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29/06/2018 | FRANCE | N°15BX02102

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 29 juin 2018, 15BX02102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Groupe Vinet a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Rochefort, à raison des conséquences financières résultant pour elle de l'allongement du marché de construction du nouveau centre hospitalier, à lui verser les sommes de 13 576,15 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 30 mars 2011 de 19 695,91 euros HT, assortie des intérêts moratoires à compter du 20 décembre 2010, de 43 937,03 euros HT, assortie des intérêts mo

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Groupe Vinet a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Rochefort, à raison des conséquences financières résultant pour elle de l'allongement du marché de construction du nouveau centre hospitalier, à lui verser les sommes de 13 576,15 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 30 mars 2011 de 19 695,91 euros HT, assortie des intérêts moratoires à compter du 20 décembre 2010, de 43 937,03 euros HT, assortie des intérêts moratoires à compter du 20 janvier 2011, et à raison de l'absence de nettoyage du chantier d'une somme de 1 299,20 euros HT, assortie des intérêts moratoires à compter du 30 mars 2011 voire de réduire les pénalités qui lui ont été infligées ainsi que de prononcer la capitalisation des intérêts dus à chaque date anniversaire, et de rejeter la demande reconventionnelle du centre hospitalier.

Par un jugement n° 1200627 du 22 avril 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier de Rochefort à verser à la SA Groupe Vinet les sommes de 19 695,91 euros HT, 43 937,03 euros HT et 1 299,50 euros HT assorties des intérêts et de leur capitalisation et a, enfin, rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 19 juin 2015 et 6 octobre 2016, le centre hospitalier de Rochefort, représenté par la SELARL Molas et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 22 avril 2015 ;

2°) de rejeter les demandes de la SA Groupe Vinet présentées devant le tribunal administratif de Poitiers ;

3°) de condamner, à titre reconventionnel, la SA Groupe Vinet à lui verser la somme de 66 629,51 euros TTC majorée de la révision et des intérêts moratoires avec capitalisation des intérêts au 17 janvier 2015 ;

4) de mettre à la charge de la SA Groupe Vinet une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les pénalités qui ont été appliquées à la société Groupe SA Vinet résultent de la constatation, au terme prévu au contrat, du retard qui lui est entièrement imputable et non comme elle le prétend imputable aux autres entreprises ; ces retards ont d'ailleurs été constaté en cours de chantier, sans que la société ne mette les moyens humains pour respecter les délais ;

- la retenue pour frais de nettoyage qui a été appliquée au prorata des montants des marchés concernés en l'absence du respect des consignes de propreté par l'ensemble des prestataires travaillant sur le chantier, conformément aux stipulations de l'article 4-4.5 du cahier des clauses administratives particulières du marché, a été constaté par les comptes-rendus de réunion de chantier nos 207 et 210 ;

- aucun intérêt moratoire n'est dû sur les sommes de 19 695,91 euros HT, 43 397,03 HT et 1 299,50 HT, car d'une part le délai global de paiement n'a pas couru, en l'absence de décompte général et d'autre part la société Groupe SA Vinet ne précise pas la date à laquelle ses situations de travaux des mois d'octobre et novembre 2010 ont été reçues par le maître d'oeuvre ;

- le décompte général n'ayant jamais été signé par l'entreprise SA Vinet, il n'a donc pas de caractère définitif et ne peut de ce fait être considéré comme intangible, ce qui permet au centre hospitalier de solliciter à titre reconventionnel le remboursement d'une partie des l'indemnisation consentie à l'entreprise ;

- le centre hospitalier a donc droit au remboursement d'une somme de 66 629,51 euros TTC aux motifs que, d'une part, la réclamation de la société requérante est irrecevable, car elle n'a pas procédé à la réitération de son mémoire réclamation avant le 21 juillet 2009, d'autre part, la prolongation du délai d'achèvement est due à la défaillance de cette société, sans que la responsabilité du centre hospitalier ne puisse être engagé puisqu'il n'est pas responsable de cette prolongation et, enfin, la demande de la société requérante est dépourvue de tout justificatif.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 septembre et 7 novembre 2016, la SA Groupe Vinet, représentée par la SCP Ménegaire, Loubeyre, Fauconneau, demande au tribunal :

