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26/10/2018 | FRANCE | N°16BX01430

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2018, 16BX01430


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes enregistrées au greffe du tribunal administratif de la Guadeloupe sous les n°s 1400994 et 1500303, Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'ordonner la mainlevée des oppositions par voie d'avis à tiers détenteur des 9 septembre 2014 et 10 février 2015 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 20 745,20 euros.

Par une requête enregistrée sous le n° 1400993, M. C...E...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'ordonner

la mainlevée de l'opposition par voie d'avis à tiers détenteur du 9 septembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes enregistrées au greffe du tribunal administratif de la Guadeloupe sous les n°s 1400994 et 1500303, Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'ordonner la mainlevée des oppositions par voie d'avis à tiers détenteur des 9 septembre 2014 et 10 février 2015 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 20 745,20 euros.

Par une requête enregistrée sous le n° 1400993, M. C...E...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'ordonner la mainlevée de l'opposition par voie d'avis à tiers détenteur du 9 septembre 2014 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 6 064,40 euros.

Par un jugement n° 1400993, 1400994 et 1500303 du 4 février 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de Mme E...enregistrée sous le n° 1500303 et a rejeté les autres requêtes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 avril 2016, M. et MmeE..., représentés par MeB..., demandent à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe en tant qu'il a rejeté leurs requêtes enregistrées sous les numéros 1400993 et 1400994.

Ils soutiennent que :

- ils ont contesté l'exigibilité de leurs créances de sorte que le juge administratif est compétent pour connaître de la validité de la voie d'exécution mise en oeuvre ;

- les créances étaient prescrites à la date du 24 mai 2013 ; la prescription opposée n'était pas celle du recouvrement de l'article L. 1617-4 du code général des collectivités territoriales ; c'est la prescription quadriennale qui doit s'appliquer en l'espèce ; le département se devait d'émettre le titre de perception avant le 1er janvier 2011 pour Mme E... et avant le 1er janvier 2005 pour M.E....

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2017, le département de la Guadeloupe, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme E...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, seul le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur la régularité formelle d'une opposition à tiers détenteur ;

- en tout état de cause, les irrégularités dénoncées sont inexistantes ; les avis de sommes à payer pouvaient être notifiés par lettre simple ; ils ont d'ailleurs bien été notifiés aux requérants ; aucune mesure préalable de la part du comptable n'est requise avant la notification d'un acte d'exécution forcée si ce dernier ne donne pas lieu à des frais, ce qui est le cas en l'espèce ;

- antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription trentenaire édicté par l'article 2262 du code civil constituait, en l'absence de dispositions spéciales, le délai de droit commun applicable aux créances des personnes publiques en application de l'article 2277 du même code ; la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 s'applique aux créances détenues sur les personnes publiques ; cette disparité s'applique dans un but d'intérêt général ;

- compte tenu de l'inapplicabilité de la prescription quadriennale, la prescription n'était pas acquise lors de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.

Par ordonnance du 8 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marianne Pouget,

- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E...a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la mainlevée des oppositions par voie d'avis à tiers détenteur du 9 septembre 2014 et du 10 février 2015 pour un montant de 20 745,20 euros et la décharge de l'obligation de payer cette somme tandis que M. E...a demandé au tribunal de prononcer la mainlevée de l'opposition par voie d'avis à tiers détenteur du 9 septembre 2014 pour un montant de 6 064,40 euros ainsi que la décharge de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement du 4 février 2016, le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de Mme E...tendant à la mainlevée de opposition à tiers détenteur du 10 février 2015 et a rejeté les autres demandes. M. et Mme E... relèvent appel du jugement dans cette dernière mesure.

2. Les " contrats de prêt d'études " conclus par les intéressés avec le président du conseil général de la Guadeloupe stipulaient, notamment, dans leur article 1er, que les prêts étaient consentis " aux clauses et conditions déterminées par le règlement départemental d'aide aux étudiants " et que l'emprunteur s'engageait " à se conformer aux prescriptions réglementaires pouvant résulter de décisions du président du conseil général postérieurement à la signature du présent acte ". L'existence d'une telle clause confère aux contrats en cause le caractère d'un contrat administratif. Dès lors, les créances dont le comptable poursuivait le recouvrement à l'encontre de M. et Mme E...sont, elles-mêmes, de nature administrative.

3. Aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire : " Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. [...] ".

4. Les moyens soulevés en première instance par les requérants tirés de ce que les oppositions à tiers détenteurs dont ils ont fait l'objet n'auraient pas été précédées d'un avis les informant de leur mise en recouvrement, ni d'une mise en demeure préalable se rattachent à la régularité en la forme de ces actes et non au bien-fondé de la créance. Par suite, c'est à bon droit de sorte que le tribunal les a écartés comme invoqués devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

5. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales applicables en l'espèce : " (...) 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. (...) / 4° Une ampliation du titre de recettes individuel ou un extrait du titre de recettes collectif est adressé aux redevables sous pli simple. Lorsque le redevable n'a pas effectué le versement qui lui était demandé à la date limite de paiement, le comptable public compétent lui adresse une mise en demeure de payer avant la notification du premier acte d'exécution forcée devant donner lieu à des frais. (...) / 5° Lorsque la mise en demeure de payer n'a pas été suivie de paiement, le comptable public compétent peut, à l'expiration d'un délai de trente jours suivant sa notification, engager des poursuites devant donner lieu à des frais mis à la charge du redevable dans les conditions fixées à l'article 1912 du code général des impôts (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que le président du conseil général de la Guadeloupe a émis le 24 mai 2013 deux titres de recettes pour des montants de 20 745,20 euros et 6 064,40 euros et a notifié les deux avis des sommes à payer par deux courriers des 29 mai 2013 portant la mention " état liquidatif ". Par ailleurs, les avis à tiers détenteur notifiés aux requérants ne donnant pas lieu à des frais, ils n'avaient pas à être précédés d'une mise en demeure de payer. La collectivité établit ainsi tant l'existence des créances que leur exigibilité.

7. Aux termes de l'article 2227 du code civil, dans sa rédaction abrogée par la loi n 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " L'Etat, les établissements publics et les communes sont soumis aux mêmes prescriptions que les particuliers, et peuvent également les opposer ". L'article 2262 du même code, dans sa rédaction antérieure à la même loi prévoyait : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans ". Aux termes de l'article 2224 du même code, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". Et aux termes du deuxième alinéa de l'article 2222 du même code : " En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ". Enfin, l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 dispose que : " (...) II. - Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. (...) ".

8. En l'absence de toute autre disposition applicable, les personnes publiques sont soumises aux mêmes prescriptions que les particuliers et peuvent également les opposer alors même que l'article 2227 du code civil qui rappelait cette règle générale a été abrogé par la loi du 17 juin 2008.

9. Les requérants ne justifient pas, en se prévalant de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 25 juin 2009, n° 36963/06, Zouboulidis c/ Grèce, que la prescription trentenaire, qui s'appliquait avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 tant aux créances des collectivités publiques qu'à celles des personnes privées, porte atteinte à leurs intérêts au sens du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En l'espèce, le délai de prescription de la dette de Mme E...et de M. E...envers le département de la Guadeloupe, qui était ce délai trentenaire, alors fixé en application des dispositions combinées des articles 2227 et 2262 du code civil, a régulièrement commencé à courir à la date à laquelle la dette pour prêt d'honneur est devenue exigible, conformément à la convention de prêt passée entre les parties, c'est-à-dire respectivement en 2006 et 2001, dix ans après la fin des leurs études intervenues en 1996 pour Mme E...et 1991 pour M. E...1993. Ce délai n'était pas parvenu à son terme lorsque la loi du 17 juin 2008 instaurant un délai de prescription de 5 ans est entrée en vigueur le 19 juin 2008. Par suite, à la date d'émission des titres exécutoires intervenue le 24 mai 2013 la prescription n'était pas acquise, ainsi que le tribunal l'a justement constaté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leurs demandes tendant à prononcer la décharge des obligations de payer les sommes de 20 745,20 euros et 6 064,40 euros.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. et Mme E... à verser au département de la Guadeloupe la somme que ce dernier demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de la Guadeloupe présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E..., à M. C...E...et au département de la Guadeloupe. Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre des Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président-rapporteur,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.

Le premier assesseur,

Sylvande PerduLe président,

Marianne PougetLe greffier,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX01430


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01430
Date de la décision : 26/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-03-02 Comptabilité publique et budget. Créances des collectivités publiques. Recouvrement.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : DAGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-26;16bx01430 ?
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