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08/10/2018 | FRANCE | N°16BX04027

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 08 octobre 2018, 16BX04027


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Transat Antilles Voyages a demandé devant le tribunal administratif de la Guadeloupe l'annulation de la décision du 26 mai 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de M. B...A..., ainsi que de la décision implicite de rejet par le ministre du travail, du recours hiérarchique formé le 22 juillet 2014 par la société Transat Antilles Voyages à l'encontre de la décision du 26 mai 2014 de l'inspecteur du travail.

Par un jugement

n° 1500029 du 15 septembre 2016 le tribunal administratif de la Guadeloupe a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Transat Antilles Voyages a demandé devant le tribunal administratif de la Guadeloupe l'annulation de la décision du 26 mai 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de M. B...A..., ainsi que de la décision implicite de rejet par le ministre du travail, du recours hiérarchique formé le 22 juillet 2014 par la société Transat Antilles Voyages à l'encontre de la décision du 26 mai 2014 de l'inspecteur du travail.

Par un jugement n° 1500029 du 15 septembre 2016 le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 14 décembre 2016 la société Transat Antilles Voyages, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 septembre 2016 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du ministre du travail de son hiérarchique ;

3°) d'enjoindre au ministre du travail de procéder à compter de l'arrêt de la cour, à une nouvelle instruction de la demande d'autorisation du licenciement de M. A...et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ce qui concerne la matérialité des faits reprochés à M.A... : contrairement à ce qu'a considéré l'inspecteur du travail, M. A...est bien intervenu dans le cadre de la société qu'il avait créée sur des terrains qui auraient du être entretenus gracieusement par la société Transat Antilles Voyages dans le cadre de la convention d'autorisation d'occupation temporaire de terre-plein du domaine public qui a été conclue le 1er août 2001, ce qui est établi par l'attestation du 9 avril 2014 de M.C..., maitre de port principal ainsi que par la gérante de l'établissement " la route du Rhum " ; deux personnes étaient en charge de l'entretien des espaces verts de la Marina, M. E...et M.A... ; M. E...atteste de ce que M. A... lui a expressément demandé de ne pas réaliser l'entretien des abords du restaurant " la route du Rhum " et ce afin de proposer ensuite ses services de jardinier moyennant rémunération et pour le compte de sa propre société ; la gérante de " la route du Rhum " indique quant à elle avoir été étonnée de ce que l'entretien des abords du restaurant n'ait pas été effectué par les employés de la capitainerie, puis avoir accepté l'offre de la société de M.A..., facturée à 100 euros par mois ; M. A...a donc pendant deux ans, sollicité une rémunération à un usager pour des prestations devant être réalisées dans le cadre de ses fonctions salariées et dans le périmètre de gestion de la Marina ; il apparait donc que M. A...après avoir organisé de façon délibérée l'absence d'entretien des abords paysagers qu'il lui appartenait d'effectuer en sa qualité de salarié de la société Transat Antilles Voyages a proposé ses services personnels afin d'obtenir une rémunération indue de la part de l'usager amodiataire " La Route du Rhum " ; ces agissements frauduleux n'ont été révélés qu'après l'envoi du courrier le 8 avril 2014, par la gérante de la Route du Rhum comme le confirme le témoignage de M.E... ; les agissements de M. A...ont commencé en mars 2012, ce que confirme le témoignage de M. E..., et sans que son employeur en ait été informé, alors que le contrat de travail de M. A...prévoyait qu'il s'engageait à " consacrer toute son activité professionnelle au service de la compagnie et à n'exercer d'autre activité professionnelle pendant la durée de son contrat sans l'accord préalable écrit du représentant de la compagnie ", accord écrit qui n'a pas en l'espèce été donné par l'employeur ; la société est titulaire d'une convention de délégation de service public depuis le 1er janvier 2006 au terme de laquelle elle s'est engagée à réaliser un certain nombre de prestations au bénéfice des entreprises amodiataires, c'est-à-dire des entreprises titulaires d'une autorisation d'occupation du domaine public, comme c'est le cas, pour l'établissement " la route du Rhum " ; en ce qui concerne le motif tenant au lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat, la société qui compte 14 salariés, procède régulièrement, depuis qu'elle est titulaire de la délégation de service public à l'élection de deux délégués du personnel, l'un titulaire, l'autre suppléant et que les relations entre le personnel et la direction ont toujours été les meilleures ; la procédure de licenciement présentée à l'encontre de M.A..., n'est en aucune façon liée à son statut de délégué du personnel mais a été uniquement engagée à raison des agissements fautifs et indélicats de l'intéressé, qui sont très antérieurs à la date à laquelle il a été élu délégué du personnel ; c'est donc à tort que l'inspecteur du travail s'est fondé sur cette circonstance pour refuser l'autorisation de licenciement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2018 :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- et les conclusions de Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Transat Antilles Voyages relève appel du jugement du 15 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de M.A..., titulaire du mandat de délégué du personnel, ainsi que de la décision implicite de rejet par le ministre du travail, du recours hiérarchique formé le 22 juillet 2014 par la société Transat Antilles Voyages à l'encontre de la décision du 26 mai 2014 de l'inspecteur du travail.

