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25/09/2018 | FRANCE | N°16BX02539,16BX03076

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2018, 16BX02539,16BX03076


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse, sous le n° 1400883 d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2013 du président de l'université de Toulouse II le Mirail décidant, d'une part, de la placer, dans l'attente de l'avis du comité médical départemental, en congé ordinaire de maladie du 25 juin 2008 au 23 mars 2009 et de façon discontinue depuis le 21 avril 2009, et d'autre part, de fixer sa rémunération pendant cette période, d'ordonner le rétablissement de sa situation professionnell

e et de condamner

l'université Toulouse II le Mirail au paiement de 20 000 e...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse, sous le n° 1400883 d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2013 du président de l'université de Toulouse II le Mirail décidant, d'une part, de la placer, dans l'attente de l'avis du comité médical départemental, en congé ordinaire de maladie du 25 juin 2008 au 23 mars 2009 et de façon discontinue depuis le 21 avril 2009, et d'autre part, de fixer sa rémunération pendant cette période, d'ordonner le rétablissement de sa situation professionnelle et de condamner

l'université Toulouse II le Mirail au paiement de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sous le n° 1400884, Mme C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2013 du président de l'université de Toulouse II le Mirail décidant, d'une part, de la placer, dans l'attente de l'avis du comité médical départemental, en congé ordinaire de maladie du 25 juin 2008 au 23 mars 2009 et de façon discontinue depuis

le 21 avril 2009, et d'autre part, de fixer sa rémunération pendant cette période ainsi que la décision implicite de rejet de sa demande préalable, d'ordonner le rétablissement de sa situation professionnelle et de condamner l'université Toulouse II le Mirail au paiement de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1400883 et n° 1400884 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 15 octobre 2013 du président de l'université de Toulouse II le Mirail et la décision implicite de rejet du recours administratif du 6 décembre 2013 (article 2), a enjoint à l'administration de réexaminer la situation de Mme C...dans un délai

de deux mois à compter de la notification du jugement (article 3) et a rejeté le surplus de sa demande (article 5).

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2016, sous le n° 16BX02539, et un mémoire enregistré le 31 janvier 2017, l'université de Toulouse Jean Jaurès demande à la cour d'annuler ce jugement du 30 juin 2016 et de rejeter la demande de MmeC....

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a soulevé d'office l'incompétence du président de l'université ;

- l'arrêté contesté ayant pour seul objet de régulariser la situation de MmeC..., cette dernière n'est pas fondée à invoquer sa rétroactivité illégale ;

- la demande indemnitaire de Mme C...ne pourra qu'être rejetée dès lors, d'une part, qu'aucune faute n'est imputable à l'université, d'autre part, que Mme C...ne justifie pas de l'existence de préjudices, ni de l'évaluation de l'indemnité de 20 000 euros dont elle réclame le versement;

- enfin, l'arrêté contesté ne constitue pas une sanction déguisée mais résulte de l'application de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et l'administration qui a affecté

Mme C...sur un site sans contact avec son ancienne équipe, lui a fait bénéficier d'un changement de branche d'activité professionnelle et d'un reclassement conformément à son souhait, n'a pas sollicité la répétition de l'indu et a fait droit à sa demande de récupération de ses droits à congés, a fait preuve de bienveillance à son égard.

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés les 20 mars et 28 juillet 2018, Mme A...C..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) de confirmer l'annulation prononcée par le jugement du 30 juin 2016 et par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 5 dudit jugement rejetant ses demandes indemnitaires ;

2°) de condamner l'université de Toulouse Jean-Jaurès à lui verser 20 000 euros de dommages et intérêts et à lui rembourser les sommes avancées à préciser et parfaire ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Toulouse Jean-Jaurès une somme

de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C...soutient qu'elle subit un préjudice matériel et moral dès lors qu'elle a été privée de toute rémunération et a vécu pendant plusieurs mois avec sa famille en état de précarité.

II. Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2016, sous le n° 16BX03076, un mémoire et des pièces enregistrés le 10 octobre 2017, Mme A...C..., représentée par MeE..., demande à la cour, par les mêmes moyens que ceux analysés sous le n° 16BX02539 :

1°) d'annuler l'article 5 du jugement du 30 juin 2016 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires ;

2°) de condamner l'université de Toulouse Jean-Jaurès à lui verser 20 000 euros de dommages et intérêts et à lui rembourser les sommes avancées à préciser et parfaire ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Toulouse Jean-Jaurès une somme

de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C...soutient en outre que :

- l'administration ne pouvait prendre une décision emportant des conséquences financières rétroactives et portant sur une situation antérieure ;

- elle subit un préjudice grave et une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;

- il est entaché d'un défaut de motivation et de détournement de procédure dès lors qu'il caractérise une mesure discriminatoire et une sanction déguisée ;

- il est entaché " d'erreur de droit, d'abus de pouvoir et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation " dès lors qu'elle s'est retrouvée à demi-traitement alors qu'elle faisait valoir la reconnaissance d'un accident de service et a vu toute sa rémunération supprimée de manière rétroactive alors que le jugement du tribunal ne le prescrivait pas et que l'avis du comité médical n'était pas rendu ; cette mesure apparait disproportionnée et constitue une violation de son droit au maintien d'un demi-traitement à l'expiration des droits statutaires à congé de maladie et au supplément familial de traitement et à l'indemnité de résidence ;

il méconnaît, de plus, l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 25 avril 2017 et le 12 juin 2018, l'université de Toulouse Jean Jaurès, représentée par MeD..., demande à la cour, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans l'instance n° 16BX02539 :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 30 juin 2016 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 15 octobre 2013 et la décision implicite de rejet du recours administratif

du 6 décembre 2013 et enjoint à l'administration de réexaminer la situation de MmeC... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 500 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 25 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 juillet 2018.

Des mémoires et pièces nouvelles, présentés pour MmeC..., ont été enregistrés le 30 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-1534 du 31 décembre 1985 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- l'arrêté du 13 décembre 2001 portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'enseignement supérieur aux présidents des universités et aux présidents ou directeurs des autres établissements publics d'enseignement supérieur en matière de gestion des ingénieurs et des personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère de l'éducation nationale, affectés dans lesdits établissements ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de l'université de Toulouse Jean Jaurès et de Mme C...sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Mme C...est agent technique de recherche et de formation affectée à l'institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) Midi-Pyrénées, devenue école supérieure du professorat et de l'éducation (ESPE). L'université de Toulouse Jean Jaurès relève appel de l'article 2 du jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 15 octobre 2013 du président de l'université décidant, d'une part, de placer

Mme C...dans l'attente de l'avis du comité médical départemental, en congé ordinaire de maladie du 25 juin 2008 au 23 mars 2009 et à compter du 21 avril 2009, d'autre part de fixer sa rémunération à demi-traitement du 21 juillet 2009 au 20 avril 2010 puis sans traitement à compter du 21 avril 2010. Mme C...relève appel du même jugement en tant qu'il a rejeté, à son article 5, ses prétentions indemnitaires et demande la condamnation de l'université au paiement de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 octobre 2013 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation relevé d'office par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article L. 712-2 du code de l'éducation : " Le président de l'université (...) assure la direction de l'université. A ce titre : (...) 4° Il a autorité sur l'ensemble des personnels de l'université. (...) 8° Il exerce, au nom de l'université, les compétences de gestion et d'administration qui ne sont pas attribuées à une autre autorité par la loi ou le règlement ; ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 13 décembre 2001 portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'enseignement supérieur aux présidents des universités et aux présidents ou directeurs des autres établissements publics d'enseignement supérieur en matière de recrutement et de gestion des ingénieurs et des personnels techniques et administratifs de recherche et de formation du ministère de l'éducation nationale, affectés dans lesdits établissements, alors en vigueur : " Les présidents des universités et les présidents ou directeurs des autres établissements publics d'enseignement supérieur, dont la liste est fixée à

