Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA Axess Europe a demandé au tribunal administratif de Toulouse de lui accorder le bénéfice d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 4 207 291 euros au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1400602 du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 août 2016, la SA Axess Europe, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de lui accorder le crédit d'impôt recherche en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a utilisé des logiciels Cambridge Scientific Ltd (CSL) et Cadence pour concevoir ses puces électroniques ; ces deux types de logiciels lui ont été fournis par la société CSL, qui a mis à sa disposition des moyens spécifiques à son activité dans le cadre d'un contrat du 7 janvier 2009 ; la société CSL lui a ainsi mis à disposition des logiciels pour un coût moindre que celui qui serait facturé directement par les sociétés du groupe Cadence ou son distributeur ; ce contrat lui a procuré d'importants moyens techniques qui lui ont permis de concevoir les puces ensuite fabriquées par IBM ; l'expert Bério a reconnu que ces prestations n'avaient rien de fictif ; le caractère effectif des dépenses est établi ; de manière plus générale, les experts ont souligné le sérieux de son programme de recherche et de développement ;
- si les logiciels n'ont pas pu être présentés à l'administration lors des interventions sur place en 2013, c'est parce qu'à cette date le programme d'élaboration des puces était presque achevé et elle n'avait pas eu besoin de renouveler les licences de logiciels ;
- la société CSL est agréée par le ministère de l'enseignement supérieur et n'émet pas des factures dépourvues de contreparties ; les logiciels sont mis à sa disposition par une société Springsoft, qui commercialise des logiciels Cadence ;
- elle apporte la preuve que le contrat passé avec la société CSL avait pour objet l'acquisition de logiciels et le droit de les utiliser ;
- les dépenses au bénéfice de la société CSL entrent donc dans le champ du crédit d'impôt pour 2012 ; ces dépenses sont inférieures à ce qui aurait été acquitté auprès d'une autre société pour une prestation similaire ;
- les logiciels remplissent les conditions pour être constatés comme éléments d'actif ; il s'agit d'immobilisations identifiables, ils ont une valeur économique positive, elle en assure la maîtrise des avantages résultant des licences informatiques, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre le logiciel et la licence, et les actifs constitués par les logiciels peuvent être évalués avec une fiabilité suffisante, leur utilisation est durable et excède l'exercice d'acquisition ;
- de telles dépenses doivent faire l'objet d'une inscription à l'actif et peuvent être amorties ou faire l'objet de provision pour dépréciation ; les dépenses liées à l'acquisition des logiciels et des mises à jours ont donné lieu à l'émission de factures du 1er février 2011, pour un montant total de 7 315 893,95 euros ; ces dépenses constituent un actif immobilisé au regard des prescriptions des articles 221-1 et 311-1 du plan comptable général et ainsi que le prévoit l'instruction du 30 décembre 2005 n° 4 A-13-05 ;
- les logiciels ayant la qualité d'actifs amortissables, entrent dans le champ du crédit d'impôt recherche par application de l'article 244 quater B II a) du code général des impôts ; les dotations aux amortissements à prendre en compte sont celles qui sont fiscalement déductibles au sens des articles 39 et 39 B du code ;
- ils répondent aux conditions posées par l'instruction du 21 janvier 2000 n° 4 A-1-00 et le bulletin BOI-BIC-RICI-10-10-20-10-20120912, qui distinguent seulement les biens appartenant à l'entreprise des biens financés par crédit-bail pour déterminer l'éligibilité au crédit d'impôt ;
- le rapport du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche du 21 décembre 2012 valide les crédits d'impôt recherche accordés au titre des années 2009 et 2010, dans lesquels les dotations aux amortissements avaient été intégrées de la même manière qu'en 2011 ; le conciliateur l'a également admis le 13 novembre 2012 ; l'expert OSEO se contredit et ses conclusions ne peuvent servir de base à la remise en cause de l'éligibilité par l'administration fiscale ;
- l'administration ne pouvait s'appuyer sur le rapport de l'expert pour conclure que les amortissements devaient être comptabilisés en charges ;
