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08/10/2018 | FRANCE | N°16BX02168

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 08 octobre 2018, 16BX02168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ferropem a demandé au tribunal administratif de Toulouse, la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité totale de 298 732,18 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts échus, à raison de l'illégalité fautive de la décision du ministre du travail du 19 septembre 2003 ayant autorisé le licenciement de M.B..., salarié protégé.

Par un jugement n° 1303683 du 12 mai 2016 le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à la société Fe

rropem la somme de 111 676,67 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 jui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ferropem a demandé au tribunal administratif de Toulouse, la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité totale de 298 732,18 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts échus, à raison de l'illégalité fautive de la décision du ministre du travail du 19 septembre 2003 ayant autorisé le licenciement de M.B..., salarié protégé.

Par un jugement n° 1303683 du 12 mai 2016 le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à la société Ferropem la somme de 111 676,67 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2013 avec anatocisme.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 1er juillet 2016, la société Ferropem représentée par Me A...demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1303683 du 12 mai 2016 du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il a limité le montant de la condamnation de l'Etat à la somme de 111 676,67 euros ;

2°) de condamner l'Etat à verser à la société la somme de 298 745,17 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts du fait de l'illégalité de la décision du ministre du travail du 19 septembre 2003 ayant autorisé le licenciement de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ce qui concerne la régularité du jugement, en premier lieu, le principe d'impartialité fait obstacle à ce que le juge des référés notamment en matière de référé-provision, siège dans l'instance au fond devant la juridiction ; en l'espèce, par une ordonnance du 30 octobre 2013, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse, en sa qualité de juge des référés administratifs, a statué sur le demande formulée par la société Ferropem tendant au versement d'une provision d'un montant de 240 295,17 euros à valoir sur la réparation du préjudice économique subi en conséquence de l'illégalité de la décision ministérielle d'autorisation de licenciement ; ce magistrat ne pouvait donc siéger à l'occasion du jugement du fond par le tribunal administratif ; en deuxième lieu, le tribunal en se bornant à indiquer " (...) que l'employeur a lui-même commis une faute en demandant à l'administration de procéder au licenciement de M. B...sans lui octroyer de congé de disponibilité ou de reclassement avant la décision du ministre (...) ", a insuffisamment motivé son jugement quant à l'existence d'une faute de la société de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité ; en troisième lieu, toujours au titre de la régularité du jugement, le tribunal administratif n'a pas répondu à son moyen, qui était opérant, tiré de l'existence d'un lien de causalité entre la décision illégale d'autorisation de licenciement et le préjudice subi, dès lors que si le ministre s'était livré à un contrôle des conditions dans lesquelles il avait été satisfait à l'obligation de reclassement de M.B..., il n'aurait pas autorisé le licenciement, ce qui aurait contraint la société pour procéder au licenciement économique de M. B...à pleinement satisfaire à son obligation de reclassement ;

