des berges du Lot, très antérieure à la mise en exploitation du barrage de Temple-sur-Lot ;

- la société EDF, concessionnaire du barrage du Temple-sur-Lot, qui n'est pas insolvable, a en charge l'entretien et le fonctionnement du barrage hydroélectrique à l'origine du préjudice invoqué par la requérante ; le préjudice invoqué ne revêt pas un caractère spécial, d'autres riverains des berges du Lot ont subi, au même titre que la requérante, des désagréments ; le comportement de l'Etat dans la gestion de "l'anomalie" constatée sur le barrage par le concessionnaire ne constitue pas, au demeurant, la cause directe des préjudices ; la responsabilité sans faute de l'État ne saurait donc être engagée ;

- la responsabilité pour faute de l'Etat ne saurait davantage être engagée ; toute décision propre à assurer la surveillance, le fonctionnement et l'entretien d'un ouvrage hydroélectrique concédé est prise par le concessionnaire et non par l'État ; la manoeuvre de maintenance en cause n'avait pas à être approuvée par l'autorité concédante ; en effet, en vertu de l'article 33 du décret du 13 octobre 1994 relatif à la concession et à la déclaration d'utilité publique des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique, la manoeuvre opérée par la société EDF, en vue de pallier l'aléa technique détecté sur une des vannes supérieures du barrage, n'est pas de celles devant faire l'objet d'une autorisation par le préfet ; la circonstance que le préfet a validé cette manoeuvre ne constitue donc pas une décision ayant autorisé la vidange du plan d'eau réalisée par la société EDF ; l'approbation de cette manoeuvre n'est pas la cause adéquate des dommages allégués ;

- contrairement à ce que soutient le département de Lot-et-Garonne, l'Etat n'a pas commis de faute en raison d'une insuffisante réglementation de la police de la navigation ; en tout état de cause, la prétendue insuffisance de cette réglementation n'est pas la cause de l'effondrement des berges ;

- le barrage du Temple-sur-Lot existait déjà avant l'acquisition par Mme B...de sa propriété, de sorte qu'elle ne pouvait ignorer les risques liés aux manoeuvres destinées à assurer la sécurité et le bon fonctionnement dudit barrage.

Par une ordonnance du 9 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 juin 2017 à 12 heures.

II. Sous le n° 16BX00514, par une requête et un mémoire enregistrés les 2 février 2016 et 15 février 2017, la société EDF, représentée par la société AdDen avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er décembre 2015 en tant qu'il l'a condamnée ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à sa condamnation à l'indemniser ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme B...ne justifie pas avoir été titulaire, en application des dispositions alors applicables de l'article 25 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, d'une autorisation aux fins de réaliser les travaux d'enrochement des berges de sa propriété ;

- il n'existe pas de lien de causalité direct entre l'abaissement du niveau du Lot mis en oeuvre lors de la manoeuvre de janvier 2012 et les désordres en cause ; cet abaissement n'a fait qu'accélérer la survenance de désordres inéluctables ;

- les risques inhérents à l'existence d'un barrage étaient connus par Mme B...lors de son acquisition ; les désordres résultent de l'exploitation normale de l'ouvrage, de sorte que le principe d'antériorité est applicable ;

- le montant des sommes demandées n'est pas justifié.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2017, Mme B...conclut au rejet de la requête, à l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes et à ce que soit mise à la charge de l'Etat, de la société EDF et du département de Lot-et-Garonne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué, qui ne lui assure une réparation de ses préjudices qu'à hauteur de 50 % alors même qu'il reconnaît qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, méconnaît le principe de réparation intégrale du préjudice ;

