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17/07/2018 | FRANCE | N°16BX02225

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 17 juillet 2018, 16BX02225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le ministre du travail, par une décision du 14 janvier 2014, a annulé la décision du 18 septembre 2103 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section des Pyrénées-Atlantiques a refusé d'accorder à la société Fipso industrie l'autorisation de licencier Mme B...D...et a accordé à la société Fipso industrie l'autorisation de licenciement. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler cette décision

Par un jugement n° 1400516 du 21 juin 2016 le tribunal administratif de

Pau a rejeté la demande de MmeD....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le ministre du travail, par une décision du 14 janvier 2014, a annulé la décision du 18 septembre 2103 par laquelle l'inspecteur du travail de la 8ème section des Pyrénées-Atlantiques a refusé d'accorder à la société Fipso industrie l'autorisation de licencier Mme B...D...et a accordé à la société Fipso industrie l'autorisation de licenciement. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler cette décision

Par un jugement n° 1400516 du 21 juin 2016 le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de MmeD....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2016, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 21 juin 2016 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'emploi autorisant son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Le médecin du travail l'a déclarée inapte au poste d'opératrice de découpe, à l'issue d'une seule visite médicale, en méconnaissance de l'article R. 717-18 du code rural ;

- la décision ministérielle est entachée d'une erreur de droit car elle n'a pas refusé la proposition de reclassement mais celle-ci était incompatible avec son état de santé et non conforme avec les prescriptions du médecin du travail ;

- son licenciement n'est pas sans lien avec son mandat.

Par un mémoire enregistré le 9 août 2016, la société par actions simplifiée Fipso Industrie, représentée par le cabinet Barthélémy, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requérante omet de mentionner les deux visites médicales des 10 et 25 février 2011, non contestées et par là même définitives, constatant son inaptitude au poste, la procédure a donc été respectée ;

- la visite du 28 novembre 2012 dont fait état la requérante est intervenue dans le cadre de la recherche de reclassement et non dans celle d'une nouvelle procédure d'inaptitude ;

- la proposition de reclassement était conforme aux préconisations du médecin du travail du 5 avril 2013 ;

- aucun lien entre le licenciement et le mandat n'est démontré par la requérante.

La requête a été communiquée au ministre de l'emploi qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par ordonnance du 22 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 20 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code rural ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gil Cornevaux ;

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

- et les observations de Me C...représentant la société Fipso Industrie.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., employée par la société Fipso Industrie depuis le mois de juillet 2001, avait les mandats de déléguée syndicale, déléguée du personnel et membre du comité d'entreprise, et occupait les fonctions d'ouvrière de découpe au sein de cette société. La société Fipso industrie qui s'est vu refuser l'autorisation de licencier MmeD..., par une décision de l'inspecteur du travail de la 8ème section des Pyrénées-Atlantiques du 18 septembre 2013, a présenté un recours hiérarchique reçu par le ministre du travail le 13 octobre 2013. Par une décision du 14 février 2014, le ministre du travail a autorisé le licenciement de Mme D...au motif qu'elle a refusé d'occuper un poste aménagé selon les prescriptions du médecin du travail qui lui a été proposé le 19 avril 2013 et ainsi que les recherches entreprises par la société Fipso permettaient de considérer que la dite société avait satisfait à ses obligations de reclassement. Mme D...relève appel du jugement du 21 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 14 janvier 2014.

2. Aux termes de l'article R. 717-18 du code rural : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : 1° Une étude de ce poste ; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. (...). ". Aux termes de l'article R. 4624-34 du code du travail : " L'avis médical d'aptitude ou d'inaptitude mentionne les délais et voies de recours. " Aux termes de l'article R. 4624-35 du même code : " En cas de contestation de cet avis médical par le salarié ou l'employeur, le recours est adressé dans un délai de deux mois, par tout moyen permettant de leur conférer une date certaine, à l'inspecteur du travail dont relève l'établissement qui emploie le salarié. La demande énonce les motifs de la contestation ". Enfin, aux termes de l'article R. 4625-36 de ce même code : " La décision de 1'inspecteur du travail peut être contestée dans un délai de 2 mois devant le ministre du travail.".