- en ce qui concerne le bien-fondé du jugement, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la requérante avait commis une faute en ne satisfaisant pas à son obligation de reclassement avant la décision du ministre et que cette faute était de nature à exonérer partiellement l'Etat de sa responsabilité ; en effet, dès lors qu'il appartient à l'autorité administrative d'effectuer un contrôle, l'insuffisance d'un tel contrôle ne saurait être imputée à la société ; l'Etat, pour s'exonérer de sa responsabilité, ne peut pas imputer à l'employeur sa propre faute consistant dans la carence dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle ; en première instance, le ministre du travail n'alléguait ni n'établissait le moindre agissement fautif de la société qui aurait été de nature à atténuer sa responsabilité dans l'exercice de son pouvoir de contrôle ; la société reconnait, ne pas avoir eu conscience d'avoir manqué à son obligation de reclassement à l'égard de M.B..., avant l'intervention de l'arrêt de la cour du 4 février 2010 ; l'Etat ne saurait imputer à l'employeur toutes les illégalités, et notamment celles qui ne sont pas aisément décelables ; en ce qui concerne la réparation du préjudice, la cour d'appel de Toulouse l'a notamment condamnée à verser la somme de 60 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et a ordonné le remboursement à Pôle Emploi, des indemnités de chômage payées à M. B...à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois, remboursement qui n'est pas intervenu, faute pour Pôle Emploi d'avoir communiqué le montant définitif de sa créance ; les sommes versées à M. B...sont en relation de causalité directe avec l'illégalité de la décision ayant autorisé le licenciement de M.B... ; par ailleurs, la société a du verser à M. B...la somme de 10 378,85 euros au titre de l'article 1153 alinéa 3 du code civil, à compter de la date du 2 avril 2010 de saisine du conseil des prud'hommes de Saint-Gaudens ; par ailleurs, la société a été condamnée à verser à M.B..., sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, devant le conseil des prud'hommes de Saint-Gaudens, la somme de 2 000 euros et la même somme devant la Cour d'appel de Toulouse et la somme de 1 000 euros à l'union locale des syndicats CGT du Comminges ; la société a également versé à M. B...la somme de 13 euros pour le remboursement des dépens ; c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a estimé par le jugement critiqué que les sommes versées par la société en exécution de l'arrêt rendu le 14 mars 2013 par la Cour d'appel de Toulouse, seraient sans lien direct avec l'illégalité fautive de la décision ayant autorisé le licenciement de M.B... ; en effet, son action devant les juridictions du travail n'avait d'autre motif que l'illégalité de la décision du ministre du travail ayant autorisé son licenciement économique ; M. B...n'aurait jamais saisi la juridiction prud'homale si son autorisation de licenciement n'avait pas été annulée par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 4 février 2010.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2017, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête de la société Ferropem, à la confirmation du jugement en ce qu'il a procédé à un partage de responsabilité entre l'Etat et la société en ce qui concerne les préjudices afférents au rappel de salaires, à l'indemnité de congés payés, aux charges patronales et sociales, et à l'indemnité de licenciement, et présente un appel incident à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il emporte condamnation de l'Etat à verser à la société Ferropem, la moitié de la somme de 19 193 euros au titre du rappel de participation et d'intéressement, et la moitié de la somme de 10 000 euros au titre de la perte de chance de M.B..., de bénéficier d'une retraite améliorée et au titre du préjudice moral.

Il soutient que si l'illégalité de la décision du 19 septembre 2013 du ministre autorisant le licenciement de M. B...a été constatée par un jugement passé en force de chose jugée, les préjudices dont la réparation est demandée dans la requête doivent présenter un lien direct et certain avec la décision illégale ; si la société évalue son préjudice à la somme de 298 745,17 euros, elle ne demandait devant le tribunal administratif que la somme de 240 295,17 euros et elle présente donc des conclusions nouvelles irrecevables ; la requête d'appel ne précise pas le détail des sommes réclamées et si l'appelant peut demander en appel, une majoration des sommes demandées en première instance, il doit justifier de l'aggravation du préjudice et tel n'est pas le cas en l'espèce ; la société requérante ne fournit aucun élément ni justificatif de nature à établir et prouver la réalité des montants invoqués ; en ce qui concerne la question de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'illégalité de la décision du 19 septembre 2013, l'annulation de cette décision est fondée sur la méconnaissance par l'employeur de son obligation de reclassement et l'Etat ne peut donc supporter l'intégralité de la condamnation financière ; comme l'a indiqué le tribunal administratif, la société n'a pas établi le caractère direct du lien de causalité entre les préjudices invoqués et la décision illégale de l'administration ; en ce qui concerne l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme l'a jugé le tribunal administratif de Toulouse, ainsi que les tribunaux administratifs de Nîmes et de Lyon, cette indemnité n'est pas en lien avec l'illégalité de l'autorisation de licenciement ; en ce qui concerne la condamnation de l'Etat au titre du rappel de participation et d'intéressement, et au titre de la perte de chances de bénéficier d'une retraite améliorée et au titre du préjudice moral, l'indemnité de 10 000 euros accordée par le tribunal administratif, ne peut être regardée comme se trouvant en relation de cause à effet avec l'illégalité de la décision administrative de licenciement mais seulement avec la faute commise par la société Ferropem, en ne procédant pas au reclassement de M.B... ; pour ce qui est de la condamnation de l'Etat au titre du rappel de participation et d'intéressement, pour un montant de 19 193 euros, cette condamnation résulte de la mise en oeuvre d'un accord d'entreprise sans aucun lien de causalité avec la décision illégale de l'administration ; en ce qui concerne les conclusions présentées par la société tendant à être remboursée par l'Etat de la somme de 10 378,85 euros au titre de l'article 1153 alinéa 3 du code civil et de la somme de 5 000 euros à laquelle la société a été condamnée par la cour d'appel de Toulouse, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ces sommes sont exclues du droit à indemnisation, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 26 février 2001, Société CPC Davoine, n° 211102.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2018 :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur ;

