La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/07/2018 | FRANCE | N°18BX01123

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 27 juillet 2018, 18BX01123


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 5 décembre 2017 par lesquels le préfet de l'Ariège a ordonné sa remise aux autorités allemandes et a prononcé son assignation à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 1705646 du 12 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2018, M.A...,

représenté par Me Benhamida, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 5 décembre 2017 par lesquels le préfet de l'Ariège a ordonné sa remise aux autorités allemandes et a prononcé son assignation à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 1705646 du 12 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2018, M.A..., représenté par Me Benhamida, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 décembre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés contestés ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ariège de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de remise aux autorités allemandes :

- elle est insuffisamment motivée en droit et en fait ; elle ne précise pas le critère de responsabilité retenu pour prononcer son transfert ;

- les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604-2013 ont été méconnues ; les informations requises ne lui ont pas été transmises, en particulier les deux brochures d'information, lors de l'introduction de sa demande d'asile ;

- il n'est pas établi que l'ensemble des exigences prévues par l'article 5 du règlement n° 604/2013, tenant à ce que l'entretien individuel soit mené par un agent spécifiquement qualifié, dans une langue comprise, et à la remise d'un résumé de l'entretien, ont été respectées ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et s'est cru à tort en situation de compétence liée pour décider sa remise ;

- son transfert repose sur une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 17.1 et 17.2 du règlement Dublin III compte-tenu de son état de santé et de la relation qu'il entretient avec une ressortissante arménienne titulaire d'un titre de séjour en France ;

- il ne pouvait faire l'objet d'une décision de transfert dès lors qu'il doit se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en application de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de transfert sur laquelle elle repose ;

- elle ne procède pas d'un examen particulier de sa situation, alors que le préfet n'était pas tenu de prendre une telle décision ;

- les modalités de l'assignation sont trop contraignantes au regard des nécessités liées au suivi de ses soins.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2018, le préfet de l'Ariège conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Par une ordonnance du 17 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2018 à 12h00.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant géorgien né le 20 juillet 1964, relève appel du jugement du 12 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 5 décembre 2017 du préfet de l'Ariège décidant sa remise aux autorités allemandes et prononçant son assignation à résidence pour une durée de 45 jours.

2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dit " Dublin III ": " Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 20 de ce règlement : " Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre ". Le paragraphe 1 de l'article 18 dudit règlement dispose : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...)d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre.".

3. Il ressort des pièces du dossier que, lors d'un entretien individuel avec un agent de la préfecture, réalisé le 26 juillet 2017, M. A...a déclaré avoir présenté des demandes d'asile en Allemagne, en Suède et aux Pays-Bas. Le même jour, des demandes de reprise en charge de l'intéressé ont été adressées aux autorités néerlandaises, allemandes et suédoises sur le fondement des dispositions de l'article 18 1 b) du règlement " Dublin III " relatives au cas dans lequel une demande d'asile est en cours d'examen dans l'Etat responsable de cette demande. La demande de reprise en charge adressée aux autorités allemandes a donné lieu à un accord exprès du 28 juillet 2017, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 18 1 d) du règlement " Dublin III " relatives au cas dans lequel l'Etat responsable d'une demande d'asile a rejeté cette demande. Dans ces conditions, la procédure de détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile de M. A...a été menée, ainsi que le prévoient les dispositions précitées du paragraphe 1 de l'article 20 du règlement " Dublin III ", lors de l'introduction par l'intéressé de sa première demande de protection internationale dans un État membre. La demande de reprise en charge présentée par le préfet de l'Ariège sur le fondement des dispositions de l'article 18 dudit règlement ne saurait ainsi s'analyser comme la mise en oeuvre d'une nouvelle procédure de détermination de l'Etat responsable sur la base des critères de détermination mentionnés aux articles 8 à 15 de ce règlement. Ainsi, la circonstance que la décision de transfert en litige ne cite pas l'un de ces critères n'affecte pas la régularité de sa motivation.

4. En revanche, il ressort de la rédaction de l'arrêté de transfert querellé que la décision, d'une part, fait état de ce que M. A...est entré en France en provenance d'un autre Etat membre, circonstance laissant penser que l'autorité préfectorale entendait faire application du critère de détermination de l'Etat responsable résultant de l'article 13 du règlement " Dublin III " et, d'autre part, ne mentionne nullement que ce dernier a introduit une première demande d'asile sur le territoire d'un Etat membre, laquelle a été rejetée par les autorités allemandes. De plus, l'arrêté ne vise pas les dispositions de l'article 18 1 d) fondant le transfert litigieux, mais seulement celles de l'article 18 1 b) sur la base desquelles les autorités allemandes ont initialement été saisies d'une demande de reprise en charge du requérant. Dans ces conditions, ledit arrêté ne comporte pas les éléments de droit et de fait fondant la décision de transfert, et l'intéressé n'était pas mis à même de comprendre les motifs de la décision. L'arrêté attaqué décidant la remise de M. A...aux autorités allemandes est dès lors insuffisamment motivé, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté en litige prononçant son assignation à résidence est, par suite, privé de base légale.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 5 décembre 2017 par lesquels le préfet de l'Ariège a ordonné sa remise aux autorités allemandes et a prononcé son assignation à résidence pour une durée de 45 jours.

6. L'annulation des arrêtés contestés implique un réexamen de la situation de M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Ariège de procéder à ce nouvel examen dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

7. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Benhamida, avocate de M.A..., sous réserve que cette dernière renonce au versement de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1705646 du 12 décembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse et les arrêtés du préfet de l'Ariège du 5 décembre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ariège de réexaminer la situation de M. A...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Benhamida, avocate de M.A..., une somme de 1 500 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que

celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet de l'Ariège et à Me Benhamida

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juillet 2018.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUY Le président,

Laurent POUGET Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01123


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX01123
Date de la décision : 27/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUGET L.
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : BENHAMIDA DJAMILA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-07-27;18bx01123 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award