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20/11/2018 | FRANCE | N°16BX00301

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 16BX00301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, d'annuler la délibération du 28 mars 2013 par laquelle le conseil municipal de Mérignac a autorisé la mise en oeuvre d'un programme pluriannuel d'accès à l'emploi titulaire en application de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels de la fonction publique en tant qu'elle inclut l'agent contractuel occupant le poste de respons

able réseaux et télécoms.

Par un jugement n° 1301850 du 17 décembre 2015, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, d'annuler la délibération du 28 mars 2013 par laquelle le conseil municipal de Mérignac a autorisé la mise en oeuvre d'un programme pluriannuel d'accès à l'emploi titulaire en application de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels de la fonction publique en tant qu'elle inclut l'agent contractuel occupant le poste de responsable réseaux et télécoms.

Par un jugement n° 1301850 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 janvier 2016, 20 novembre et

14 décembre 2017 et 3 janvier 2018, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 décembre 2015, notamment son article 2 ;

2°) d'annuler la délibération du 28 mars 2013 par laquelle le conseil municipal de Mérignac a autorisé la mise en oeuvre d'un programme pluriannuel d'accès à l'emploi titulaire en application de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels de la fonction publique en tant qu'elle inclut l'agent contractuel occupant le poste de responsable réseaux et télécoms ;

3°) d'enjoindre à la commune de Mérignac d'exclure du programme pluriannuel l'agent contractuel responsable des réseaux et télécommunications ;

4°) de condamner la commune de Mérignac à lui verser une indemnité d'un montant de 15 000 euros ;

5°) de supprimer, en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les passages du premier mémoire en défense de la commune commençant, page 3, par " Ainsi MmeD..., frustrée... " et finissant par " plusieurs de ses collègues " et, page 20, commençant par " Au lieu de s'acharner à croire " et finissant par " jusqu'à DSI " ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Mérignac la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal a répondu à des moyens qu'elle n'avait pas soulevés, tirés, d'une part, de la consultation irrégulière du comité technique paritaire, d'autre part, du caractère obligatoirement nominatif de la délibération ;

- le jugement est irrégulier pour avoir omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l'agent contractuel, " responsable télécom et réseau ", ne remplissait pas les conditions légales pour être inclus au plan pluriannuel et pour avoir omis de statuer sur le caractère frauduleux entachant le recrutement de l'agent contractuel en cause ainsi que sur le moyen tiré du détournement de pouvoir ;

- le jugement attaqué a également omis de statuer sur les préjudices qu'elle a subis du fait de la promotion de l'agent contractuel en cause qui s'est vu confier les fonctions qu'elle occupait jusqu'alors et du fait de l'attitude de son supérieur hiérarchique à son égard ;

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, au regard des points 7 et 8 de sa motivation ;

- le tribunal a manqué d'impartialité, notamment en mettant à sa charge des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens ;

- la délibération litigieuse approuvant un plan pluriannuel d'accès à l'emploi titulaire en tant qu'il inclut un agent contractuel qui ne satisfait pas aux conditions tenant à ce qu'il occupe un emploi permanent pourvu conformément à l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, au regard notamment de l'arrêt de la présente cour du 8 avril 2014, méconnaît les dispositions du 1° du I de l'article 14 de la loi du 12 mars 2012 ;

- l'intégration illégale, entachée de fraude et de détournement de pouvoir au grade d'ingénieur de l'agent contractuel en cause est fautive et lui a causé des préjudices, professionnel et moral, qu'il convient d'indemniser à hauteur de 15 000 euros ;

- le tribunal en mettant à sa charge des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens a fait une inexacte application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 août et 13 décembre 2017, la commune de Mérignac, représentée par la SCP Noyer B...avocats, conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D...le paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appelante n'a pas d'intérêt à agir contre la délibération litigieuse en tant qu'elle inclut l'agent contractuel responsable des réseaux et télécoms ;

- les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le décret n° 2012-1293 du 22 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.A...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant MmeD..., et de Me B..., représentant la commune de Mérignac.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 28 mars 2013, le conseil municipal de Mérignac a, sur avis favorable du comité technique paritaire, approuvé le programme pluriannuel d'accès à l'emploi titulaire recensant 31 agents éligibles, les cadres d'emplois concernés et leur répartition entre les sessions successives de recrutement. MmeD..., agent titulaire de la commune a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cette délibération en tant qu'elle inclut, selon elle, l'agent contractuel occupant le poste de responsable des réseaux et télécommunications. Elle relève appel du jugement du 17 décembre 2015 par lequel le tribunal a rejeté cette demande ainsi que ses demandes indemnitaires.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre, contrairement à ce que soutient MmeD..., aux moyens qu'elle a soulevés et qui sont tirés de ce que l'agent contractuel, responsable des réseaux et télécommunications, ne remplissait pas les conditions légales pour être éligible au plan pluriannuel en raison de l'illégalité de son recrutement puis des renouvellements successifs de son contrat et sur le caractère frauduleux entachant ledit recrutement ainsi que sur le moyen tiré du détournement de pouvoir, notamment par ses points 8 et 9, alors même que le terme de " fraude " alléguée par l'appelante n'a pas été expressément repris dans la motivation du jugement. Le tribunal a également expressément statué, par les points 12 et 13 du jugement attaqué, sur les préjudices invoqués par Mme D...du fait de la promotion de l'agent contractuel en cause, en retenant l'absence de caractère direct, réel et certain du lien entre les fautes alléguées et ces préjudices. À cet égard la circonstance que le tribunal aurait retenu à tort que l'appelante soutenait avoir vocation à être promue et nommée sur les postes confiés successivement à l'agent contractuel en cause, a trait au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Par suite, le tribunal qui a suffisamment répondu, au vu de son argumentation, à l'ensemble des moyens invoqués par l'intéressée, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