1°) de rejeter la requête du centre hospitalier de Rochefort ;

2°) de déclarer irrecevable la demande reconventionnelle présentée par le centre hospitalier de Rochefort tendant au paiement de la somme de 70 711,21 euros H.T., voire la rejeter ;

3°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 19 695,91 euros HT, assortie des intérêts moratoires à compter du 20 décembre 2010, une somme de 43 937,03 euros HT, assortie des intérêts moratoires à compter du 20 janvier 2011, une somme de 1 299,20 euros HT, assortie des intérêts moratoires à compter du 4 août 2011 et une somme de 6 099,40 euros HT assortie des intérêts moratoires à compter du 30 mars 2011 ou, à titre subsidiaire, de réduire les pénalités de retard qui lui ont été infligées ;

4°) de déclarer irrecevable la demande de remboursement des sommes versées au titre des travaux sans avenant et des travaux inter-entreprises pour être nouvelle en appel ;

5) de prononcer la capitalisation des intérêts dus à chaque date anniversaire ;

6°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Rochefort une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le retard dont fait état le centre hospitalier ne lui est pas imputable, elle a donc droit à restitution des pénalités qui lui ont été infligées ;

- c'est le retard pris par les autres entreprises attributaires qui travaillaient sur les mêmes locaux, qui n'a pas permis le déploiement d'un nombre plus important d'ouvriers ;

- les retards postérieurs ne lui sont pas imputables mais résultent du retard d'autres constructeurs, le maître de l'ouvrage a toutefois nié cette réalité et a tenter de lui imposer un état d'avancement irréaliste ;

- les retenues pour défaut de nettoyage ont été appliquées alors que les dispositions de l'article 4-4.5 e) du cahier des clauses administratives particulières stipulent que l'entreprise responsable soit identifiée et qu'elle ait été mise en demeure de procéder au nettoyage, alors qu'aucune demande écrite ne lui a été adressée ; les manquements aux consignes de propreté mentionnées dans le compte-rendu n° 207 du 14 octobre 2010, ne pouvaient lui être imputés dès lors qu'à la date où devis de la société de nettoyage a été établi, elle avait achevé ses travaux dans les zones concernées ;

- la notification à l'entreprise du décompte général signé par l'autorité qualifiée confère à celui-ci un caractère irrévocable et les paiements intervenus sur cette base ne peuvent être remis en cause par le pouvoir adjudicateur ;

- en cause d'appel, le centre hospitalier réclame le remboursement d'une somme de 70 711,21 euros HT, qu'il avait fixé en première instance à 66 629,51 euros TTC, outre que cette demande constitue une demande nouvelle en appel, cette somme ne correspond pas uniquement à l'indemnisation de l'allongement de la durée du chantier, la demande formulée par le centre hospitalier ne pouvant être supérieure à la somme de 44 358,99 euros HT ;

- le courrier qu'elle adressé le 18 février 2009 avait simplement pour but de formuler des réserves en rapport avec un ordre de service et ne peut donc être assimilé à un mémoire en réclamation ; ce courrier réservait la possibilité d'une demande indemnitaire ultérieure, d'ailleurs une réclamation formelle a été établie à l'occasion de l'établissement du décompte général ;

- la fixation unilatérale au 18 octobre 2010 de la date d'achèvement constitue une faute engageant la responsabilité du maître d'ouvrage dès lors que notamment les travaux du lot 19 ont dû être ajournés, sans que la date prévisionnelle de redémarrage du chantier soit connue, et que la société Groupe Vinet ne reçoive notification de planning recalé suite aux retard des autres prestataires ;

- dans le cadre de la procédure de première instance, la société Groupe Vinet a sollicité l'indemnisation des conséquences financières engendrées par l'allongement anormal de la durée du chantier du fait des intempéries et du gel du chantier consécutif à la résiliation du lot n°19, s'élevant à la somme de 6 099,40 euros HT correspondant à 74 jours de retard, déduction faite des soixante six jours d'intempéries.

