Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :,
La SARL Midi Aquitaine Etanchéité Bardage (MAEB) a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le département de l'Ariège à lui verser la somme de 147 877,89 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'insuffisance de commandes dans le cadre de quatre marchés à bons de commande relatifs aux gros travaux et à l'entretien des bâtiments du conseil général des secteurs " Pays Couserans ", " Pays Foix Haute-Ariège ", " Pays d'Olmes Mirapicien " et " Pays des portes d'Ariège Pyrénées " pour le lot " étanchéité ".
Par un jugement n° 1202335 du 13 avril 2016, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le département de l'Ariège à verser à la SARL MAEB la somme de 22 229,30 euros et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er juin 2016 et 4 avril 2017, la SARL MAEB, représentée par la SELARL Lagrange Alengrin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a limité à 22 229,30 euros le montant de l'indemnité allouée ;
2°) de condamner le département de l'Ariège à lui verser la somme de 147 877,89 euros TTC ;
3°) de condamner le département de l'Ariège à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'apparaît pas que le président du conseil départemental ait été habilité à ester en justice ;
- l'indemnité à laquelle elle peut prétendre, qui doit être calculée sur une période de quatre ans, doit être fixée sur la base de la perte de bénéfice escompté en tenant compte de la marge bénéficiaire ; elle justifie d'un taux de marge nette de 34,36 %.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2017, le département de l'Ariège, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la société MAEB soit condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- par délibération du 18 juillet 2016, la commission permanente du conseil départemental de l'Ariège a autorisé son président à défendre les intérêts du département ;
- le moyen de la requérante selon lequel les premiers juges auraient commis une erreur en retenant un taux de marge nette de 6,85 % n'est pas fondé ;
- la cour, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, fera droit à la fin de non-recevoir opposée à la requête de première instance résultant de l'imprécision de la réclamation formée devant lui par la société requérante ;
- à supposer même que la cour retienne le pourcentage de marge bénéficiaire de 35 % proposée par la requérante, elle devra calculer le montant de l'indemnité sur la base d'une année pour les deux premiers lots et de deux années pour les deux autres lots ; ainsi révisée, et après déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et du montant des réfactions prévues par les actes d'engagement des marchés en litige, l'indemnité ne saurait être supérieure à 11 763,91 euros
Par ordonnance du 6 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 juin 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 2016 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2018 :
- le rapport de Mme Marianne Pouget du ;
- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public ;
- et les observations de Me B...pour le Département de l'Ariège.
Considérant ce qui suit :
1. Par actes d'engagement conclus le 5 janvier 2007, le département de l'Ariège a confié à la société Midi Aquitaine Etanchéité Bardage (MAEB) le lot " étanchéité " de quatre marchés à bons de commandes pour l'exécution de gros travaux et de l'entretien des bâtiments du conseil général des secteurs " Pays Couserans ", " Pays Foix Haute-Ariège ", " Pays d'Olmes Mirapicien " et " Pays des portes d'Ariège Pyrénées ". Le montant minimal de prestations prévues dans le cadre de ces quatre marchés n'ayant pas été atteint, la société MAEB a réclamé au département une indemnisation à hauteur de la marge bénéficiaire perdue. A la suite du rejet de sa réclamation, elle a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à la condamnation du département de l'Ariège à lui verser la somme de 147 877,89 euros. Elle relève appel du jugement du 13 avril 2016 en tant qu'il a condamné le département à lui verser la somme de 22 229,30 euros seulement.
Sur la recevabilité des écritures en défense :
2. Par une délibération du 18 juillet 2016, la commission permanente du conseil départemental de l'Ariège a autorisé son président à défendre les intérêts du département. dans le cadre de la présente instance d'appel. Par suite, la société MAEB n'est pas fondée à soutenir que les écritures du département seraient irrecevables.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Aux termes de l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales applicables en l'espèce : " Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. ".
4. Il résulte de l'instruction que, par un premier courrier du 12 avril 2011, la société MAEB a demandé au département de l'Ariège le paiement de la somme de 430 388,89 euros en indemnisation des montants minima non atteints par les quatre marchés en litige. Un tableau annexé à ce courrier détaillait les bases de liquidation de sa demande. A la suite de la réponse qui lui a été apportée par le président du conseil général le 13 mai 2011 lui demandant de présenter une nouvelle proposition conforme à la jurisprudence, la société a limité sa demande à l'indemnisation de la marge bénéficiaire, soit la somme de 158 383,11 euros correspondant à un taux de marge de 36,80 %. Sa demande, qui était assortie d'une attestation de son cabinet d'expert-comptable, comportait ainsi les bases de calcul des sommes réclamées. Dès lors, le tribunal a écarté à bon droit la fin de non-recevoir opposée en première instance par le département tirée de l'insuffisante précision du mémoire en réclamation.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article 1.3 du cahier des clauses administratives particulières des marchés en litige : " Les marchés de travaux seront des marchés fractionnés à bons de commande, au sens de l'article 71.I du code des marchés publics. Leur durée est d'un an à compter de la notification au titulaire, renouvelable par expresse reconduction sauf dénonciation par une des deux parties transmise par courrier recommandé au plus tard trois mois avant la date anniversaire de la notification du marché. La durée totale du marché ne pourra pas excéder quatre ans (...) ".
6. Les premiers juges ont estimé qu'en l'absence de décision expresse reconduisant ou dénonçant les marchés, la commune intention des parties avait été de les reconduire jusqu'à leur terme fixé à quatre ans et ont calculé l'indemnité à allouer à la société en réparation de son préjudice en prenant en compte le montant des prestations non exécutées dans le cadre des quatre marchés en litige sur une période de quatre ans.
