Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
La société à responsabilité limitée PHP a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les titres exécutoires émis à son encontre les 15 et 22 décembre 2014 puis les 5 et 8 juin 2015 par le directeur du Grand Port Maritime de Bordeaux au titre de la mise à disposition de dépendances du domaine public portuaire constituées d'un local d'une superficie de 2 250 mètres carrés et d'un terre-plein de 1 156 mètres carrés situés bassin à flots n°1, dans le hangar n° 21, pour l'exploitation d'un commerce de motos pour la période du 1er septembre 2014 au 28 février 2015.
Par un jugement n° 1502940, 1503638 en date du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les titres exécutoires litigieux et a déchargé la société PHP de son obligation de payer la somme globale de 29 037,78 euros au titre des redevances afférentes aux autorisations d'occupations temporaires du domaine public dont elle a bénéficié.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour le 12 décembre 2016, et un mémoire enregistré le 19 janvier 2018, l'établissement public Grand Port Maritime de Bordeaux, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2016 ;
2°) de rejeter les demandes de la société PHP ;
3°) de condamner la société PHP à lui verser la somme de 29 037,78 euros en exécution des titres exécutoires des 15 et 22 décembre 2014 et 5 et 8 juin 2015;
4°) de mettre à la charge de la société PHP la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la société PHP occupait les lieux à la date de l'intervention de son agent ; en réponse au courrier du 6 juin 2014, il a accepté, à titre exceptionnel, une prolongation de l'autorisation d'occupation des lieux jusqu'au 31 décembre suivant ; dès lors, la société PHP ne pouvait valablement contester devoir les redevances afférentes à la période allant jusqu'à cette date ; en contradiction avec les articles L. 2132-21 du code général des collectivités territoriales et 3 et 5 du décret du 21 avril 1988, les premiers juges ont considéré que les constations d'un agent pourtant assermenté n'étaient pas suffisamment probantes ; par ailleurs, le paragraphe 2 de l'article 9 du cahier des charges et conditions générales d'occupation temporaire du domaine public impose la libération effective des lieux à l'expiration de l'autorisation et l'article 13 du même texte prévoit que, dans le cas d'un maintien dans les lieux postérieurement à la fin de la validité de l'autorisation, la redevance d'occupation continue d'être facturée jusqu'à la remise en état des lieux et la remise des clés ; or, la libération effective des lieux n'est intervenue que le 30 avril 2015, date de la remise des clés ;
- la société PHP ne démontre pas qu'elle ne serait pas la propriétaire des biens et objets occupants le domaine public maritime ; le changement de domiciliation de son activité à compter du mois de juin 2014 ne saurait à lui seul suffire à démontrer que cette société n'aurait plus exercé son commerce à compter de cette date, au moins de façon résiduelle, d'autant qu'elle était toujours en possession des clés ; la circonstance que les dépendances aient été occupées par des véhicules lui ayant appartenus mais cédés à une autre société, dont le gérant est au demeurant la même personne, est sans incidence, dès lors qu'elle en avait la garde en qualité de titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire ; dans l'hypothèse où l'occupation aurait perduré sans droit ni titre, un procès-verbal de contravention de grande voirie aurait immanquablement été dressée à son encontre.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 14 décembre 2017 et 7 mars 2018, la société à responsabilité limitée PHP, exerçant sous l'enseigne Détail Moto, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du Grand Port Maritime de Bordeaux d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- se limitant à solliciter la remise partielle des redevances, la lettre du 6 juin 2014 ne peut être interprétée comme une demande de renouvellement de l'autorisation dont elle bénéficiait au-delà du terme fixé au 31 août 2014 ; le renouvellement de l'AOT a ainsi méconnu l'article 7 du cahier des charges de la convention d'occupation du domaine et donc, les redevances n'étaient pas dues pour la période postérieure à cette date ;
- l'occupation du local dans le hangar n° 21 n'est pas établie dans la mesure où, en raison de son expulsion, elle a dû se séparer de quatre de ses salariés et a dû poursuivre son activité dans un nouveau local situé sur la commune de Lormont, pour lequel elle a conclu un bail commercial prenant effet le 1er juillet 2014 ; le juge des référés du tribunal a d'ailleurs suspendu le caractère exécutoire des titres de recouvrement en litige en retenant d'une part que le motif tiré de la circonstance qu'elle avait définitivement quitté les lieux le 31 août 2014 et d'autre part que le Grand port maritime de Bordeaux avait admis durant l'audience " que les véhicules figurant sur les photographies n'appartenaient pas à la société requérante ", pour en déduire que ces éléments étaient de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de ces actes ;
- les ordres de recouvrement sont fondés sur de simples photographies et non sur un procès-verbal rédigé par un agent assermenté dont d'ailleurs la qualité n'est pas démontrée ; ces photographies ont au demeurant été prises dans d'autres locaux que ceux qu'elle a occupés ;
- si l'appelant se prévaut de l'article 9 du cahier des charges selon lequel le bénéficiaire devra restituer les lieux, libres de toute occupation, à la fin de l'autorisation, ces dispositions ne font aucune référence à une quelconque remise de clés ; au demeurant, c'est en raison de la seule inaction du gestionnaire que la remise de clés n'a pas été rendue possible.
