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10/07/2018 | FRANCE | N°16BX00421

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 10 juillet 2018, 16BX00421


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à lui verser, en son nom personnel, une indemnité de 100 000 euros et, en qualité de représentante légale de son filsA..., les indemnités suivantes, avec intérêts à compter de la date de la demande préalable, soit à compter du 28 novembre 2012, avec anatocisme :

- 300 euros par an au titre des frais de santé restés à charge depuis 2012 ;

- 8 854 euros au titre des frais

divers ;

- 1 224 euros par an au titre des frais de petits consommables depuis février ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à lui verser, en son nom personnel, une indemnité de 100 000 euros et, en qualité de représentante légale de son filsA..., les indemnités suivantes, avec intérêts à compter de la date de la demande préalable, soit à compter du 28 novembre 2012, avec anatocisme :

- 300 euros par an au titre des frais de santé restés à charge depuis 2012 ;

- 8 854 euros au titre des frais divers ;

- 1 224 euros par an au titre des frais de petits consommables depuis février 2013 ;

- 2 864,70 euros au titre des aides techniques et jeux rééducatifs passés ;

- 935 723,52 euros au titre de la tierce personne, du retour à domicile le 12 mars 2010 au 31 août 2014 ;

- une rente de 48 932,69 euros par trimestre à compter du 1er septembre 2014 au titre de l'assistance par une tierce personne, à verser à terme à échoir et qui ne pourrait être suspendue qu'en cas d'hospitalisation de l'enfant supérieure à 45 jours, et dans l'hypothèse d'un placement en institution de celui-ci, il est demandé que cette rente soit envisagée au regard du nombre d'heures effectivement passées hors de l'institution, et non au prorata du nombre de nuits avec un forfait qui ne reflèterait pas la durée précise de l'aide humaine nécessaire ;

- une rente de 2 000 euros par an à compter de septembre 2013 au titre du préjudice de perte d'années scolaires ;

- une rente de 1 000 euros par mois au titre du déficit fonctionnel temporaire à compter de la naissance de A...le 11 février 2010 ;

- une rente de 1 000 euros par an au titre du préjudice esthétique temporaire à compter de la naissance de A...le 11 février 2010 ;

- une rente de 5 000 euros par an au titre des souffrances endurées à compter de la naissance de A...le 11 février 2010.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Pas-de-Calais, a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à lui verser une indemnité de 263 038,90 euros correspondant à l'état de ses débours au 23 mars 2015.

Par un jugement n° 1200089 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif

de Saint-Martin a condamné le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à verser :

- une indemnité de 242 546 euros à MmeG..., en qualité de représentante légale de son fils A...ainsi qu'une une rente trimestrielle de 7 211,06 euros ;

- une indemnité de 4 500 euros à MmeG..., en son nom propre ;

- une somme de 72 142,67 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du

Pas-de-Calais.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 29 janvier 2016, 5 octobre 2016 et 28 avril 2017, Mme G..., représentée par Me H...et MeK..., demande à la cour, en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son filsA..., dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement du 30 décembre 2015 en tant qu'il n'a retenu qu'une perte de chance de 30 % d'éviter tout ou partie des séquelles subies par A...et a limité les indemnités au versement desquelles il a condamné le centre hospitalier Louis-Constant Fleming en réparation des préjudices subis ;

2°) de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à lui verser les indemnités suivantes ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2012 et leur capitalisation :

- une somme de 300 euros par an au titre des frais de santé restés à charge (épaississant) depuis 2012,

- une somme de 8 854 euros au titre des frais divers,

- une somme de 1 224 euros par an au titre des frais de petits consommables depuis février 2013,

- une somme de 8 241,90 euros au titre des aides techniques et jeux rééducatifs passés ;

- une somme de 12 270,43 euros au titre des frais passés d'aménagement du véhicule,

- une somme de 935 723,52 euros au titre de la tierce personne du retour à domicile

le 12 mars 2010 au 31 août 2014,

- une rente de 48 932,69 euros par trimestre à compter du 1er septembre 2014 au titre de la tierce personne,

- une rente de 2 000 euros par an à compter de septembre 2013 au titre du préjudice de perte d'années scolaires,

- une rente de 1 000 euros par mois au titre du déficit fonctionnel temporaire à compter de la naissance de A...le 11 février 2010,

- une rente de 1 000 euros par an au titre du préjudice esthétique temporaire à compter de la naissance de A...le 11 février 2010,

- une rente de 5 000 euros par an au titre des souffrances endurées à compter de la naissance de A...le 11 février 2010,

- une somme de 100 000 euros au titre des préjudices personnels de MmeG....

