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25/10/2018 | FRANCE | N°18BX03604

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des référés, 25 octobre 2018, 18BX03604


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 8, 24 et 25 octobre 2018, Mme B... E...A..., représentée par MeC..., demande au juge des référés de la cour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 17 janvier 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiant ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation dans un d

élai de quinze jours à compter de l'ordonnance à intervenir, en la munissant, le temps ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 8, 24 et 25 octobre 2018, Mme B... E...A..., représentée par MeC..., demande au juge des référés de la cour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 17 janvier 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiant ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'ordonnance à intervenir, en la munissant, le temps nécessaire à ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de celui-ci à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est présumée satisfaite, s'agissant d'une décision refusant le renouvellement d'un titre de séjour ;

- de plus, elle a fait l'objet d'une mesure d'éloignement dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Toulouse ;

- par ailleurs, la décision litigieuse est entachée d'un détournement de procédure, au motif que l'autorité préfectorale ne l'a pas interrogée sur l'évolution de sa situation depuis la date du dépôt de sa demande le 23 août 2017 ;

- elle repose en outre, sur des considérations factuelles inexactes et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa demande ;

- elle est également entachée d'une erreur d'appréciation du caractère réel et sérieux de ses études, notamment dans la mesure où il n'est pas tenu compte de sa progression régulière, et d'une erreur manifeste d'appréciation du caractère suffisant de ses moyens d'existence, eu égard en particulier au soutien familial dont elle dispose.

Par un mémoire, enregistré le 23 octobre 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas satisfaite ;

- aucun des moyens de la requête n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes du 21 septembre 1992 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. D...en application du livre V du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...E...A..., née le 24 août 1995 à Bouaké (Côte d'Ivoire), de nationalité ivoirienne, est entrée en France le 12 septembre 2013 sous le couvert d'un visa de long séjour portant la mention étudiant, valant titre de séjour jusqu'au 7 septembre 2014. Elle a bénéficié, à compter du 8 septembre 2014, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", régulièrement renouvelée jusqu'au 30 septembre 2017. Le 23 août 2017, elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour sur le fondement de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes du 21 septembre 1992. Par un arrêté du 17 janvier 2018, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention étudiant et a assorti la mesure de refus de renouvellement de séjour d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité, aux motifs, d'une part, qu'elle n'établissait pas le caractère réel et sérieux de ses études, et, d'autre part, qu'elle ne disposait pas de ressources suffisantes. La demande de suspension de cet arrêté présentée par l'intéressée a été rejetée par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 12 février 2018 et sa requête tendant à l'annulation de ce même arrêté a été rejetée par jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 octobre 2018, qui a été ensuite frappé d'appel. Par la présente requête, Mme A...demande au juge des référés de la cour la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'arrêté précité en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur l'appel formé à l'encontre du jugement du 5 octobre 2018.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Le 12 octobre 2018, Mme A...a présenté, pour cette procédure, une demande d'aide juridictionnelle, sur laquelle le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Bordeaux n'a pas encore statué. Par conséquent, il y a lieu de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur les conclusions aux fins de suspension de l'arrêté litigieux :

3. D'une part et aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 522-1 de ce code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 du même code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit (...) justifier de l'urgence de l'affaire ".

4. D'autre part et aux termes de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes du 21 septembre 1992 : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. (...) ". De plus, aux termes des dispositions de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 1er de l'arrêté du 31 décembre 2002 modifiant et complétant l'arrêté du 27 décembre 1983 fixant le régime des bourses accordées aux étrangers boursiers du Gouvernement français, applicables aux étudiants sollicitant le renouvellement d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 9 de la convention franco-ivoirienne précitée, pour justifier de la possession de moyens d'existence suffisants, l'étudiant doit disposer de ressources équivalentes à 615 euros par mois.

5. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'apprécier et de motiver l'urgence compte tenu de l'incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l'intéressé. Cette condition d'urgence sera en principe constatée dans les cas de retrait ou de refus de renouvellement d'un titre de séjour. Dans les autres cas, il appartient au requérant d'établir la réalité des circonstances particulières qui justifient que la condition d'urgence soit regardée comme remplie.

6. La requérante, qui a séjourné en France en situation régulière pendant quatre ans et quatre mois et dont le refus de renouvellement de carte de séjour temporaire portant la mention étudiant fait obstacle à la poursuite de ses études sur le territoire national, peut se prévaloir de la présomption d'urgence qui s'attache aux refus de renouvellement de titre de séjour. En se bornant à faire valoir que Mme A...a validé la deuxième année de sa licence, postérieurement à l'arrêté critiqué, et que l'activité salariée qu'elle a exercée parallèlement à ses études ne lui rapportait qu'une rémunération très faible, le préfet de la Haute-Garonne ne produit aucun élément de nature à renverser cette présomption, dès lors, notamment, qu'il est constant que l'intéressée n'avait pas achevé ses études à la date de l'arrêté contesté.

7. Toutefois, et à supposer même que le parcours universitaire de Mme A...puisse être regardé comme cohérent et démontrant le caractère sérieux de ses études, en dépit de la lenteur de sa progression, l'arrêté litigieux est également motivé par l'absence de ressources stables et suffisantes permettant à l'intéressée de poursuivre ses études en France. Or, la requérante ne produit à l'instance que, d'une part, des bulletins de salaires faisant état d'une rémunération mensuelle oscillant entre 150 et 270 euros et, d'autre part, des attestations de membres de sa famille établies postérieurement à l'arrêté litigieux et des relevés bancaires également postérieurs, pour leur quasi-totalité, à cet arrêté. Il s'ensuit qu'elle ne saurait être considérée comme établissant disposer de ressources équivalentes à 615 euros par mois. Dans ces conditions et dans la mesure où le seul motif tiré de l'absence de moyens d'existence suffisants peut justifier le refus de renouvellement concerné, les moyens invoqués par Mme A...n'apparaissent pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 17 janvier 2018 lui refusant le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ".

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

9. La présente ordonnance, qui rejette les conclusions aux fins de suspension de Mme A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction de la requérante ne peuvent ainsi qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance de référé, la partie perdante, la somme sollicitée par Mme A...au profit de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle est accordée à MmeA....

Article 2 : La requête n° 18BX03604 de Mme A...est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B...E...A...et au préfet de la Haute-Garonne.

Fait à Bordeaux, le 25 octobre 2018.

Le juge des référés,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

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No 18BX03604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 18BX03604
Date de la décision : 25/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour - Refus de renouvellement.

Procédure - Procédures instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé suspension (art - L - 521-1 du code de justice administrative).


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Avocat(s) : DE BOYER MONTEGUT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-25;18bx03604 ?
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