7. Les stipulations précitées, si elles sont maladroitement rédigées, subordonnent néanmoins le renouvellement des marchés pour une nouvelle durée d'un an, dans la limite maximale de quatre ans, à l'intervention d'un accord exprès entre les parties à l'issue de chaque période d'un an. Or, il est constant que les marchés, notifiés à la société requérante le 8 janvier 2007, ont pris effet à cette date et qu'ils n'ont pas été reconduits annuellement jusqu'au terme de la quatrième année. Par suite, c'est à tort que le tribunal a calculé l'indemnité à allouer à la requérante sur la base du montant des prestations non exécutées sur une période de quatre ans.
8. En application de l'article 16.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " (...) Dans le cas d'un marché à commandes, l'entrepreneur a droit à être indemnisé du préjudice éventuellement subi lorsque le montant minimal de travaux spécifié n'est pas exécuté ". Dans l'hypothèse où le montant minimal des prestations stipulées dans un contrat à bons de commande n'a pas été atteint, le cocontractant est en droit de prétendre à la réparation du préjudice subi du fait du non-respect, par l'administration, de ses engagements contractuels. Sauf stipulation contractuelle contraire, le préjudice ainsi subi comprend notamment la perte de marge bénéficiaire qu'aurait dégagée l'exécution du montant minimal de commandes prévu au marché.
9. Il résulte de l'instruction que les marchés à bons de commande conclus pour les secteurs " Pays Couserans " et " Pays d'Olmes, Mirapicien " sont arrivés à terme à l'issue de leur première année d'exécution le 8 janvier 2008 tandis que pour les marchés conclus pour les secteurs " Pays Foix Haute-Ariège " et " Pays des portes d'Ariège Pyrénées ", le département de l'Ariège a émis au cours de l'année 2008 des bons de commande qui ont été honorés par la société. En dépit du fait que le département s'est affranchi de la clause de reconduction pourtant stipulée, l'émission des bons de commande traduit l'intention de ce dernier, d'ailleurs non contestée, de poursuivre pour une année supplémentaire l'exécution du contrat soumis à la concurrence pour sa durée totale maximale de quatre ans. Dès lors, il convient de calculer l'indemnisation de la société MAEB sur une période d'un an pour les deux premiers marchés et de deux ans pour les deux autres.
10. Il résulte de l'instruction que pour le contrat concernant le secteur " Pays Couserans ", aucune commande n'a été passée alors que le minimum garanti était fixé à 30 000 euros TTC. Pour le contrat concernant le secteur " Pays d'Olmes, Mirapicien ", le montant des commandes s'est élevé sur la période d'exécution du contrat à la somme de 6 946,85 euros TTC, pour un montant garanti de 30 000 euros TTC. Pour le contrat concernant le secteur " Pays Foix - Haute Ariège ", le minimum garanti de 50 000 euros pour la première année de contrat a été dépassé, tandis que le montant des commandes s'est élevé au titre de la seconde année à la somme de 19 037,80 euros TTC pour un montant garanti de 50 000 euros TTC. Pour le contrat concernant le secteur " Pays Portes d'Ariège Pyrénées ", le montant des commandes s'est élevé pour la première année du contrat à la somme de 23 626,46 euros TTC pour un montant garanti de 30 000 euros, tandis que ce même minimum garanti a été dépassé pour la seconde année. Ainsi, le montant total des travaux garantis et non réalisés s'élève à 90 388,89 euros TTC, soit 75 576 euros HT. La société requérante est par suite fondée à demander à être indemnisée sur la base de cette somme.
11. Par ailleurs, si la société requérante soutient que son taux de marge nette se situerait aux alentours de 35 % selon une attestation d'un cabinet d'expert comptable indiquant l'avoir déterminé à partir de factures de travaux réalisés dans le cadre des marchés conclus avec le département, il résulte de l'instruction que les trois devis qu'elle produit à l'appui de ce calcul ne peuvent être considérés comme probants dès lors qu'ils n'ont pas été acceptés et ne sont pas accompagnés des factures correspondantes. Par ailleurs, ce calcul ne prend en compte que les coûts directs et non l'ensemble des charges d'exploitation. Selon ses documents comptables publiés sur Infogreffe et cités par le département de l'Ariège, sa marge nette n'était que de 6,85 % durant l'année 2009. La société requérante ne justifie pas que la marge nette dégagée par les marchés en cause aurait été substantiellement supérieure à sa marge moyenne. Le montant du préjudice subi s'élève ainsi à 5 177 euros. Par suite, il y a lieu de ramener le montant de l'indemnité due par le département de l'Ariège à 5 177 euros HT et de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de Toulouse.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société MAEB est seulement fondée à demander la condamnation du département de l'Ariège à lui verser la somme de 5 177 euros.
Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Ariège, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société MAEB demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société MAEB le versement au département de l'Ariège de la somme qu'il demande au titre des frais de même nature qu'il a exposés.
DECIDE :
Article 1er : Le département de l'Ariège est condamné à verser à la SARL Midi Aquitaine Etanchéité Bardage la somme de 5 177 euros au titre de la garantie contractuelle.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1202335 du 13 avril 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Midi Aquitaine Etanchéité Bardage est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Midi Aquitaine Etanchéité Bardage et au département de l'Ariège.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 novembre 2018.
Le rapporteur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet de l'Ariège, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01789