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20/11/2018 | FRANCE | N°16BX00079

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 16BX00079


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie de la région Midi-Pyrénées a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 14 septembre 2011 par laquelle le préfet de la région Midi-Pyrénées a décidé de recouvrer le trop perçu de subvention européenne au titre du fonds social européen dont elle avait bénéficié pour un montant de 135 659,73 euros.

Par un jugement n° 1201321 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2016, la chambre de commerce et d'indu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie de la région Midi-Pyrénées a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 14 septembre 2011 par laquelle le préfet de la région Midi-Pyrénées a décidé de recouvrer le trop perçu de subvention européenne au titre du fonds social européen dont elle avait bénéficié pour un montant de 135 659,73 euros.

Par un jugement n° 1201321 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2016, la chambre de commerce et d'industrie de la région Midi-Pyrénées, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 novembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 14 septembre 2011 par laquelle le préfet de

la région Midi-Pyrénées a décidé de recouvrer le trop perçu de subvention européenne au titre du fonds social européen dont elle avait bénéficié pour un montant de 135 659,73 euros et, par voie de conséquence, le titre de perception émis à son encontre le 10 septembre 2013 ;

3°) d'enjoindre à l'État de lui rembourser la somme de 135 659,73 euros, majorée des intérêts au taux légal ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de fait en considérant que le préfet s'était fondé sur les stipulations de l'article 4.1 de la convention du 24 avril 2008 ;

- le préfet a commis une erreur de fait en considérant que les pièces justifiant la dépense pour un montant de 301 466,07 euros étaient insuffisantes et qu'elle n'avait fait que valoriser en ressource la taxe additionnelle à la taxe professionnelle (TATP) des chambres de commerce et d'industrie (CCI) de son ressort ;

- les dépenses des CCI et de la CRCI constituent bien des contreparties réelles ;

- le préfet a méconnu le principe de sécurité juridique en se fondant sur une instruction du 6 octobre 2008, postérieure à l'achèvement du projet financé et en ne prenant pas en compte le fonctionnement de la TATP et ses relations avec les CCI, au moment des faits, la TATP n'étant pas en 2007 une subvention mais une recette constituant une contrepartie publique ;

- elle est en état de fournir les pièces manquantes nécessaires à la justification des dépenses des CCI ;

- les services de l'État ont initialement validé le projet, lors de sa phase d'instruction, notamment en comité de programmation, en l'analysant comme un dossier présenté par un organisme intermédiaire et n'ont pas prévenu, détecté et corrigé les irrégularités comme le prévoient les dispositions de l'article 70 du règlement n° 1083/206 du Conseil du 11 juillet 2006 ;

- aucune irrégularité au sens de l'article 2, 7) du règlement n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 n'a été relevée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement européen n° 1083/2006 du conseil du 11 juillet 2006 ;

- le décret n° 2007-1303 du 3 septembre 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.A...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie.

Une note en délibéré présentée par la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie a été enregistrée le 9 octobre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. La chambre régionale de commerce et d'industrie de Midi-Pyrénées, devenue la chambre de commerce et d'industrie de la région Midi-Pyrénées (CCIR-MP), a demandé,

le 16 novembre 2007, une subvention au titre du Fonds social européen (FSE) d'un montant de 269 847,50 euros destinée à cofinancer la réalisation, entre le 1er mars et le 31 décembre 2007, d'une opération intitulée " missions emploi - ressources humaines des chambres de commerce et d'industrie de Midi-Pyrénées " consistant à renforcer l'information auprès des entreprises de la région sur les mesures d'aide à l'emploi, à pratiquer du conseil individuel en entreprise en particulier sur le volet ressources humaines, à participer à des actions partenariales avec le service public de l'emploi et à accompagner des mutations économiques, technologiques et sociales. Sur avis favorable du comité régional de programmation du FSE, l'État et la CCIR-MP ont conclu, le 24 avril 2008, une convention par laquelle l'État s'engageait, en contrepartie de la réalisation de cette opération, à verser une subvention d'un montant maximal

de 269 847,50 euros et d'un taux maximal de 45 % du coût total de l'opération, qui devait être de 599 661,10 euros. Cette subvention a été payée le 19 mai 2009.

2. Après le contrôle effectué au cours des années 2010 et 2011 par le service de la direction régionale des finances publiques de Midi-Pyrénées en qualité d'autorité de certification déléguée, et qui a été clôturé le 4 août 2011, le préfet de la région Midi-Pyrénées a, par lettre du 14 septembre 2011, notifié à la CCIR-MP le rapport définitif de ce contrôle et a mis à sa charge le remboursement d'un trop perçu de subvention d'un montant de 135 659,73 euros correspondant à une somme de 301 466,07 euros n'ayant pas le caractère d'une dépense éligible. La CICR-MP relève appel du jugement du 3 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Elle demande également que soit annulé, par voie de conséquence, le titre de perception émis à son encontre le 10 septembre 2013 ainsi que la restitution de la somme qu'elle a versée.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. D'une part, aux termes de l'article 2 du règlement européen (conseil) du