- elle n'a commis aucune faute exonératoire ; elle ne s'est ainsi pas livrée à un usage trop proche du fleuve pour l'aménagement de sa promenade ; il résulte du rapport d'expertise de M. F...qu'indépendamment de leur usage, les riverains doivent subir les conséquences du bouleversement entrainé par la construction du barrage de Temple-sur-Lot ; il ressort de ce même rapport d'expertise que les travaux d'enrochement réalisés en 1984 et 1988 constituaient des aménagements protecteurs de la berge ; cet enrochement, qui s'est effondré en janvier 2012, était préconisé par un expert judiciaire ; les travaux ont fait l'objet d'une déclaration de travaux en 1989, et il serait exagéré de considérer qu'il s'agit d'une situation illégale ; elle ignorait les risques liés à l'instabilité des berges lors de l'acquisition de l'immeuble en 1980 et n'avait ainsi pas connaissance du risque d'effondrement ; sa propriété étant éloignée du barrage, elle ne pouvait imaginer être amenée à subir les conséquences des manoeuvres sur ce barrage ; elle a pris les mesures adéquates de protection de sa propriété ; les désordres dont elle sollicite la réparation concernent une partie enrochée de la rive, ainsi que cela résulte d'un constat d'huissier ;

- la responsabilité sans faute d'EDF, exploitant du barrage, est engagée ; les désordres ont pour cause principale l'abaissement brutal du niveau du Lot, ainsi que cela résulte du rapport d'expertise ;

- contrairement à ce qu'affirme EDF, il n'y a plus de dragage de la rivière depuis de nombreuses années, et l'expert ne retient d'ailleurs pas cet élément comme une cause des désordres ; les désordres en cause ne peuvent d'avantage s'expliquer par une fragilité préexistante des berges, alors qu'elles ont précisément fait l'objet d'une consolidation par enrochement au droit de sa propriété ; l'expert estime également que les désordres en cause, sur un tronçon totalement artificiel où les processus naturels ont été modifiés par le noyage des berges, ne sont pas liés à des phénomènes naturels ;

- la responsabilité de l'Etat est également engagée ; sa responsabilité sans faute est engagée à raison de la validation, par les services de l'Etat, de la manoeuvre effectuée sur le barrage, qui est à l'origine des désordres ; sa responsabilité pour faute est par ailleurs engagée en qualité de concessionnaire, dès lors qu'une réglementation plus stricte relative aux consignes sur la surveillance de l'ouvrage aurait dû être mise en place compte tenu du risque existant ; sa responsabilité est aussi engagée en sa qualité de titulaire de la ,police des extractions ;

- la responsabilité du département de Lot-et-Garonne est elle-aussi engagée ; si le Lot est certes une rivière domaniale, le département s'est cependant fixé comme mission d'exploiter l'axe Baïse-Garonne-Lot ; assurant la gestion de cet axe de navigation, il établit les conditions de sécurité de la navigation et n'a ainsi pas un rôle neutre ; sa responsabilité est donc engagée à raison d'un défaut de réglementation de la navigation, laquelle, autorisant une navigation trop près des berges, est à l'origine des désordres en cause ;

- sa propriété étant classée en type 2 selon le rapport d'expertise de M.A..., il résulte du tableau récapitulatif établi par l'expert que son préjudice lié au coût de réparation des désordres se monte à 40 000 euros ; si l'on s'en tient aux devis fournis en cours d'expertise, le montant total des travaux est de 12 641,72 euros, montant à actualiser selon l'indice INSEE BT du coût de la construction ;

- son préjudice de jouissance doit être évalué à 60 euros par mois.

Par une ordonnance du 16 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 mars 2017 à 12 heures.

III. Sous le n° 16BX01902, par une requête enregistrée le 29 janvier 2016, le département de Lot-et-Garonne, représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er décembre 2015 en tant qu'il l'a condamné ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à sa condamnation à l'indemniser.