3. En deuxième lieu, la circonstance que le tribunal aurait relevé d'office pour les écarter des moyens qui n'étaient pas invoqués par Mme D...tirés, d'une part, de la consultation irrégulière du comité technique paritaire, d'autre part, du caractère obligatoirement nominatif de la délibération litigieuse est, à la supposer même établie, sans influence sur la régularité du jugement portant rejet de sa demande.

4. En troisième lieu, si Mme D...soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif, une telle contradiction ne ressort pas des termes mêmes des points 7 et 8 de la motivation retenus par les premiers juges.

5. Il ne ressort pas davantage, en quatrième et dernier lieu, des pièces de la procédure ou des termes du jugement que le tribunal administratif de Bordeaux aurait manqué d'impartialité à l'égard de MmeD..., alors même que certains des magistrats composant la formation de jugement auraient fait l'objet, en vain, d'une récusation de la part de l'intéressée et que le jugement a mis à sa charge, en sa qualité de partie perdante, le paiement d'une somme au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué du 17 décembre 2015 serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

7. Aux termes de l'article 13 de la loi du 12 mars 2012 : " Par dérogation à l'article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, l'accès aux cadres d'emplois de fonctionnaires territoriaux peut être ouvert par la voie de modes de recrutement réservés valorisant les acquis professionnels, dans les conditions définies par le présent chapitre et précisées par des décrets en Conseil d'État, pendant une durée de quatre ans à compter de la date de publication de la présente loi. (...) ". L'article 14 de la même loi dispose que : " I. - L'accès à la fonction publique territoriale prévu à l'article 13 est réservé aux agents occupant, à la date du 31 mars 2011, en qualité d'agent contractuel de droit public et, dans le cas d'agents employés à temps non complet, pour une quotité de temps de travail au moins égale à 50 % : / 1° Un emploi permanent pourvu conformément à l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée (...). ".

8. Il ne résulte pas des dispositions précitées que l'accès à la fonction publique territoriale qu'elles prévoient serait réservé aux seuls agents dont le recrutement a été, initialement, effectué légalement ou dont le renouvellement du contrat a été régulier. Il s'ensuit que Mme D...ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la délibération litigieuse en tant qu'elle inclut l'emploi d'ingénieur, responsable des réseaux et télécommunications, de l'illégalité du recrutement puis du renouvellement des contrats de l'agent non titulaire occupant cet emploi alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce recrutement puis ces renouvellements seraient entachés de fraude ou de détournement de pouvoir. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° du I de l'article 14 de la loi du 12 mars 2012 ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

9. D'une part, faute pour Mme D...d'établir l'illégalité de la délibération litigieuse du 28 mars 2013, elle ne saurait rechercher sur ce fondement la responsabilité de la commune de Mérignac.

10. D'autre part, si Mme D...soutient également avoir subi un préjudice moral et professionnel du fait de l'illégalité du recrutement puis du renouvellement du contrat de l'agent ayant occupé les emplois successifs de responsable téléphonie, responsable des télécommunications puis d'ingénieur, responsable des réseaux et télécommunications au sein de la direction des systèmes d'information, il ne résulte pas de l'instruction que ces préjudices seraient en lien de causalité direct et certain avec de telles illégalités, à les supposer même établies, alors notamment que l'appelante, rédactrice territoriale chef, lauréate du concours d'attachée et ayant ainsi vocation à occuper un emploi de nature administrative, ne pouvait exercer des fonctions à caractère technique et que l'évolution de son emploi comme de celui de l'ingénieur responsable des réseaux et télécommunications tient à la réorganisation des services en parallèle de l'essor des technologies de l'information et du pôle ingénierie au sein de la direction des systèmes d'information.

En ce qui concerne les frais exposés en première instance et non compris dans les dépens :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Contrairement à ce que soutient MmeD..., le tribunal n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en mettant à sa charge, en sa qualité de partie perdante à l'instance, la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par la commune de Mérignac et non compris dans les dépens.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Mérignac, que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

14. Aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " (...) Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. / Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts (...) ".

15. Les passages du mémoire de l'intimée incriminés par MmeD..., qui n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse, ne peuvent être regardés comme injurieux, outrageants ou diffamatoires au sens des dispositions précitées. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à en demander la suppression.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mérignac, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande Mme D...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D...une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Mérignac et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Mme D...versera à la commune de Mérignac une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...et à la commune de Mérignac.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX00301


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00301
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cadres et emplois - Création - transformation ou suppression de corps - de cadres d'emplois - grades et emplois.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MAUBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-20;16bx00301 ?
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