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27/07/2018 | FRANCE | N°18BX01526

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 27 juillet 2018, 18BX01526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2017, notifié le 5 janvier 2018, par lequel le préfet de la Corrèze a ordonné sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1800075 du 31 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2018, M.A..., représenté par Me Moreau, demande à la cour

:

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 janvier 2018 ;

2°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2017, notifié le 5 janvier 2018, par lequel le préfet de la Corrèze a ordonné sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1800075 du 31 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2018, M.A..., représenté par Me Moreau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 janvier 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de l'arrêté ;

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ; elle ne précise pas le critère de responsabilité retenu pour prononcer son transfert ;

- la décision attaquée ne mentionne pas les conséquences d'une inexécution du transfert ; cette information constitue une garantie et non une simple mesure d'exécution ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article 3 du règlement 604/2013 compte tenu des défaillances du système d'asile en Italie, pays où il a été violemment agressé par les forces de l'ordre puis livré à lui-même.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 mai 2018, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 mai 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 juin 2018 à 12h00.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant soudanais né le 27 décembre 1993, relève appel du jugement du 31 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Corrèze du 1er décembre 2017, notifié le 5 janvier 2018, décidant sa remise aux autorités italiennes.

2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ". Les articles 7 à 15 du règlement n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dit " Dublin III ", réunis sous le chapitre III intitulé " critères de détermination de l'Etat membre responsable ", définissent les critères de détermination de l'Etat membre responsable d'une demande d'asile et fixent l'ordre dans lequel ces critères s'appliquent. Il résulte notamment de la décision du 7 juin 2016 (C-63-15) de la Cour de justice de l'Union européenne, qui se prononce sur la mise en oeuvre de certaines dispositions du règlement précité, qu'" (...) un demandeur d'asile peut invoquer, dans le cadre d'un recours exercé contre une décision de transfert prise à son égard, l'application erronée d'un critère de responsabilité énoncé au chapitre III dudit règlement (...) " , que l'article 4 ce règlement consacre " un droit à l'information du demandeur qui porte, notamment, sur les critères de détermination de l'Etat membre responsable et la hiérarchie de ces critères (...) " et que " (...) le législateur de l'Union, dans le cadre du règlement n° 604/2013, ne s'est pas limité à instituer des règles organisationnelles gouvernant uniquement les relations entre les Etats membres, en vue de déterminer l'Etat membre responsable, mais a décidé d'associer à ce processus les demandeurs d'asile, en obligeant les Etats membres à les informer des critères de responsabilité et à leur offrir l'occasion de fournir les informations permettant la correcte application de ces critères, ainsi qu'en leur assurant un droit à un recours effectif contre la décision de transfert éventuellement prise à l'issue du processus ".

3. Le recours effectif qui doit permettre au demandeur d'asile de critiquer l'application erronée d'un critère de responsabilité est organisé, en droit interne, par les articles L. 742-4 et L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'obligation de motivation de la décision de transfert, imposée par les dispositions précitées de l'article L. 742-3 du même code, impose dès lors que celle-ci indique le critère de responsabilité retenu par l'autorité de l'Etat membre qui prononce ce transfert, parmi ceux énoncés au chapitre III du règlement, afin de permettre à l'intéressé d'exercer dans les meilleures conditions son droit au recours effectif.

4. L'arrêté attaqué vise dans son ensemble le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, mentionne sans autre précision que " le relevé des empreintes digitales " révèle que M. A..." a été identifié en Italie le 25 mai 2017 ", et indique qu'une demande de prise en charge présentée aux autorités italiennes le 29 septembre 2017 en application de l'article 21-1 du règlement 604/2013 a donné lieu à un accord implicite né le 29 novembre 2017 en application de l'article 22-7 du même règlement. Aucune de ces mentions ne permet d'identifier, en droit comme en fait, le critère de responsabilité retenu, parmi ceux énoncés aux articles 8 à 15 du règlement susmentionné, pour prononcer le transfert en cause, de sorte que M. A...n'a pas été mis à même d'en contester, le cas échéant, la pertinence. Le requérant est ainsi fondé à soutenir que la motivation de l'arrêté attaqué est insuffisante.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2017 par lequel le préfet de la Corrèze a ordonné sa remise aux autorités italiennes.

6. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. ". L'exécution du présent arrêt implique seulement, compte tenu du motif d'annulation de l'arrêté contesté, qu'il soit statué de nouveau sur le cas de M.A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Corrèze de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

7. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Moreau, avocate de M. A..., sous réserve que cette dernière renonce au versement de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800075 du 31 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges et l'arrêté du préfet de la Corrèze du 1er décembre 2017 décidant la remise de M. A...aux autorités italiennes, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Corrèze de réexaminer la situation de M. A...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Me Moreau, avocate de M.A..., une somme de 1 500 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet de la Corrèze et à Me Moreau.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juillet 2018.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Laurent POUGETLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX01526
Date de la décision : 27/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUGET L.
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MOREAU LISE-NADINE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-07-27;18bx01526 ?
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