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Louis-Constant Fleming la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme G...soutient que :

- le poly-handicap sévère subi par l'enfant A...est imputable à une anoxie périnatale survenue au décours de l'accouchement en raison d'une faute du centre hospitalier

de Saint-Martin consistant en un manquement aux recommandations prudentielles de bonne pratique obstétricale pour éviter une souffrance foetale qui est à l'origine directe et certaine de l'ensemble du dommage et doit donner lieu à une indemnisation intégrale;

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a indemnisé des frais d'épaississant pour la nourriture de A...restés à sa charge à hauteur de 300 euros par an depuis 2012, les frais de petits consommables (couches et produits nécessaires au change) selon un coût annuel

de 1 224 euros à compter de février 2013 ;

- ce jugement devra être réformé en ce qu'il a limité à une fraction de 30 % la condamnation du centre hospitalier à l'indemniser des frais de médecin conseil exposés pour un montant de 4 894 euros, et a rejeté sa demande formée au titre de l'intervention d'un ergothérapeute ;

- elle est bien fondée à solliciter l'indemnisation des aides techniques et domotique restées à sa charge (poussette, sur-bain et jeux adaptés à la rééducation) et pour l'acquisition d'un véhicule adapté pour un montant de 12 270,43 euros ;

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu un besoin en tierce personne constant depuis le retour à domicile le 12 mars 2010, déduction faite des moments passés en institut d'éducation motrice (IEM) où A...est pris en charge depuis le 1er septembre 2014 dont le coût horaire sera réformé et évalué à une rente trimestrielle de 48 932,69 euros ;

- le préjudice scolaire doit être indemnisé à hauteur de 2 000 euros par an, le déficit fonctionnel temporaire à 1 000 euros par mois, le préjudice esthétique temporaire à 1 000 euros par an et les souffrances endurées, qui ne peuvent être inférieures à 5/7, à une rente annuelle

de 5 000 euros ;

- l'ampleur des préjudices personnels qu'elle subit, en son nom propre, qui comprennent le préjudice d'affection, d'agrément, le préjudice sexuel et d'établissement, justifie l'allocation d'une indemnisation de 100 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 25 juillet 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.

L'ONIAM soutient qu'aucune demande d'indemnisation n'est formulée à son encontre et que les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 21 mars et 12 juin 2017, le centre hospitalier Louis-Constant Fleming de Saint-Martin, représenté par MeJ..., conclut au rejet de la requête et de la demande de la CPAM de l'Artois.

Le centre hospitalier Louis-Constant Fleming de Saint-Martin soutient que :

- la faute retenue n'est à l'origine que d'une perte de chance de 30 % ;

- la demande de la CPAM de l'Artois n'est pas justifiée.

Par deux mémoires, enregistrés le 26 mai et le 14 novembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à lui rembourser la somme de 328 797,06 euros au titre des débours provisoirement arrêtés qu'elle a versés à son assurée, dans l'intérêt de A...G..., ainsi que les intérêts de retard au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier Louis-Constant Fleming la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CPAM de l'Artois soutient que :

- le centre hospitalier ne peut se prévaloir d'une perte de chance de 30 % d'éviter les séquelles dont A...reste atteint, taux retenu sans motivation par le tribunal administratif de Saint-Martin. En outre, l'éventuel taux de perte de chance ne peut en aucun cas s'imputer sur la créance de la caisse puisque les débours dont il est demandé remboursement ne sont que ceux strictement imputables à la faute. En tout état de cause, ce taux devra être revu à la hausse ;

- elle justifie de sa créance par la production d'un relevé des débours détaillé des frais exposés et d'une attestation d'imputabilité émanant de son médecin conseil dont la probité ne saurait être mise en doute et qui constitue une preuve suffisante.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeL..., représentant Mme G...et de MeI..., représentant l'ONIAM.

