La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2018 | FRANCE | N°18BX00894

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 18BX00894


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 16 janvier 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800268 du 22 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé le refus de délai de départ volontaire et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête, enregistrée le 27 février 2018, M. C...A..., représenté par MeB..., demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 16 janvier 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800268 du 22 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé le refus de délai de départ volontaire et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 février 2018, M. C...A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse du 22 janvier 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de la Haute-Garonne du 16 janvier 2018 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

3°) d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Garonne du 16 janvier 2018 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; sa présence en France depuis 5 ans est marquée par des efforts d'intégration ; il justifie d'une promesse d'embauche du 24 janvier 2018 ; il s'est heurté à des refus répétés d'enregistrement de sa demande de titre de séjour au motif qu'il n'a pas de passeport ; son fils est scolarisé en grande section de maternelle et il est très impliqué, ainsi que son épouse, dans sa scolarité ; son épouse justifie également de perspectives d'intégration professionnelle ; il encourt des risques en cas de retour en Albanie ;

- cette décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; son fils, scolarisé depuis trois ans, est parfaitement intégré dans le système scolaire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a fait l'objet de menaces et de mauvais traitements de la part d'un voisin en raison d'un différend en matière immobilière, il a été hospitalisé après une agression et sa maison a été incendiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Cécile Cabanne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant albanais né le 3 octobre 1984, est entré en France le 4 novembre 2013. La demande d'asile qu'il a présentée le 26 février 2014 a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 avril 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 19 mars 2015. Par un arrêté du 16 janvier 2018, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. Il relève appel du jugement du 22 janvier 2018 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, après avoir annulé le refus de délai de départ volontaire, a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...)6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; ".

3. Si M. A...soutient s'être présenté à plusieurs reprises en préfecture pour y déposer en vain une demande d'admission au séjour, il est néanmoins constant qu'à la date de l'arrêté contesté, aucune demande n'était enregistrée ou en cours d'instruction. Il se trouvait donc dans le cas visé au 6° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel le préfet peut prendre une décision portant obligation de quitter le territoire français.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. A...soutient qu'il est bien intégré sur le territoire, où il réside avec son épouse depuis la fin de l'année 2013, qu'il est très impliqué dans la scolarité de son enfant en école maternelle, et produit une promesse d'embauche. Il ressort des pièces du dossier que les époux se trouvent tous deux en situation irrégulière à la date de l'arrêté contesté. M. A... ne justifie pas que les liens affectifs ou sociaux dont il se prévaut soient d'une intensité telle que le centre de ses intérêts familiaux puisse être regardé comme étant situé sur le territoire français. Il n'établit pas davantage être dépourvu de toute attache familiale dans le pays dont il a la nationalité, l'Albanie, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 29 ans. L'apprentissage de la langue française et la promesse d'embauche en qualité de manutentionnaire en bâtiment dont il fait état devant la cour, au demeurant postérieure à l'arrêté en litige, ne suffisent pas à caractériser une insertion particulière dans la société française. La demande de titre de séjour de son épouse, qui se prévalait d'un contrat de travail comme employée polyvalente dans un hôtel, a été rejetée. Il n'est pas établi ni même allégué que son enfant, compte tenu de son jeune âge, ne pourrait poursuivre sa scolarité qu'en France. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement n'a pas porté une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M.A....

6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. La décision litigieuse n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer le requérant de son épouse, elle-même en situation irrégulière, ni les parents de leur enfant. Si M. A...fait valoir que son fils est inscrit en grande section de maternelle, aucun obstacle n'est allégué qui l'empêcherait de poursuivre une scolarité dans le pays d'origine de ses parents, qu'il a vocation à accompagner. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que les stipulations l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant auraient été méconnues.

8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : /1º A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; /2º Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; /3º Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

9. M. A...soutient encourir des risques en cas de retour en Albanie du fait de l'existence d'un différend d'ordre privé relatif à un achat immobilier l'opposant à un voisin. Toutefois, par ses seules allégations, et en l'absence de documents ou justificatifs versés au dossier, M.A..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis par la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas la réalité de risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine. En tout état de cause, il ne démontre pas que les autorités de son pays ne seraient pas en mesure d'assurer sa protection. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 janvier 2018. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2018.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

No 18BX00894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX00894
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-28;18bx00894 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award