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10/07/2018 | FRANCE | N°16BX00056

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 10 juillet 2018, 16BX00056


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite née le 7 mai 2012 du silence gardé par le président de l'université de Toulouse II - Le Mirail sur sa demande d'indemnisation en raison de dysfonctionnements du service lors de son cursus en master 2 recherche en psychopathologie et psychologie de la santé et de condamner l'université à lui verser la somme de 71 457,48 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 60 000 euros en réparation de son

préjudice moral.

Par jugement n° 1202957 du 10 novembre 2015, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite née le 7 mai 2012 du silence gardé par le président de l'université de Toulouse II - Le Mirail sur sa demande d'indemnisation en raison de dysfonctionnements du service lors de son cursus en master 2 recherche en psychopathologie et psychologie de la santé et de condamner l'université à lui verser la somme de 71 457,48 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 60 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par jugement n° 1202957 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2016, MmeA..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 novembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du 7 mai 2012 ;

3°) de condamner l'université de Toulouse II à lui verser la somme de 82 257,48 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 60 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;

4°) de mettre à la charge de l'université la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de l'université de Toulouse est engagée en raison d'un dysfonctionnement du service public de l'enseignement au cours de ses deux années

de master 2 recherche en psychopathologie et psychologie de la santé, d'un défaut d'accompagnement et de soutien de son maître de stage ;

- le comportement fautif de ce dernier qui a opéré une rétention d'information révèle une intention de l'induire en erreur et un manque de loyauté ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à l'université s'agissant des conditions de soutenance de son rapport de stage alors qu'ils ont retenu les irrégularités de la première soutenance, notamment dues à un risque de partialité ;

- elle a fait l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport aux autres étudiants de master 2 recherche qui n'ont pas rencontré ces difficultés, de nature à engager la responsabilité de l'université ;

- elle a subi un préjudice matériel s'élevant à 82 257,48 euros comprenant la somme de 21 600 euros de perte de rémunération nette et 60 657, 48 euros au titre du financement octroyé par le PRES et la région ; elle a perdu une chance d'entrer dans la vie professionnelle sans délai, et d'obtenir une thèse et un doctorat, préjudices évaluables à 30 000 euros ; son préjudice moral et les troubles dans ses conditions d'existence représentent 30 000 euros.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés

les 18 et 24 mai 2017, l'université de Toulouse Jean Jaurès, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 18 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 18 juillet 2017 à 12h00.

Un mémoire présenté pour l'université de Toulouse Jean Jaurès a été enregistré

le 8 juin 2018.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 8 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

- le décret n° 90-255 du 22 mars 1990 et l'arrêté du 19 mai 2006 relatif aux modalités d'organisation et de validation du stage professionnel ;

- le décret n° 2009-464 du 23 avril 2009 ;

- le code de 1'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aurélie Chauvin,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant l'université de Toulouse

Jean Jaurès.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., étudiante du master 2 recherche " psychopathologie et psychologie de la santé " à l'université de Toulouse - Le Mirail au cours des années 2010 à 2012, relève appel du jugement du 10 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née le 7 mai 2012 du silence gardé par le président de l'université sur sa demande d'indemnisation en raison de dysfonctionnements du service public de l'enseignement supérieur lors de ces deux années de master et à la condamnation de l'université à lui verser la somme totale de 131 457,48 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 811-1 du code de l'éducation : " Les usagers du service public de l'enseignement supérieur sont les bénéficiaires des services d'enseignement, de recherche et de diffusion des connaissances et, notamment, les étudiants inscrits en vue de la préparation d'un diplôme ou d'un concours (. . .) ". Aux termes de l'article L. 123-3 de ce code : " Les missions du service public de l'enseignement supérieur sont : 1° La formation initiale et continue tout au long de la vie ; / 2° La recherche scientifique et technologique, la diffusion et la valorisation de ses résultats au service de la société. Cette dernière repose sur le développement de l'innovation, du transfert de technologie lorsque celui-ci est possible, de la capacité d'expertise et d'appui aux associations et fondations, reconnues d'utilité publique, et aux politiques publiques menées pour répondre aux défis sociétaux, aux besoins sociaux, économiques et de développement durable ; / 3° L 'orientation, la promotion sociale et l'insertion professionnelle (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs : " Les enseignants-chercheurs ont une double mission d'enseignement et de recherche. Ils concourent à l'accomplissement des missions du service public de l'enseignement supérieur prévues par l'article L. 123-3 du code de l'éducation ainsi qu'à l'accomplissement des missions de la recherche publique mentionnées à l'article L. 1 12-1 du code de la recherche. (...) ".

3. Mme A...reprend en appel, sans faire état de circonstances de fait ou de droit qu'elle n'aurait déjà invoquées devant les premiers juges, le moyen tiré d'un dysfonctionnement dans le service public de l'enseignement de l'université de Toulouse II - Le Mirail, devenue université de Toulouse Jean Jaurès, dispensé durant ses deux années de master 2, résultant selon elle d'un défaut d'accompagnement pédagogique et de soutien de M.D..., co-directeur de son master et maître de stage, au motif que ce dernier aurait changé plusieurs fois d'avis sur la problématique de son sujet de recherche, l'aurait contrainte au redoublement et qu'il lui aurait imposé de rédiger en urgence un nouvel article à soumettre à une revue scientifique au moment de la soutenance de son mémoire et l'aurait intimidée pour la faire renoncer à ses démarches tendant à obtenir réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

4. Toutefois et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, il résulte de l'instruction que le redoublement de Mme A...lui a été proposé en raison de ses difficultés à s'approprier des connaissances scientifiques pertinentes pour son projet de thèse. Par ailleurs et nonobstant les bons résultats qu'elle a ensuite obtenus, à savoir une note de 16 sur 20 à sa soutenance de rapport de stage et une moyenne générale de 14,54 sur 20 au cours de l'année universitaire 2010/2011, il résulte de l'instruction que les professeurs ont souligné à l'intéressée qu'elle n'avait pas le niveau requis pour pouvoir être admise en thèse.