Deux notes en délibéré présentées pour Mme G...ont été enregistrées les 13 et 14 juin 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 février 2010, Mme G...a accouché au centre hospitalier Louis-Constant Fleming, situé à Saint-Martin, par césarienne, pratiquée en urgence après échec de l'extraction par ventouse, d'un garçon nomméA.... Ce dernier présente depuis sa naissance

un poly-handicap constitué d'une paralysie cérébrale avec troubles associés et complications orthopédiques, épileptiques et ondotologiques.

2. Mme G...demande de réformer le jugement du tribunal administratif de Saint-Martin du 30 décembre 2015, en tant qu'il n'a retenu qu'une perte de chance de 30 % d'éviter tout ou partie des séquelles subies par A...et a limité les indemnités au versement desquelles il a condamné le centre hospitalier Louis-Constant Fleming en réparation des préjudices subis en son nom propre et en sa qualité de représentante légale de son fils. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, à laquelle Mme G...est affiliée conclut également à la réformation et demande de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à lui rembourser la somme de 328 797,06 euros au titre des débours provisoirement arrêtés qu'elle a versés dans l'intérêt de A...G..., ainsi que les intérêts de retard au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.

Sur la responsabilité du centre hospitalier Louis Constant Fleming et l'étendue de la perte de chance :

3. Il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise médicale

des 7 janvier et 29 novembre 2014, que la souffrance foetale constatée lors du travail en raison de l'altération du rythme cardiaque foetal à partir d'1h35, d'un liquide méconial observé vers 3h et de la stagnation de la dilatation du col de la parturiente jusqu'à 4h25, aurait dû conduire, par prudence et en l'absence de possibilité de procéder à une mesure du PH foetal permettant d'identifier l'absence d'acidose, à la réalisation d'une césarienne. Toutefois, le médecin appelé par la sage femme à 1h35 et présent dès 1h50, n'a pris la décision de pratiquer une césarienne qu'à 5h30, après l'échec de l'extraction par ventouse. En outre, les efforts expulsifs, qui ont débuté à 4h25 pour s'achever à 5h30, et la durée de l'extraction instrumentale, supérieure

à 20 minutes, ont été excessifs et ne correspondent pas aux recommandations de bonnes pratiques car ils entrainent un risque d'acidose des gaz du sang par manque d'oxygène. Les experts estiment ainsi que le délai d'extraction est excessif entre le début des efforts de poussées maternelles et la naissance de A...à 6h10. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le retard dans la mise en oeuvre de la césarienne était constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.

4. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

5. Il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise précités que les troubles dont souffre A...résultent d'une paralysie cérébrale par hypoxie perpartum et que la méconnaissance des recommandations de bonnes pratiques cliniques durant le travail obstétrical et l'accouchement l'a exposé à un manque d'oxygène entraînant des lésions irréversibles. Or, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que l'enfant aurait pu naître trois heures plus tôt si le médecin n'avait pas sous-estimé les signes d'alerte d'une souffrance foetale et décidé de pratiquer une césarienne, à tout le moins dès l'apparition du liquide méconial, au lieu de tenter un accouchement par voie basse, dont la durée des efforts expulsifs et l'utilisation de la ventouse ont, selon le rapport des experts, favorisé le risque de lésions cérébrales irréversibles. Il n'est cependant pas possible de dater l'apparition du moment où durant le travail obstétrical et l'accouchement le foetus a manqué d'oxygène, cette hypoxie entraînant les graves troubles neurologiques dont il est atteint. Il n'est pas davantage établi que les lésions étaient déjà irréversiblement acquises quand la décision de pratiquer la césarienne aurait dû être prise, ni que le délai qui aurait en toute hypothèse séparé cette décision de l'extraction de l'enfant aurait suffi à l'apparition des mêmes lésions. Dans ces conditions, la perte de chance que A...G...a subie d'échapper aux séquelles dont il est atteint en raison du retard à pratiquer la césarienne doit être fixée à 50 %. Il y a lieu de réformer le jugement attaqué en ce sens et de mettre à la charge du centre hospitalier Louis Constant Fleming la réparation de cette fraction du dommage corporel.