- elle a fait travailler à compter du 25 juin 2010 la société Octahedra Materials, qui lui a facturé des prestations d'élaboration d'éléments rayonnants d'antenne, sur le fondement de plusieurs contrats, et notamment d'un contrat du 16 décembre 2010 ; cette société a été agréée par le ministère de l'enseignement et de la recherche et les prestations de cette société sont éligibles au crédit d'impôt ; elle disposait des moyens pour remplir son contrat ; les facturations au titre de 2012 correspondent à ce qui a été prévu par le nouveau contrat du 1er février 2012 ; toutes diligences ont été accomplies pour mener à bien le projet scientifique ; la société Octahedra Materials a pu disposer des moyens conséquents de sa maison mère Armmo BV, qui a conçu et qui lui a fourni les composants électroniques émettant les radio fréquences, en utilisant les logiciels Cadence mis à disposition par la société CSL ; Armmo a eu recours aux services de trois personnes hautement qualifiées ; un contrat de recherche a été conclu le 1er janvier 2011 entre Octahedra Materials et Armmo BV, puis un autre le 1er février 2012 ; l'intervention de plusieurs entreprises a permis de mutualiser des moyens ; un rapport du 19 janvier 2012 fait le point sur l'avancement des prestations correspondantes ; la réalité des prestations effectuées par celle-ci pour le compte de sa filiale est établie ; à la date de la proposition de rectification, les éléments rayonnants de l'antenne avaient été effectivement mis au point, ce qui prouve que le contrat a été mené à bien ; les prestations facturées par Armmo constituent des services extérieurs qui doivent être retenus comme des charges déductibles au titre du crédit d'impôt recherche ; le montant de ce crédit doit être de 209 233 euros au titre de 2012 ;
- elle n'a pas procédé à une délocalisation fictive dans le but de frauder les cotisations sociales et elle a d'ailleurs déclaré un établissement secondaire en France ; les rémunérations de Mme B...et de M. F...correspondent à un travail effectif et sont justifiées par leurs contrats de travail ; il est indifférent que les frais de trajets n'aient pas été déduits et que les imprimés fiscaux luxembourgeois aient mentionné l'ancienne adresse en France des épouxF... ;
- l'administration avaient admis des dépenses de même nature au titre des années antérieures pour MmeB..., M. F...et M.E..., pour des ratios de 50 à 80 % des salaires déclarés, et il n'est pas logique qu'elle revienne sur cette position pour 2012 ;
- les sous-projets SP01, SP02 et SP03 étaient prévus par le contrat du 1er février 2012 ; ils ne sont pas identiques à ceux qui étaient prévus par le contrat du 16 décembre 2010 et s'inscrivent dans le cadre des nouveaux travaux de recherche demandés à Octahedra Materials en 2012 ; ils sont donc éligibles au crédit d'impôt recherche.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 février 2017, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest) conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'intervention d'un vérificateur spécialisé en informatique a permis d'établir l'absence d'autres applications que les logiciels Cadence dans l'environnement informatique de la société requérante ; les conclusions des experts désignés par l'organisme Oséo et par la délégation régionale à la recherche et à la technologie se limitent aux aspects scientifiques des programmes, alors que l'administration se prononce sur les règles fiscales ; en tout état de cause l'administration demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, sans être liée par les avis des agents du ministère de la recherche et de la technologie ;
- les redevances versées auprès de la société CSL n'ont conféré à la société requérante qu'un simple droit d'usage temporaire des logiciels et non des droits caractérisant des éléments incorporels de l'actif immobilisé, c'est-à-dire générant une ressource que l'entreprise contrôle du fait d'évènements passés et dont elle attend des avantages économiques futurs ; en effet la société Axess Europe n'est pas propriétaire des licences des logiciels et ne possède aucun droit de contrôle sur les matériels et logiciels mis à sa disposition ; les factures d'achat correspondent à un renouvellement des droits annuels des logiciels ; les droits acquis sur les licences ne sont pas librement cessibles ; les redevances constituent ainsi de simples charges d'exploitation ;
- les instructions administratives citées ne comportent pas d'interprétation différente de la loi fiscale ;
- les rapports établis par des agents relevant du ministère de la recherche et de la technologie ne lui sont pas opposables ; en tout état de cause, ils ne portent pas sur l'année 2011 ;
- la lettre du conciliateur du 13 novembre 2012 ne constitue pas une prise de position formelle sur la situation de fait de la société ;
- le débat sur le caractère non fictif des prestations est inopérant pour l'application du crédit d'impôt recherche, de même que l'avantage financier éventuellement obtenu de l'achat des licences informatiques.