5. Si Mme A...n'a pu mener à bien son projet de rédiger une thèse sous la direction de M.D..., co-directeur de son master, elle ne démontre pas l'existence d'une " promesse " non tenue de ce dernier ni quant à l'obtention d'une bourse ou d'un financement par le PRES et/ou la région sur ce projet, ni quant à son admission en thèse, ni même quant au fait d'être son directeur de thèse. S'il n'est pas contesté qu'elle a entrepris des démarches afin d'obtenir le financement nécessaire d'un tel projet et que ces démarches ont été encouragées par des échanges et propos rassurants de son co-directeur de master, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que l'assurance d'être admise en thèse lui aurait été donnée. En tout état de cause, dans l'hypothèse où

M. D...aurait expressément accepté de prendre l'intéressée sous sa direction, la décision finale appartenait à l'école doctorale Clesco, conformément à la fiche relative aux modalités d'inscription en thèse qu'il appartenait à l'appelante de connaître. Ainsi, si certaines indications du co-directeur de master ont pu être comprises par Mme A...comme lui signifiant qu'elle serait doctorante dans le cadre du projet de thèse financée par la région, de telles indications, pour regrettables qu'elles soient, n'ont eu aucune incidence sur le refus d'encadrement du sujet de thèse définitivement pris par l'unité de recherche en date du 9 janvier 2012 et ne sont pas de nature à révéler, à elles seules, un dysfonctionnement dans le service public de l'enseignement de l'université de nature à engager la responsabilité de cette dernière. En outre, il est constant que la commission de recours et l'école doctorale ont recherché des solutions pour que

Mme A...pût poursuivre et finaliser un projet de recherche au sein de l'université de

Toulouse Jean Jaurès en lui proposant notamment d'être sous la direction de deux autres professeurs, ce que l'intéressée a refusé.

6. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le co-directeur du

master 2 recherche " psychopathologie et psychologie de la santé " ait pris, ainsi qu'il vient d'être dit, un engagement de mener Mme A...en thèse, ni qu'il l'aurait induite volontairement en erreur en procédant à une rétention d'informations concernant l'appel à candidature pour l'obtention d'un financement auprès du PRES ou de la région et les conditions d'inscription en thèse et d'obtention d'une allocation de recherche, qu'il n'était pas tenu, au demeurant, de fournir à l'étudiante à qui il appartenait de se renseigner. Mme A...n'établit pas davantage la réalité du défaut d'accompagnement pédagogique et de soutien de M.D..., co-directeur de son master et maître de stage pas plus que des pressions dont elle aurait fait l'objet. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont écarté le défaut d'engagement pédagogique de M.D..., l'intention de nuire ou un manque de loyauté de ce dernier à son égard constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'université.

7. En troisième lieu, s'il n'est pas contesté que les conditions de déroulement de la première soutenance de rapport de stage de Mme A...du 26 septembre 2012 étaient entachées d'irrégularités en raison de l'absence de son maître de stage et de la mention de la non attribution par le jury du titre de psychologue, l'université, après avoir constaté ces irrégularités, lui a permis de soutenir à nouveau son rapport de stage le 15 avril 2013. En outre, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, il n'appartient pas au juge administratif de contrôler l'appréciation du jury sur l'expérience professionnelle acquise durant ce stage. Mme A...qui, en tout état de cause, a achevé son master, n'est pas fondée à reprocher une faute de l'université dans le déroulement de la soutenance de son stage de nature à engager la responsabilité de cette dernière.

8. Si Mme A...prétend, en dernier lieu, qu'elle n'aurait pas été traitée dans des conditions comparables aux autres étudiants de master 2 recherche qui n'ont pas rencontré les difficultés dénoncées ci-dessus, il résulte de ce qui précède qu'aucun élément de fait n'est susceptible de faire présumer un dysfonctionnement et une atteinte au principe de l'égalité de traitement devant le service public de l'enseignement. L'appelante n'établit pas davantage, par les pièces qu'elle produit, notamment les courriers de soutien de syndicats étudiants qui se bornent à reproduire les déclarations de l'intéressée quant aux propos " racistes " tenus à son égard, sans autre précision, qu'elle aurait été victime de discrimination en raison de son origine. Elle n'est ainsi pas fondée à rechercher la responsabilité de l'université du fait de la violation de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du principe de non discrimination et du principe de neutralité.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à l'université de Toulouse Jean Jaurès, et à MeE....

Délibéré après l'audience du 12 juin 2018 où siégeaient :

- M. Eric Rey-Bèthbéder, président,

- M. Didier Salvi, président-assesseur,

- Mme Aurélie Chauvin, rapporteur.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2018

Le rapporteur,

Aurélie ChauvinLe président,

Eric Rey-Bèthbéder

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16BX00056


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00056
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : LAPUELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-07-10;16bx00056 ?
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