l'article 5 ci-dessous, reçoivent, dans les limites fixées aux articles 1er-1, 2, 3 et 4-1 ci-dessous, délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'enseignement supérieur pour le recrutement et la gestion des personnels suivants affectés dans leur établissement : / I. - Ingénieurs et personnels techniques et administratifs de recherche et de formation, stagiaires et titulaires, régis par le décret du 31 décembre 1985 susvisé, affectés dans lesdits établissements. " et aux termes de l'article 2 du même arrêté : " Les pouvoirs délégués aux présidents des universités et aux présidents ou directeurs des autres établissements publics d'enseignement supérieur pour la gestion des personnels appartenant aux corps mentionnés au I de l'article 1er ci-dessus sont les suivants : (...) 2. Octroi des congés prévus aux 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 6° bis, 6° ter, 8°, 9° et 10° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, sauf pour les cas où l'avis du comité médical supérieur est requis ; ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle il a pris son arrêté

du 15 octobre 2013, le président de l'université de Toulouse Le Mirail, devenue université de Toulouse Jean Jaurès, qui avait reçu délégation de pouvoirs pour la gestion des personnels techniques et administratifs de recherche et de formation, corps auquel appartient

MmeC..., était compétent pour prendre les décisions individuelles d'octroi des congés de maladie ordinaire. Dans ces conditions et alors même que l'IUFM dans lequel cet agent était affecté, entre dans le champ de l'article L. 713-9 du code de l'éducation relatif aux instituts et écoles faisant partie des universités qui dispose, que : " Le directeur de l'institut ou de l'école (...) a autorité sur l'ensemble des personnels (...) ", seul le président de l'université était compétent pour prendre les décisions intéressant sa position statutaire. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur le moyen d'incompétence qu'il avait relevé d'office pour annuler l'arrêté du 15 octobre 2013 du président de l'université décidant, d'une part, de placer Mme C...dans l'attente de l'avis du comité médical départemental en congé ordinaire de maladie du 25 juin 2008 au 23 mars 2009 et de façon discontinue depuis

le 21 avril 2009, et d'autre part, de fixer sa rémunération pendant ces périodes.

5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...tant devant le tribunal administratif de Toulouse que devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par Mme C...à l'encontre de l'arrêté du 15 octobre 2013 :

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 15 octobre 2013 plaçant Mme C...en congé maladie ordinaire du 25 juin 2008 au 23 mars 2009 et de façon discontinue depuis le 21 avril 2009, vise les textes applicables, les arrêtés relatifs à la position statutaire de l'intéressée depuis le 16 avril 2007, son absence injustifiée du 7 au 20 avril 2009 et l'instance introduite par Mme C...devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à faire reconnaître l'imputabilité au service de l'événement survenu le 6 avril 2009. Il mentionne notamment qu'eu égard au jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 juillet 2013 dans le cadre de cette instance, " il convient de régulariser la situation statutaire de Mme C...(...) ". Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré du défaut de motivation ne peut en tout état de cause, qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° À des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; ". Aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 modifié relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. /Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite./ Le fonctionnaire qui, à l'expiration de son congé de maladie, refuse sans motif valable lié à son état de santé le ou les postes qui lui sont proposés peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...avait épuisé ses droits à congé maladie avant d'être placée en disponibilité pour maladie à compter du 16 avril 2008 puis, à la suite de l'avis du comité médical, réintégrée le 25 juin 2008. Toutefois, elle n'a repris le travail, après avoir suivi une formation durant quelques jours à compter du 24 mars 2009, que

le 6 avril 2009 sur un autre site, où elle a été victime d'une crise nerveuse. Si, en application des dispositions précitées de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, lorsque la maladie résulte d'un accident de service le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite, par un jugement du 2 juillet 2013, devenu définitif, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la requête n° 0903867 de

Mme C...tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2009 par laquelle l'administrateur provisoire de l'institut universitaire de formation des maîtres Midi-Pyrénées avait refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'incident survenu le 6 avril 2009.