2. En vertu des dispositions de l'article L. 2411-3 du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives, bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, et ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi.

3. La décision du 26 mai 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de M. A..." agent de nettoyage 3ème échelon de la convention collective des personnels des ports de plaisance du 16 mars 1982, statut ouvrier-employé ", est fondée sur le double motif tiré de ce que la matérialité des faits reprochés au salarié, d'exercice d'une activité professionnelle non autorisée pour le compte d'une personne privée ne serait pas établie, et de ce que la demande d'autorisation de licenciement, présenterait un lien avec le mandat, dès lors que cette demande est intervenue dix jours après le courrier du 1er avril 2014 de M. A...se plaignant auprès de son employeur de l'absence de tenue des réunions mensuelles obligatoires des délégués du personnel.

4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, la convention passée le 1er août 2001 entre le restaurant " La route du rhum ", et le Port autonome de la Guadeloupe et la société Compagnie d'Exploitation des Ports à laquelle vient aux droits la société Transat Antilles Voyages ne prévoyait pas que l'entretien des abords du restaurant " La route du rhum ", serait effectué par la société Transat Antilles Voyages, cette convention prévoyant au contraire que l'établissement " La route du rhum ", avait la charge du maintien des abords de son terrain en parfait état de propreté. Si à l'égard de la question de l'entretien des abords du restaurant " La route du rhum ", la société requérante fait valoir que la délégation de service public du 1er janvier 2006, attribuée par le Port Autonome à la société Transat Antilles Voyages, aurait prévu, au bénéfice des entreprises titulaires d'une autorisation d'occupation du domaine public, comme c'est le cas, pour l'établissement " la route du Rhum ", l'accomplissement par la société Transat Antilles Voyages, d'un certain nombre de prestations, au nombre desquelles se serait trouvé l'entretien des locaux, elle ne produit en tout état de cause pas cette délégation. Dans ces conditions, M. A...ne peut être regardé comme ayant été fautif pour avoir exécuté une activité professionnelle par l'intervention de sa société, dans des lieux dans lesquels la société dont il était salarié, devait contractuellement intervenir.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le contrat de travail à durée indéterminée conclu le 13 juillet 2003 par la société Compagnie d'Exploitation des Ports et des Aéroports avec M. A...et qui a fait l'objet d'un transfert à la Société Transat Antilles Voyages, imposait à M.A..., de consacrer toute son activité professionnelle au service de la société et à ne pas exercer d'autre activité professionnelle pendant la durée de son contrat sans l'accord préalable écrit du représentant légal de la société. Si la société requérante fait valoir, ce qui est constant, qu'elle n'a donné aucun accord écrit à M.A..., qui n'en a pas sollicité, pour exercer une activité professionnelle auprès de l'établissement " la route du Rhum ", la société Transat Antilles Voyages était nécessairement informée de la création de sa société par M. A..., et de l'exercice par ce dernier d'une activité professionnelle dans le cadre de cette société, dès lors qu' il ressort notamment des pièces du dossier que comme le relève la décision de l'inspecteur du travail du 26 mai 2014, la société de M. A...avait facturé des prestations de nettoyage à la société Transat Antilles Voyages, entre mars 2012 et janvier 2014 pour un montant total de 43 644 euros. A supposer même que la société Transat Antilles Voyages, n'ait pas été informée par M.A..., de façon particulière, de l'exercice d'une activité professionnelle auprès de l'établissement " la route du Rhum ", dont il n'est pas justifié au dossier ainsi qu'il est susmentionné, que l'entretien des abords aurait relevé des missions de la société requérante, la faute qui aurait ainsi été commise par M.A..., ne peut être regardée à défaut notamment d'absences injustifiées de M. A...ou de retards dans l'accomplissement de ses fonctions salariées, comme constitutive d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement disciplinaire.

6. Dans ces conditions, et indépendamment même de la question d'un éventuel lien entre la demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire et le mandat de délégué du personnel titulaire détenu par M.A..., la société Transat Antilles Voyages, n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 26 mai 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif disciplinaire de M.A..., ni de la décision implicite de rejet par le ministre du travail de son recours hiérarchique formé le 22 juillet 2014, ni donc à se plaindre du rejet de sa demande par le jugement attaqué du 15 septembre 2016 du tribunal administratif de la Guadeloupe.

Sur les conclusions en injonction :

7. Compte tenu du rejet des conclusions en annulation présentées par la société Transat Antilles Voyages, les conclusions en injonction présentées par la société, tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre du travail, de procéder à une nouvelle instruction de la demande d'autorisation du licenciement de M. B...A...ne peuvent être que rejetées.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la société Transat Antilles Voyages au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Transat Antilles Voyages est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Transat Antilles Voyages, à M. B...A...et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 10 septembre, 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.

Le rapporteur,

Pierre Bentolila

Le président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

4

N° 16BX4027


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX04027
Date de la décision : 08/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : DEPORCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-08;16bx04027 ?
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