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16/11/2018 | FRANCE | N°16BX03151

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 16 novembre 2018, 16BX03151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 24 février 2016 par lequel le ministre de l'intérieur l'a assigné à résidence sur le territoire de la commune d'Aragnouet à compter du 26 février 2016 et jusqu'à la fin de l'état d'urgence, lui a fait obligation de se présenter une fois par jour à la brigade territoriale de gendarmerie d'Arreau les lundi, jeudi et samedi et à la brigade de gendarmerie de Vignec les mardi, mercredi, vendredi et dimanche, y compris les jours f

riés ou chômés, de demeurer tous les jours de 20 heures à 6 heures à son domi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 24 février 2016 par lequel le ministre de l'intérieur l'a assigné à résidence sur le territoire de la commune d'Aragnouet à compter du 26 février 2016 et jusqu'à la fin de l'état d'urgence, lui a fait obligation de se présenter une fois par jour à la brigade territoriale de gendarmerie d'Arreau les lundi, jeudi et samedi et à la brigade de gendarmerie de Vignec les mardi, mercredi, vendredi et dimanche, y compris les jours fériés ou chômés, de demeurer tous les jours de 20 heures à 6 heures à son domicile et lui a interdit de se déplacer en dehors de son lieu d'assignation à résidence sans avoir préalablement obtenu un sauf-conduit établi par le préfet des Hautes-Pyrénées.

Par un jugement n°1600496 du 16 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 septembre 2016, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 16 juin 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 24 février 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal administratif de Pau n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 ;

- le tribunal n'a pas répondu à l'absence de communication des procès-verbaux d'interrogatoire ;

En ce qui concerne la légalité externe :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée de vices de procédure : il n'a pas été informé qu'une nouvelle mesure d'assignation à résidence était susceptible d'être prise à son encontre, n'a pas été invité à présenter ses observations préalablement à l'édiction de la décision attaquée et c'est à tort que le tribunal a déduit de la seule proclamation de l'état d'urgence que la décision attaquée entrait dans le champ des exceptions prévues par l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration sans examiner concrètement et spécifiquement si les conditions sont remplies pour le requérant ;

En ce qui concerne la légalité interne :

- la décision attaquée est entachée d'un défaut d'examen de sa situation;

- elle méconnaît l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 modifiée dès lors qu'il n'est pas assigné dans une agglomération telle que définie par l'INSEE (unité d'habitation d'au moins 2000 habitants d'après ses dires) mais à son domicile, situé à Aragnouet qui est une commune rurale de moins 250 habitants ;

- l'autorité administrative n'a pris aucune disposition pour assurer sa subsistance ainsi que celle de sa famille alors que son épouse ne perçoit que le RSA ; en outre, il ne peut pas travailler du fait de son assignation à résidence ;

- la décision attaquée comporte plusieurs erreurs de faits ;

- elle est disproportionnée : son appartenance à l'association Hayat n'est pas de nature à caractériser un comportement dangereux dès lors que cette association ne fait l'objet d'aucune poursuite pénale et n'a pas été dissoute par l'autorité administrative compétente ; le " discours de repli communautaire " tenu par le président de l'association Hayat ne saurait lui être reproché, ceci d'autant plus qu'il est constant que le président de l'association a été expulsé du territoire français de sorte qu'il n'a pas de lien avec lui ; en tout état de cause, tenir un discours de repli communautaire ne saurait être constitutif d'une atteinte à l'ordre public ; son départ en Turquie avait un objet humanitaire et il n'a jamais eu l'intention de se rendre en Syrie ; il n'a aucun comportement violent et n'a jamais proféré d'appel à la haine ou à la violence ; le ministre ne produit aucun élément d'actualité concernant son attitude ; les rapports qu'il entretient avec des individus suspectés d'appartenir à un réseau d'acheminement de combattants vers la Syrie sont uniquement qualifiés d'étroits, sans précisions quant au risque terroriste que ces liens impliqueraient alors qu'au demeurant, ces individus ne sont pas des islamistes radicaux ; s'il a déclaré adhérer à l'idéologie du groupe islamiste " Ahrar Al Sham ", cela ne signifiait pas une adhésion complète à l'idéologie de ce groupe mais une préférence critique ; la mesure l'astreint à résider dans une commune de moins de 250 habitants et soumet tous ses déplacements de la vie courante à autorisation alors qu'il a des enfants en bas âge et que son épouse n'a pas le permis de conduire ; il y a une disproportion manifeste entre la rigueur de la mesure et l'absence d'éléments concrets quant à sa dangerosité, laquelle n'est d'ailleurs pas avérée ; s'il a été condamné pour défaut de respect de son assignation à résidence, le tribunal correctionnel de Tarbes l'a dispensé de peine ; enfin, cette mesure porte ainsi une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir ;

