Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 avril 2018 par lequel le préfet de Haute-Vienne a ordonné son transfert aux autorités italiennes considérées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1800538 du 25 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 avril 2018 sous le n° 18BX01774, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du 25 avril 2018 magistrat désigné du tribunal administratif de Limoges ;
3°) d'annuler l'arrêté du 6 avril 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a décidé son transfert aux autorités italiennes ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé de demande d'asile dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ; il n'est pas démontré qu'il existerait une délégation de signature conférée à M. D...E..., signataire de l'acte ;
- il est insuffisamment motivée, ce qui révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ainsi que les dispositions des articles L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'est pas démontré qu'il aurait compris les informations qui lui ont été fournies lors de son entretien en préfecture ; il ne parle que très peu le français et ne sait pas le lire ; il n'a pas été assisté d'un interprète ;
- la notification de l'arrêté litigieux ne comporte pas les mentions selon lesquelles il a le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute autre personne de son choix
- l'arrêté méconnaît l'article 6§3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant les droits de la défense ;
- l'arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement règlement (UE) n° 604/2013 précité ; il suit un traitement pour une infection tuberculeuse auquel il n'a pas accès en Guinée ; il n'est pas certain que sa demande d'asile soit traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; il ne comprend pas la langue italienne ;
- il n'a pas sollicité l'asile en Italie, contrairement à ce qu'indique l'arrêté litigieux ; la détermination du pays responsable de sa demande est entachée d'irrégularité ;
- l'arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ; le préfet n'a pas engagé de concertation avec les autorités italiennes afin d'organiser son transfert ;
- il n'apparaît pas que le préfet ait communiqué préalablement aux autorités italiennes les données relatives à son état de santé, en méconnaissance des articles 31 et 32 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- pour les mêmes raisons l'arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 13 du règlement CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003.
Par un mémoire enregistré le 28 août 2018, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Déborah de Paz pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marianne Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant guinéen, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français à une date inconnue. Il s'est présenté le 4 décembre 2017 à la préfecture de la Haute-Vienne afin de déposer une demande d'asile. Le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé que l'intéressé était connu des autorités italiennes. Le même jour, une demande de reprise en charge de l'intéressé, a été adressée aux autorités italiennes, lesquelles se sont reconnues compétentes par une décision implicite née le 19 décembre 2017. Par un arrêté du 6 avril 2018, le préfet de la Haute-Vienne a prononcé le transfert de M. A...aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile. M. A...relève appel du jugement du 25 avril 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 7 juin 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. A l'appui des moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué, de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen sérieux de sa situation et de l'absence de mention dans la notification de la décision de transfert, de son droit d'avertir ou de faire son consulat, un conseil ou tout autre personne de son choix, M. A...ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement les réponses apportées par le tribunal administratif. Il y a donc lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.
4. En vertu de l'article 4 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Aux termes de l'article 5 du même règlement " Entretien individuel / (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui a déclaré parler le français et lire l'arabe, s'est vu remettre le 4 décembre 2018 la brochure " A " " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ", la brochure " B " " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " ainsi que le guide du demandeur d'asile en France en langue française et arabe. En outre, l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement précité s'étant déroulé en français, l'assistance d'un interprète n'était pas nécessaire. Enfin, le requérant ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lesquelles " tout accusé a droit notamment à (...) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience ", dès lors que l'entretien prévu par l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ne constitue pas une audience devant un tribunal. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions susvisées doivent être écartés.
6. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) n° 1560/2003, l'État membre antérieurement responsable, l'État membre menant une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. / L'État membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) n° 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise. ".
7. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux que le préfet a relevé que " l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. A...ne relève pas des dérogations des articles 3-2 ou 17 du règlement 604/2013 ". Le préfet a donc examiné la possibilité, résultant des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de statuer sur la demande d'asile de l'intéressé dans le cadre de la clause discrétionnaire. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par M. A...ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le requérant ne pourrait pas voyager vers l'Italie et y recevoir les soins nécessités par son état de santé. Dans ces conditions, en ne mettant pas en oeuvre la clause discrétionnaire prévue par les dispositions citées au point précédent, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas méconnu l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
8. Si l'intéressé soutient que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application des dispositions de l'article 17 du règlement précité, dès lors qu'il suit un traitement pour une infection tuberculeuse et qu'il ne pourra pas faire l'objet des mêmes soins en Guinée, l'arrêté litigieux n'a ni pour objet, ni pour effet de renvoyer M. A...dans son pays d'origine.
9. A l'appui de son moyen selon lequel la France serait responsable de l'examen de sa demande d'asile, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement les réponses apportées par le tribunal administratif. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.
10. Le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 10 du règlement n° 1560/2003, qui a pour seul objet de permettre l'organisation de l'exécution d'une décision de transfert en cas d'acceptation implicite des autorités responsables de l'examen de la demande d'asile.
11. M. A...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 13 du règlement n°1560/2003 qui a été abrogé par l'article 48 du règlement (UE) n° 604/2013 a abrogé cet article 13.
12. Si le requérant fait valoir qu'il n'a pas été justifié par l'administration de la mise en oeuvre des articles 31, 32 du règlement n° 604/2013 du 23 juin 2013, portant sur l' "Échange d'informations pertinentes avant l'exécution d'un transfert " et l'" Échange de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert " ce moyen, qui a trait aux modalités d'exécution de la décision litigieuse, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté ordonnant le transfert de M. A...aux autorités italiennes.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
15. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. A...
Article 2 : Le surplus de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président- assesseur,
M. Paul-André Braud, premier-conseiller,
Mme Sabrina-Ladoire, premier-conseiller
Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.
Le premier-conseiller,
Paul-André BraudLe président-rapporteur,
Marianne Pouget
Le greffier,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
18BX01774