Par ordonnance du 8 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 26 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code civil ;

- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gil Cornevaux ;

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

- et les observations de Me A..., représentant le centre hospitalier de Rochefort, et de Me B..., représentant la SA Groupe Vinet.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier de Rochefort, par un marché du 4 juillet 2006, a confié à la société anonyme Groupe Vinet, le lot n° 13, revêtements de sols souples, dans le cadre de la construction d'un nouvel établissement, pour un montant total de 1 696590,90 euros TTC. Le démarrage du chantier, notifié aux entreprise attributaires, a été fixé au 24 juillet 2006, l'acte d'engagement précisant que la durée totale du chantier devait être de trente mois, pour s'achever initialement le 24 février 2009. Les travaux, après avoir été reportés une première fois en raison de soixante six jours d'intempéries, devaient donc s'achever le 30 avril 2009, ont en fait été réceptionnés, après un nouveau report de 17,5 mois lié à la défection d'un prestataire, le 31 décembre 2010. La SA Groupe Vinet a refusé le décompte général du marché notifié par le maître d'ouvrage et lui a adressé, le 9 juin 2011, un mémoire en réclamation tendant, d'une part, à une indemnisation complémentaire du préjudice financier résultant de l'allongement de la durée du chantier, d'autre part, à la restitution des pénalités mises à sa charge et, enfin, au paiement d'intérêts moratoires. La SA Groupe Vinet, en l'absence de réponse du centre hospitalier a saisi le tribunal administratif de Poitiers aux fins de condamnation du centre hospitalier de Rochefort à lui verser, à titre principal, 74 984,24 HT euros au titre du solde du marché assortis des intérêts moratoires capitalisés. En fait la somme de 74 984 HT vient de la différence prise en compte par le centre hospitalier de la demande de la société soit 11 351,30 HT, somme à laquelle vient s'ajouter les 19 695, 91 HT et 43 937,03 HT qui sont les pénalités de retard qui ont été appliquées par le centre hospitalier. Le centre hospitalier a présenté une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la SA Groupe Vinet à lui verser une somme de 66 629,51 euros TTC, majorée de la révision et assortie des intérêts moratoires avec capitalisation, au titre d'un trop versé sur le solde du marché. Le tribunal administratif du Poitiers, par une décision du 22 avril 2015, a condamné le centre hospitalier de Rochefort à verser à la SA Groupe Vinet respectivement les sommes de 19 695,91 euros HT, 43 937,03 euros HT et 1 299,50 euros HT assortis des intérêt au taux légal et a rejeté les conclusions reconventionnelles du centre hospitalier de Rochefort. Le centre hospitalier relève appel de cette décision, et par la voie de l'appel incident, la SA Groupe Vinet sollicite la condamnation du centre hospitalier d'un montant de 6 099,40 euros HT correspondant à un préjudice que la société aurait subit pendant une période de huit jours.

Sur la régularité du jugement :

1. En premier lieu, le centre hospitalier soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur le fait que le chiffrage total de la réclamation ne correspond environ qu'à 5 % du marché et qu'à considérer que la défaillance du prestataire du lot n° 19 puisse être regardé comme une sujétion imprévue, les incidences de cette défaillance n'ont pas bouleversé l'économie du marché pour la société SA Vinet. Or en son point 4 du jugement le tribunal administratif de Poitiers fait bien référence au montant de l'indemnité sollicité par la société SA Vinet pour une somme de 11 351,30 euros HT sur un marché d'un montant total de 1 517 880,52 euros HT, soit 0,75 % du marché et que ce montant ne saurait caractériser aucun bouleversement de l'économie du contrat. Par suite, le centre hospitalier requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait entaché son jugement d'une omission à statuer.

2. En second lieu, le centre hospitalier soutient que les premiers juges ont omis de se prononcer sur le fait que la demande de la société SA Vinet n'est pas assortie de documents permettant de justifier de la réalité et de la valorisation du préjudice pris en compte dans le décompte général liés au report de la date d'achèvement des travaux. Le jugement relève en son point 9 que l'indemnisation au titre des frais supplémentaires liés à la date de réception effective soit le 31 décembre 2010 dont notamment les frais de salaires de conducteur technique ont été rejeté au motif que l'indemnisation ne saurait résulter d'une faute du maître de l'ouvrage. Les premiers juges n'étaient dès lors pas tenus de statuer sur ce moyen et n'ont par suite entaché leur jugement d'aucune irrégularité sur ce point.