- cette décision porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'arrêté attaqué est suffisamment motivé ;

- il n'était pas tenu de recueillir les observations préalables de M.C... dès lors que l'arrêté a été édicté dans le cadre exceptionnel de l'état d'urgence ;

- le moyen tiré de l'absence de mesure compensatoire est inopérant ;

- l'arrêté ne méconnaît pas l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 : il est assigné à proximité d'une agglomération, la ville de Lannemezan se trouvant à 30 minutes de sa commune de résidence ; en outre, la notion d'agglomération doit ici être entendue au sens des dispositions de l'article R. 110-2 du code de la route ;

- la mesure d'assignation à résidence est justifiée par le haut niveau de la menace terroriste que représente l'intéressé et repose sur des raisons sérieuses permettant de penser que le requérant représente une menace pour l'ordre public ; elle est proportionnée dès lors que le lieu d'assignation à résidence a été déterminé à la demande de M.C... ; ce dernier n'est soumis qu'à une obligation de pointage quotidienne, a la possibilité de solliciter des sauf-conduits pour effectuer des déplacements ponctuels et obtenir un aménagement de ses modalités d'assignation, dont il a d'ailleurs bénéficié par deux arrêtés modificatifs en date du 4 et 31 décembre 2015.

Par ordonnance du 27 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 07 avril 2017.

Des mémoires en production de pièces, présentés pour M.C..., ont été enregistrés les 10 septembre 2018, 11 septembre 2018 et 20 septembre 2018 mais n'ont pas été communiqués.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n°55-385 du 3 avril 1955 modifiée relative à l'état d'urgence ;

- la loi n°2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ;

- la loi n°2016-162 du 19 février 2016 prorogeant l'application de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 ;

- le décret n°2015-1475 du 14 novembre 2015 ;

- le décret n°2015-1476 du 14 novembre 2015 ;

- le décret n°2015-1478 du 14 novembre 2015 ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marianne Pouget,

- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...relève appel du jugement du 16 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 février 2016 par lequel le ministre de l'intérieur l'a assigné à résidence à compter du 26 février 2016 et jusqu'à la fin de l'état d'urgence sur le territoire de la commune d'Aragnouet (Hautes-Pyrénées), lui a fait obligation de se présenter une fois par jour à la brigade territoriale de gendarmerie d'Arreau les lundi, jeudi et samedi et à la brigade de gendarmerie de Vignec les mardi, mercredi, vendredi et dimanche, y compris les jours fériés ou chômés, de demeurer tous les jours de 20 heures à 6 heures à son domicile et lui a fait obligation de ne pas se déplacer en dehors de son lieu d'assignation à résidence sans avoir obtenu l'autorisation écrite du préfet des Hautes-Pyrénées.

Sur la régularité du jugement :

