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28/08/2018 | FRANCE | N°16BX02489

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 28 août 2018, 16BX02489


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un déféré, enregistré le 24 novembre 2015, le préfet de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté en date du 22 septembre 2015 par lequel le maire de la commune de Les Portes-en-Ré (Charente-Maritime) a accordé un permis de construire à M. I...E....

Par un jugement n° 1502888 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22

juillet 2016 et le 15 décembre 2017, le préfet de la Charente-Maritime demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un déféré, enregistré le 24 novembre 2015, le préfet de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté en date du 22 septembre 2015 par lequel le maire de la commune de Les Portes-en-Ré (Charente-Maritime) a accordé un permis de construire à M. I...E....

Par un jugement n° 1502888 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 juillet 2016 et le 15 décembre 2017, le préfet de la Charente-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 mai 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 22 septembre 2015.

Il soutient que :

- dans le secteur comprenant le terrain d'assiette du projet, la cartographie des niveaux d'eau maximaux établie en vue de la révision du plan de prévention des risques naturels et communiquée à l'ensemble des élus de l'île de Ré le 10 octobre 2013 établissait que l'eau est susceptible d'atteindre une cote comprise entre 3,80 mètres et 4,00 mètresA..., ce qui conduirait à une submersion du terrain naturel par une hauteur d'eau comprise entre 0,53 mètre à 0,90 mètre à son point le plus élevé et 0,73 mètre à 1,1 mètre à son point le plus bas ;

- le terrain qui supporte les constructions est classé par les cartes d'aléas de submersion marine en aléa fort et modéré et la voie publique qui le dessert est classée en aléa fort ;

- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant seulement en compte la cote du plancher bas de la construction de 3,60 m A...et non celles de 3,00 mètres et 3,20 mètres A...du terrain naturel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2017, la commune de Les Portes-en-Ré, représentée par MeJ..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- au regard du plan de prévention des risques naturels approuvé en 2002, le projet est situé en zone constructible non soumise au risque de submersion marine et n'est par conséquent pas de nature à porter atteinte à la sécurité publique, au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- ni le terrain d'assiette du projet ni le secteur au sein duquel il est situé n'ont été submergés par les eaux lors du passage de la tempête " Xynthia " ;

- si le terrain naturel présente une altimétrie située entre 2,90 mètres A...et 3,20 mètres A...au droit de l'annexe habitable et entre 3,27 mètres A...et 3,86 mètres A...au droit de l'habitation principale, le plancher bas de la construction sera édifié, pour l'annexe habitable, à 3,40 mètres A...et, pour l'habitation principale, à 3,60 mètresA..., les constructions étant de ce fait susceptibles de recevoir une hauteur d'eau potentielle maximale de 60 cm pour l'annexe et 40 cm pour l'habitation principale ;

- le terrain est situé à 1'arrière de la digue de Gros Jonc et de la digue de la redoute, la première étant considéré dans un état satisfaisant et la seconde comme un ouvrage pérenne ;

- la vitesse d'écoulement des eaux estimée dans le cadre de la procédure de révision du plan de prévention des risques naturels de l'Ile de Ré sur le terrain d'assiette du projet est répertoriée comme faible ;

- depuis le passage de la tempête " Xynthia ", de très importants travaux ont été engagés sur les ouvrages de défense contre la mer endommagés ou en mauvais état concernant le territoire de la commune ;

- le projet litigieux serait autorisé par le projet de règlement du plan de prévention des risques naturels rédigé en mai 2017.

Par un mémoire, enregistré le 16 octobre 2017, M. E..., M. D... et la société Dune, société par actions simplifiée, représentés par MeC..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'aucun risque ne peut être caractérisé au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu que le projet consiste en une construction située dans une zone d'aléa modéré comprenant une vitesse de submersion faible et une possibilité d'être recouverte par 20 à 60 cm d'eau, est intégralement situé derrière un ouvrage de protection contre le risque de submersion marine, comprend un dispositif destiné à permettre l'évacuation des eaux et ne crée pas une surface de plancher supplémentaire importante par rapport à celle déjà existante sur la parcelle d'assiette puisqu'il consiste en une démolition suivie d'une construction.

