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27/07/2018 | FRANCE | N°16BX03863

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 27 juillet 2018, 16BX03863


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2009, ainsi que les pénalités et majorations maintenues à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1400832 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

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Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 décembre 2016, 19 juin 2017 et 23 octobre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2009, ainsi que les pénalités et majorations maintenues à sa charge au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1400832 du 6 octobre 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 5 décembre 2016, 19 juin 2017 et 23 octobre 2017, 26 janvier 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 6 octobre 2016 ;

2°) de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi que des pénalités et majorations contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière ; l'administration a en effet refusé de lui accorder un entretien avec l'interlocuteur départemental, qu'il avait sollicité le 24 octobre 2011 ; or, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les redressements ont été déterminés lors de la procédure d'examen de situation fiscale personnelle (ESFP) ; d'une part, si l'existence d'un compte courant d'associé débiteur a été révélée à l'occasion de la vérification de comptabilité, l'analyse des soldes débiteurs pour la période du 1er novembre 2009 au 31 décembre 2009 et les ajustements en résultant pour respecter le principe d'annualité de l'impôt n'ont pu être effectués dans le cadre de la procédure de vérification de comptabilité qui a porté sur l'exercice clos le 31 octobre 2009 ; s'agissant de ce chef de redressement, la proposition de rectification du 8 décembre 2010 ne mentionne d'ailleurs pas la procédure antérieure de vérification de comptabilité ; d'autre part, s'agissant de l'imposition des dividendes, l'administration a fait le choix de la procédure d'ESFP pour corriger la base taxable ; la motivation des pénalités pour manquement délibéré est nécessairement dépendante de la procédure d'ESFP ;

- le rehaussement opéré en matière de revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2009 n'intègre pas la période du 1er novembre au 31 décembre 2009 ; les cotisations supplémentaires et les pénalités y afférentes au titre de cette année 2009 ont donc été établies en méconnaissance du principe de l'annualité de l'impôt sur le revenu ;

- son départ à la retraite était contraint puisqu'il a été réalisé dans le cadre de la négociation de la cession de ses actions ;

- l'imposition ne pouvait être établie sur le fondement du crédit constaté au compte courant au titre de 1'année 2007, mais aurait dû l'être au titre de l'année 2009, année au cours de laquelle le billet à ordre s'est révélé impayé à son échéance ; il est ainsi fondé à solliciter la décharge, en droits et pénalités, des rehaussements assignés au titre de l'année 2007 et procédant de l'imposition du montant de ce billet à ordre ;

- l'administration se fonde implicitement sur l'abus de droit lorsqu'elle remet en cause les billets à ordre qu'il a souscrits ; or, la procédure prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne peut être mise en oeuvre que par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire et prévoit une garantie tenant à la saisine pour avis du comité de l'abus de droit ;

- en matière de revenus réputés distribués, les rehaussements sont déterminés en fonction de la variation effective des soldes débiteurs des comptes courants entre le début et la fin de chaque exercice social ; dès lors, le montant des revenus litigieux retenu par le service est incorrect au motif qu'il comprend à la fois le solde débiteur du compte courant et un élément concourant à la formation dudit solde ;

- les pénalités ne sont pas justifiées ; il établit que les versements consentis par la société au cours des années 2007, 2008 et 2009 constituaient bien un prêt ; les différents billets à ordre ne présentent pas un caractère fictif ; il a remboursé à la société des intérêts d'un montant total qui excède les sommes regardées par le service comme des revenus distribués ; il ignorait qu'il devait déclarer ces avances et n'a ainsi pas été de mauvaise foi ; le commissaire aux comptes ne lui a pas suggéré de formaliser le prêt.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 avril 2017, 5 septembre 2017, 1er décembre 2017 et 2 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la procédure d'imposition n'est pas viciée ; en effet, pour asseoir les redressements résultant de l'imposition des dividendes de l'année 2009 et de l'imposition des avances consenties par la société STHCR à M. B...au titre des années 2007, 2008 et 2009, l'administration s'est exclusivement fondée sur des éléments qui n'avaient pas pour origine la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des épouxB... ; de même, l'application de pénalités ne procède pas de la procédure d'examen de la situation fiscale personnelle des requérants ;

- contrairement à ce que prétend le requérant, l'administration n'a pas fondé les rehaussements opérés à raison des revenus distribués sur le caractère fictif du billet à ordre souscrit au bénéfice de la société STHCR mais s'est bornée à appliquer la présomption de distribution posée par l'alinéa 1 de l'article ll1-a du Code général des impôts en réintégrant au revenu imposable de M.B..., au titre des années 2007, 2008 et 2009, les sommes inscrites au débit du compte courant ouvert à son nom dans les écritures de ladite société STHCR ;