- la société Octahedra Materials ne disposait pas de moyens humains et matériels suffisants pour effectuer les prestations facturées à la société Axess Europe ; elle n'a donc pas été en mesure de fournir ces prestations ; il apparaît que la société Octahedra a enregistré des factures émises par la société mère Armmo d'un montant anormalement élevé afin de justifier d'un chiffre d'affaires cohérent avec des charges anormalement élevées ; le coût annuel d'utilisation du logiciel Cadence pat un unique ingénieur, ne peut justifier une facturation de près de 4 millions d'euros ; aucune explication de l'utilité de tels moyens électroniques pour réaliser des manipulations chimiques n'a été présentée ; aucun élément ne justifie que la société Armmo disposait elle-même des moyens nécessaires pour réaliser les opérations de sous-traitance soi-disant confiées par sa filiale ; un seul contrat de travail a été produit et il concerne une personne qui accomplissait à l'époque concernée un doctorat en laboratoire à l'université de Delft ; les rapports d'expert n'évoquent pas une sous-traitance à Armmo ;
- les sociétés sont liées par une communauté d'intérêts ; les éléments relevés sont de nature à établir l'absence de réalité des prestations réalisées par la société Armmo pour la société Octahedra Materials puis refacturées à la société Axess Europe ; les charges ont été indûment surévaluées dans le but de majorer le montant du crédit d'impôt ;
- il résulte des constats opérés que M. E...n'a aucune qualification de chercheur et de technicien de recherche ; il ne participait pas aux opérations de recherche de la société Axess ;
- l'université de l'Oregon a mis en doute l'authenticité du diplôme de Master of Science dont se prévaut MmeB..., qui ne possède aucune autre qualification dans le domaine de la recherche, et aucun élément n'établit son implication dans les phases du projet de recherche ;
- M.F..., dirigeant de plusieurs sociétés, n'a produit aucun élément pour justifier du temps consacré à la recherche pour le compte de la société Axess Europe ;
- les contrats de travail des époux F...ne suffisent pas à justifier de la réalité et du détail du travail effectué dans un domaine scientifique ou technique éligible au crédit d'impôt ;
- l'admission de ces dépenses en 2011, avant les constatations résultant de la vérification de comptabilité de l'entreprise, ne saurait constituer une prise de position formelle opposable à l'administration.
Par ordonnance du 12 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 27 juillet 2017 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Axess Europe, qui exerce une activité de recherche et de développement industriel de systèmes d'émission et de transmission hertzienne à usages civils et militaires, a fait l'objet, entre juin 2012 et juillet 2013, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis partiellement en cause les crédits d'impôt recherche dont elle avait bénéficié au titre des années 2009 à 2011. La société a néanmoins présenté le 7 février 2013 à l'administration fiscale une nouvelle demande de versement d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 4 207 291 euros au titre de dépenses engagées en 2012. Cette demande a donné lieu le 4 décembre 2013 à une décision d'admission partielle à hauteur de 154 495 euros et de rejet du surplus. La société Axess Europe relève appel du jugement en date du 28 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant au paiement de l'intégralité du crédit d'impôt recherche sollicité.