Il soutient que :

- il n'est pas titulaire du pouvoir de police en charge de l'établissement et du respect des règles de navigation sur le Lot, ce que l'Etat ne conteste au demeurant pas ; la navigation sur le Lot au droit de la propriété de Mme B...est régie par des arrêtés préfectoraux des 23 juin 2005 et 4 août 1998, qui fixent notamment la vitesse des embarcations et les distances à respecter par rapport aux berges ; ses missions ne portant que sur l'entretien et l'exploitation, il n'a commis aucune faute en rapport avec les dommages allégués ;

- à titre subsidiaire, sa part de responsabilité ne saurait excéder 5 %, ainsi que l'avait préconisé l'expert.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 janvier 2017, Mme B...conclut au rejet de la requête, à l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes et à ce que soit mise à la charge de l'Etat, de la société EDF et du département de Lot-et-Garonne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué, qui ne lui assure une réparation de ses préjudices qu'à hauteur de 50 % alors même qu'il reconnaît qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, méconnaît le principe de réparation intégrale du préjudice ;

- elle n'a commis aucune faute exonératoire ; elle ne s'est ainsi pas livrée à un usage trop proche du fleuve pour l'aménagement de sa promenade ; il résulte du rapport d'expertise de M. F...qu'indépendamment de leur usage, les riverains doivent subir les conséquences du bouleversement entrainé par la construction du barrage de Temple-sur-Lot ; il ressort de ce même rapport d'expertise que les travaux d'enrochement réalisés en 1984 et 1988 constituaient des aménagements protecteurs de la berge ; cet enrochement, qui s'est effondré en janvier 2012, était préconisé par un expert judiciaire ; les travaux ont fait l'objet d'une déclaration de travaux en 1989, et il serait exagéré de considérer qu'il s'agit d'une situation illégale ; elle ignorait les risques liés à l'instabilité des berges lors de l'acquisition de l'immeuble en 1980 et n'avait ainsi pas connaissance du risque d'effondrement ; sa propriété étant éloignée du barrage, elle ne pouvait imaginer être amenée à subir les conséquences des manoeuvres sur ce barrage ; elle a pris les mesures adéquates de protection de sa propriété ; les désordres dont elle sollicite la réparation concernent une partie enrochée de la rive, ainsi que cela résulte d'un constat d'huissier ;

- la responsabilité sans faute d'EDF, exploitant du barrage, est engagée ; les désordres ont pour cause principale l'abaissement brutal du niveau du Lot, ainsi que cela résulte du rapport d'expertise ;

- contrairement à ce qu'affirme EDF, il n'y a plus de dragage de la rivière depuis de nombreuses années, et l'expert ne retient d'ailleurs pas cet élément comme une cause des désordres ; les désordres en cause ne peuvent d'avantage s'expliquer par une fragilité préexistante des berges, alors qu'elles ont précisément fait l'objet d'une consolidation par enrochement au droit de sa propriété ; l'expert estime également que les désordres en cause, sur un tronçon totalement artificiel où les processus naturels ont été modifiés par le noyage des berges, ne sont pas liés à des phénomènes naturels ;

- la responsabilité de l'Etat est également engagée ; sa responsabilité sans faute est engagée à raison de la validation, par les services de l'Etat, de la manoeuvre effectuée sur le barrage, qui est à l'origine des désordres ; sa responsabilité pour faute est par ailleurs engagée en qualité de concessionnaire, dès lors qu'une réglementation plus stricte relative aux consignes sur la surveillance de l'ouvrage aurait dû être mise en place compte tenu du risque existant ; sa responsabilité est aussi engagée en sa qualité de titulaire de la ,police des extractions ;

- la responsabilité du département de Lot-et-Garonne est elle-aussi engagée ; si le Lot est certes une rivière domaniale, le département s'est cependant fixé comme mission d'exploiter l'axe Baïse-Garonne-Lot ; assurant la gestion de cet axe de navigation, il établit les conditions de sécurité de la navigation et n'a ainsi pas un rôle neutre ; sa responsabilité est donc engagée à raison d'un défaut de réglementation de la navigation, laquelle, autorisant une navigation trop près des berges, est à l'origine des désordres en cause ;