- le départ à la retraite de M. B...était volontaire, ainsi que cela résulte du procès-verbal du conseil d'administration de la société STHCR du 19 juin 2009 ; aucun élément ne permet d'établir qu'il s'agirait d'une mise à la retraite ; l'indemnité de départ à la retraite versée à M. B...a ainsi été à juste titre imposée dans la catégorie des traitements et salaires ;

- s'agissant du bien-fondé des impositions auxquelles des pénalités ont été assorties, les requérants ne combattent pas utilement la présomption de distribution posée à l'article L. 111 a du code général des impôts ; en effet, le prêt allégué n'a pas été régulièrement inscrit dans les écritures sociales et n'a été constaté par aucun acte ; ainsi, les avances litigieuses ont été portées au débit du compte courant de M.B..., et non à un poste de prêt ; la mention, par le commissaire aux comptes, d'avances en compte courant au bénéfice de M.B..., ne constitue pas un acte écrit précisant dès l'origine la nature et l'objet du prêt et fixant les modalités de son remboursement ; de plus, le remboursement des avances n'est intervenu qu'en 2011, postérieurement à la date de clôture des exercices au cours desquels elles ont été consenties, et postérieurement à la réception par la société d'un avis de vérification de comptabilité ; le billet à ordre dont se prévalent les requérants n'a pas été honoré à son terme et a été remplacé par deux autres billets à ordre qui n'ont pas davantage été honorés ; ces éléments caractérisent le caractère fictif de l'opération de souscription ; enfin, l'administration a pleinement satisfait au principe de l'annualité de l'impôt en rattachant à chacune des années civiles concernées les avances inscrites au compte courant au cours de ces mêmes années ; les requérants ne démontrent par ailleurs pas un éventuel excédent d'imposition résultant du défaut de prise en compte du solde créditeur généré par les opérations comptabilisées au compte-courant entre le 1er novembre 2009 et le 31 décembre 2009 ; le service vérificateur était fondé à considérer que le billet à ordre inscrit au crédit du compte courant d'associé de M. B...au 31 octobre 2007 présentait le caractère d'une avance au sens de l'article 111 du Code général des impôts qui, n'ayant pas été remboursée au cours de l'exercice, est constitutive d'un revenu distribué en 2007 ; le moyen tiré de ce que l'imposition de la somme de 767 571 euros aurait dû intervenir au titre de l'année 2009 est dès lors dénué de tout fondement ; c'est à bon droit que le rehaussement opéré au titre des revenus réputés distribués pour l'année 2007 englobe le solde débiteur du compte courant à la clôture de l'exercice, pour 13 979,70 euros, et le montant du billet à ordre non remboursé à la fin de la vérification pour 767 571,79 euros, cette somme inscrite au crédit du compte courant d'associé de M.B..., constitutive d'un revenu disponible imposable entre les mains de son bénéficiaire, ayant eu pour effet de réduire d'autant le solde débiteur de ce compte ;

- l'application de pénalités pour manquement délibéré était justifiée ; à l'occasion d'un précédent contrôle, M. B...avait déjà fait l'objet d'un rehaussement portant sur l'absence de déclaration de la perception d'acomptes sur dividendes et ne pouvait ainsi ignorer la règle selon laquelle les sommes présumées distribuées constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ; en tant que professionnel, M. B...ne peut davantage ignorer la nécessité de formaliser un prêt.

Par ordonnance du 2 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 avril 2018 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B...ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2007, 2008 et 2009. A l'issue de ce contrôle, ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales procédant, d'une part, de l'imposition, au titre de l'année 2009, dans la catégorie des traitements et salaires, de l'indemnité de départ à la retraite d'un montant de 120 000 euros versée à M. B... par la société touristique d'hôtellerie et de casino de La Réunion (STHCR) le 31 octobre 2009, que l'intéressé n'avait pas déclarée, d'autre part, de l'imposition, au titre de l'année 2009, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de dividendes qui avaient été déclarés par les contribuables mais que le service avait omis de taxer, et enfin de l'imposition, au titre des années 2007, 2008 et 2009, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des sommes figurant au débit du compte courant ouvert au nom de M. B...dans les écritures de la société STHCR dont il était associé majoritaire. Les rappels résultant de l'imposition des avances consenties par la société STHCR à M. B...au titre des années 2007, 2008 et 2009 ont été assorties de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les pénalités y afférentes ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2011. Les cotisations supplémentaires de contributions sociales et les pénalités y afférentes ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2011. Par une décision du 21 mars 2013, l'administration, en application du deuxième alinéa du a) de l'article 111 du code général des impôts, a restitué aux contribuables la fraction des rappels en droits assignés au titre des années 2007 à 2009 correspondant à l'imposition des sommes figurant au débit du compte courant ouvert au nom de M. B...dans les écritures de la société STHCR, ces sommes ayant été remboursées à ladite société au cours de l'année 2011. Les pénalités et majorations dont ces rappels avaient été assortis ont en revanche été maintenus en application de l'article 49 ter II de l'annexe III du même code. M. B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales laissées à sa charge au titre de l'année 2009 et des pénalités et majorations maintenues au titre des années 2007 à 2009. Il relève appel du jugement du 6 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa requête.