Par ordonnance du 22 janvier 2018 la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 mars 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la décision du conseil d'administration du Port autonome de Bordeaux du 10 novembre 1987 modifiée portant cahier des charges et conditions générales applicables au domaine public du port de Bordeaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 5 juillet 2018 :
- le rapport de Mme Cécile Cabanne ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant le Grand Port Maritime de Bordeaux.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée PHP a exploité à partir du 22 septembre 2008 un négoce de motocyclettes sous l'enseigne " Détail Moto " dans un local d'une surface de 2 250 mètres carrés et un terre-plein d'une superficie de 1 156 mètres carrés situé sur le domaine public portuaire au niveau du hangar n° 21 du bassin à flot n° 1 sur le territoire de la commune de Bordeaux. Elle a bénéficié à ce titre d'autorisations d'occupation temporaire du domaine public délivrées par le Grand Port Maritime de Bordeaux, régulièrement renouvelées et dont la dernière expirait le 31 août 2014. L'autorité gestionnaire, au titre de la redevance d'occupation du domaine public, a émis à l'encontre de l'exploitant deux titres exécutoires, le premier sous le n° 2015-13 en dates des 15 et 22 décembre 2014 d'un montant de 19 358,21 euros pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2014, et le second sous la référence n°2015-42 en date des 5 et 8 juin 2015 d'un montant de 9 679,57 euros pour la période du 1er janvier au 28 février 2015. Le Grand port maritime de Bordeaux relève appel du jugement du 13 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les titres exécutoires litigieux et a déchargé la société PHP de son obligation de payer la somme globale de 29 037,78 euros.
Sur la légalité des titres de perception en litige :
2. Aux termes de l'article 7 du cahier des charges et condition générales applicables au domaine public du port de Bordeaux du 10 novembre 1987 : " L'autorisation pourra éventuellement être renouvelée, à l'appréciation du Grand Port Maritime, sur demande présentée par le permissionnaire un mois au moins avant l'expiration de sa durée d'effet, le tout sous réserve expresse des clauses de révocation définies aux articles 9 et 12 ci-après ".
3. Il résulte de l'instruction que le Grand port Maritime de Bordeaux a délivré le 30 avril 2014 à la société PHP une autorisation d'occupation temporaire du domaine public pour une durée de huit mois du 1er janvier au 31 août 2014. Si, par lettre du 6 juin 2014, la société PHP indiquait qu'elle " n'a pas réussi, dans un temps aussi restreint, à trouver de local pour continuer son exploitation " et " être contrainte de cesser son activité " compte tenu de la date d'émission de la nouvelle autorisation, elle n'a sollicité auprès de l'autorité portuaire que " la remise des redevances dues pour l'année, partielle, 2014 ". Alors que la société précisait ne pas contester le caractère temporaire de l'autorisation d'occupation du domaine public, ce courrier ne constitue donc pas une demande de renouvellement de cette autorisation. Si, en réponse, par courrier du 26 août 2014, le Grand Port Maritime de Bordeaux a indiqué " qu'une prolongation des occupations va être consentie jusqu'au 31 décembre 2014 ", par télécopie du 1er septembre 2014 la société PHP indiquait avoir quitté les lieux et se tenir à disposition du propriétaire pour lui remettre les clés. Par suite, en l'absence de demande de renouvellement, le tribunal a pu estimer à bon droit que le Grand Port Maritime de Bordeaux, en renouvelant le 11 septembre 2014 cette autorisation temporaire à échéance du 31 décembre 2014, a méconnu l'article 7 précité du cahier des charges et conditions générales applicables au domaine public du port de Bordeaux.