- sa propriété étant classée en type 2 selon le rapport d'expertise de M.A..., il résulte du tableau récapitulatif établi par l'expert que son préjudice lié au coût de réparation des désordres se monte à 40 000 euros ; si l'on s'en tient aux devis fournis en cours d'expertise, le montant total des travaux est de 12 641,72 euros, montant à actualiser selon l'indice INSEE BT du coût de la construction ;

- son préjudice de jouissance doit être évalué à 60 euros par mois.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 février 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'Etat n'a pas commis de faute en raison d'une insuffisante réglementation de la police de la navigation ; les arrêtés préfectoraux des 23 juin 2005 et 4 août 1998 précisent les vitesses maximales de marche des bateaux et interdisent diverses activés nautiques ;

- en admettant le caractère inadapté de cette réglementation, en raison d'un batillage important, il résulte du rapport d'expertise que le batillage dû au passage des bateaux n'a pas causé l'effondrement des berges ; cet effondrement résulte essentiellement de leur instabilité préexistante, ce phénomène d'érosion ayant pu être accéléré par la manoeuvre de maintenance réalisée par la société EDF sur le barrage de Temple-sur-Lot ;

- en tout état de cause, le barrage du Temple-sur-Lot existait déjà avant l'acquisition par Mme B...de sa propriété, de sorte qu'elle ne pouvait ignorer les risques liés aux manoeuvres destinées à assurer la sécurité et le bon fonctionnement dudit barrage.

Par une ordonnance du 17 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 mars 2017 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des transports ;

- le code de l'environnement ;

- la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais ;

- le décret du 28 juillet 1953 autorisant et concédant à Electricité de France (service national) l'aménagement et l'exploitation de la chute du Temple, sur le Lot, dans le département de Lot et Garonne ;

- le décret n° 94-894 du 13 octobre 1994 relatif à la concession et à la déclaration d'utilité publique des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique ;

- le décret n° 99-872 du 11 octobre 1999 approuvant le cahier des charges type des entreprises hydrauliques concédées ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- les observations de MeC..., représentant MmeB..., et les observations de Me G..., représentant la société EDF.

Considérant ce qui suit :

1. La société EDF exploite au Temple-sur-Lot, sous le régime de la concession, un barrage hydroélectrique, mis en service en 1951, situé sur la rivière Lot, qui appartient au domaine public fluvial de l'Etat. Le 3 janvier 2012, la société EDF a procédé à des essais sur les vannes de ce barrage afin de vérifier leur bon fonctionnement avant la période de crue. Ces essais ont mis en évidence un aléa technique nécessitant une intervention de maintenance sur une des vannes supérieures du barrage. Pour réaliser cette opération de maintenance hors-d'eau, un abaissement de la retenue d'eau de 2,40 m a été réalisé le 5 janvier 2012, selon une vitesse allant jusqu'a 20 cm/heure, soit la vitesse maximale prévue par les consignes d'exploitation de l'ouvrage en période de crue. A la suite de cette manoeuvre, est survenu, dès le 5 janvier 2012, un affaissement des berges au droit de plusieurs propriétés situées en amont et en aval du barrage du Temple-sur-Lot, notamment celle de MmeB..., située en bordure du Lot, dont la berge, qui était aménagée en promenade dallée et empierrée, s'est effondrée sur une quinzaine de mètres. Mme B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la société EDF, l'Etat et le département de Lot-et-Garonne à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'effondrement de la berge au droit de sa propriété. Par un jugement n° 1403707 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que la responsabilité sans faute d'EDF, en sa qualité de concessionnaire du barrage, était engagée vis-à-vis de MmeB..., tiers par rapport à l'ouvrage, en raison du fonctionnement dudit barrage, et que les désordres étaient imputables à l'entretien de l'ouvrage à hauteur de 40 %. Le tribunal a également estimé, d'une part, que l'Etat n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité, d'autre part, que la responsabilité pour faute du département de Lot-et-Garonne était en revanche engagée en raison de l'insuffisante règlementation de la navigation sur le Lot, et que les désordres étaient imputables à cette faute à hauteur de 10 %. Après avoir évalué le préjudice matériel de Mme B... à 13 000 euros et le préjudice de jouissance subi par l'intéressée à 2 000 euros, le tribunal a condamné la société EDF et le département de Lot-et-Garonne à verser respectivement 6 000 euros et 1 500 euros à Mme B...en réparation de ses préjudices, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par une requête enregistrée sous le n° 16BX00023, Mme B... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Par des requêtes enregistrées sous les n°s 16BX00514 et 16BX01902, la société EDF et le département de Lot-et-Garonne relèvent appel du même jugement en tant qu'il les a condamnés.