Sur les droits à crédit d'impôt recherche :
2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes. (...) / ; b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. Lorsque ces dépenses se rapportent à des personnes titulaires d'un doctorat ou d'un diplôme équivalent, elles sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les vingt-quatre premiers mois suivant leur premier recrutement à condition que le contrat de travail de ces personnes soit à durée indéterminée et que l'effectif salarié de l'entreprise ne soit pas inférieur à celui de l'année précédente ; (...) Ces dépenses sont retenues pour le double de leur montant à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 entre l'entreprise qui bénéficie du crédit d'impôt et l'entité mentionnée aux 1° à 6° ; d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. Pour les organismes de recherche établis dans un Etat membre de la Communauté européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, l'agrément peut être délivré par le ministre français chargé de la recherche ou, lorsqu'il existe un dispositif similaire dans le pays d'implantation de l'organisme auquel sont confiées les opérations de recherche, par l'entité compétente pour délivrer l'agrément équivalent à celui du crédit d'impôt recherche français. (...) / f) Les dotations aux amortissements des brevets et des certificats d'obtention végétale acquis en vue de réaliser des opérations de recherche et de développement expérimental ".
En ce qui concerne les redevances versées à la société Cambridge Scientific Ltd :
3. Seuls les droits attachés à une concession de licence d'exploitation constituant une source régulière de profits, dotés d'une pérennité suffisante et susceptibles de faire l'objet d'une cession doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé d'une entreprise.
4. Il résulte de l'instruction que la société Axess Europe a comptabilisé en tant qu'immobilisations incorporelles et a amorti sur une période de douze mois, au titre de l'année 2012, des redevances d'un montant de 7 329 065 euros versées à la société Cambridge Scientific Lted (CSL) en vertu d'une convention du 7 janvier 2009, en contrepartie de l'obtention de licences d'exploitation de logiciels destinés à concevoir des circuits imprimés de puces électroniques. Pour refuser d'admettre l'éligibilité de ces dépenses au crédit d'impôt recherche, l'administration a opposé à la société la circonstance qu'elles correspondaient à des charges d'exploitation et non à des éléments incorporels de l'actif immobilisé susceptibles de dotations aux amortissements.
5. La société requérante fait valoir que les logiciels et licences mis à sa disposition par la société CSL ont une valeur économique positive susceptible d'une évaluation fiable, qu'elle assure la maîtrise des avantages résultant de leur exploitation, et que leur utilisation est durable et excède le seul exercice d'acquisition. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des termes de la convention conclue par la requérante le 7 janvier 2009 avec la société CSL, éclairés par les déclarations de cette dernière, et corroborés par les factures d'achat établies auprès de celle-ci pour le renouvellement annuel des droits, que ce contrat, qui n'a pas transféré à la société Axess Europe la propriété des logiciels, ne lui a pas davantage conféré un droit de contrôle sur ceux-ci mais uniquement la licence d'une suite logicielle, c'est-à-dire un simple droit d'usage de ces logiciels. Alors même qu'aucune durée ne figure dans la convention, il apparaît que ce droit d'usage n'était consenti que pour une durée d'un an renouvelable, ainsi qu'en atteste l'établissement de factures annuelles de renouvellement acquittées par la société Axess Europe. Enfin, si le contrat prévoyait une possibilité de cession des droits acquis, celle-ci était réduite à quelques situations limitativement énumérées et subordonnée, en toute hypothèse, à l'accord préalable de la société CSL. Dans ces conditions, la concession des licences d'exploitation des logiciels en cause ne saurait être regardée comme ayant constitué pour la société Axess Europe une source régulière de profits et comme un élément d'actif cessible et pérenne. C'est par suite à bon droit que l'administration, qui n'est pas liée par les rapports des experts mandatés par le ministre chargé de la recherche, et dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait pu, à l'inverse, s'estimer lié par ceux-ci, a considéré que les dépenses correspondantes ne pouvaient faire l'objet d'une inscription en tant qu'immobilisations incorporelles dans la comptabilité de la société, et que les dotations aux amortissements pratiquées n'étaient par conséquent pas susceptibles d'ouvrir à celle-ci le bénéfice du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2012. La requérante ne peut utilement se prévaloir à cet égard ni du caractère effectif des contreparties aux redevances payées à la société CSL, ni de l'intérêt technique ou financier résultant pour elle de l'usage des suites logicielles faisant l'objet de la convention du 7 janvier 2009.