2. A supposer que M. C...ait entendu remettre en cause la régularité du jugement attaqué comme étant entaché d'omissions à statuer, il résulte des termes mêmes de ce dernier que le tribunal administratif de Pau a expressément répondu à l'intégralité des moyens soulevés par le requérant. En particulier, les premiers juges n'ont pas omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 et n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par le requérant, notamment celui tiré de l'absence de communication des procès-verbaux d'interrogatoire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En application de la loi du 3 avril 1955, l'état d'urgence a été déclaré par le décret n°2015-1475 du 14 novembre 2015, à compter du même jour à zéro heure, sur le territoire métropolitain, prorogé pour une durée de trois mois, à compter du 26 novembre 2015, par l'article 1er de la loi du 20 novembre 2015, puis à compter du 26 février 2016 par l'article unique de la loi du 19 février 2016. Aux termes de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, dans sa rédaction issue de la loi du 20 novembre 2015 : " Le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret mentionné à l'article 2 et à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics dans les circonscriptions territoriales mentionnées au même article 2. (...). / La personne mentionnée au premier alinéa du présent article peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d'habitation déterminé par le ministre de l'intérieur, pendant la plage horaire qu'il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures. / L'assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération. (...). / L'autorité administrative devra prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance des personnes astreintes à résidence ainsi que celle de leur famille. / Le ministre de l'intérieur peut prescrire à la personne assignée à résidence : / 1° L'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, selon une fréquence qu'il détermine dans la limite de trois présentations par jour, en précisant si cette obligation s'applique y compris les dimanches et jours fériés ou chômés ; (...). ". Il résulte de l'article 1er du décret n°2015-1476 du 14 novembre 2015, modifié par le décret n° 2015-1478 du même jour, que les mesures d'assignation à résidence sont applicables à l'ensemble du territoire métropolitain à compter du 15 novembre à minuit.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige vise les textes dont il est fait application, notamment l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 modifié, les lois en prorogeant l'application et les décrets d'application. Il énonce en outre les motifs de fait sur lesquels est fondée la décision de prolonger l'assignation à résidence du requérant, notamment son appartenance à une association islamiste dirigée par un prédicateur tenant des discours de repli communautaire et de préservation de l'identité musulmane, tout en encourageant le départ vers une terre d'islam, que l'intéressé a été refoulé par les autorités turques vers la France en 2015, qu'il a indiqué entretenir des liens étroits avec des individus suspectés d'appartenir à un réseau d'acheminement de combattants vers la Syrie et qu'il a révélé aux gendarmes, dans le cadre de ses opérations de pointage, son intention de partir en Syrie dès qu'il le pourrait pour en conclure qu'il existe toujours des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre public. L'arrêté attaqué est ainsi suffisamment motivé.

5. M. C...soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en ce qu'il a été pris sans qu'il ait été préalablement mis à même de présenter ses observations. Toutefois, cet arrêté ayant été édicté dans le cadre exceptionnel de l'état d'urgence, le ministre de l'intérieur n'avait pas à faire précéder sa décision d'un débat contradictoire avec l'intéressé.

6. En dernier lieu, à supposer que M. C...soutienne qu'il n'a pas été informé de ce qu'une nouvelle mesure d'assignation à résidence était susceptible d'être prise à son encontre, ce moyen n'est, en tout état de cause, pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

7. Il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué que le ministre de l'intérieur s'est livré à un examen particulier de la situation de M.C....

8. M. C...soutient que l'arrêté attaqué méconnaît l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 modifiée dès lors qu'il n'est pas assigné dans une agglomération. Toutefois, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C...a lui-même demandé à être assigné à résidence sur le territoire de la commune d'Aragnouet où il a son domicile. En tout état de cause, cette commune est distante de 11 kilomètres seulement de la commune de Saint-Lary-Soulan, commune touristique centre d'une agglomération de plus de 1 500 habitants.

9. M. C...soutient qu'en ne prenant pas toutes les dispositions pour assurer sa subsistance ainsi que celle de sa famille, le ministre de l'intérieur a violé les dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955. Toutefois, ces dispositions n'imposent pas que les conditions du respect de l'obligation qu'elle prévoit soient précisées dans l'arrêté portant assignation à résidence. Par suite et en tout état de cause, un tel moyen ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de la mesure d'assignation elle-même.

10. Les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 autorisent le ministre de l'intérieur, tant que l'état d'urgence demeure en vigueur, à décider, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'assignation à résidence de toute personne résidant dans la zone couverte par l'état d'urgence, dès lors que des raisons sérieuses donnent à penser que le comportement de cette personne constitue, compte tenu du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence, une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Tant la mesure d'assignation à résidence que sa durée, ses conditions d'application et les obligations complémentaires dont elle peut être assortie doivent être justifiées et proportionnées aux raisons ayant motivé la mesure dans ces circonstances particulières. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article 14-1 de la loi du 3 avril 1955, de s'assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit et d'apprécier, au regard des éléments débattus contradictoirement devant lui, l'existence de raisons sérieuses permettant de penser que le comportement de la personne assignée à résidence constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics.