Par ordonnance du 9 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 décembre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. David Terme,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de Mme G...représentant le préfet de la Charente-Maritime, de MeB..., représentant la commune de Les Portes-en-Ré, et de Me H..., représentant M. E..., M. D... et la société Dune.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 juin 2015, M. I...E...a sollicité l'autorisation de démolir une construction existante sur une parcelle située 99, rue de Trousse Chemise sur le territoire de la commune de Les Portes-en-Ré (Charente-Maritime) et d'y construire deux immeubles à usage d'habitation ainsi qu'un garage pour une surface plancher totale de 169,45 mètres carrés. Ce permis de construire lui a été délivré par arrêté du 22 septembre 2015. Le préfet de la Charente-Maritime relève appel du jugement du 26 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté son déféré dirigé contre ce permis.

2. Aux termes de l'article R*. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "

3. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. S'agissant des risques de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative de les apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, en prenant en compte notamment la situation de la zone du projet au regard du niveau de la mer.

4. En premier lieu, la circonstance qu'un plan de prévention du risque inondation ait précédemment classé le terrain d'assiette d'un projet de construction en zone constructible n'est pas de nature, par elle-même, à faire obstacle à ce qu'un refus de permis soit opposé sur le fondement des dispositions précitées.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la partie de la parcelle destinée à supporter les constructions en litige présente une cote altimétrique variant entre 2,9 et 3,2 mètres A...et que les planchers bas des immeubles à usage d'habitation doivent être édifiés à 3,40 mètres A...pour l'annexe habitable et entre 3,45 et 3,60 mètres A...pour la maison principale. A la date d'édiction du permis litigieux, les études menées dans le cadre de la révision du plan de prévention des risques naturels de l'île, dont l'inadaptation aux dangers potentiels avait été mise en évidence par les phénomènes de submersion mesurés lors de la tempête Xynthia qui est survenue dans la nuit du 27 au 28 février 2010, situaient la parcelle dans un secteur où le risque de submersion évalué était susceptible de se traduire par des hauteurs d'eau comprises entre 3,8 mètres et 4 mètres, soit une hauteur d'eau comprise entre 0,40 mètre à 0,60 mètre au-dessus du plancher bas à l'intérieur de la construction annexe, entre 0,2 et 0,55 mètre à l'intérieur de la construction principale, et entre 0,6 mètre au point le plus haut de la parcelle et 1,1 mètre à son point le plus bas, lequel se situe à proximité de sa voie de desserte. En outre, les cartes d'aléas établies dans ce cadre situaient la parcelle, dans sa partie constructible, en zone d'aléa fort et modéré à court et à long terme, et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la modélisation des risques à laquelle il a ainsi été procédé ne prendrait pas en compte l'existence des deux ouvrages de protection contre la mer situés à proximité du projet. Enfin, bien que le projet consiste en une reconstruction après démolition, l'emprise au sol totale des bâtiments sera significativement augmentée et le nombre des occupants potentiels mis en danger en cas de réalisation du risque de submersion accru. La situation du terrain, dont il n'est pas contesté qu'il est classé en zone urbaine constituant le champ d'expansion d'une inondation par rupture de digue ou de cordon dunaire mince par le plan de prévention des risques naturels approuvé le 19 juillet 2002, constitue ainsi un risque majeur, même si les murs de clôture du projet comportent des barbacanes permettant l'évacuation de l'eau.

6. Il résulte de ce qui vient d'être dit, et alors même que le terrain d'assiette du projet n'a pas été inondé lors de la tempête Xynthia, qu'il est situé à proximité de deux ouvrages de protection et que depuis la tempête Xynthia certains ouvrages de protection contre la mer ont fait l'objet de travaux de renforcement, que le maire ne pouvait sans erreur manifeste d'appréciation délivrer le permis de construire litigieux.

7. Le préfet de la Charente-Maritime est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté son déféré, et à demander l'annulation du permis de construire contesté.

8. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, en l'état du dossier soumis à la cour, aucun autre moyen n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision attaquée.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, les sommes dont M. E..., M. D..., la société Dune et la commune de Les Portes-en-Ré demandent le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1502888 du 26 mai 2016 du tribunal administratif de Poitiers et l'arrêté du 22 septembre 2015 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de M.E..., de M. D..., de la société Dune et de la commune de Les Portes-en-Ré tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au ministre de la cohésion des territoires, au préfet de la Charente-Maritime, au maire de la commune de Les Portes-en-Ré, à M. I... E..., à M. F... D...et à la société Dune. Une copie en sera transmise au procureur de la République près le tribunal de grande instance de La Rochelle en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

M. David Terme, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 août 2018.

Le rapporteur,

David TermeLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02489


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02489
Date de la décision : 28/08/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation nationale. Règlement national d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. David TERME
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : RANGE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-08-28;16bx02489 ?
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