Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
L'association Sadir a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'ordonner le remboursement de crédits d'impôt recherche au titre des exercices 2011 et 2012 pour des montants respectifs de 81 580 euros et de 38 845 euros, et de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, pour des montants en droits et pénalités de 34 385 euros et de 109 674 euros.
Par un jugement n° 1303140, 1405997, 1406095 du 26 juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 septembre 2016 et un mémoire enregistré le 3 octobre 2017, l'association Sadir, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de prononcer les remboursements de crédits d'impôt et la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés contestés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son assujettissement à l'impôt sur les sociétés démontre qu'elle mène une activité lucrative, ainsi que cela ressort de l'instruction BOI-CHAMP-10-50-10-10 du 5 avril 2017 ;
- en l'absence de sectorisation, il n'est pas possible de distinguer, au sein des activités du contribuable, celles qui sont lucratives et celles qui ne le sont pas ; cette distinction ne pouvait donc fonder à elle seule le rejet du caractère déductible des charges de personnel ;
- le fait qu'une dépense apporte un avantage à un tiers ne signifie pas que cette dépense est nécessairement un acte anormal de gestion ;
- en l'espèce, les dépenses de recherche en cause correspondent exactement à son objet social et donc à son intérêt ; pendant cinq ans, elle a travaillé à la réalisation d'études préliminaires sur le télé-contrôle de dispositifs destinés à prévenir l'apnée du sommeil, sur le télé-suivi de patients transplantés pulmonaires, et sur l'environnement intérieur des patients asthmatiques ; la déduction des dépenses de fonctionnement liées à la recherche est prévue par l'article 236 du code général des impôts ; cette déduction n'a pas à être remise en cause en cas d'échec du projet de recherche ; la doctrine administrative prévoit en pareil cas un amortissement des frais correspondants inscrits à l'actif ;
- même en l'absence de ressources commerciales, les dépenses engagées lui ont permis d'appartenir à un réseau, ce dont elle tire avantage ;
- il n'est pas établi que la société Sadir tirerait un bénéfice des dépenses de recherche engagées par l'association ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de l'acte anormal de gestion ; celui-ci n'a au demeurant été soulevé que devant le tribunal ; la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lui a donné raison.
Par des mémoires enregistrés les 3 avril et 3 novembre 2017, le ministre des finances et des comptes publics (direction de contrôle fiscal Sud-ouest) conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il résulte de la réglementation applicable et de la doctrine que le critère qui permet d'écarter un groupement ou une structure associative du champ d'application du crédit d'impôt recherche est la lucrativité ; si l'opération de recherche est menée dans le but d'en retirer des bénéfices, elle est commerciale ; ainsi, une association peut être regardée comme exerçant une activité lucrative lorsqu'elle est réalisée en concurrence avec les entreprises du secteur marchand dans des conditions comparables ou lorsqu'elle entretient des relations privilégiées avec des entreprises du secteur locatif qui en retirent un avantage concurrentiel ;
- en l'espèce, à supposer que les publications des recherches de l'association aient été effectivement éditées, il n'est pas démontré qu'elles auraient généré des revenus ; en outre, l'association ne démontre pas de façon probante son appartenance au réseau Antadir ; elle ne produit par ailleurs aucun agrément ministériel ;
- l'association n'établit pas que les dépenses de personnel de recherche dont la déductibilité a été remise en cause auraient été engagées dans l'intérêt de son exploitation ou dans le cadre d'une gestion normale ; en particulier, rien ne laisse présager la réalisation d'un bénéfice même ultérieur issu de ces dépenses ; aucun cadre juridique ne lui permet de s'approprier les résultats des travaux de recherche entrepris, qui bénéficient à la société Sadir Assistance ; il n'existe donc pas de contrepartie à ces dépenses.
Par une ordonnance du 3 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 décembre 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant l'association Sadir.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Sadir a pour objet social la prise en charge de personnes présentant des insuffisances respiratoires, la participation à la formation médicale, paramédicale et médico-technique, la recherche médicale et la promotion de l'humanisme en médecine. Elle relève, pour l'imposition de ses bénéfices, de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206-1 du code général des impôts. Elle a fait l'objet en 2011 d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2008 à 2010, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause le bénéfice des crédits d'impôt recherche dont elle avait bénéficié au titre des années 2009 et 2010, ainsi que la déduction de dépenses de personnel incluses dans l'assiette de ce crédit d'impôt. L'association Sadir relève appel du jugement du 26 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettis au titre des années 2009 et 2010 et, d'autre part, au remboursement de crédits d'impôt recherche au titre des années 2011 et 2012.
Sur l'éligibilité de l'association au crédit d'impôt en faveur de la recherche :
2. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA, 239 bis AB et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif / 1 bis. Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 €. (...) ". Et aux termes de l'article 244 quater B du même code : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. Lorsque ces dépenses se rapportent à des personnes titulaires d'un doctorat ou d'un diplôme équivalent, elles sont prises en compte pour le double de leur montant (...).
