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26/10/2018 | FRANCE | N°16BX01282

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2018, 16BX01282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E...A...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le département de la Haute-Garonne à leur verser une somme de 25 000 euros en réparation des préjudices subis résultant des blessures de leur fille.

Par un jugement n° 1203113 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 13 avril 2016, le 31 mars 2017 et le 2 mai 2017, M. et

MmeA..., représentés par MeF..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E...A...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le département de la Haute-Garonne à leur verser une somme de 25 000 euros en réparation des préjudices subis résultant des blessures de leur fille.

Par un jugement n° 1203113 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 13 avril 2016, le 31 mars 2017 et le 2 mai 2017, M. et MmeA..., représentés par MeF..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 février 2016 et de condamner le département de la Haute-Garonne à leur verser la somme de 25 000 euros, augmentée des intérêts légaux, avec capitalisation de ces intérêts ;

2°) de mettre à la charge du département une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité du département pour faute de service doit être engagée en raison de sa défaillance dans le suivi de MmeB..., assistante maternelle ; les faits dont il avait connaissance devait le conduire à retirer l'agrément de MmeB... ; - est également engagée la responsabilité sans faute du département en raison du risque encouru par leur fille en restant confiée à MmeB... ;

- les préjudices subis tant par leur fille que par eux-mêmes justifient la condamnation du département à leur verser une somme de 25 000 euros.

Par un mémoire en défense et des mémoires enregistrés le 13 mars 2017, le 11 avril 2017 et le 7 juin 2017, le département de la Haute-Garonne, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. et Mme A...à leur verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 3 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 7 juin 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeG...,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant M. et MmeA..., et de Me D..., représentant le département de la Haute-Garonne.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A...interjettent appel du jugement du 18 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à obtenir la condamnation du département de la Haute-Garonne à leur verser une somme de 25 000 euros en réparation des préjudices subis par leur fille en 2007 et imputables aux carences du service de protection maternelle et infantile dans le suivi de MmeB..., assistante maternelle à laquelle ils avaient confié la garde de leur fille.

Sur la responsabilité du département de la Haute-Garonne :

2. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable aux faits : " L'assistant maternel est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon non permanente, des mineurs à son domicile (...) ". Aux termes de l'article L. 421-3 du même code dans sa rédaction alors applicable : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil général du département où le demandeur réside. / (...) /L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne (...). " et aux termes de l'article L. 421-6 du même code, applicable aux faits : " Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié ". Enfin, aux termes de l'article L. 421-17-1 du même code, applicable aux faits : " Le suivi des pratiques professionnelles de assistants maternels employés par des particuliers est assuré par le service départemental de protection maternelle et infantile (...) ".

3. Il résulte des dispositions des articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles précités, qu'il incombe au président du conseil général puis départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies. A cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant, de la part du bénéficiaire de l'agrément, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être.

4. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A...ont confié la garde de leur fille Camille, née le 27 novembre 2006, à MmeB..., assistante maternelle titulaire depuis le 27 juillet 1998 d'un agrément délivré par le service de la protection maternelle et infantile du département de Haute-Garonne. Le 20 avril 2007, Mme C...A..., grand-mère de l'enfant, a constaté lorsqu'elle a récupéré sa petite-fille chez la nourrice que celle-ci pleurait et que sa jambe gauche bougeait moins que la droite. Des expertises médicales ont révélé qu'elle souffrait d'une fracture spiroïdale à la jambe gauche, due à un traumatisme excluant une chute et que la fillette présentait d'autres fractures. Par ailleurs, le médecin traitant de l'enfant a confirmé une perte de poids de Camille au cours du dernier mois.

5. Poursuivie pour des faits de violence ayant entrainé une incapacité supérieure à huit jours sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, Mme B... a été condamnée par le tribunal de grande instance de Toulouse le 21 septembre 2009 à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et à l'interdiction pendant cinq ans d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs et à payer les sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts à M. et Mme A...es-qualités de représentants légaux de leur fille Camille et 2 500 euros au même titre aux époux A...agissant en leur nom personnel. Toutefois, par un arrêt du 26 octobre 2010, la cour d'appel de Toulouse, se fondant sur les avis contradictoires des médecins sur les causes des blessures constatées chez l'enfant et estimant que la preuve d'un acte volontaire n'était pas apportée, a réformé le jugement correctionnel, a prononcé la relaxe de Mme B...et débouté les époux A...de leur demande de dommages intérêts.

