Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010.
Par un jugement n° 1400533 du 18 août 2016, le tribunal administratif de La Réunion l'a déchargée, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010, en tant que ces impositions procèdent de la remise en cause de l'exonération prévue par l'article 44 octies A du code général des impôts, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire enregistrés les 23 novembre 2016 et 11 septembre 2017, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 18 août 2016 ;
2°) de remettre à la charge de Mme A...les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les pénalités y afférentes dont elle a obtenu la décharge devant le tribunal.
Il soutient que :
- la remise en cause de l'abattement initialement pratiqué par Mme A...repose, non pas sur le défaut de production de l'état de détermination du bénéfice exonéré à l'appui des déclarations du bénéfice non commercial, mais sur le caractère tardif de la souscription des déclarations de résultats proprement dites ; or, la mise en oeuvre du régime fiscal des zones franches urbaines est subordonnée par la loi au dépôt d'une déclaration régulière dans les délais légaux ; l'application du régime de faveur est en conséquence expressément subordonnée au respect, par le contribuable, de ses obligations déclaratives en matière de résultat ; Mme A...ayant souscrit ses déclarations tardivement, elle ne peut prétendre à ce régime de faveur au titre des années vérifiées ;
- les opérations de contrôle ont débuté non pas le 23 juin 2011, date de remise d'un nouvel avis de vérification, mais le 29 juin 2011 ; Mme A...a ainsi disposé d'un délai raisonnable pour recourir à l'assistance d'un conseil ;
- l'avis du 23 juin 2011 a informé Mme A...de la tenue d'un contrôle inopiné ; l'administration était en droit de procéder à ce contrôle non programmé, et il n'appartient pas au juge de l'impôt de se prononcer sur le bien-fondé des motifs ayant conduit le service à procéder à ce contrôle ;
- s'agissant de l'envoi de la charte du contribuable vérifié, seule la contribuable est en possession de l'enveloppe contenant le pli ; le premier avis de vérification ayant été annulé et remplacé par celui du 23 juin 2011, seule l'absence de charte à l'appui de ce second avis est susceptible d'affecter la régularité de la procédure ; or, la mention manuscrite portée par Mme A... sur ce second avis, à l'occasion de la remise en main propre de ce document, cite précisément la charte.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2017, MmeA..., représentée par MeB..., conclut au rejet du recours et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle demande par la voie de l'appel incident l'annulation du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 18 août 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions aux fins de décharge totale, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre des années 2008, 2009 et 2010 .
Elle soutient que :
- elle n'a pas disposé, entre la réception de l'avis de vérification et le début des opérations de contrôle, d'un délai suffisant pour pouvoir se faire assister d'un conseil ; le pli comportant l'avis de vérification a été distribué le 21 juin 2011 ; les opérations de contrôle ont effectivement débuté le 23 juin 2011 ; il est établi qu'à cette date le vérificateur ne s'est pas borné à lui remettre une convocation pour le 29 juin suivant, mais a débuté le contrôle ;
- le contrôle du 23 juin 2011 ne saurait être qualifié de contrôle inopiné au sens de l'article L. 47 alinéa 4 du livre des procédures fiscales ; s'agissant de l'activité libérale d'une infirmière, dont les recettes sont calquées sur les relevés de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de procéder à des constatations qui perdraient toute valeur si elles étaient différées ;
- l'état contradictoire prévu par la documentation administrative ne lui a pas été remis ;
- faute de produire l'enveloppe contenant le pli, l'administration n'établit pas lui avoir adressé la charte du contribuable à jour des derniers textes applicables ;
- elle a déposé les déclarations de résultat manquantes dans le délai de régularisation ; aucune mauvaise foi n'a d'ailleurs été retenue à son encontre ; elle a ainsi droit au régime d'allégement fiscal prévu à l'article 44 octies A du code général des impôts.
Par ordonnance du 11 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 octobre 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...exerce l'activité d'infirmière libérale à Sainte-Anne, à La Réunion. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, l'administration a notamment remis en cause le bénéfice du régime d'exonération fiscale des bénéfices prévu par l'article 44 octies A du code général des impôts en faveur des activités exercées dans des zones franches urbaines, et a fait application de la majoration de 1,25 prévue par l'article 158-7 du même code en cas de non-adhésion à une association de gestion agréée. Suite à ce contrôle, Mme A...a été assujettie à des cotisations d'impôt sur le revenu au titre des années 2008, 2009 et 2010, dont elle a demandé la décharge, en droits et pénalités, devant le tribunal administratif de La Réunion. Par un jugement n° 1400533 du 18 août 2016, le tribunal administratif de La Réunion l'a déchargée, en droits et pénalités, desdites cotisations en tant qu'elles procèdent de la remise en cause de l'exonération prévue par l'article 44 octies A du code général des impôts, et a rejeté le surplus de ses conclusions. Le ministre de l'économie et des finances relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé cette décharge partielle. Par la voie de l'appel incident, Mme A...demande l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions aux fins de décharge totale, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre des années 2008, 2009 et 2010.