2. Les requêtes de MmeB..., de la société EDF et du département de Lot-et-Garonne sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité de la société EDF :

3. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers, tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Il appartient toutefois aux tiers d'apporter la preuve de la réalité des préjudices allégués et du lien de causalité entre la présence ou le fonctionnement de l'ouvrage et lesdits préjudices. En cas de dommages causés à des tiers par l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public concédé, l'action en responsabilité doit être dirigée contre le concessionnaire et non contre la personne publique sauf insolvabilité du concessionnaire.

S'agissant du lien de causalité entre le fonctionnement de l'ouvrage et les préjudices :

4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux par ordonnance du 12 novembre 2012 et déposée en mars 2014, que la manoeuvre réalisée le 5 janvier 2012 sur le barrage hydroélectrique du Temple-sur-Lot, et en particulier la variation rapide du niveau du cours d'eau induite par cette manoeuvre, est à l'origine du phénomène d'effondrement, sur une quinzaine de mètres, de la berge située au droit de la propriété de MmeB.... Si la société EDF fait valoir que la propriété de Mme B... est située dans une zone de recul des berges lié à leur érosion naturelle, ledit rapport d'expertise écarte tout phénomène naturel comme ayant joué un rôle causal dans la survenance des désordres en cause, et la société EDF n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette analyse. Il résulte au demeurant de l'instruction que la berge appartenant à Mme B...est dotée sur toute sa longueur, depuis la fin des années 1980, d'un ouvrage de protection par enrochement destiné à contenir le phénomène naturel d'érosion dont la société EDF fait état. Dans ces conditions, le fonctionnement de l'ouvrage, à l'égard duquel Mme B...a la qualité de tiers, constitue la cause déterminante des désordres litigieux.

S'agissant des préjudices subis par MmeB... :

5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé en mars 2014 et du constat d'huissier réalisé le 6 janvier 2012, que la berge au droit de la propriété de Mme B... s'est effondrée sur une quinzaine de mètres, entrainant la destruction tant du dispositif de protection par enrochement de cette partie de berge que de l'allée empierrée et dallée réalisée sur la partie aérienne de la berge. Mme B...a ainsi subi un préjudice matériel ainsi qu'un préjudice de jouissance d'une partie de sa propriété. S'agissant en l'espèce de dommages de travaux publics non permanents, elle n'a pas à démontrer le caractère anormal et spécial des préjudices subis.

S'agissant des causes exonératoires de responsabilité invoquées par la société EDF :

6. En premier lieu, la société EDF fait valoir que les dommages en cause sont imputables à un défaut d'entretien de sa berge par MmeB..., qui avait la charge d'assurer la protection de sa propriété. Cependant, et contrairement à ce que soutient la société EDF, il ne résulte nullement du rapport d'expertise déposé en 2014 que les désordres litigieux concerneraient une partie de la berge qui n'était pas dotée d'un dispositif de protection par enrochement. Ce même rapport d'expertise préconise d'ailleurs, pour réparer les désordres matériels causés à la propriété de MmeB..., une intervention de " type 2 ", précisément réservée aux berges protégées par enrochements et consistant à pérenniser une nouvelle structure en continu de l'existante. Si la société EDF soutient encore que le dispositif d'enrochement de la berge de Mme B...faisait l'objet d'un entretien insuffisant, le rapport d'expertise écarte expressément le non-entretien des berges comme pouvant être à l'origine des désordres en cause, et la société EDF n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause cette analyse.