Sur l'évaluation des préjudices :

6. En application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale, doit, pour chacun des postes de préjudice patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

7. Il y a lieu de statuer poste par poste sur les droits respectifs de la victime et de la caisse en tenant compte, contrairement à ce que soutient la CPAM de l'Artois, de la fraction du dommage dont l'établissement hospitalier est responsable. Pour chacun de ces postes, l'indemnité à la charge du centre hospitalier est égale, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à 50 % du dommage.

En ce qui concerne les préjudices deA... :

S'agissant des préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

8. Si la CPAM de l'Artois n'apporte pas de justification précise et détaillée pour l'ensemble des sommes dont elle demande remboursement au titre des dépenses de santé, il résulte de l'instruction et notamment de l'attestation d'imputabilité de son médecin conseil, que les soins hospitaliers qu'elle a exposés à compter du 13 février 2010, les frais médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et d'appareillage ainsi que les frais de transport pour un montant total de 328 797,06 euros doivent être regardés comme étant en lien avec l'état de A...résultant de la faute reprochée au centre hospitalier Louis-Constant Fleming. L'ampleur de la perte de chance ayant été fixée à 50 %, il y a lieu de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à rembourser à la CPAM la somme de 164 398,53 euros.

Quant aux frais divers :

9. Mme G...sollicite, au titre des frais divers, le remboursement des frais d'assistance par un médecin conseil lors de deux réunions d'expertise pour un montant

de 3 960 euros et par un ergothérapeute chargé de réaliser un bilan de fonctionnement et d'évaluer les besoins de A...pour un coût total de 4 894 euros.

10. L'appelante justifie, par les pièces produites au dossier de première instance, avoir acquitté une somme de 2 160 euros pour être assistée par le Dr E...dans le cadre des opérations de l'expertise diligentée par la CRCI. Compte tenu de la fraction de 50 % retenue au point 5, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier Louis-Constant Fleming une somme de 1 080 euros.

11. En revanche, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande de remboursement des frais d'intervention de l'ergothérapeute, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les conclusions de ce professionnel aient été utiles à la rédaction des rapports d'expertise et à la solution du litige.

Quant à l'assistance par une tierce personne :

12. Il est constant que le poly-handicap dont souffre A...G...depuis sa naissance rend nécessaire l'assistance constante d'une tierce personne depuis son retour à domicile

le 12 mars 2010. Il résulte de l'instruction qu'il a été hébergé au domicile familial depuis cette date et qu'il est pris en charge depuis le 1er septembre 2014 en institut d'éducation motrice (IEM) le lundi, mardi, jeudi et vendredi matin de 9 heures à 12 heures et jusqu'à 13h30 le jeudi, soit 13h30 par semaine, 42 semaines par an, compte tenu des congés de cette institution. Il ne peut, en outre, être exclu qu'à l'avenir son état requière le placement en permanence dans une institution spécialisée.

13. Compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales et des congés payés, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant des besoins en assistance par une tierce personne à domicile de A...en l'indemnisant, sur la base d'un coût horaire de 13 euros sur l'ensemble de la période écoulée de son retour à domicile à la date du présent arrêt. Eu égard à la durée quotidienne de l'assistance requise à domicile, 24 heures sur 24, du 12 mars 2010 à l'entrée de l'enfant à l'IEM en septembre 2014, déduction faite des périodes où il se trouve hospitalisé, puis de septembre 2014 à la date du présent arrêt après déduction du temps passé hors du domicile, 13h30 par semaine, sur 42 semaines par an, le préjudice calculé sur la base d'une année de 57 semaines afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, doit être évalué à la somme de 1 007 838 euros, dont la réparation incombe au centre hospitalier Louis-Constant Fleming pour la fraction de 50 % correspondant à l'ampleur de la chance perdue, soit la somme de 503 919 euros.