6. La société Axess Europe ne peut invoquer utilement, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni les instructions 4 A-1-00 du 21 janvier 2000 et 4 A-13-05 du 30 décembre 2005, dans les prévisions desquelles elle n'entre pas dès lors que ces instructions sont relatives aux dépenses d'acquisition de logiciels, ni l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-10-20-10-20120912 du 12 septembre 2012, laquelle ne comporte aucune interprétation du texte fiscal différente de celle dont il est fait ici application. Elle ne saurait davantage se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'une réponse qui lui a été faite le 13 novembre 2012 par le conciliateur fiscal, se bornant à expliciter les éléments contenus dans le bulletin susmentionné du 12 septembre 2012, ni de la circonstance que l'expert mandaté par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche pour émettre un avis sur l'éligibilité des dépenses en vue de l'obtention du crédit d'impôt recherche pour 2011 avait admis des dépenses similaires au titre des crédits d'impôt recherche relatifs aux années antérieures.
En ce qui concerne les dépenses exposées pour des opérations sous-traitées :
7. La société Axess Europe sollicite la prise en compte dans l'assiette du crédit d'impôt recherche pour 2012, au titre du d bis) des dispositions précitées de l'article 244 quater B du code général des impôts, de la facturation par la société Octahedra Materials de prestations sous-traitées pour son compte par cette dernière auprès de la société Armmo BV. Elle fait valoir qu'elle a conclu le 16 décembre 2010 avec la société Octahedra Materials un contrat, modifié le 1er février 2012, portant sur la réalisation de prestations relatives notamment à la recherche de la matière chimique utilisée pour fabriquer des capteurs implantés dans des antennes actives aéroportées pour réseaux internet haut débit par satellite. Ce contrat prévoyait, au titre de 2012, la facturation de la mise à disposition de personnels à hauteur de 427 heures de travail, pour un montant total de 697 445 euros. A l'occasion de la vérification de comptabilité de la société requérante, il est toutefois apparu que, sur le montant facturé, 373 028 euros correspondaient à la refacturation de frais facturés à la société Octahedra Materials par sa société mère, la société Armmo BV et correspondant à des " frais de maintenance informatique " et à des " frais de gestion Armmo ". Or, d'une part, si la société Axess Europe fait état de la mise au point, par les personnels mis à disposition par la société Armmo, de composants électroniques destinés à la radio fréquence de l'antenne, elle n'a fourni aucune explication sur l'utilité de tels développements pour réaliser les manipulations chimiques faisant l'objet du contrat conclu avec la société Octahedra Materials. D'autre part, alors que les prestations facturées par la société Armmo correspondent aux interventions de deux directeurs de recherche et d'un ingénieur, selon une rémunération horaire brute individuelle de 1 633 euros - quand les déclarations annuelles de salaires déposées pour 2012 par la société Octahedra Materials font apparaître un coût horaire moyen de moins de 36 euros pour ses directeurs et ingénieurs - la société Axess Europe n'a été en mesure de présenter qu'un seul contrat de travail à temps plein mentionnant une rémunération mensuelle brute de 2 500 euros, au demeurant au nom d'un ingénieur qui s'est avéré suivre au cours de la période considérée un doctorat dans un laboratoire universitaire et dont il est ainsi peu vraisemblable qu'il ait accompli un service à temps plein. Plus généralement, la société requérante ne produit pas davantage devant la cour que précédemment d'éléments de nature à justifier de la réalité des prestations dont elle prétend qu'elles ont été effectuées indirectement pour son compte par la société Armmo. Elle ne peut par ailleurs se référer utilement, au soutien de son argumentation sur l'éligibilité des dépenses spécifiquement facturées par la société Armmo BV, ni à la circonstance que la société Octahedra Materials a été agréée par le ministre chargée de la recherche, ni aux conclusions des rapports d'expertise relatives au projet même faisant l'objet du contrat conclu entre les sociétés Axess Europe et Octahedra Materials. Par suite, et quand bien même la société requérante a pu justifier en 2013 avoir mené à terme ledit projet, c'est à bon droit que l'administration a refusé de lui accorder le crédit d'impôt de 111 908 euros sollicité au titre des dépenses en cause.
