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28/06/2018 | FRANCE | N°18BX01055

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 18BX01055


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 1er mars 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1702010 du 9 février 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2018, M.B..., représe

nté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Tou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 1er mars 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1702010 du 9 février 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2018, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- elle est entachée d'un défaut de motivation en fait ; elle ne comporte pas d'indication précise relative à ses attaches familiales en France et en Algérie ;

- elle méconnaît l'article 6.5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; l'intégralité de ses attaches familiales sont en France ; son père est de nationalité française et sa mère est titulaire d'un certificat de résidence algérien ; son épouse et ses fils majeurs disposent également de certificats de résidence algérien ; ses trois autres enfants mineurs possèdent des documents de circulation et sont scolarisés en France depuis plus de dix ans ; il participe à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ;

- pour les mêmes raisons, elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît aussi l'article 3 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est entachée d'une erreur de droit en raison de sa méconnaissance de l'article 6.5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît aussi l'article 3 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :

- elle est entaché d'un défaut de motivation en droit et en fait ; elle ne mentionne pas les raisons pour lesquelles un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ne lui a pas été accordé ;

Par un mémoire enregistré le 26 avril 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 22 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mai 2018 à 12h00.

M. C...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 21 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget, a été entendu au cours de l'audience publique ainsi que les observations de MeA..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant algérien, est entré en France le 13 juin 2016 sous couvert d'un passeport algérien revêtu d'un visa de 90 jours délivré par le consulat général d'Espagne à Oran. Par une demande en date du 13 juin 2016, M. B...a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale et en qualité de salarié. Par un arrêté en date du 1er mars 2017, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire en fixant le pays de renvoi. M. B...relève appel du jugement du 9 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. La décision querellée vise les textes sur lesquels elle se fonde, notamment les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, celles des articles 6 et 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et les articles L. 511-1 et L. 513-1 à L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle énonce également les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M.B..., en particulier le détail de ses précédents séjours en France, la circonstance qu'il est marié à une compatriote titulaire d'un certificat de résidence algérien et que ces cinq enfants se trouvent en situation régulière sur le territoire national. Elle relève, en outre, que l'intéressé ne justifie d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour. Enfin, elle précise que M. B...ne peut pas bénéficier d'un droit au séjour en qualité de salarié puisqu'il n'est pas titulaire d'un visa long séjour, ne justifie pas d'un contrat de travail visé par l'administration du ministère chargé de l'emploi et que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a émis un avis défavorable à sa demande. Le préfet de la Haute-Garonne, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, a ainsi énoncé de manière suffisamment précise les circonstances de droit et de fait qui fondent la décision en litige. Par suite, le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire sont suffisamment motivés.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

5. M. B...fait valoir qu'il est marié depuis le 5 août 1992 avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence de dix ans valable jusqu'au 30 novembre 2017 et que de leur union sont nés cinq enfants, dont trois sont mineurs et les deux autres titulaires de certificats de résidence. Toutefois, s'il a effectué des allers-retours entre la France et l'Algérie à compter de 2003, M.B..., à la suite de l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement en 2012, ne réside de manière effective et continue sur le territoire national que depuis le 3 juin 2016, soit moins d'un an à la date de la décision attaquée. Il n'est ni établi ni même allégué qu'il aurait effectué entre-temps des séjours en France et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il contribuait effectivement, à la date de l'arrêté attaqué et de façon stable, à l'entretien et à l'éducation de ses deux filles et de son fils mineur, âgés respectivement de 17, 13 et 10 ans à cette même date. La seule production de factures annuelles d'abonnement téléphonique à son nom couvrant les années 2013 à 2017 et d'extraits de relevés bancaires attestant du paiement de ces factures n'est en effet pas suffisante pour établir la réalité d'une telle contribution. Le requérant a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie, où il n'établit pas qu'il se trouverait en situation d'isolement, et où vivent d'ailleurs trois de ses soeurs. Enfin, M.B..., qui a fait l'objet de trois refus de séjour antérieurs, en 2006, 2007 et 2012, les deux derniers assortis de mesures d'éloignement, ne justifie pas, par la seule production d'une promesse d'embauche, d'une insertion particulière dans la société française. Dans ces conditions, la décision contestée ne peut être regardée comme portant au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels a été pris ce refus. Le préfet de la Haute-Garonne n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. En l'absence, comme il a été dit au point 5, d'éléments permettant d'établir l'implication de M. B...auprès de ses enfants mineurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le retour du requérant dans son pays d'origine méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 précité de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

8. Enfin, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposent pas au préfet de motiver spécifiquement l'octroi du délai de départ volontaire quand celui-ci correspond à la durée légale fixée à trente jours et que l'étranger n'a présenté, comme en l'espèce, aucune demande afin d'obtenir un délai supérieur.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 28 juin 2018.

Le rapporteur,

Laurent POUGET Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX01055


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX01055
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : BALG

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-28;18bx01055 ?
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