Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Bernard Pièces Automobiles a demandé au tribunal administratif de Poitiers de lui accorder la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 2008 à 2010.
Par un jugement n° 1301949 du 28 avril 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 juin 2016 et un mémoire enregistré le 19 avril 2018, la SARL Bernard Pièces Automobiles, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 avril 2016 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'agissant des provisions pour dépréciation de stocks : en vertu de la combinaison du principe consacré par l'arrêt du Conseil d'Etat n° 346018 du 23 décembre 2013 et du principe d'intangibilité du premier exercice non prescrit consacré par l'article 38-4 bis du code général des impôts, il convient de procéder, à la clôture de l'exercice 2008, à l'annulation de la reprise de la provision d'un montant de 195 530 euros constituée à la clôture de l'exercice précédent et figurant ainsi au bilan d'ouverture de cet exercice 2008, ce qui aboutit à retenir une réintégration, en net, dans les résultats de l'exercice clos en 2008 de la somme de 2 858 euros, soit la différence entre 198 388 euros, montant de la provision réintégrée par le service des impôts, et 195 530 euros ;
- s'agissant de la minoration du stock de l'exercice clos en 2009 : l'écart entre la valeur du stock figurant dans les fichiers informatiques et la valeur du stock déclaré est justifié par l'état du stock détaillé figurant sur le support papier remis au vérificateur ;
- subsidiairement, il conviendra de tirer les conséquences de la majoration du stock sur le montant des provisions pour dépréciation de stock dont le service a admis la déduction.
Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par la société SRD ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 3 mai 2018, le ministre confirme ses précédentes écritures.
Par ordonnance du 3 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 mai 2018 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aymard de Malafosse,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité, la SARL Bernard Pièces Automobiles a été assujettie à des suppléments d'impôt sur les sociétés qui procèdent, d'une part, de la remise en cause des provisions pour dépréciation de stock constituées par la société au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, d'autre part, d'une minoration du stock figurant au bilan de clôture de l'exercice clos en 2009. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande à fin de décharge de ces impositions.
Sur les provisions pour dépréciation de stock :
2. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable aux sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...) ". Aux termes du 3 de l'article 38 du même code, également applicable aux sociétés en vertu de l'article 209 précité : " (...) les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...) ". Selon l'article 38 decies de l'annexe III au code général des impôts : " Si le cours du jour à la date de l'inventaire des marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, produits intermédiaires, produits finis et emballages commerciaux perdus en stock au jour de l'inventaire est inférieur au coût de revient défini à l'article 38 nonies, l'entreprise doit constituer, à due concurrence, des provisions pour dépréciation ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsqu'une entreprise constate que tout ou partie des matières ou produits qu'elle possède en stock a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation. Si pareille provision peut être évaluée par des méthodes statistiques, c'est à la condition que son évaluation soit faite de manière précise et suffisamment détaillée selon les catégories des produits en stock.
3. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Aux termes du 4 bis de ce même article introduit dans le code général des impôts par le I de l'article 43 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 : " Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. / Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé. / Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan. Toutefois, elles ne sont prises en compte ni pour le calcul des amortissements ou des provisions, ni pour la détermination du résultat de cession ".
4. La société requérante ne conteste plus en appel le bien-fondé des motifs, tirés de l'imprécision et de l'absence de justification de la méthode de calcul, qui ont conduit le service des impôts à remettre en cause les provisions pour dépréciation de stock comptabilisées au titre des exercices litigieux. Elle soutient, en invoquant les règles dégagées par le Conseil d'Etat dans ses décisions n° 346018 du 23 décembre 2013 et n° 398859 du 5 décembre 2016 combinées avec les règles fixées par le 4 bis précité de l'article 38 du code général des impôts, que la reprise, dans les écritures de clôture de l'exercice 2008, premier exercice non prescrit, de la provision pour dépréciation de stock d'un montant de 195 530 euros constituée à la clôture de l'exercice 2007 et figurant ainsi au bilan d'ouverture de l'exercice 2008, aurait dû être " annulée " par l'administration afin qu'elle ne soit pas " taxée " au titre de l'exercice clos en 2008.
5. Il résulte de l'instruction que le service des impôts, d'une part, a réintégré dans le résultat imposable des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, pour des montants de respectivement 198 388 euros, 171 318 euros et 208 790 euros, les provisions pour dépréciation de stock constituées par la société à la clôture de chacun de ces exercices, d'autre part, en vertu de la règle de correction symétrique des bilans, a neutralisé, pour les exercices clos en 2009 et 2010 les reprises de provision que la société avait opérées, sans toutefois procéder, compte tenu de la règle dégagée par le 1er alinéa précité du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, à cette neutralisation pour l'exercice clos en 2008 dès lors qu'il s'agissait du premier exercice non prescrit. En procédant ainsi, le service a fait une exacte application des dispositions précitées du premier alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts. La société requérante, par ailleurs, ne se prévaut pas des dispositions des 2ème et 3ème alinéas du même 4 bis. Enfin, elle ne peut utilement se prévaloir des arrêts cités au point 4, qui, en tout état de cause, règlent des situations autres que la sienne, dans lesquelles les sociétés avaient constitué des provisions dans leurs écritures comptables sans les prendre en compte dans leurs résultats fiscaux déclarés.
Sur la valeur du stock comptabilisé au titre de l'exercice clos en 2009 :
6. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif : " après avoir constaté que les fichiers qui lui avaient été remis faisaient état d'un montant total de stock de 1 097 131 euros à la clôture de l'exercice 2009 qui différait du montant de 1 069 014 euros déclaré par la société, le vérificateur a procédé, au titre de cette minoration de stock, à la réintégration de la différence, soit la somme de 28 117 euros, au résultat de l'exercice 2009 et en a tiré les conséquences sur l'exercice 2010 par l'annulation de la minoration de stock de l'exercice antérieur. Alors qu'il incombe à la société requérante de justifier de ses écritures comptables, celle-ci se borne à produire un document sur lequel le montant figurant dans les fichiers informatiques est rayé de manière manuscrite et remplacé par le montant qu'elle revendique. Aucune autre information ne permet d'étayer ce dernier montant et d'en préciser l'origine. Par conséquent la société requérante n'est pas fondée à contester cette rectification ". Il y a lieu de rejeter la contestation en appel de ce chef de redressement par adoption de ces motifs pertinents du jugement attaqué, la société n'apportant devant la cour aucun élément nouveau.
Sur les conclusions subsidiaires :
7. La société demande à titre subsidiaire que soient tirées les conséquences de la majoration du stock déclaré pour 2009 sur la part des provisions pour dépréciation de stock dont le service a admis la déduction. Toutefois, le 5° de l'article 39-1 du code général des impôts fait obstacle à ce que soient prises en compte des provisions qui n'ont pas été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. Or, les provisions pour dépréciation de stock constituées par la société n'ont pu prendre en compte la part du stock qu'elle n'a pas déclarée. La demande subsidiaire de la société ne peut, dès lors, qu'être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme demandée par la SARL Bernard Pièces Automobiles au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Bernard Pièces Automobiles est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Bernard Pièces Automobiles et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
Le président-assesseur,
Laurent POUGETLe président-rapporteur,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02118