11. Il ressort des pièces du dossier que pour prendre la décision contestée d'assignation à résidence sur le fondement de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, le ministre de l'intérieur a pris en considération les éléments mentionnés dans quatre " notes blanches " des services de renseignement, versées au débat contradictoire. Aucune disposition législative, ni aucun principe ne s'oppose à ce que les faits relatés par les " notes blanches " produites par le ministre de l'intérieur, qui ont été versées aux débats et soumises aux échanges contradictoires, soient susceptibles d'être pris en considération par le juge administratif. Il ressort de ceux de ces éléments qui ont été repris dans les motifs de l'arrêté du 24 mai 2016 que M. C...a expressément admis ses liens avec plusieurs individus suspectés d'appartenir à un réseau d'acheminement de combattants vers la Syrie, dont l'un a été tué dans ce pays au mois de mars 2015 et l'autre, islamiste belge, se trouve actuellement incarcéré dans le cadre d'une affaire de filière de djihadistes, que l'intéressé et son épouse sont également en relation avec d'autres islamistes radicaux, suivent eux-mêmes une pratique religieuse salafiste stricte et ont embarqué, avec leur enfant de dix mois, pour Istanbul la veille des attentats perpétrés à Paris le 13 novembre 2015, afin de rejoindre la frontière turco-syrienne, avant d'être refoulés de Turquie et renvoyés en France. A cette occasion, il a été constaté qu'ils détenaient avec eux plusieurs milliers d'euros et qu'ils n'apportaient aucun élément concret à l'appui de leur allégation selon laquelle ils auraient eu l'intention de participer à un projet humanitaire. Ils ont ensuite fait l'objet d'une interdiction de sortie du territoire, laquelle n'a pas été contestée. En outre, au cours de l'une de ses opérations de pointage devant les services de la gendarmerie, le requérant a fait part de son intention de rejoindre la Syrie dès qu'il en aurait la possibilité en précisant qu'il privilégierait un passage par l'Espagne afin de tromper la vigilance des autorités. Par suite, c'est par une exacte appréciation de ces éléments que le ministre de l'intérieur a pu considérer qu'il existait des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. C...constituait une menace pour la sécurité et l'ordre publics et, par suite, prononcer son assignation à résidence.

12. Il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur, en sus de la mesure d'assignation à résidence dont M. C...fait l'objet, a obligé ce dernier à se présenter une fois par jour à la brigade territoriale de gendarmerie d'Arreau les lundi, jeudi et samedi et à la brigade de gendarmerie de Vignec les mardi, mercredi, vendredi et dimanche, y compris les jours fériés ou chômés, à demeurer tous les jours de 20 heures à 6 heures à son domicile et lui a fait obligation de ne pas se déplacer en dehors de son lieu d'assignation à résidence sans avoir obtenu l'autorisation écrite du préfet des Hautes-Pyrénées. Eu égard à ce qui a été dit au point précédent, en soumettant l'intégralité des déplacements de M. C...en dehors de la commune d'Aragnouet à autorisation, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

13. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

14. Il ressort des pièces du dossier que le requérant n'exerçait aucune activité professionnelle à la date de la décision attaquée et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier était à la recherche d'un emploi. La mesure d'assignation n'a pas pour effet de le priver de la présence de son épouse et de celle de ses deux enfants et ne fait pas obstacle à ce que d'autres membres de sa famille ou des proches lui rendent visite. Il suit de là que compte tenu de ses objectifs, l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 février 2016.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions précitées font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance verse à M. C...la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et ministre de l'intérieur. Copie en sera délivré au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 novembre 2018.

Le rapporteur,

Marianne Pouget

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°16BX03151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03151
Date de la décision : 16/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-06-01 Police. Aggravation exceptionnelle des pouvoirs de police. État d'urgence.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : OUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-16;16bx03151 ?
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