11 juillet 2006 portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) n° 1260/1999 : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) / 4) "bénéficiaire": un opérateur, un organisme ou une entreprise, public ou privé, chargé de lancer ou de lancer et mettre en oeuvre des opérations. Dans le cadre des régimes d'aides au titre de l'article 87 du traité, les bénéficiaires sont les entreprises publiques ou privées qui réalisent un projet individuel et reçoivent l'aide publique (...) / 6) " organisme intermédiaire " : tout organisme ou service public ou privé qui agit sous la responsabilité d'une autorité de gestion ou de certification ou qui effectue des tâches pour le compte de ces dernières vis-à-vis des bénéficiaires qui mettent en oeuvre les opérations (...) / 7) "irrégularité": toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général de l'Union européenne par l'imputation au budget général d'une dépense indue ". Aux termes de l'article 56 du même règlement : " 1. Une dépense, y compris pour des grands projets, est éligible à une contribution des Fonds si elle a été effectivement payée (...) ". Aux termes de son article 70 : " 1. Les États membres assument la responsabilité de la gestion et du contrôle des programmes opérationnels, en particulier au travers des mesures suivantes : (...) / b) ils préviennent, détectent et corrigent les irrégularités et recouvrent les sommes indûment payées, le cas échéant augmentées d'intérêts de retard ". Aux termes de l'article 4 du décret du 3 septembre 2007 fixant les règles nationales d'éligibilité des dépenses des programmes cofinancés par les fonds structurels pour la période 2007-2013, dans sa rédaction alors applicable : " Les dépenses réelles justifiées par les bénéficiaires correspondent à des paiements justifiés par des factures acquittées ou par des factures auxquelles sont jointes des pièces permettant de vérifier le paiement effectif aux créanciers ou par des pièces comptables de valeur probante équivalentes.".

4. D'autre part, aux termes de l'article 4.1 de la convention du 24 avril 2008 conclue entre l'État et la CRCI de Midi-Pyrénées : " Les dépenses déclarées doivent correspondre à des dépenses effectivement acquittées par le bénéficiaire et justifiées par des factures acquittées ou des pièces comptables de valeur probante équivalente, à savoir : (...) / pour les bénéficiaires finals publics, la liste des dépenses acquittées avec les références des pièces justificatives et de leur acquittement ou de la copie des factures ou pièces, ces pièces étant accompagnées d'une attestation de paiement délivrée par leur comptable public.".

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que tant dans son dossier de demande de subvention présenté le 16 novembre 2007 que dans la convention qu'elle a signée avec l'État le 24 avril 2008, la chambre régionale de commerce et d'industrie de Midi-Pyrénées est clairement identifiée comme bénéficiaire de la subvention au sens des dispositions précitées et non comme un organisme intermédiaire vis-à-vis des chambres de commerce et d'industrie (CCI) de chacun des départements de la région Midi-Pyrénées. La CCIR-MP n'a pas été en mesure de présenter des factures acquittées par elle-même correspondant à la somme de 301 466,07 euros, ni des pièces comptables de valeur probante équivalente accompagnées d'une attestation de paiement délivrée par son comptable public, que ce soit lors du contrôle opéré ou lors du recours gracieux qu'elle a exercé contre la décision litigieuse. Elle ne produit pas davantage de telles pièces en appel. À cet égard, si chacune des CCI a gardé à sa charge une part du coût de l'opération pour un montant global de 301 466,07 euros et si l'appelante soutient que les pièces permettant de justifier le caractère de la dépense correspondent au décompte de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle (TATP) de chaque CCI, elle ne peut être regardée comme s'étant acquittée effectivement d'une telle dépense. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de fait ou d'une erreur de droit en estimant que la somme de 301 466,07 euros n'avait pas le caractère d'une dépense éligible et en lui réclamant par conséquent le versement d'un trop-perçu d'un montant de 135 659,73 euros correspondant à la subvention correspondante qui lui avait été versée.

6. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet aurait, pour mettre à la charge de la CCIR-MP le trop-perçu litigieux, fait application de dispositions autres que celles du règlement européen du 11 juillet 2006 et du décret du 3 septembre 2007 ou de stipulations autres que celles de la convention signée le 24 avril 2008 et qui seraient postérieures à la période pour laquelle la subvention au titre du FSE a été initialement versée. Si le préfet a, pour évoquer le caractère non probant des pièces produites, évoqué une instruction postérieure aux faits de l'espèce, cette circonstance ne saurait constituer le fondement de la décision litigieuse. Par suite, et en tout état de cause, la CCIR-MP n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu le principe de sécurité juridique.

7. En troisième lieu, la CCIR-MP ne peut utilement se prévaloir ni de ce que les dépenses des CCI constituent des dépenses publiques valant contrepartie nationale aux subventions européennes accordées pour les projets qu'elles mettent en oeuvre, ni du mécanisme de versement de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle existant à la date des faits, ni de ce qu'elle n'avait pas été reconnue en qualité d'organisme intermédiaire, dès lors que ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée fondée, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, sur l'absence de présentation des factures acquittées ou de pièces comptables probantes établissant l'existence de ses dépenses pour un montant

de 301 466,07 euros.

8. En quatrième lieu, la CCIR-MP, qui a entendu présenter une dépense comme étant éligible au FSE alors qu'elle ne l'avait pas effectivement payée, doit être regardée comme ayant violé les dispositions précitées de l'article 56 du règlement européen du 11 juillet 2006.

Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas commis une irrégularité au sens

du 7) de l'article 2 de ce règlement.

9. En cinquième et dernier lieu, la décision litigieuse vise à corriger l'irrégularité commise après qu'elle a été détectée par l'autorité de certification. Dès lors et en tout état de cause, la CCIR-MP n'est pas fondée à soutenir que les services de l'État auraient manqué à leurs obligations définies par l'article 70 précité du règlement européen du 11 juillet 2006.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la CCIR-MP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Il y a donc lieu de rejeter sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande l'appelante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie et au ministre du travail.

Copie en sera transmise au préfet de la région Occitanie.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX00079


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00079
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

14-03-02 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Mesures d'incitation. Subventions.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : BONNEFOI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-20;16bx00079 ?
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