Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Guyane a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 554-1 du code de justice administrative et
L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, la suspension de l'exécution des délibérations du conseil municipal de la commune de Sinnamary en date du 13 avril 2018 portant dissolution du budget annexes de l'assainissement et affectant le résultat de l'exercice 2017 du budget de l'assainissement au budget principal de la commune.
Par une ordonnance n° 1800583 du 22 juin 2018 le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 5 juillet et 7 août 2018, le préfet de la région Guyane demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 22 juin 2018 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane ;
2°) d'ordonner la suspension des délibérations n°s 554 et 564 du 13 avril 2018 par lesquelles le conseil municipal de la commune de Sinnamary a procédé à la dissolution de son service assainissement et a affecté le résultat de l'exercice 2017 du budget de l'assainissement au budget principal de la commune.
Il soutient que :
- le recours est recevable, conformément aux dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, dès lors que les délibérations contestées entrent dans le champ d'application de l'article L. 2131-2 du code précité et que le recours est formé dans le délai prescrit ;
- les délibérations du 13 avril 2018 prévoient une entrée en vigueur à une date antérieure à celle de leur transmission en méconnaissance du principe de rétroactivité des actes administratifs ;
- les moyens tirés de la violation du principe de compétences obligatoires des communes pour l'assainissement des eaux usées, en méconnaissance de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales et de la violation du principe de spécialisation du budget de l'assainissement des eaux usées, en méconnaissance de l'article L. 2224-1 du code général des collectivités territoriales sont de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des délibérations attaquées.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet et 13 août 2018, la commune de Sinnamary, représentée par Me B..., conclut à titre principal au non lieu à statuer et titre subsidiaire au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du préfet de la Guyane la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les délibérations en litige ont été implicitement abrogées par une délibération du conseil municipal en date du 11 juillet 2018 par laquelle la commune renonce à son projet budgétaire ; par conséquent, la procédure pendante est devenue sans objet ;
- c'est à bon droit que le juge des référés du tribunal administratif a rejeté la demande de suspension du préfet au motif qu'elle n'était pas accompagnée d'une copie de son recours au fond.
Vu :
- l'ordonnance et les délibérations attaquées ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. A...C...en qualité de juge des référés sur le fondement des dispositions du livre V du code de justice administrative.
M. A...C...a présenté le rapport de l'affaire à l'audience publique
du 21 août 2018, dont les parties ont été régulièrement avisées et à laquelle elles n'étaient ni présentes ni représentées.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de la région Guyane a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Guyane de suspendre l'exécution des délibérations en date du 13 avril 2018 par lesquelles le conseil municipal de la commune de Sinnamary a, d'une part supprimé à compter du 31 décembre 2017 le budget annexe de l'assainissement de la commune, d'autre part repris au bilan du budget principal de la commune 2018 l'actif et le passif de ce service à compter de cette même date du 31 décembre 2017, et enfin a autorisé le maire à accomplir toutes les formalités liées à ces délibérations, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de ces décisions. Le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté la demande du préfet de la région Guyane pour irrecevabilité au motif que la demande de suspension n'était pas accompagnée d'une copie de la requête distincte à fin d'annulation. Le préfet de la région Guyane relève appel de l'ordonnance du juge des référés du 22 juin 2018.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par la commune de Sinnamary :
2. La commune de Sinnamary fait valoir que par une délibération n° 2018/000592/DGS du 11 juillet 2018, le conseil municipal a décidé d'une par de prendre acte de l'ensemble des ordonnances du tribunal administratif de Guyane et d'autre part de procéder à la modification de ses budgets afin d'appliquer lesdites ordonnances. Toutefois, par cette délibération du 11 juillet 2018, les délibérations du conseil municipal n° 554 et 564 du 13 avril 2018 n'ont pas fait l'objet d'un retrait définitif, ni d'une abrogation. La circonstance dont se prévaut la commune, tirée de ce que, par cette délibération du 11 juillet 2018, le conseil municipal a décidé de prendre acte de l'ensembles des ordonnances et de procéder, sans d'ailleurs en préciser les délais, à la modification des budgets en cause n'est pas de nature, contrairement à ce que soutient la commune, à rendre sans objet l'appel formé par le préfet de la région de Guyane à l'encontre de l'ordonnance et des délibération attaquées. Par suite, l'exception de non-lieu soulevée par la commune Sinnamary doit être écartée.