Sur le bien fondé du jugement :

Sur l'appel principal du centre hospitalier de Rochefort :

En ce qui concerne le caractère définitif du projet de décompte général :

3. Aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par décret du 21 janvier 1976, relatif au règlement des différends et des litiges : " 50.1. Intervention de la personne responsable du marché : / 50.11. Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, L'entrepreneur remet au maître d'oeuvre, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations. / 50.12. Après que ce mémoire a été transmis par le maître d'oeuvre, avec son avis, à la personne responsable du marché, celle-ci notifie ou fait notifier à l'entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend, dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation. (...) 50.2. Intervention du maître de l'ouvrage : / 50.21. Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande. il doit, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette proposition ou de l'expiration du délai de deux mois prévu au 12 du présent article, le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant. Aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. Un mémoire complémentaire développant les raisons de son refus ".

4. Le centre hospitalier de Rochefort soutient que le décompte général n'est pas devenu définitif faute pour le titulaire du marché d'avoir signé ce décompte, ni d'avoir réitéré conformément à l'article 50.21 du CCAG Travaux, auprès du maître d'ouvrage sa demande dans le délai de trois mois et transmis le mémoire complémentaire et que ce n'est que par une mesure de conciliation purement gracieuse qu'il a accepté de faire droit à la demande de la société Groupe Vinet à hauteur de 84 570,61 euros TTC. Par conséquent, la SA groupe Vinet ne serait pas fondée a solliciter une indemnisation au titre du préjudice subi du fait de l'allongement du délai d'exécution à la suite de la résiliation du lot n° 19 du marché, puisque la correspondance de la société prestataire du 18 février 2009, n'a pas été réitérée dans le délai de trois mois par la production d'un mémoire complémentaire. Toutefois, outre que ce courrier avait pour objet principal pour la SA groupe Vinet d'émettre une réserve et de demander un ordre de service portant sur la régularisation de la prolongation des délais d'exécution qui ne pouvait donc être regardé comme un mémoire en réclamation, le centre hospitalier de Rochefort en statuant sur la demande indemnitaire du prestataire et en y faisant partiellement droit dans le décompte général, a de fait renoncé à l'application des stipulations de l'article 50.21 du CCAG. Ainsi, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Rochefort en méconnaissance du principe de loyauté des relations contractuelles, le décompte général doit donc être regardé comme devenu définitif.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

5. Le centre hospitalier de Rochefort a appliqué dans le décompte général des pénalités correspondant d'une part, à quarante-deux jours de retard dans la réalisation de travaux pour un montant global de 63 632,44 euros HT, appliquées sur des acomptes les 31 octobre et 30 novembre 2010, dans les conditions prévues par l'article 4.3.1 du cahier des clauses administratives particulières et d'autre part, à une quote-part des prestations de nettoyage des locaux mise à la charge de la SA Groupe Vinet pour une somme de 1 299,50 euros HT.

6. Il résulte des dispositions de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché de travaux en cause qu'en cas de retard dans l'exécution des travaux, il est appliqué, une pénalité journalière de 1/3000ème du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée, encourue du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre. Si les pénalités de retard sont ainsi dues de plein droit dès constatation par le maître d'oeuvre du dépassement des délais d'exécution, sans qu'une mise en demeure préalable de l'entreprise retardataire soit nécessaire, ces stipulations ne permettent pas l'imputation au titulaire d'un marché des pénalités lorsque le retard d'achèvement de ses travaux résulte du retard d'autres prestataires.