14. Si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si l'enfant sera placé dans une institution spécialisée ou s'il sera hébergé au domicile de sa famille, il lui appartient d'accorder à l'enfant une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien au domicile familial, en fixant un taux quotidien et en précisant que la rente sera versée au prorata du nombre de nuits que l'enfant aura passées à ce domicile au cours du trimestre considéré. Les autres chefs de préjudice demeurés à la charge de l'enfant doivent être indemnisés, par ailleurs sous la forme soit d'un capital, soit d'une rente distincte.

15. En l'absence de consolidation de l'état du jeuneA..., âgé de huit ans à la date du présent arrêt, il sera fait, eu égard à la nécessité de l'assistance constante d'une tierce personne, une juste appréciation des frais afférents à son maintien au domicile de ses parents, en attribuant à l'enfant, au titre des frais liés au handicap, jusqu'à son dix-huitième anniversaire, une rente calculée sur la base d'un taux quotidien dont le montant est fixé à 280 euros, soit après application du taux de perte de chance, à 140 euros par jour à la date du présent arrêt. Le taux de la rente devra être revalorisé par la suite en fonction des coefficients prévus à

l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Cette rente, versée par trimestres échus, sera due au prorata du nombre de nuits que l'enfant aura passées au domicile

Quant aux autres dépenses liées au handicap :

16. Il n'est pas contesté que Mme G...a engagé des frais d'épaississant pour la nourriture de A...à hauteur de 300 euros par an depuis 2012, ainsi que frais de petits consommables (couches et produits nécessaires au change) pour un coût annuel de 1 224 euros à compter des trois ans de son fils, en février 2013. Les dépenses d'alimentation et d'hygiène restées ainsi à sa charge s'élèvent, à la date du présent arrêt, aux sommes respectives

de 2 028 et 6 732 euros. Par conséquent, il y a lieu de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à lui verser, après application du taux de perte de chance retenu au point 5, la somme de 4 380 euros.

17. Mme G...demande, en outre, la condamnation du centre hospitalier Louis-Constant Fleming à lui rembourser divers équipements. Elle justifie ainsi de l'achat d'une poussette évolutive avec plot d'abduction, d'un harnais quatre points, de pelotes appuis-tête, pour un montant de 2 288,10 euros, de la réparation de la poussette, le 9 septembre 2013, pour un montant de 55,06 euros et de l'achat d'une poussette-canne spécialisée, le 23 février 2015, pour un montant de 118,74 euros. Elle verse également aux débat en appel une facture d'acquisition d'une nouvelle poussette, renouvelée en raison de la croissance de l'enfant, pour un montant de 4 350 euros restés à sa charge, des pièces justifiant de l'acquisition d'un sur-bain pour un montant de 1 430 euros et un devis concernant un brancard de bain d'un montant de 1 520 euros. En revanche, elle ne produit pas les devis annoncés concernant l'acquisition d'une table à langer et d'un lit médicalisé, et n'apporte en appel aucun élément nouveau permettant de justifier la nécessité des jouets d'éveil qu'elle soutient avoir acquis pour les besoins spécifiques du jeuneA.... Par conséquent, il y a lieu de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à lui verser la somme de 4 880,95 euros, après application du taux de perte de chance retenu de 50 %.

18. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que le handicap de A...G...et sa croissance ont rendu nécessaire l'adaptation du véhicule familial. Mme G...justifie l'acquisition, le 18 août 2015, d'un véhicule équipé pour permettre l'accès du fauteuil roulant et l'installation de l'enfant pour un montant total de 12 270,43 euros, dont la réparation incombe au centre hospitalier Louis-Constant Fleming, pour la fraction de 50 % correspondant à l'ampleur de la chance perdue soit la somme de 6 135,22 euros.

Quant au préjudice scolaire :

19. En fixant à 22 000 euros le préjudice scolaire subi parA..., compte tenu de son handicap, les premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation insuffisante ou excessive de ce préjudice. Il y a lieu d'accorder à ce titre la somme de 11 000 euros, compte tenu du taux de perte de chance retenu.

