La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2018 | FRANCE | N°16BX02131

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 10 juillet 2018, 16BX02131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Daniel B...et Mme F...C..., épouseB..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Daniel B...la somme globale de 971 963,96 euros et à Mme C...la somme globale de 61 520,51 euros en réparation de leurs préjudices respectifs résultant de l'accident médical subi par Daniel B...lors de l'intervention chirurgicale dont il a bénéfici

au centre hospitalier universitaire de Bordeaux le 12 septembre 2007.

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Daniel B...et Mme F...C..., épouseB..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Daniel B...la somme globale de 971 963,96 euros et à Mme C...la somme globale de 61 520,51 euros en réparation de leurs préjudices respectifs résultant de l'accident médical subi par Daniel B...lors de l'intervention chirurgicale dont il a bénéficié au centre hospitalier universitaire de Bordeaux le 12 septembre 2007.

Par un jugement n° 1400370 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 25 octobre 2016, MmeC..., veuveB..., MM.H..., D...et E...B..., représentés par la société Coubris Courtois et associés, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs conclusions :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mai 2016 ;

2°) de condamner l'ONIAM à verser à la succession de Daniel B...la somme globale de 971 963,96 euros en réparation des préjudices subis par celui-ci et à verser à Mme C... la somme globale de 39 520,51 euros en réparation de ses propres préjudices, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception de leur demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM, outre les entiers dépens, une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'accident médical non fautif subi par Daniel B...a eu des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et que celles-ci présentent un caractère de gravité suffisant pour justifier une indemnisation au titre de la solidarité nationale ;

- compte tenu de la gravité du déficit fonctionnel permanent évalué par les experts, les conséquences de l'infection nosocomiale qu'il a subie doivent également être prises en charge par la solidarité nationale ;

- ils justifient de la réalité et du quantum de leurs préjudices.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2016, l'ONIAM, représenté par M.A..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.I...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 septembre 2007, DanielB..., alors âgé de 62 ans, a bénéficié au sein de l'hôpital de Haut-Lévêque de Bordeaux de la cure chirurgicale d'un anévrisme thoraco-abdominal découvert en 2001. Au réveil, il a présenté une paraplégie basse qui s'est révélée être d'origine ischémique. Le 17 septembre suivant, Daniel B...a été victime d'un arrêt cardio-respiratoire nécessitant une intubation en urgence et la mise sous respirateur. Au cours de cette hospitalisation, il a également souffert d'une pneumopathie imposant son transfert dans le service de réanimation du centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Il a été de nouveau hospitalisé à l'hôpital de Haut-Lévêque, le 18 octobre 2007, pour l'évacuation d'un hématome péritonéal péri-prothétique. Enfin, le 24 octobre 2007, il a dû être, une nouvelle fois, transféré au service de réanimation du centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Après avoir diligenté une expertise, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Aquitaine (CRCI) a rejeté la demande d'indemnisation présentée par Daniel B...le 16 juin 2010. Celui-ci est décédé le 2 mai 2016 des suites d'une nouvelle intervention sur un anévrisme de l'aorte. Mme C..., veuveB..., MM.H..., D...et E...B..., en leurs qualités d'ayants droit de DanielB..., demandent à la cour d'annuler le jugement du 3 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes indemnitaires dirigées contre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et de condamner cet Office à verser à la succession de Daniel B...la somme globale de 971 963,96 euros et à verser à Mme C...la somme globale de 39 520,51 euros en réparation de ses préjudices propres.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...). / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme (...) n'est pas engagée, un accident médical, (...) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, (...) au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.". En application de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. (...) Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. À titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence ".

3. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

4. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que Daniel B...présentait de lourds antécédents cardio-vasculaires et rachidiens et que la paraplégie dont il est demeuré atteint à la suite de l'intervention du 12 septembre 2007 constitue un accident médical non fautif, qualifié par les experts nommés par la CRCI de " connu et redouté dans ce type de chirurgie survenu sur un terrain ayant des chances de l'avoir favorisé ", dont la fréquence de survenance est de l'ordre de 5 à 30 % et qui a entraîné un déficit fonctionnel permanent évalué à 75 %. Les appelants soutiennent que Daniel B...ne souffrait que d'un anévrisme asymptotique dont la rupture, si elle entraîne le décès du patient dans 90 à 100 % des cas, n'aurait présenté qu'une probabilité de survenance de l'ordre de 10 %. Toutefois, il résulte au contraire de l'instruction et en particulier du rapport établi le 29 janvier 2010 par les mêmes experts que cet anévrisme, initialement peu important, avait vu son diamètre augmenter jusqu'à ce qu'il atteigne 60 mm avec une augmentation de 10 mm au cours des 10 derniers mois, et qu'à partir d'un diamètre de 50 mm, la experts, une courbe asymptotique. Ainsi, d'une part, le pronostic vital de Daniel B...était engagé et rendait indispensable, compte tenu de l'emplacement de cet anévrisme, une intervention chirurgicale et, d'autre part, la paraplégie dont il est resté atteint présentait un risque de survenance qui ne pouvait être qualifié de faible. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les conséquences de l'accident médical subi par Daniel B...n'étaient pas notablement plus graves que celles auxquelles il était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement.

5. En second lieu, les appelants ne se prévalent devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif au soutien du moyen tiré du caractère nosocomial de l'infection subie par Daniel B...en septembre 2007. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que l'aléa thérapeutique et l'infection nosocomiale subis par Daniel B...remplissent les conditions ouvrant droit à une indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale. Par suite, ils ne sont pas non plus fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l'ONIAM. Enfin, il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...C..., veuveB..., à MM.H..., D...et E...B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées atlantiques.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2018

Le rapporteur,

Manuel I...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°16BX02131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02131
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET COUBRIS, COURTOIS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-07-10;16bx02131 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award