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25/09/2018 | FRANCE | N°16BX02498

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2018, 16BX02498


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne (CHAR) à lui verser les sommes

de 50 000 et de 100 000 euros en réparation, respectivement, du préjudice moral et de la perte de chance de conserver ses fonctions qu'il soutient avoir subis à la suite de son éviction illégale de ses fonctions de chef de service de chirurgie viscérale et de médecin coordinateur de l'unité de chirurgie ambulatoire.

Par un jugement n° 1500

355 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Guyane a condamné le CHAR à verser ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner le centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne (CHAR) à lui verser les sommes

de 50 000 et de 100 000 euros en réparation, respectivement, du préjudice moral et de la perte de chance de conserver ses fonctions qu'il soutient avoir subis à la suite de son éviction illégale de ses fonctions de chef de service de chirurgie viscérale et de médecin coordinateur de l'unité de chirurgie ambulatoire.

Par un jugement n° 1500355 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Guyane a condamné le CHAR à verser à M. C...la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices que lui a causés l'illégalité de son éviction des fonctions de chef de service de chirurgie viscérale.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2016, et un mémoire, enregistré

le 25 juillet 2017, M.C..., représenté par MeE..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 21 avril 2016 du tribunal administratif de Guyane en tant qu'il a omis de statuer sur ses demandes tendant à ce qu'il soit enjoint au CHAR de le réintégrer dans ses fonctions de chef de service de chirurgie viscérale et de médecin coordinateur de l'unité de chirurgie ambulatoire ;

2°) de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas condamné le CHAR à lui verser la somme globale de 150 000 euros en réparation du préjudice moral et de la perte de chance de conserver son poste que lui a causée son éviction illégale des fonctions de chef de service de chirurgie viscérale et de médecin coordinateur de l'unité de chirurgie ambulatoire ;

3°) d'enjoindre au CHAR de le réintégrer dans ces mêmes fonctions sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre au CHAR d'indiquer dans son règlement intérieur les modalités de renouvellement des chefs de structure interne, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge du CHAR la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur ses demandes d'injonction ;

- la décision de mettre fin à ses fonctions est intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article R. 6146-5 du code de la santé publique, n'a pas été motivée en dépit de la demande qu'il a formulée en ce sens et constitue une sanction déguisée ;

- la décision portant nomination de son successeur est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le règlement intérieur de l'établissement n'en prévoit pas les modalités en méconnaissance des dispositions de l'article R. 6146-4 du code de la santé publique, qu'aucun avis de vacance de poste de praticien hospitalier n'a été publié, qu'il occupait encore le poste concerné et qu'il n'est pas établi que la nomination litigieuse soit intervenue postérieurement à la proposition du chef de pôle puis à l'avis du président de la commission médicale d'établissement ;

- il justifie de la réalité et du quantum de ses préjudices.

Par un mémoire, enregistré le 7 juillet 2017, le CHAR, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge

de M. C...au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que M. C...n'était plus chef de service depuis le 25 juin 2012, que le tribunal a commis une erreur de droit, une erreur d'appréciation et a entaché son jugement d'une contradiction dans ses motifs en ne recherchant pas si l'établissement aurait pu prendre légalement les mêmes décisions et que les moyens présentés par le requérant devant le tribunal administratif et la cour ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.D...,

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., praticien hospitalier, demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Guyane du 21 avril 2016 en tant qu'il a omis de statuer sur ses demandes tendant à ce qu'il soit enjoint au CHAR, d'une part, de le réintégrer dans ses fonctions de chef de service de chirurgie viscérale et de médecin coordinateur de l'unité de chirurgie ambulatoire et, d'autre part, d'indiquer dans son règlement intérieur les modalités de renouvellement des chefs de structure interne. Il demande également à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à ce que le CHAR soit condamné à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices que lui a causés son éviction illégale, par décision orale du 10 novembre 2014, des fonctions de chef de service de chirurgie viscérale, et de médecin coordinateur de l'unité de chirurgie ambulatoire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des écritures présentées par M. C...devant le tribunal administratif de Guyane que celui-ci avait demandé aux premiers juges d'enjoindre au CHAR de le réintégrer dans ses fonctions de chef de service de chirurgie viscérale et de médecin coordinateur de l'unité de chirurgie ambulatoire et d'indiquer dans son règlement intérieur les modalités de renouvellement des chefs de structure interne mais que le tribunal a omis de statuer sur ces demandes.

3. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement du 21 avril 2016 en tant qu'il n'a pas statué sur ces demandes à fin d'injonction. Dans les circonstances de l'espèce, il y a également lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par voie d'évocation sur les conclusions

de M. C...tendant à qu'il soit enjoint au CHAR de le réintégrer dans ses fonctions de chef de service de chirurgie viscérale et de médecin coordinateur de l'unité de chirurgie ambulatoire et d'indiquer dans son règlement intérieur les modalités de renouvellement des chefs de structure interne ainsi que de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur ses conclusions tendant à la condamnation du CHAR à l'indemniser de ses préjudices.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. En dehors des cas prévus par les dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration.