7. En deuxième lieu, la société EDF fait valoir que Mme B...a réalisé des travaux d'enrochement sur le domaine public fluvial sans avoir obtenu une autorisation à cet effet. Cependant, en admettant même que ces travaux aient porté, pour partie, sur le domaine public fluvial, les dommages causés aux berges du Lot par la manoeuvre ci-dessus décrite ne se rattachent pas directement à la situation irrégulière alléguée, le dispositif d'enrochement mis en place par Mme B...ayant au contraire contribué à la protection de sa berge.

8. En troisième lieu, lorsqu'il est soutenu qu'une partie s'est exposée en connaissance de cause au risque dont la réalisation a causé les dommages dont elle demande réparation au titre de la présence ou du fonctionnement d'un ouvrage public, il appartient au juge d'apprécier s'il résulte de l'instruction, d'une part, que des éléments révélant l'existence d'un tel risque existaient à la date à laquelle cette partie est réputée s'y être exposée et, d'autre part, que la partie en cause avait connaissance de ces éléments et était à cette date en mesure d'en déduire qu'elle s'exposait à un tel risque, lié à la présence ou au fonctionnement d'un ouvrage public, qu'il ait été d'ores et déjà constitué ou raisonnablement prévisible. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, il ne résulte nullement de l'instruction que la seule présence du barrage du Temple-sur-Lot pouvait révéler, lorsque Mme B...a acquis sa propriété, l'existence d'un risque d'effondrement de sa berge engendré par le fonctionnement dudit ouvrage. Mme B...ne peut dès lors être regardée comme s'étant exposée en connaissance de cause à un tel risque.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que la société EDF, en sa qualité de concessionnaire solvable chargé du fonctionnement du barrage du Temple-sur-Lot, qui ne peut utilement invoquer le fait du tiers pour se dégager de sa responsabilité, doit être déclarée entièrement responsable des préjudices subis par Mme B...du fait de l'effondrement, survenu le 5 janvier 2012, d'une partie de la berge au droit de sa propriété.

En ce qui concerne la responsabilité du département de Lot-et-Garonne :

10. Ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, la rivière Lot appartient au domaine public fluvial de l'Etat. Or, il appartient à l'Etat, titulaire de la police des cours d'eau domaniaux, de réglementer la navigation intérieure sur ces cours d'eau. Il résulte d'ailleurs de l'instruction que la navigation sur l'axe Baïse-Garonne-Lot, et en particulier la vitesse des embarcations et la distance des berges qu'elles doivent respecter, est régie par des arrêtés préfectoraux des 4 août 1998 et 23 juin 2005. Dans ces conditions, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la responsabilité du département de Lot-et-Garonne ne saurait être engagée à raison d'une faute tenant au caractère inadapté de la règlementation de la navigation intérieure sur le Lot. Au demeurant, il ne résulte nullement de l'instruction que la navigation sur le Lot, en particulier les vagues soulevées par le passage des embarcations, serait à l'origine de l'effondrement de la berge située au droit de la propriété de MmeB..., cette berge étant dotée d'un dispositif de protection par enrochement destiné à la protéger des effets des vagues.

11. Il résulte de ce qui précède que le département de Lot-et-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser à Mme B...la somme de 1 500 euros à titre d'indemnité et la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

12. En premier lieu, et ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 9 du présent arrêt, seule la responsabilité de la société EDF, en sa qualité de concessionnaire, et qui est solvable, peut être engagée à raison du fonctionnement du barrage du Temple-sur-Lot. Mme B...n'est ainsi pas fondée à rechercher la responsabilité sans faute de l'Etat en sa qualité de concédant dudit ouvrage public.