7. Le centre hospitalier de Rochefort soutient qu'il rapporte bien la preuve de l'imputabilité du retard de l'entreprise contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges. En effet, un courriel du 10 décembre 2010 émanant d'un membre du groupe de maitrise d'oeuvre mettant en exergue l'insuffisance de moyens de la SA Groupe Vinet pour respecter les interventions demandées, puisque la réception des travaux de ladite société a été prononcée le 31 décembre 2010 au lieu de la semaine 46 de l'année 2010, soit entre le 15 et le 21 novembre de cette même année. Ainsi, selon le centre hospitalier de Rochefort, outre les constatations par la maitrise d'oeuvre par le biais d'un procès-verbal d'avancement des travaux du 19 avril 2010 que la SA Groupe Vinet a disposé, en temps utile, des locaux dans lesquels elle devait réaliser ses travaux, les réunions de chantiers tenues entre le 13 et le 20 octobre 2010 par la maitrise d'oeuvre constatent notamment que la SA Groupe Vinet n'avait pas terminé ses travaux, alors que les travaux des lots n°11 et 12 sont terminés et que le lot n°14 sera terminé à la fin du mois d'octobre, sauf pour les plafond extérieurs. D'autant qu'en application des stipulations de l'article 3-1.1 du CCAP qui prévoyait l'exécution simultanée dans lots n°s 13, 14, 15 et 16, les travaux de la SA groupe Vinet aurait dû se faire concomitamment aux autres lots. Toutefois, il résulte de l'instruction que les documents techniques unifiés applicables à la pose des revêtements de sols souples prévoient que la SA groupe Vinet devait intervenir après les autres corps d'état, à la seule exception des peintures de finition des plinthes, ce qui a d'ailleurs, donné lieu a la prise en charge, au titre de travaux supplémentaires, au demeurant accepté le maître d'ouvrage, de réparations effectuées des sols dégradés lors de la réalisation des travaux d'autres lots. Les titulaires des lots faux plafonds et désenfumage n'avaient pas libéré les locaux leur servant de stockage, tel que cela ressort d'un procès verbal du 20 octobre 2010 faisant obstacle à la finition des sols, que le titulaire du lot peinture n'avait pas achevé celle des escaliers. Il résulte notamment des procès-verbaux des réunions de chantiers, des 13 octobre et 4 novembre 2010 rédigés par le titulaire de la mission OPC, que la pose des faux-plafonds de certaines circulations restait en cours, que la peinture des mains-courantes des escaliers intérieurs devait être achevée dans la dizaine de jours suivants et la possibilité d'installation, par la SA Groupe Vinet, des sols des salles de bains du pôle santé publique n'était pas sûre et que ces constatations sont corroborées notamment par le compte-rendu n° 207 de la réunion de chantier, rédigé par la maîtrise d'oeuvre, relevant l'absence de pose, le 14 octobre 2010, par le titulaire du lot serrurerie, des mains courantes d'une partie des escaliers intérieurs. Ainsi, il n'est est pas justifié que le retard pris dans la réalisation des travaux incombant à la société SA groupe Vinet résulterait d'un manque de personnel et non de ces différents retards d'entreprises tierces. Dès lors, comme l'ont jugé a bon droit les premiers juges, le centre hospitalier de Rochefort n'était pas fondé à infliger à la société SA groupe Vinet une pénalité à raison d'un retard dans la réalisation de cet ouvrage.

8. Des pénalités pour non respect des prescriptions relatives à la sécurité et à l'hygiène du chantier, notamment pour un retard dans le nettoyage quotidien du chantier ou dans l'évacuation des gravats hors du chantier sont prévues par l'article 4-4.5 e) du cahier des clauses administratives particulières du marché. Ces pénalités, qui présentent un caractère forfaitaire, sont appliquées par infraction et par jour calendaire de défaut ou de retard dans l'exécution, après que la maîtrise d'oeuvre ait constatée de manière écrite, pour le nettoyage quotidien du chantier, les infractions et fixé le délai dans lequel chaque entreprise devra s'acquitter de son obligation. Il est constant que les compte rendus de chantier n°s 207 et 210 établis respectivement le 14 octobre et 18 novembre 2010 par la maîtrise d'oeuvre constatent que des prestations de nettoyage d'une partie des bâtiments doit être réalisée " du fait du non respect des consignes de propreté par l'ensemble des personnes travaillant sur le chantier ". Or, il ressort d'une correspondance du 29 septembre 2010 que la SA groupe Vinet a demandé à ce qu'il soit procédé à la réception des niveaux R +1 et R +2 puisque le maître de l'ouvrage avait pris à cette date possession desdits lieux. Le fait que ces niveaux soient terminés, outre la demande réception réitérée le 20 octobre 2010, à laquelle, au demeurant, il n'a pas été donné suite, est confirmé par les comptes rendus des 13 octobre et 4 novembre 2010, desquels il ressort que les travaux restant en cours se rapportent au rez-de-chaussée haut et rez-de-chaussée bas ainsi que les escaliers. Par suite, le maître d'ouvrage ne pouvait, sur la base de ces comptes rendus des mois d'octobre et novembre et en se fondant sur un devis du 15 novembre 2010, portant sur la réalisation d'un nettoyage de l'ensemble des sols des 5 niveaux du bâtiment pour une opération prévue le 22 novembre 2010, mettre à la charge de la SA Groupe Vinet, ces prestations en proportion du montant de son marché. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimés que c'est à tort que le centre hospitalier de Rochefort a déduit 1 299,50 euros HT du montant des sommes qui étaient dues à la SA groupe Vinet.