- les conclusions de Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la société Ferropem.

Considérant ce qui suit :

1. La Société Pechiney Electrometallurgie, devenue société Ferropem, a sollicité l'autorisation de licencier, pour motif économique, M.B..., agent au service entretien électrique de l'usine et délégué du personnel bénéficiant à ce titre du statut de salarié protégé. Par une décision du 18 mars 2003, l'inspecteur du travail a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée, mais sur recours hiérarchique de la société, le ministre du travail a, par une décision du 19 septembre 2003, annulé la décision de l'inspecteur du travail et a accordé l'autorisation sollicitée. Le 17 décembre 2003, la société Pechiney Electrometallurgie a procédé au licenciement de M.B... pour motif économique. M. B...a contesté la décision du 19 septembre 2003 du ministre du travail autorisant son licenciement, qui a été annulée, par un arrêt de la cour de céans n ° 09BX01313 du 4 février 2010 devenu définitif. Par arrêt du 14 mars 2013, la Cour d'appel de Toulouse, réformant le jugement du Conseil des prud'hommes de Saint-Gaudens du 10 mai 2011, a condamné la société Ferropem, à verser à M.B..., d'une part sur le fondement de l'article L. 2422-4 du code du travail, en réparation du préjudice subi par M.B..., entre le 17 décembre 2003, date de son licenciement, et le 19 avril 2010 correspondant à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt annulant l'autorisation de licenciement, une indemnité de 114 066,45 euros au titre du rappel de salaires, 11 406 euros brut au titre des congés payés y afférents, 3 744,21 euros brut au titre du solde de l'indemnité de licenciement, 19 193 euros brut au titre du rappel de la participation et de l'intéressement, 10 000 euros au titre du préjudice moral et de la perte des droits à la retraite, et d'autre part au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement, la Cour d'appel de Toulouse a condamné la société Ferropem, à verser à M. B...une indemnité de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La société Ferropem, qui a également payé les charges patronales à hauteur de 64 944,07 euros a demandé au tribunal administratif de Toulouse, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 298 745,17 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du ministre du travail l'autorisant à licencier M.B.... Par un jugement du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Toulouse a admis la responsabilité de l'Etat, mais a considéré que la faute commise par la société Ferropem, consistant dans le fait d'avoir procédé au licenciement de M.B..., sans lui avoir octroyé de congé de disponibilité ou de reclassement était de nature à exonérer l'Etat, à hauteur de la moitié, de sa responsabilité, a condamné l'Etat à verser à la société Ferropem, la somme totale de 111 676,67 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2013 et capitalisation des intérêts échus le 22 juillet 2014, et a rejeté le surplus de la requête de la société Ferropem. La société Ferropem fait appel du jugement en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à ses conclusions et le ministre du travail forme un appel incident contre le jugement en tant qu'il condamne l'Etat à verser à la société Ferropem, la moitié de la somme de 19 193 euros au titre du rappel de la participation et de l'intéressement et la moitié de la somme de 10 000 euros " au titre de la perte de chances (de M.B...) de bénéficier d'une retraite améliorée et au titre du préjudice moral ".