Mme C...ne peut donc utilement se prévaloir d'un droit au maintien de son traitement à compter de cette date. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier qu'en conférant une portée rétroactive à l'arrêté contesté du 15 octobre 2013, le président de l'université de

Toulouse Jean Jaurès s'est borné à régulariser la situation de Mme C...depuis

le 25 juin 2008. Les conséquences financières rétroactives qui auraient été emportées par cet arrêté dont se prévaut l'appelante, sans au demeurant l'établir, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté.

9. Mme C...n'établit en outre ni qu'elle aurait été privée durant ses congés de maladie de l'indemnité de résidence et du supplément familial de traitement, ni que sa situation relevait des dispositions du décret n° 2011-1245 du 5 octobre 2011 relatif à l'extension du bénéfice du maintien du demi-traitement à l'expiration des droits statutaires à congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée des agents de la fonction publique de l'État, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. Le moyen, tel qu'il est invoqué, doit par conséquent être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ".

11. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral ou de pratiques discriminatoires de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'une telle discrimination ou d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les discriminations alléguées ou les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

12. Si Mme C...soutient être victime de harcèlement et d'une discrimination, elle n'apporte aucun élément susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ou de nature à révéler que la mesure contestée dont elle a fait l'objet serait empreinte de discrimination. En particulier, ni son placement en congé ordinaire de maladie du 25 juin 2008 au 23 mars 2009 et de façon discontinue depuis le 21 avril 2009 ni l'établissement de sa rémunération pour ces périodes par l'arrêté contesté du 15 octobre 2013, ne peuvent être considérés comme constitutif d'un harcèlement moral ou d'une discrimination.

13. En quatrième lieu, si Mme C...soutient que l'arrêté contesté la prive de sa rémunération alors qu'elle est mère de trois enfants scolarisés, ces difficultés financières sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté. Le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté porterait pour ces motifs, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

14. S'agissant en cinquième et dernier lieu, des autres moyens de la demande de première instance de Mme C...repris dans sa requête d'appel et tirés de l'existence d'un détournement de procédure, de l'abus de pouvoir dont serait entaché l'arrêté contesté et de l'existence d'une sanction disciplinaire déguisée, ils ne sont pas assortis de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé. Ces moyens ne peuvent dès lors qu'être écartés.

15. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée en première instance par l'université de Toulouse Jean Jaurès et tirée de la tardiveté de la requête, les moyens invoqués par Mme C...à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2013 doivent être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que l'université de Toulouse Jean Jaurès est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 15 octobre 2013 du président de l'université de Toulouse le Mirail et la décision implicite de rejet du recours administratif du 6 décembre 2013.

Sur les conclusions indemnitaires :

17. L'arrêté du 15 octobre 2013 n'étant pas entaché d'illégalité fautive, Mme C...n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses prétentions indemnitaires.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'université de Toulouse Jean Jaurès, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance, au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de cette dernière la somme demandée par l'université, au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2016 est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 15 octobre 2013 du président de l'université de Toulouse II le Mirail et la décision implicite de rejet du recours administratif de Mme C...du 6 décembre 2013.

Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : La requête d'appel n° 16BX03076 de Mme C...et le surplus de ses conclusions présentées sous le n° 16BX02539 sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'université de Toulouse Jean Jaurès au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'université de Toulouse Jean Jaurès, à Mme A... C... et au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Délibéré après l'audience du 29 août 2018, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 septembre 2018.

Le rapporteur,

Aurélie B...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02539,16BX03076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02539,16BX03076
Date de la décision : 25/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MAINIER - SCHALL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-09-25;16bx02539.16bx03076 ?
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