3. En vertu des dispositions précitées, une association est soumise à l'impôt sur les sociétés dès lors que, d'une part, sa gestion n'est pas désintéressée et que, d'autre part, ses activités lucratives présentent un caractère prépondérant, caractérisé par des recettes d'exploitation excédant 60 000 euros au cours de l'année civile. Est notamment regardée comme exerçant une activité lucrative et non désintéressée une association qui, quelles que soient les modalités d'exercice de son activité, fournit directement ou indirectement des services à une société commerciale à laquelle elle est unie par une communauté d'intérêts et par des liens juridiques ou économiques privilégiés. En pareil cas, elle doit également être regardée comme exerçant une activité la rendant éligible au crédit d'impôt recherche si elle opte pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés.
4. D'une part, l'association Sadir a déclaré selon le régime de l'article 206-1 du code général des impôts les recettes annuelles supérieures à 60 000 euros qu'elle a perçues au titre des années 2009, 2010, 2011 et 2012, provenant de placements de produits financiers et de la location d'un immeuble à la société Sadir Assistance, spécialisée dans la commercialisation de matériel médical. Il résulte de l'instruction que l'association requérante, dont le président est également le président du conseil d'administration de la société Sadir Assistance et qui partage avec cette dernière des locaux appartenant à une société civile immobilière dont elles détiennent ensemble le capital, entretient avec cette société des liens privilégiés. Les deux entités ont des intérêts communs manifestes résultant de la complémentarité de leurs objets respectifs, qui se traduisent par la collaboration opérationnelle de leurs services de recherche fondamentale ou encore par leurs adhésions respectives à la fédération Antadir (Association nationale pour les traitements à domicile, les innovations et la recherche) et qui tiennent, notamment, à un objectif d'amélioration technique des matériels commercialisés par la société Sadir Assistance. L'association Sadir doit, par suite, être regardée comme exerçant une activité lucrative et non désintéressée pour l'application de l'article 206-1 du code général des impôts - l'administration ne remet d'ailleurs pas en cause le principe même de son assujettissement à l'impôt sur les sociétés - qui caractérise également une activité éligible au crédit d'impôt recherche visé à l'article 244 quater B du même code.
5. D'autre part, l'association requérante a souscrit, au titre des années 2009 à 2012, des déclarations au titre du crédit d'impôt recherche à raison de dépenses correspondant aux travaux d'un chercheur portant sur la tolérance des malades d'apnée du sommeil aux matériels de surveillance médicale, sur le contrôle à distance de cette tolérance, sur le télé-suivi des transplantés pulmonaires et sur l'amélioration de l'environnement des patients asthmatiques. Ces travaux ont abouti, notamment, à diverses publications scientifiques nationales ou internationales et ont donné lieu à de nombreuses communications lors de congrès médicaux. L'administration ne conteste pas l'éligibilité de ces dépenses au crédit d'impôt recherche, tant en ce qui concerne la nature des travaux réalisés que le profil de la personne les ayant menés ou les conditions dans lesquelles celle-ci a réalisé ces recherches, mais se borne à opposer à l'association Sadir la circonstance qu'elle ne démontrerait pas que ces recherches présentent pour elle un intérêt financier immédiat ou à court terme. Eu égard à ce qui a été dit au point 4, et dès lors que les dépenses considérées sont éligibles au dispositif du crédit d'impôt recherche, l'administration ne pouvait remettre en cause les déductions dont avait bénéficié l'association requérante au titre de ce crédit d'impôt pour les années 2009 et 2010, ni lui en refuser le bénéfice au titre des années 2011 et 2012, nonobstant la circonstance qu'elle ne s'est pas vue délivrer un agrément par le ministre chargé de la recherche.
Sur les déductions de charges de personnel :
6. En vertu des dispositions combinées des articles 38, 39 et 209 du code général des impôts, les charges sont déductibles des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, à la condition d'avoir été effectivement exposées dans l'intérêt de l'entreprise et de n'être pas étrangères à une gestion commerciale normale.
7. Le service a remis en cause la déduction par l'association Sadir, sur le fondement de l'article 39 du code général des impôts, des charges exposées en 2009 et 2010 pour l'emploi d'un chercheur, estimant que les travaux réalisés par ce dernier n'ont pas eu pour elle de contrepartie réelle et ont été menés au profit exclusif de la société Sadir, à laquelle ils n'ont pas été facturés. Cependant, pour les motifs exposés au point 5, c'est à tort que l'administration a estimé que ces charges n'ont pas été exposées dans l'intérêt de l'association requérante et qu'elle en a réintégré en conséquence le montant dans les résultats imposables des années considérées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Sadir est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'association Sadir et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1303140, 1405997, 1406095 du 26 juillet 2016 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : L'association Sadir est déchargée des rappels d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, et des pénalités y afférentes.
Article 3 : Il est accordé à l'association Sadir la restitution de crédits d'impôt recherche pour des montants de 38 845 euros en 2011 et de 81 580 euros en 2012.
Article 4 : L'Etat versera à l'association Sadir une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Sadir et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03243