Sur l'appel principal de la société Ferropem :

Sur la fin de non-recevoir opposée aux conclusions de la société Ferropem :

2. Le ministre soutient que l'appel principal serait partiellement irrecevable, dès lors que si la société demande en appel la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 298 745,17 euros, elle ne demandait devant le tribunal administratif que la somme de 240 295,17 euros et qu'elle présenterait donc des conclusions nouvelles irrecevables. Toutefois, la société Ferropem demandait dans le dernier état de ses écritures devant le tribunal administratif, dans son mémoire du 8 juillet 2015, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 298 745,17 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts et dès lors les conclusions d'appel sont dans leur entier recevables, la fin de non-recevoir opposée par le ministre du travail devant être écartée.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, la société requérante invoque le fait que la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Toulouse, avant l'audience collégiale du 14 avril 2016 ayant conduit au jugement en litige du 12 mai 2016, avait par une ordonnance du 30 octobre 2013, statué en sa qualité de juge des référés administratifs, sur la demande de provision présentée par la société Ferropem, tendant au versement d'une provision d'un montant de 240 295,17 euros à raison du préjudice subi en conséquence de l'illégalité de la décision ministérielle d'autorisation de licenciement de M.B..., et que le jugement du 12 mai 2016 devrait donc être annulé pour irrégularité, pour manquement au principe d'impartialité. Toutefois, dès lors que par l'ordonnance n° 1303344 du 30 octobre 2013 le juge des référés, s'était fondé, pour rejeter la demande de provision présentée par la société Ferropem, sur l'existence d'une contestation n'étant pas non sérieusement contestable, il n'a pas préjugé de l'issue du litige. Dans ces conditions le moyen tiré de l'absence d'impartialité de la présidente de la formation de jugement, doit être écarté.

4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante le tribunal administratif en indiquant au point 2 du jugement, " (...) que l'employeur a lui-même commis une faute en demandant à l'administration de procéder au licenciement de M. B...sans lui octroyer de congé de disponibilité ou de reclassement avant la décision du ministre (...) ", a suffisamment motivé son jugement quant à l'existence d'une faute de la société de nature à exonérer l'Etat d'une partie de sa responsabilité.

5. En troisième lieu, toujours au titre de la régularité du jugement, le tribunal administratif en indiquant " (...) que si la société Ferropem soutient qu'aucune faute ne lui est imputable dès lors qu'elle n'a pas fourni d'éléments erronés au ministre et que l'administration a également commis une erreur d'appréciation des faits en délivrant l'autorisation de licenciement, l'employeur a, lui-même, commis une faute en demandant à l'administration de procéder au licenciement de M. B...sans lui octroyer effectivement de congé de disponibilité ou de reclassement avant la décision du ministre ; que la faute commise par la société Ferropem venant aux droits de la société Pechiney Électrométallurgie, est de nature à exonérer l'Etat de la moitié de sa responsabilité (...) " a, contrairement à ce que la société requérante soutient, suffisamment répondu à son moyen, tiré de l'existence d'un lien de causalité entre la décision illégale d'autorisation de licenciement et le préjudice subi.

6. Les moyens invoqués par la société Ferropem, tirés de l'irrégularité du jugement, doivent donc être rejetés.

Sur le bien-fondé de la requête de la société Ferropem :

7. L'illégalité de la décision autorisant le licenciement de M. B...a été constatée par un arrêt de la cour passé en force de chose jugée. Cette illégalité, à supposer même qu'elle soit imputable à une simple erreur d'appréciation de l'autorité administrative a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat quelle que puisse être par ailleurs la responsabilité de la société Ferropem. La société est en droit d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice direct et certain résultant pour lui de cette décision illégale.

8. En ce qui concerne en premier lieu, les conclusions de la société requérante, tendant à la condamnation de l'Etat au versement de la somme de 60 000 euros que la société Ferropem a été condamnée à verser à M.B..., par l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse du 14 mars 2013 sur le fondement des articles L. 1226-15 et L. 1235-3 du code du travail pour absence de cause réelle et sérieuse au licenciement, le versement de cette somme par la société procède de l'appréciation par l'employeur de l'existence d'une cause réelle et sérieuse au licenciement, et non de l'autorisation administrative de licenciement. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à se plaindre du rejet de ces conclusions par le tribunal administratif.