En ce qui concerne les dépenses de personnels :
8. Aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts dispose que : " Le personnel de recherche comprend : / 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. / 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. ". Pour l'application de ces dispositions, ouvrent droit au crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche, les dépenses de personnel afférentes notamment aux salariés qui, sans posséder un diplôme d'ingénieur, se livrent à des opérations de recherche et ont acquis, au sein de leur entreprise, des compétences les assimilant, par le niveau et la nature de leurs activités, aux ingénieurs impliqués dans la recherche.
9. La société Axess Europe soutient que les rémunérations versées en 2012 à M. F..., à Mme B...épouseF..., à M.E..., à M. D...et à M.A..., pour un montant total de 235 288 euros, doivent être prises en compte dans l'assiette du crédit d'impôt recherche, en application du b) de l'article 244 quater B du code général des impôts. La société requérante ne produit cependant aucun justificatif du détail et de la réalité des travaux effectués dans un domaine scientifique ou technique éligible au crédit d'impôt recherche par M.F..., dirigeant des sociétés CSL, Octahedra Materials et Armmo, et associé à 50 % de la société Axess Europe. Si Mme B...-F... apparaît titulaire d'un master of science in mathematics délivré par l'université de l'Oregon, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle se soit livrée en 2012 à des opérations de recherche ou ait assuré un soutien technique indispensable aux travaux de recherche de la société requérante sur son site du Luxembourg, lieu de travail déclaré auprès des services fiscaux de ce pays, alors que les opérations de contrôle fiscal ont révélé que Mme B... était domiciliée.... Il n'est en tout état de cause pas justifié, par la seule présentation d'un contrat de travail conclu avec la société Axess Europe, de la réalité de prestations éligibles et du temps qu'elle y aurait consacré. Il n'est, par ailleurs, pas sérieusement contesté que M. E...n'était ni chercheur ni technicien de recherche mais occupait des fonctions d'encadrement, sans formation ou expérience particulière. Enfin, selon le rapport de l'expert OSEO, les sous-projets dits SP01, SP02, SP03 et SP05 sur lesquels MM. D...et A...ont notamment travaillé ne pouvaient être regardés comme des projets de recherche et de développement. Si la société requérante soutient que les sous-projets ainsi dénommés ne correspondaient plus, s'agissant de l'année 2012, à ceux sur lesquels l'expert s'était prononcé en 2011, elle ne l'établit nullement. Enfin, la société Axess Europe ne saurait se prévaloir utilement de ce que les rémunérations attribuées aux mêmes personnes avaient été regardées comme éligibles au crédit d'impôt par l'administration au titre des années précédentes, cette circonstance, d'ailleurs antérieure au contrôle fiscal de la société, ne constituant pas une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait, qui lui serait opposable en vertu de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a exclu de l'assiette du crédit d'impôt recherche, en tout ou partie, les dépenses afférentes à ces cinq emplois.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Axess Europe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à sa charge la somme sollicitée par la société Axess Europe au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Axess Europe est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Axess Europe et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
M. David Katz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 octobre 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02727