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28/06/2018 | FRANCE | N°18BX01111

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 18BX01111


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour avec changement de statut, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704710 du 19 février 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistr

e le 16 mars 2018, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour avec changement de statut, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704710 du 19 février 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mars 2018, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2017 ;

3°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le préfet a sollicité l'avis du consulat de France en Côte-d'Ivoire dès lors que l'article L. 5221-7 du code du travail fixe la liste exhaustive des organismes que les services de la préfecture peuvent consulter dans le cadre de l'instruction d'une autorisation de travail ; en ce fondant sur cet avis, le préfet a entaché sa décision d'une irrégularité ;

- le délai d'édiction de la décision entache cette dernière d'un vice de procédure dès lors qu'il apparaît que dès le 3 avril 2017 les services de la préfecture avaient décidé de refuser la délivrance du titre sollicité, mais que l'arrêté litigieux n'a été pris que 8 mois après, donc sans tenir compte de l'évolution de sa situation et sans raison puisque les allégations de l'administration indiquant qu'elle a fait d'autres recherches ne sont pas établies ;

- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est également entachée d'une erreur de droit, le préfet n'ayant pas procédé à un examen approfondi, objectif et personnalisé de sa situation, ce qui est notamment démontré par l'absence de mention dans l'arrêté du fait qu'elle est propriétaire ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que le préfet n'a pas délivré le titre malgré l'avis favorable de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2018 le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 avril 2018, la demande de Mme A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée. Le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par une ordonnance du 23 mai 2018, rejeté le recours formé contre cette décision.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-ivoirien du 21 septembre 1992 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante ivoirienne née le 12 octobre 1991, est entrée régulièrement en France le 29 septembre 2009 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " et valant titre de séjour. Mme A...a ensuite obtenu le 7 janvier 2011 une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant qui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 30 septembre 2016. Elle a sollicité le 19 septembre 2016 la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 10 octobre 2017, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du 19 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision n° 2018/007021 du 12 février 2018, confirmée par une ordonnance du président de la cour n°18BX01940 du 23 mai 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de Mme A.... Dans ces conditions, les conclusions de Mme A...tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur la légalité de l'arrêté du 10 octobre 2017 :

3. Aux termes des stipulations de l'article 5 de la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes du 21 septembre 1992 : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre État une activité professionnelle salariée doivent en outre, pour être admis sur le territoire de cet État, justifier de la possession : (...) 2° D'un contrat de travail visé par l'autorité compétente dans les conditions prévues par la législation de l'État d'accueil ". Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention "salarié". (...) ". Selon l'article R. 313-15 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 313-10, l'étranger qui demande la carte de séjour temporaire portant la mention "salarié " doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : (...) 2° Lorsqu'il réside sur le territoire français, un formulaire de demande d'autorisation de travail, pour la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée avec un employeur établi en France correspondant à l'emploi sollicité. Ce formulaire est conforme au modèle fixé par arrêté du ministre chargé du travail ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'au soutien de sa demande de carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", Mme A...a produit une promesse d'embauche de la société Cabinet Experts Réunis (CABER) pour un emploi de responsable administratif et financier en contrat à durée indéterminée à temps complet avec une rémunération de 2 400 euros brut mensuels. Pour refuser de délivrer le titre sollicité, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur le fait que la société CABER était une société étrangère basée à Abidjan en Côte d'Ivoire depuis le 26 juillet 2016, et dont l'implantation en France ne date que du 16 août 2016. Le préfet de la Haute-Garonne déduit de sa création récente que l'entreprise n'avait que peu de visibilité économique, qu'elle n'était pas connue du grand public et que si elle faisait valoir un chiffre d'affaires prévisionnel s'élevant pour l'année 2016 à 844 000 euros, son capital social ne s'élevait qu'à 1 000 000 francs CFA, soit 1 524 euros. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'après s'être rendue dans les locaux de la société CABER et avoir rencontré son représentant en France, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie a émis un avis favorable à la demande de MmeA.... Si le préfet n'est pas lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, les seules circonstances tirées de la création récente de l'entreprise et de son faible capital social ne sont pas de nature à fonder un refus de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ".

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation du refus de délivrance de titre de séjour opposé dans l'arrêté du 10 octobre 2017. L'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi procédant de ce refus de titre de séjour, leur annulation doit être prononcée par voie de conséquence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

7. Mme A...demande qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 150 euros par jour de retard. L'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2017 impliquant nécessairement le réexamen de la demande de titre de séjour de MmeA..., il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de cette demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. La demande d'aide juridictionnelle de MmeA..., ainsi qu'il a été dit, a été définitivement rejetée. Dans ces conditions, la demande tendant à la mise à la charge de l'Etat d'une somme au bénéfice de l'avocat de Mme A...doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par MmeA....

Article 2 : Le jugement n° 1704710 du 19 février 2018 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 10 octobre 2017 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la situation de Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2018.

Le rapporteur,

Paul-André BRAUDLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01111


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX01111
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : HIRTZLIN-PINÇON

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-28;18bx01111 ?
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