6. Pour établir la carence fautive du département dans le suivi de l'activité de Mme B..., M. et Mme A...se prévalent, en premier lieu, du signalement du 20 mars 2000 pour maltraitances adressé aux services compétents du département de la Haute-Garonne par les parents d'un jeune garçon confié à la garde de Mme B...et faisant état de deux traces sur le visage, un hématome au front, des traces de doigts sur les fesses et les cuisses de l'enfant et d'un problème d'irritation en raison de couches mouillées. En deuxième lieu, ils soulignent que dans le cadre de l'instruction de la demande d'extension de son agrément formée en 2001 par Mme B..., le rapport d'une psychologue en date du 14 juin 2001 concluait qu'il n'était pas souhaitable de faire droit à cette demande en raison de la personnalité fragile de l'intéressée. Le rapport soulignait en outre que l'accueil d'un troisième enfant pourrait " mettre à mal son seuil de tolérance " et " la conduire dans un possible passage à l'acte ". L'équipe technique d'évaluation de la demande d'extension a rendu un avis défavorable en considérant que si l'agrément lui-même de Mme B...n'était pas remis en cause, l'intéressée présentait toutefois des fragilités personnelles, était réticente à évoquer son fonctionnement familial et pouvait se montrer rigide. Etait également souligné que le suivi de cette assistante maternelle par les services départementaux s'avérait difficile et " peu effectif ". Par décision du 28 juin 2001, la demande d'extension d'agrément a été rejetée. En troisième lieu, ils se prévalent de ce que les services du département ont déclaré aux services de gendarmerie, en mai 2005, dans le cadre d'une enquête menée à la suite d'une altercation qui avait opposé Mme B...à des parents d'un enfant qu'elle accueillait, qu'ils n'étaient " pas en mesure de garantir les capacités de Mme B...à l'exercice de la profession d'assistante maternelle dont la personnalité [nous] interroge".

7. Toutefois, il résulte de l'instruction que le signalement du 20 mars 2000 n'a débouché, après enquête administrative, sur aucune mesure eu égard aux explications fournies par l'assistante maternelle et à la satisfaction exprimée par la mère d'un autre enfant également pris en charge par Mme B...à la même époque. En outre, le rapport d'expertise diligentée dans le cadre de l'examen du recours gracieux formé par Mme B...contre la décision du 28 juin 2001 de refus d'extension de son agrément, fait état d'une prise de distance de Mme B...et relève qu'il n'existe " aucune incompatibilité fondamentale " à exercer l'accueil de jour, que la candidature de Mme B...est " intéressante ", et qu' " un enfant pourrait s'y épanouir ". Aussi, par décision du 26 février 2002, le président du conseil général de la Haute-Garonne a-t-il délivré à Mme B...un agrément pour l'accueil non permanent de trois enfants. Enfin, à l'issue de l'enquête administrative diligenté par le département à la suite de l'altercation ayant opposé en 2005 Mme B...à des parents, les faits de violence allégués ont été considérés comme n'étant pas établis.

8. Dans ces conditions, le département de la Haute-Garonne doit être regardé comme ayant accompli les diligences nécessaires pour s'assurer de la matérialité des faits qui avaient été portés à sa connaissance et déterminer si les enfants accueillis étaient exposés à un risque de comportements susceptibles de compromettre leur santé, leur sécurité ou leur épanouissement. Les éléments recueillis par le département n'étaient pas de nature, en l'espèce, à lui permettre raisonnablement de penser que les enfants accueillis chez Mme B...étaient victimes de tels comportements. Dès lors, le département n'a pas commis de faute en ne retirant pas, avant le 20 mars 2007, en application de l'article L. 421-6 précité du code de l'action sociale et des familles précité, l'agrément de MmeB....

9. A l'appui de leur demande tendant à l'engagement de la responsabilité sans faute du département, M. et Mme A...se fondent en réalité de nouveau sur la faute qu'aurait commise le département dans le suivi de l'exercice de l'activité d'assistante maternelle de MmeB.... En tout état de cause, la responsabilité du département n'est pas susceptible d'être recherchée sur le terrain de la responsabilité sans faute du fait du risque spécial créé par l'accueil d'enfants par un assistant maternel agréé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département de la Haute-Garonne, qui n'a pas la qualité de partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme A...et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Haute-Garonne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E...A...et au département de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

Marianne Pouget, président,

Sylvande Perdu, premier conseiller,

Romain Rousset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

La présidente,

Marianne Pouget Le greffier,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX01282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01282
Date de la décision : 26/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04 Responsabilité de la puissance publique. Réparation.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : LAVEISSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-26;16bx01282 ?
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