3. Il résulte des dispositions précitées qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient au salarié ou à l'employeur, avant de saisir le juge, de présenter un recours préalable obligatoire devant l'inspecteur du travail. En l'espèce, il est constant que la requérante, à la suite d'un accident de travail le 19 mai 2009, a été en arrêt de travail jusqu'au 3 février 2011. Le médecin du travail par deux avis des 10 février et 25 février 2011 a déclaré que MmeD... était " inapte au poste de découpe. Reclassement sans geste répétitif ni cadence imposée, ni manutention ou tâches nécessitant les bras au-dessus des épaules, ni vibrations transmises au corps entier ou aux membres supérieurs. Apte à un poste adapté type administratif ". Il ressort des pièces du dossier que, MmeD... a fait l'objet, le 24 octobre 2012 d'une visite médicale de surveillance, à la suite de laquelle, le médecin du travail n'émettait pas d'avis mais indiquait être en attente de définition du poste de travail de la salariée. La société, a par deux courriers des 13 novembre et 23 novembre 2012, sollicité la médecine du travail dans le cadre de son obligation de reclassement, en proposant dans son second courrier une fiche de poste pour Mme D...et une visite médicale pour vérifier la compatibilité de ce poste à l'état de santé de la salariée. Dans une correspondance du 28 novembre 2012, le médecin du travail estime simplement que le poste proposé dans le cadre de la procédure de reclassement de la salariée n'est pas compatible avec les capacités restantes de MmeD..., sans toutefois se prononcer sur son inaptitude. Il convient de rajouter qu'à l'issue de ces échanges deux visites des ateliers, par le médecin du travail ont été effectuées respectivement les 20 décembre 2012 et 21 mars 2013, ce qui a conduit le 5 avril 2013, le médecin du travail à déclarer la salariée " apte au poste proposé avec aménagement à temps partiel ". Si l'inaptitude médicale d'un salarié à son poste de travail doit être déclarée par le médecin du travail après avoir réalisé deux examens médicaux de l'intéressé, tel que cela ressort des avis définitifs du médecin du travail des 10 et 25 février 2011, la dernière décision du médecin du travail à l'issue d'une visite médicale du 5 avril 2013, constate quant à lui l'aptitude de Mme D...au poste proposé. En conséquence, alors qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'impose la réalisation de deux examens médicaux pour reconnaître l'aptitude au travail d'un employé après un congé de maladie, MmeD... n'est donc pas fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'illégalité au motif que son inaptitude physique aurait été constatée à l'issue d'une procédure irrégulière.

4. Aux termes de l'article L. 2411-8 du code du travail : " Le licenciement d'un membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. ". Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. ".

5. En vertu du code du travail ainsi que des dispositions du code rural similaires, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

6. Il ressort des pièces du dossier que par une correspondance du 19 avril 2012, la société Fipso industrie a transmis à Mme D...une fiche de poste d'ouvrier d'abattoir chargé du contrôle réception des porcs ante-mortem prenant en compte l'étude de poste réalisée le 21 mars 2013 ainsi que l'examen effectué le 5 avril 2013 par la médecine du travail qui a conduit ce dernière à émettre un avis d'aptitude, à laquelle était annexé un avenant à son contrat de travail. MmeD..., par courrier recommandé du 30 avril 2013, a refusé ce poste au motif principal que le poste proposé comprenait des tâches incompatibles avec les prescriptions de la médecine du travail notamment sur l'euthanasie des animaux en souffrance. La salariée a aussi relevé l'omission de prise en compte de primes et d'une absence de précision quant aux horaires de travail, insistant sur sa volonté d'occuper un poste administratif. En réponse aux objections de la salariée, la société Fipso industrie, par une correspondance du 15 mai 2013, indique à l'intéressée, qu'elle accepte de supprimer l'euthanasie des porcs de sa fiche de poste, précise que l'amplitude de son travail sera soumise à l'accord exprès de la salariée et que les primes seront conservées soit par application de la convention collective, soit après habilitation en ce qui concerne le versement de la prime de secouriste. Mme D... n'a pas souhaité donner suite aux nouvelles propositions de la société Fipso industrie et lors de son audition devant le comité d'entreprise du 22 juillet 2013, consulté le sur projet de licenciement de MmeD..., celle-ci réitéré son opposition à euthanasier, les porcs en souffrance, tâche qui ne faisait plus partie de la fiche de poste de l'intéressée. Dans les circonstances susrappelées, la société Fipso industrie doit être regardée comme ayant procédé à une recherche sérieuse de reclassement de Mme D...au sein de l'entreprise. Il s'ensuit que la décision ministérielle n'est entachée, ni d'une erreur de droit, ni ne procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation au motif de ce que la société Fipso industrie n'aurait pas satisfait à son obligation de reclassement.

7. Mme D...soutient que son licenciement est en lien avec les différents mandats qu'elle détenait alors que l'existence d'un tel lien a été exclue tant par l'inspecteur du travail que par le ministre. La requérante se borne, pour établir ses allégations, à arguer du fait qu'elle était en conflit aigu avec son employeur pour avoir dénoncé le recours à des sociétés prestataires de services pour s'affranchir des dispositions du code du travail, et d'ailleurs un plainte pénale est en cours. Ces seules allégations, qui ne sont d'ailleurs appuyées par aucun élément au dossier ne sont pas de nature à révéler l'existence d'un lien entre les mandats détenus par Mme D...et la procédure de licenciement déclenchée à la suite de son refus d'accepter le poste proposé par la société. Le moyen doit ainsi être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que MmeD..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Fipso Industrie, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme D...et non compris dans les dépens Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme D...au profit de la société Fipso Industrie, une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de MmeD..., au profit de société Fipso Industrie, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., à la société Fipso Industrie et au ministre de l'emploi. Copie en sera transmise à la direction régionale de concurrence, de la consommation et du travail des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

Mme Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2018.

Le rapporteur,

Gil CornevauxLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

No16BX02225


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02225
Date de la décision : 17/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Gil CORNEVAUX
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BLANCO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-07-17;16bx02225 ?
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