13. En deuxième lieu, si selon le rapport d'expertise, la survenance des désordres en cause révèle que la consigne d'exploitation du barrage, validée par l'Etat, relative à la vitesse maximale d'abaissement du niveau d'eau en période de crue, présente un risque pour les berges, il n'est ni établi ni même allégué que cette consigne ne répondrait pas à un impératif de sécurité en période de crue et aurait été validée alors que l'Etat avait connaissance du risque ainsi encouru par les propriétés voisines du barrage. Dans ces conditions, Mme B...n'établit pas le caractère prétendument fautif de cette consigne.

14. Enfin, si Mme B...fait valoir, dans le dernier état de ses écritures, que la responsabilité pour faute de l'Etat serait engagée " en tant que titulaire de la police des extractions " du fait " des extractions passées ", elle n'apporte aucune précision qui permettrait à la cour de déterminer la faute qu'elle entend alléguer ni aucun élément de démonstration.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser.

Sur la réparation :

16. En premier lieu, un devis établi le 12 août 2013 par l'entreprise Sohé Rivière a évalué à 12 641,72 euros le montant des travaux de réparation de la partie de la berge endommagée appartenant à MmeB.... C'est ainsi par une exacte appréciation du préjudice matériel subi par MmeB..., appréciation qui n'est d'ailleurs pas sérieusement contestée par l'intéressée, que le tribunal a évalué à 13 000 euros le montant des travaux de réparation.

17. En deuxième lieu, le tribunal administratif a évalué le préjudice de jouissance subi par Mme B...à 2 000 euros. Ce montant n'étant pas contesté en appel, il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

18. En troisième lieu, si Mme B...demande l'actualisation des sommes allouées en réparation de ses préjudices, elle n'établit pas plus en appel qu'en première instance s'être trouvée dans l'impossibilité de faire réaliser les travaux de reconstruction de la berge. Ses conclusions ne peuvent ainsi, sur ce point, être accueillies.

19. Enfin, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, dont le jugement n'est pas contesté en appel sur ce point, Mme B...a droit aux intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2014, date de réception de sa réclamation préalable, ainsi qu'à la capitalisation de ces intérêts à compter du 15 mai 2015.

20. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la somme que la société EDF a été condamnée à verser à Mme B...par l'article 1er du jugement n° 1403707 du tribunal administratif de Bordeaux du 1er décembre 2015 doit être portée à 15 000 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2014 capitalisés au 15 mai 2015, d'autre part, l'article 2 de ce jugement condamnant le département de Lot-et-Garonne à verser une indemnité de 1 500 euros à Mme B...doit être annulé, ainsi que l'article 3 du même jugement en tant qu'il condamne le département de Lot-et-Garonne à verser la somme de 600 euros à Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société EDF une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées par les autres parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La somme que la société EDF a été condamnée à verser à Mme B...par l'article 1er du jugement n° 1403707 du tribunal administratif de Bordeaux du 1er décembre 2015 est portée à 15 000 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à la date du 15 mai 2014. Les intérêts échus à la date du 15 mai 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 1403707 du tribunal administratif de Bordeaux du 1er décembre 2015 condamnant le département de Lot-et-Garonne à verser une indemnité de 1 500 euros à Mme B...est annulé, ainsi que l'article 3 du même jugement en tant qu'il met à la charge du département de Lot-et-Garonne le versement à Mme B...de la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société EDF versera une somme de 2 000 euros à Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., à la société EDF, au ministre de la transition écologique et solidaire et au département de Lot-et-Garonne.

Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. David Katz, premier conseiller,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Florence FAURE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N°s 16BX00023, 16BX00514, 16BX01902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00023,16BX00514,16BX01902
Date de la décision : 29/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : AD LEX AVOCATS ; CABINET ADDEN PARIS ; AD LEX AVOCATS ; AD LEX AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-29;16bx00023.16bx00514.16bx01902 ?
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