5. En l'occurrence, il ne ressort pas des demandes présentées par M. C...devant le tribunal administratif, dans la présente instance, que celui-ci ait demandé l'annulation totale ou partielle de la décision mettant fin à ses fonctions de chef de service de chirurgie viscérale et de médecin coordinateur de l'unité de chirurgie ambulatoire et du règlement intérieur du CHAR. En outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au CHAR de mettre fin à un comportement fautif qui perdurerait ou d'en pallier les effets. Par suite ces conclusions à fin d'injonction, présentées à titre principal, ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur la responsabilité :

6. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si la même décision ou une décision emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration.

7. En premier lieu, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision mettant fin à ses fonctions de chef de service constituerait une sanction disciplinaire déguisée en se bornant à faire valoir qu'elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, qu'elle n'a pas été motivée et qu'elle lui fait grief mais sans contester la réalité ni l'importance des désaccords qui l'opposait au directeur de l'établissement, lesquels désaccords portaient notamment, selon ses propres écritures, sur les priorités du service de chirurgie viscérale, le recrutement d'un médecin et le lieu de réalisation des endoscopies.

8. En second lieu et eu égard aux motifs relatifs à l'intérêt du service qui fondent la décision mettant fin aux fonctions de chef de service de M.C..., il n'existe pas de lien indivisible entre cette décision et la décision portant nomination de son successeur. Dès lors,

M. C...ne peut pas utilement se prévaloir de l'illégalité de cette dernière décision à l'appui de ses conclusions indemnitaires.

9. En troisième lieu et dernier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 6146-4 du code de la santé publique dans leur rédaction issue du décret n° 2010-656 du 11 juin 2010 en vigueur à la date des décision mettant fin aux fonctions de M. C...et désignant son successeur : " Dans les centres hospitaliers et les centres hospitalo-universitaires, les responsables de structure interne, services ou unités fonctionnelles des pôles d'activité clinique ou médico-technique sont nommés par le directeur sur proposition du chef de pôle, après avis du président de la commission médicale d'établissement, selon des modalités fixées par le règlement intérieur. ". Les dispositions de l'article R. 6146-5 du même code prévoient que : " Il peut être mis fin, dans l'intérêt du service, aux fonctions de responsable de structure interne, service ou unité fonctionnelle par décision du directeur, à son initiative, après avis du président de la commission médicale d'établissement et du chef de pôle. ".

10. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient le CHAR en défense, la décision portant nomination de M. C...aux fonctions de chef de service de chirurgie viscérale a fait l'objet d'un renouvellement, sans précision de durée, par décision du directeur du CHAR n°2011/25 en date du 24 octobre 2011, que la décision orale mettant fin à ces fonctions n'a pas été prise après avis du président de la commission médicale d'établissement et du chef de pôle et que les motifs de cette décision défavorable ne lui ont pas été communiqués en dépit de la demande qu'il a formée en ce sens le 5 février 2015. Dès lors, l'appelant est fondé à soutenir que la décision orale mettant fin à ses fonctions est intervenue au terme d'une procédure illégale et qu'elle est entachée d'un défaut de motivation en méconnaissance des dispositions des articles 1er et 5 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 alors en vigueur.

11. Toutefois, il résulte de ce qui précède que le directeur du CHAR aurait pu légalement prendre la même décision s'il avait recueilli l'avis du président de la commission médicale d'établissement et du chef de pôle et avait indiqué au requérant les motifs de sa décision, laquelle est fondée sur l'intérêt sur service. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'illégalité de la décision mettant fin à ses fonctions lui a fait perdre une chance de se maintenir à son poste.

Sur les préjudices :

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 du présent arrêt que M. C...n'est pas fondé à demander que le CHAR soit condamné à l'indemniser des préjudices résultant d'une perte de chance de conserver ses fonctions de chef de service. En outre, le requérant ne justifie pas que les irrégularités purement formelles qui ont affecté la décision mettant fin à ses fonctions lui auraient causé un préjudice moral qui n'aurait pas été entièrement réparé par la condamnation du CHAR à lui verser, à ce titre, une somme de 5 000 euros.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges n'ont condamné le CHAR qu'à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de ses préjudices.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C...et du CHAR tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 21 avril 2016 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les demandes de M. C...tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne, d'une part, de le réintégrer dans ses fonctions de chef de service de chirurgie viscérale et de médecin coordinateur de l'unité de chirurgie ambulatoire, d'autre part, d'indiquer dans son règlement intérieur les modalités de renouvellement des chefs de structure interne.

Article 2 : Les demandes à fin d'injonction mentionnées à l'article 1er du présent dispositif sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier Andrée Rosemon de Cayenne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au centre hospitalier

Andrée Rosemon de Cayenne.

.

Délibéré après l'audience du 29 août 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 septembre 2018.

Le rapporteur,

Manuel D...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°16BX02498


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02498
Date de la décision : 25/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-09-25;16bx02498 ?
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