9. En deuxième lieu, la société Ferropem demande à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 10 378,85 euros, qu'elle a du verser à M. B...sur le fondement de l'article 1153 alinéa 3 du code civil, ainsi que la somme de 5 000 euros à laquelle la société a été condamnée par la cour d'appel de Toulouse, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Toutefois, ces sommes, qui sont l'accessoire de sommes versées à M. B...par la société requérante, du fait de l'appréciation erronée par la société Ferropem, de l'existence d'une cause réelle et sérieuse au licenciement, et qui sont donc exclues du droit à indemnisation, sont elles-mêmes exclues de l'indemnisation. Il en est de même de la somme de 13 euros, que la société Ferropem indique avoir du payer en remboursement de dépens.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2422-4 du code du travail : " Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. / L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. / Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire. ".

11. En ce qui concerne la contestation par la société Ferropem du partage de responsabilité qui a été opéré par le tribunal administratif, sur le fondement des dispositions précitées, sur les sommes de 125 472, 05 euros au titre de rappel de salaires et des congés payés, sur les charges sociales et patronales à hauteur de la somme de 64 944,07 euros et sur la somme de 3 744,21 euros au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, sommes sur lesquelles le ministre du travail ne présente pas d'appel incident, la société Ferropem soutient que si le ministre s'était livré à un contrôle des conditions dans lesquelles il avait été satisfait à l'obligation de reclassement de M.B..., il n'aurait pas autorisé le licenciement, ce qui aurait contraint la société pour procéder au licenciement économique de M. B...à pleinement satisfaire à son obligation de reclassement. Toutefois il résulte de l'instruction, que comme l'a jugé la cour dans son arrêt du 4 février 2010 si au titre du reclassement, la société Péchiney électrométallurgie à laquelle vient aux droits la société Ferropem, a informé M.B..., qu'elle lui accordait le congé de disponibilité dont il avait fait la demande et qui lui avait été refusé, il est constant que M. B...n'a pas bénéficié de ce congé ni d'un congé de reclassement. Dans ces conditions, si le ministre en ne s'étant pas livré à un contrôle suffisant des conditions dans lesquelles la société pouvait avoir satisfait à son obligation de reclassement a commis une faute, la société a elle-même commis une faute en ne satisfaisant pas vis-à-vis de son salarié, à l'obligation de reclassement qui lui était impartie. Il en est de même en ce qui concerne les sommes de 19 193 euros bruts, portant sur l'application d'un accord d'entreprise et de 10 000 euros " au titre de la perte de chances de bénéficier d'une retraite améliorée et au titre du préjudice moral ", pour lesquelles le tribunal administratif a également procédé à un partage de responsabilité.

12. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir, qu'en procédant à un partage de responsabilité entre l'Etat et la société Ferropem, quant à la réparation des sommes susmentionnées exposées par la société à l'égard de M. B...de par l'arrêt du 14 mars 2013 de la Cour d'appel de Toulouse, le tribunal administratif n'aurait pas fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce.

Sur l'appel incident du ministre du travail :

13. Les indemnités allouées à M.B..., par l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse du 14 mars 2013 au titre du rappel de participation et d'intéressement, pour un montant de 19193 euros, et de 10000 euros " au titre de la perte de chances de bénéficier d'une retraite améliorée et au titre du préjudice moral " sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 2422-4 du code du travail résultent directement de l'illégalité de la décision du ministre du travail du 19 septembre 2003, accordant l'autorisation de licenciement. Dans ces conditions, le ministre du travail n'est pas fondé, par la voie de l'appel incident à demander la réformation du jugement en tant qu'il condamne l'Etat à verser à la société Ferropem la moitié de la somme de 19 193 euros, au titre du rappel de participation et d'intéressement, et la moitié de la somme de 10 000 euros au titre de la perte de chances de bénéficier d'une retraite améliorée et au titre du préjudice moral.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la société Ferropem au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Ferropem est rejetée.

Article 2 : L'appel incident présenté par le ministre du travail est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ferropem et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila président-assesseur,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.

Le rapporteur,

Pierre Bentolila

Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

4

N° 16BX02168


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02168
Date de la décision : 08/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-045 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP ACTEIS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-08;16bx02168 ?
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