4. Aux termes de l'article 9 du même cahier des charges : " A l'expiration de l'autorisation, la redevance continuera à être facturée jusqu'à la libération effective des lieux par le permissionnaire et leur remise au Grand Port Maritime, dûment constatées par un agent du Grand Port Maritime : la redevance subira, dans ce cas, une augmentation de 50 % de son montant. ". Aux termes de l'article 13 dudit cahier : " En cas de révocation ou d'expiration de l'autorisation, comme en cas de cessation de l'occupation, l'emplacement en cause devra être remis en l'état où il se trouvait avant l'occupation. (...) ".
5. A compter du 31 décembre 2012, le hangar 21 était occupé par trois sociétés, la société PHP exerçant sous l'enseigne Détail Moto, la société Scouts 33 et la société Espace 2 roues 33, chacune bénéficiant d'une autorisation d'occupation du domaine public. Il résulte de l'instruction, et notamment des photos réalisées par un agent assermenté du port qu'il a commentées ensuite dans une attestation du 3 juin 2016, que les véhicules à deux roues et l'outillage aperçus dans le hangar 21 le 3 novembre 2014 sont sur l'emprise de la société Espace 2 roues 33 et non sur celle de la société PHP. L'agent assermenté constate, en outre, que sur la parcelle " correspondant à l'emprise de la société PHP (" Détail Moto "), le local est vide à l'exception d'un chariot rempli de matériaux ". La circonstance que la société PHP ait le même gérant que la société Espace 2 roues 33 n'est pas de nature à établir que la société PHP n'aurait pas quitté les lieux, alors que ces sociétés disposaient d'autorisations d'occupation temporaires différentes. De même, il ne peut être déduit de la présence de ce chariot roulant, dont au demeurant il n'est pas démontré qu'il appartiendrait à la société PHP alors que les espaces entre les trois sociétés communiquent, qu'elle occupait physiquement les lieux à cette date. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la société PHP justifie avoir transféré au 31 août 2014 son activité sur la commune de Lormont. Si, ainsi que le fait valoir le Grand Port Maritime, la libération effective des lieux et leur remise au Grand Port doit se matérialiser par la remise des clefs, il résulte de l'instruction que l'appelant n'a pas répondu au courrier du 1er septembre 2014 de la société PHP le sollicitant afin d'organiser la remise des clefs. Dans ces conditions, et alors que le constat établi par l'agent assermenté du port démontre que la société PHP avait quitté le hangar 21, c'est à juste titre que les premiers juges ont pu estimer que le Grand Port Maritime de Bordeaux n'établit pas que les redevances auraient été dues en application des dispositions de l'article 9 précité.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le Grand Port Maritime de Bordeaux n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les titres de perception en litige et a déchargé la société PHP de l'obligation de payer les sommes correspondantes pour un montant total de 29 037,78 euros.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société PHP, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme réclamée par le Grand Port Maritime de Bordeaux en application de ces dispositions. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public la somme de 1 500 euros à verser à la société PHP sur ce même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du Grand Port Maritime de Bordeaux est rejetée.
Article 2 : Le Grand Port Maritime de Bordeaux versera à la société PHP une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public Grand Port Maritime de Bordeaux et à la société à responsabilité limitée PHP.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 août 2018.
Le rapporteur,
Cécile CABANNE Le président,
Jean-Claude PAUZIÈS Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 16BX03982 6