Sur les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige :

En ce qui concerne le rappel assigné au titre de l'année 2009 procédant de l'imposition de dividendes :

2. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Le paragraphe 5 du chapitre III de cette charte indique que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur principal (...). Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ".

3. Il résulte de l'instruction que les dividendes détenus par M. et Mme B...au titre de l'année 2009 ont été imposés conformément aux déclarations des contribuables. Les impositions correspondantes ne procèdent ainsi pas de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle. Le rappel considéré ne saurait dès lors être affecté par une éventuelle irrégularité entachant cette procédure d'examen, et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées est par suite inopérant à l'appui de la contestation de ce rappel.

En ce qui concerne le rappel assigné au titre de l'année 2009 procédant de l'imposition de l'indemnité de départ à la retraite de M.B... :

4. Aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81 et des dispositions suivantes. Ne constituent pas une rémunération imposable : (...) / 4° La fraction des indemnités de mise à la retraite qui n'excède pas : / a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seul est supérieur, dans la limite de cinq fois le plafond mentionné à l'article L 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ; / b) Soit le montant de l'indemnité de mise à la retraite prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi (...) ". Aux termes de l'article 81 dudit code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sont affranchis de l'impôt : / (...) 22° Les indemnités de départ en retraite, prévues au premier alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail dans la limite de 3 050 euros. ".

5. M. B...soutient que l'indemnité de 120 000 euros qui lui a été versée le 31 octobre 2009 par la société STHCR constitue non une indemnité de départ à la retraite mais de mise à la retraite au sens des dispositions précitées. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte des mentions mêmes du procès-verbal du conseil d'administration de ladite société du 19 juin 2009 que " M.B..., actionnaire majoritaire et fondateur de la STHCR, a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2009 ". De plus, la circonstance que le départ à la retraite de M. B...aurait été décidé dans le cadre d'une négociation de cession de titres ne permet nullement de considérer que l'intéressé aurait été mis à la retraite par son employeur au motif qu'il avait atteint la limite d'âge. Dès lors, l'administration a imposé à bon droit l'indemnité en cause selon les modalités prévues par les dispositions précitées du 22° de l'article 81 du code général des impôts, applicables aux indemnités de départ à la retraite.

Sur les pénalités et majorations en litige :

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les rehaussements, en droits et pénalités, consécutifs à l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des avances consenties par la société STHCR à M.B..., ont pour origine les éléments recueillis par l'administration fiscale lors de la vérification de comptabilité de cette société, éléments qui sont indiqués dans la proposition de rectification du 8 décembre 2010 adressée à M. et Mme B.... Si l'administration a déterminé les cotisations d'impôt sur le revenu en résultant en rattachant les avances en cause à chacune des années civiles, afin de respecter le principe d'annualité de l'impôt sur le revenu, elle ne s'est appuyée sur aucune information autre que celles recueillies lors de la vérification de comptabilité de la société STHCR pour procéder à ces ajustements. En particulier, et contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, le rehaussement opéré au titre de l'année 2009 ne prend pas en compte les éventuelles variations du compte courant de M. B...postérieures au 31 octobre 2009, date d'achèvement de la période sur laquelle portait la vérification de comptabilité de ladite société. De même, l'application, à ce chef de redressement, de pénalités pour manquement délibéré, ne procède pas des constatations opérées à l'occasion de l'examen de la situation fiscale personnelle des épouxB.... Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité dont aurait été entaché ledit examen est inopérant à l'appui de la contestation des pénalités litigieuses.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 8 décembre 2010, que les rehaussements en cause, auxquelles les pénalités litigieuses ont été appliquées, sont fondés sur l'absence de preuve de ce que les avances consenties par la société STHCR à M. B...au cours des exercices 2008, 2009 et 2010, qui se sont traduites par l'accroissement corrélatif des sommes inscrites au débit du compte courant détenu par l'intéressé dans les comptes de ladite société, auraient été mises à sa disposition à titre de prêt. Dans ces conditions, pour établir ces rehaussements, l'administration ne s'est pas placée, même implicitement, sur le terrain de l'abus de droit, ce alors même que qu'elle a par la suite également opposé le caractère selon elle fictif des billets à ordre souscrits par M. B...au profit de la société STHCR. Le moyen tiré de ce que les contribuables n'ont pas bénéficié des garanties prévues par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne peut ainsi qu'être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a) sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés, directement ou par personnes ou sociétés interposées, à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes ". En application de ces dispositions, doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, l'accroissement du solde débiteur du compte courant ouvert dans les écritures d'une société au nom de l'un de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts, lorsque cette société relève de l'impôt sur les sociétés.