En ce qui concerne les intérêts moratoires :

9. Aux termes de l'article 96 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au litige issue du décret du 7 janvier 2004 : " Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder 45 jours. Toutefois, pour les établissements publics de santé (...) cette limite est de 50 jours. / Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai. / Un décret précise les modalités d'application du présent article. ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, dans sa version applicable au marché : " I. Le point de départ du délai global de paiement prévu (...) à l'article 96 du code des marchés publics est la date de réception de la demande de paiement par les services de la personne publique contractante ou, si le marché le prévoit, par le maître d'oeuvre ou tout autre prestataire habilité à cet effet. Le marché indique les conditions administratives et techniques auxquelles sont subordonnés les mandatements et le paiement. Toutefois : (...) pour les marchés de travaux, le point de départ du délai global de paiement du solde est la date d'acceptation du décompte général et définitif (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " I. Le défaut de paiement dans les délais prévus par [l'article 96 du code des marchés publics] fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant payé directement. / Les intérêts moratoires courent à partir du jour suivant l'expiration du délai global jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. / Les intérêts moratoires appliqués aux acomptes ou au solde sont calculés sur le montant total de l'acompte ou du solde toutes taxes comprises, diminué de la retenue de garantie, et après application des clauses d'actualisation, de révision et de pénalisation. / Les intérêts moratoires ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. / II. Le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché. Ce taux est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points (...) ".

10. Le centre hospitalier de Rochefort a imputé des pénalités de retard sur les paiements effectués sur la situation des travaux arrêtée au 31 octobre 2010, pour 19 695,91 euros HT, et au 30 novembre 2010, pour 43 937,03 euros HT. Les premiers juges ayant octroyé à la SA Groupe Vinet les intérêts moratoires sur ces sommes à compter, respectivement, du 20 décembre 2010 et du 20 janvier 2011. Or, comme le soutient justement le centre hospitalier Rochefort, les intérêts moratoires ne sont dus qu'à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre des projets de décompte adressés à la maîtrise d'oeuvre. En l'espèce, l'établissement des projets de décompte était dématérialisé selon les stipulations de l'article 3.1.6 du CCAP, via une application EDIFLEX. La SA Groupe Vient a présenté via cette application deux situations n°s 24 et 25, les 25 octobre et 23 novembre 2011. Ainsi, compte tenu du délai global de paiement de cinquante jours fixé par le CCAP du marché, les intérêts moratoires sont dus à partir respectivement des 15 décembre 2011 et 12 janvier 2012.

11. En ce qui concerne la pénalité pour nettoyage du chantier appliquée au solde du marché, les dispositions du décret du 21 février 2002, pour les marchés de travaux, prévoir que le point de départ du délai global de paiement est la date d'acceptation du décompte général par le titulaire. Si l'entreprise n'accepte pas le décompte général, le point de départ du délai global de paiement s'avère donc être la date de notification au maître d'ouvrage du courrier de contestation de l'entreprise. La SA Groupe Vinet a contesté le décompte général par un mémoire en réclamation reçu par le centre hospitalier de Rochefort le 14 juin 2011, qui doit donc être la date retenue comme le point de départ du délai de paiement des sommes dues à la société prestataire. Par conséquent, les intérêts moratoires sont dus, pour la somme de 1 299,50 euros HT, à compter du 4 août 2011.

12. Aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêt échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ". Pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, y compris pour la première fois en appel. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

13. En l'espèce, la capitalisation des intérêts a été demandée dans la requête enregistrée devant le tribunal administratif de Poitiers, le 6 mars 2012. Si à cette date, il n'était pas dû au moins une année d'intérêts, cette demande prend effet respectivement les 4 août et 15 décembre 2012 et le 12 janvier 2013, date auxquelles il était dû une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation de la société SA groupe Vinet à ces dates ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

En ce qui concerne le trop versé sur le solde du marché :

14. Le centre hospitalier demande à ce que la SA Groupe Vinet soit condamnée à lui verser une somme de 66 629,51 euros TTC, majorée de la révision et assortie des intérêts moratoires avec capitalisation, au titre d'un trop versé sur le solde du marché. Pour ce faire, le centre hospitalier de Rochefort soutient que le décompte général n'est pas devenu définitif faute d'accord du titulaire du marché, la prise en compte d'une partie de la demande d'indemnisation de la SA groupe Vinet n'est qu'une mesure purement gracieuse à titre de conciliation.

15. Ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, le centre hospitalier de Rochefort ne peut plus, devant le juge du contrat, invoquer à son profit la méconnaissance des stipulations l'article 50.21 du CCAG Travaux pour soutenir qu'il a indûment versé au titulaire du marché la somme dont il demande la répétition. Les conclusions du centre hospitalier de Rochefort doivent donc être rejetées.

Sur l'appel incident de la SA Groupe Vinet :

16. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du chantier, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics. En dehors de ses hypothèses, l'entreprise ne peut obtenir réparation du préjudice résultant, en tant que tel, des fautes d'autres participants à l'opération de travail public qu'en présentant des conclusions à l'encontre de ces derniers, au titre de leur responsabilité quasi-délictuelle.

17. Si la SA groupe Vinet, dans ses écrits d'appel, ne conteste plus le fait que l'allongement du chantier lié aux soixante six jours d'intempéries ne caractérise pas un bouleversement de l'économie du contrat, elle estime que le maître d'ouvrage a commis une faute en ne gérant pas de manière adéquate le déroulement du chantier, notamment par l'allongement du chantier suite à la résiliation du marché du lot n° 19 et en modifiant en conséquence, à plusieurs reprises, le calendrier d'exécution des travaux et en fixant de manière unilatérale au 18 octobre 2010 la date limite d'achèvement des travaux. Toutefois, si la durée du chantier confié à la SA groupe Vinet a été prolongé de 17 mois et demi et si celui-ci a été interrompu à plusieurs reprises, il résulte de l'instruction que le retard d'exécution du chantier ne résulte pas d'une démission du maître de l'ouvrage mais est principalement la conséquence de la défaillance de la société Eurelec Aquitaine, en charge du lot n°19 " courants forts ". Le directeur du centre hospitalier de Rochefort, par une décision du 28 avril 2009, qui a été notifiée à la SA Groupe Vinet, a repoussé au 18 octobre 2010 la date de fin des travaux conformément aux stipulations de l'article 19.21 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux, ainsi qu'un ordre de service n°12 du 4 mai 2009 notifié le 18 mai à la société prestataire, indiquant que la date prévisionnelle de fin des travaux était reportée au 18 octobre 2010. La SA groupe Vinet ne peut donc pas faire valoir que cette date serait incohérente et aurait été fixée de manière unilatérale. Ainsi, il ne peut être retenu de faute à l'encontre du maître d'ouvrage qui serait constitutive d'un engagement de sa responsabilité.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes présentées par les différentes parties à l'instance les unes contre les autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les intérêts moratoires contractuels sont dus à partir respectivement des 15 décembre 2011 pour la somme de 19 695,91 euros HT, du 12 janvier 2012, pour la somme de 43 937,03 euros HT et à compter du 4 août 2011, pour la somme de 1 299,50 euros HT. Ces intérêts seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts, à compter respectivement des 4 aout et 15 décembre 2012 ainsi que le 12 janvier 2013 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le jugement n° 1200627 du tribunal administratif de Poitiers du 22 avril 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Rochefort et à la société anonyme Groupe Vinet.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2018, à laquelle siégeaient :

Mme Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juin 2018.

Le rapporteur,

Gil CornevauxLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N° 15BX02102


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