S'agissant des préjudices à caractère personnel :

20. Il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par A...G...depuis sa naissance jusqu'à sa majorité à raison d'un déficit fonctionnel permanent de 95 %, de ses souffrances physiques et morales évaluées à 5 sur une échelle de 7 par les experts, et de son préjudice esthétique de même ampleur en lui allouant un capital de 120 000 euros. Mme G...en sa qualité de représente légale a ainsi droit au versement d'un capital égal à 50 % de cette somme au titre des préjudices personnels temporaires subis, soit 60 000 euros.

21. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité que le centre hospitalier Louis-Constant Fleming a été condamné à verser à Mme G...en sa qualité de représentante légale de son fils A...par le jugement du tribunal administratif de Saint-Martin du 20 décembre 2015 doit être portée à la somme de 591 395,17 euros. Le centre hospitalier devra également lui verser par trimestre échu, jusqu'à la majorité deA..., une rente au titre des frais liés au handicap d'un montant représentatif de la prise en charge à domicile de A...G..., déterminé sur la base d'un taux quotidien fixé à 140 euros et revalorisé par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Cette rente, versée par trimestres échus, sera due au prorata du nombre de nuits passées au domicile familial au cours du trimestre.

En ce qui concerne les préjudices de MmeG... :

22. Au regard de l'importance du handicap dont est atteint le fils de MmeG..., il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles de toute nature subis dans les conditions d'existence par l'appelante à raison notamment de ses souffrances, du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel et d'établissement en les évaluant à la somme de 40 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance retenu, il y a lieu de condamner le centre hospitalier Louis-Constant à verser à l'appelante une somme de 20 000 euros au titre des préjudices subis en son nom propre.

Sur les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie :

23. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt que le montant des débours que le centre hospitalier Louis-Constant Fleming a été condamné à verser à la CPAM de l'Artois au titre des dépenses de santé en lien direct et certain avec l'état de A...résultant de la faute commise doit être porté à 164 398,53 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation :

24. Mme G...a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes qui lui sont dues en capital par le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à compter de la réception de sa demande indemnitaire le 5 décembre 2012. Elle a demandé la capitalisation des intérêts le 27 mars 2015.

Il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les frais d'expertise :

25. Il y a lieu de maintenir les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 4 694 euros à la charge définitive du centre hospitalier Louis-Constant Fleming.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier Louis-Constant Fleming les sommes de 2 000 euros et 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme G...et non compris dans les dépens d'une part, et par la CPAM de l'Artois d'autre part.

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 242 546 euros que le centre hospitalier Louis-Constant Fleming a été condamné à verser à Mme G...en sa qualité de représentante légale de son fils A...par le jugement du tribunal administratif de Saint-Martin du 20 décembre 2015 est portée à la somme de 591 395,17 euros, et en son nom propre à la somme de 20 000 euros. Ces sommes porteront intérêts légaux à compter du 5 décembre 2012. Les intérêts échus le 27 mars 2015 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date pour produire eux mêmes intérêts.

Article 2 : Le centre hospitalier Louis-Constant Fleming est condamné à verser, à compter de la date du présent arrêt et par trimestre échu, une rente due au prorata du nombre de nuits passées au domicile familial au cours du trimestre d'un montant quotidien fixé à 140 euros et revalorisé par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Le montant des débours que le centre hospitalier Louis-Constant Fleming a été condamné à rembourser à la CPAM de l'Artois est porté à la somme de 164 398,53 euros.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Martin est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le centre hospitalier Louis-Constant Fleming de Saint-Martin versera à Mme G... une somme de 2 000 euros et une somme de 1 000 euros à la CPAM de l'Artois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus de la requête de Mme G...et de la demande de la CPAM de l'Artois est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...G..., au centre hospitalier Louis-Constant Fleming de Saint-Martin, à la Sham, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2018, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 juillet 2018.

Le rapporteur,

Aurélie F...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX00421


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00421
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : LELIEVRE-BOUCHARAT MARTINE SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-07-10;16bx00421 ?
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