Sur l'appel principal du ministre :
2. Aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours des cinq premières, de la sixième et septième ou de la huitième et neuvième périodes de douze mois suivant cette période d'exonération (...). II. - L'exonération s'applique au bénéfice d'un exercice ou d'une année d'imposition, déclaré selon les modalités prévues aux articles 50-0, 53 A, 96 à 100, 102 ter et 103, diminué des produits bruts ci-après qui restent imposables dans les conditions de droit commun (...). IV. - Les obligations déclaratives des personnes et organismes auxquels s'applique l'exonération sont fixées par décret. ". Aux termes de l'article 49 L de l'annexe III au CGI : " Le contribuable qui peut bénéficier des dispositions de (...) l'article 44 octies A du code général des impôts doit joindre à la déclaration du résultat de la période d'imposition considérée un document conforme à un modèle établi par l'administration comportant les éléments nécessaires à la détermination du bénéfice ouvrant droit à exonération. ".
3. Il résulte des dispositions précitées que le manquement aux obligations déclaratives prévues aux articles 50-0, 53 A, 96 à 100, 102 ter et 103 du code général des impôts entraîne de ce seul fait l'exclusion du bénéfice du régime de faveur prévu au I de l'article 44 octies A du code général des impôts. Ce régime d'exonération n'est ainsi pas applicable aux bénéfices que le contribuable a omis de déclarer dans les conditions et délais légaux, quels que soient les motifs de cette omission.
4. Il résulte de l'instruction que Mme A...n'a pas souscrit dans les délais légaux ses déclarations de bénéfices non commerciaux n°2035 des années 2008, 2009 et 2010. Le régime d'exonération prévu au I de l'article 44 octies A n'était ainsi pas applicable auxdits bénéfices.
5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu litigieuses procédant de la remise en cause de l'exonération prévue par l'article 44 octies A du code général des impôts, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que le dépôt tardif des déclarations de résultats n'entrainerait pas la déchéance du droit à exonération. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...à l'appui de sa contestation de ces cotisations d'impôt sur le revenu.
6. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix./ L'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande./ L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte./ En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sont remis au contribuable au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. ".
7. Il résulte de l'instruction que Mme A...a été informée par un avis en date du 8 juin 2011, comportant les mentions prévues par les dispositions précitées, de l'engagement d'une vérification de sa comptabilité. L'intéressée n'a retiré le pli contenant cet avis que le 21 juin 2011, avant-veille de la date annoncée de début des opérations de vérification. Il résulte cependant du nouvel avis de vérification daté du 23 juin 2011 et des mentions manuscrites portées sur ce document par Mme A...et signées par ses soins, que lors de sa visite du 23 juin 2011, le vérificateur a reporté la vérification de comptabilité au 29 juin suivant et a procédé à un contrôle inopiné préalablement à l'examen au fond des documents comptables sans " examen des documents comptables ". Contrairement à ce que Mme A...soutient, ni la circonstance que le vérificateur se soit présenté à la date du 23 juin 2011 pour lui remettre un nouvel avis de vérification et procéder à un contrôle inopiné, ni les attestations rédigées en termes peu précis qu'elle verse au dossier, ne suffisent à démontrer que les opérations de vérification de sa comptabilité auraient en réalité débuté dès le 23 juin 2011. Mme A...a dès lors disposé d'un délai suffisant pour recourir à l'assistance d'un conseil.
8. Par ailleurs, il n'appartient pas au juge de l'impôt de se prononcer sur le bien-fondé des motifs ayant conduit l'administration à procéder, le 23 juin 2011, à un contrôle inopiné au sens des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Ainsi qu'il vient d'être dit, il n'est pas démontré que lors du contrôle inopiné du 23 juin 2011, le service aurait procédé à l'examen au fond des documents comptables de MmeA....
9 Enfin, il résulte des mentions portées par Mme A...elle-même sur l'avis de vérification du 23 juin 2011 qu'elle s'est vue remettre à cette même date, conformément à ce que prévoit l'article L. 47 précité du livre des procédures fiscales, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.
10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assignées à Mme A...au titre des années 2008, 2009 et 2010, en tant qu'elles procèdent de la remise en cause de l'exonération prévue par l'article 44 octies A du code général des impôts. Il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué.
Sur l'appel incident de MmeA... :
11. L'unique moyen invoqué par Mme A...à l'appui de son appel incident, tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, doit être écarté dans toutes ses branches pour les motifs exposés aux points 7, 8 et 9.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1400533 du tribunal administratif de La Réunion du 18 août 2016 est annulé en tant qu'il a déchargé MmeA..., en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 procédant de la remise en cause de l'exonération prévue par l'article 44 octies A du code général des impôts.
Article 2 : Les cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles Mme A...a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 à raison de la remise en cause de l'exonération prévue par l'article 44 octies A du code général des impôts, sont remises à sa charge, en droits et pénalités.
Article 3 : Les conclusions de Mme A...présentées par la voie de l'appel incident et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au préfet de la Réunion et à la ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 juillet 2018.
Le rapporteur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,
Laurent POUGET
Le greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03717