9. Il résulte de l'instruction qu'à la clôture de l'exercice 2007, le compte courant de M. B... ouvert dans les écritures de la société STHCR, dont il était l'associé majoritaire, était crédité d'un montant de 767 571, 79 euros, correspondant à un billet à ordre du même montant souscrit le 31 octobre 2007 par l'intéressé au profit de ladite société, comportant un terme au 30 octobre 2008. La comptabilité constatait par ailleurs une créance de la société d'un montant égal au débit du poste " 511300 billet à ordre à encaisser ". Lors de la vérification de comptabilité de la société STHCR, l'administration a intégré ladite somme de 767 571 euros au débit du compte courant d'associé du requérant. Le montant ainsi rehaussé du solde débiteur du compte courant de M. B...à la clôture de l'exercice 2007 a été imposé comme un revenu distribué en application de l'article 111 a) du code général des impôts. En se prévalant de la souscription du billet à ordre susmentionné pour un montant égal au prélèvement en cause, inscrit par la société dans ses créances à l'actif de son bilan, et faute pour le service d'établir que le contribuable n'aurait pas eu l'intention de rembourser ce prêt lors de la souscription dudit billet à ordre, M. B...rapporte la preuve que la somme en question présentait les caractéristiques d'un véritable prêt à la clôture de l'exercice considéré. C'est ainsi à tort qu'il a été imposé à l'impôt sur le revenu à raison de cette somme de 767 571, 79 euros au titre de l'année 2007, de sorte que les pénalités et majorations afférentes à ce rehaussement se trouvent privées de base légale.

10. S'agissant, en revanche, de l'accroissement du solde débiteur de son compte courant dans les écritures de la société STHCR au cours des exercices 2008 et 2009, le requérant se borne à se prévaloir, d'une part, des rapports du commissaire au compte mentionnant l'existence d'avances en compte courant et la comptabilisation des intérêts correspondants dans les écritures de la société, d'autre part, de la souscription au cours de l'exercice 2009 de nouveaux billets à ordre dont le terme n'était cependant pas précisé et dont le montant ne figure en outre plus parmi les créances inscrites à l'actif du bilan de la société à la clôture de l'exercice 2009. Ces éléments ne peuvent, en l'absence d'acte écrit ayant précisé, dès l'origine, la date et les modalités de remboursement, constituer la preuve que les sommes en cause auraient été mises à la disposition de M. B...à titre de prêts. De plus, compte tenu des ajustements opérés par l'administration et susdécrits au point 6 du présent arrêt, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assignées à M. B...au titre des années 2008 et 2009 procédant de l'imposition des avances consenties par la société STHCR n'ont pas été établies en méconnaissance du principe de l'annualité de l'impôt. M. B...n'est dès lors pas fondé à soutenir que les pénalités et majorations dont lesdites cotisations en cause ont été assorties seraient privées de base légale.

11. Enfin, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

12. L'administration justifie l'application de la pénalité prévue en cas de manquement délibéré aux suppléments d'impôt mis à la charge de M. et Mme B...au titre des années 2008 et 2009 à raison des avances consenties par la société STHCR à M.B..., par le fait qu'en sa qualité d'associé majoritaire et de professionnel, et eu égard aux redressements dont il avait fait déjà l'objet en 2004 à raison de la perception d'acomptes sur dividendes, M. B...ne pouvait ignorer les obligations fiscales résultant de l'accroissement important des sommes figurant au débit de son compte courant d'associé ouvert dans les écritures de la société STHCR. Compte tenu des éléments ainsi relevés par l'administration, et alors en outre que M. B...a procédé au remboursement des sommes litigieuses postérieurement à l'engagement d'un contrôle fiscal, c'est à bon droit que l'administration a maintenu les pénalités litigieuses.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses conclusions aux fins de décharge des pénalités et majorations afférentes au rappel d'impôt sur le revenu assigné au titre de l'année 2007 procédant de l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de la somme de 767 571, 79 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, le versement à M. B...d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : M. B...est déchargé des pénalités et majorations assortissant le rehaussement d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 2007 à raison de l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de la somme de 767 571, 79 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion n° 1400832 du 6 octobre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au préfet de la Réunion et à la ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juillet 2018.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Laurent POUGETLe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03863


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03863
Date de la décision : 27/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. POUGET L.
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : FERRANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-07-27;16bx03863 ?
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