Sur le bien fondé de l'ordonnance du 22 juin 2018 :
3. Le second alinéa de l'article R. 522-1 du code de justice administrative dispose : " A peine d'irrecevabilité, les conclusions tendant à la suspension d'une décision administrative ou de certains de ses effets doivent être présentées par requête distincte de la requête à fin d'annulation ou de réformation et accompagnées d'une copie de cette dernière ". En vertu des dispositions de l'article R. 522-8 du même code : " L'instruction est close à l'issue de l'audience, à moins que le juge des référés ne décide de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il avise les parties par tous moyens (...) ". Il résulte des dispositions précitées qu'une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative ou de certains de ses effets est irrecevable si elle n'est pas accompagnée d'une copie de la demande à fin d'annulation ou de réformation de cette décision. Si, en l'absence de production d'une copie de la requête au fond, le juge des référés peut ne pas opposer d'irrecevabilité à la demande de référé-suspension, dès lors qu'il constate lui-même que la requête au fond a été adressée au greffe, il doit dans ce cas verser cette requête au dossier afin que soit respecté le caractère contradictoire de l'instruction. Cette irrecevabilité est susceptible d'être couverte en cours d'instance, y compris lors de l'audience pendant laquelle se poursuit l'instruction de la demande de suspension. Il appartient dans tous les cas au juge des référés de communiquer au défendeur la pièce ainsi produite, afin que soit respecté le caractère contradictoire de la procédure, il lui revient, lorsque la copie de la demande au fond est produite au cours de l'audience, d'apprécier au cas par cas, en tenant compte notamment de ce que lui demande le défendeur, qui peut souhaiter faire valoir des éléments nouveaux qu'il n'était pas en mesure d'invoquer précédemment, s'il y a lieu de suspendre l'audience ou de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure à celle-ci.
4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée et des pièces du dossier soumis au juge des référés que le préfet de la région de Guyane, qui a déposé sa demande de suspension des délibérations du 13 avril 2018, le 29 mai 2018, a produit dès le 5 juin 2018, la copie de la pièce n° 5 annoncée dans son bordereau joint à sa requête initiale, soit le déféré préfectoral daté du 25 mai 2018 tendant à l'annulation des décisions litigieuses, qui est d'ailleurs expressément visé par l'ordonnance en litige, comme étant dument enregistrée le 25 mai 2018, et qu'il ressort des termes mêmes de l'ordonnance que la clôture de l'instruction a été fixée le 18 juin 2018. La commune de Sinnamary qui était représentée à l'audience de référé, n'a sollicité du juge des référés ni que soit suspendue l'audience à la suite de la production de la copie de la demande d'annulation formée par le préfet de la région de Guyane, ni que soit différée la clôture de l'instruction à une date postérieure à celle-ci. La commune n'a pas non plus produit d'éléments nouveaux après la clôture de l'instruction à l'issue de l'audience. Il s'ensuit que le juge des référés a commis une erreur de droit en retenant l'irrecevabilité de la demande de suspension du préfet au motif du défaut de production de cette copie de la demande d'annulation. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la région de Guyane est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance attaquée.
Sur les conclusions aux fins de suspension :
5. Selon l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales: " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. ". Aux termes du troisième alinéa du même article, dont les dispositions sont reproduites sous l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ".
6. En l'état de l'instruction, le moyen tiré de la violation de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales paraît de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des délibérations attaquées, dès lors que le conseil municipal de la commune de Sinnamary a supprimé à compter du 31 décembre 2017 le budget annexe relatif à l'assainissement des eaux usées, l'a repris au budget principal pour 2018, en dépit du caractère obligatoire et spécial d'un tel budget. Par suite, le préfet de la région Guyane est fondé à demander la suspension de l'exécution des délibérations n°s 554 et 564 du 13 avril 2018 du conseil municipal de Sinnamary.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la région Guyane est fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée du 21 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a refusé de suspendre l'exécution des délibérations du conseil municipal de Sinnamary n°s 554 et 564 du 13 avril 2018.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement de quelque somme que ce soit à la commune de Sinnamary au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1800583 du 22 juin 2018 du juge des référés du tribunal administratif de la Guyane est annulée.
Article 2 : L'exécution des délibérations n°s 554 et 564 du 13 avril 2018 du conseil municipal de Sinnamary est suspendue.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au préfet de la région Guyane et à la commune de Sinnamary. Copie en sera adressée à M. le président de la chambre régionale des comptes Guadeloupe Guyane Martinique.
Fait à Bordeaux, le 21 août 2018.
Le juge d'appel des référés
Gil C...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No18BX02596