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22/06/2018 | FRANCE | N°16BX02925

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 22 juin 2018, 16BX02925


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...et Mme E...B...veuve F...ont demandé le 27 janvier 2014 au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 16 octobre 2013 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de la Creuse a rejeté leur réclamation relative aux opérations d'aménagement foncier agricole et forestier de la commune de Moutier-Rozeille.

Par un jugement n° 1400202 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par un

e requête et des mémoires enregistrés le 26 août 2016, le 26 octobre 2016, le 14 février 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...et Mme E...B...veuve F...ont demandé le 27 janvier 2014 au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 16 octobre 2013 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de la Creuse a rejeté leur réclamation relative aux opérations d'aménagement foncier agricole et forestier de la commune de Moutier-Rozeille.

Par un jugement n° 1400202 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 26 août 2016, le 26 octobre 2016, le 14 février 2017 et le 25 avril 2017, M. et MmeF..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 30 juin 2016 ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge du département de la Creuse une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la suppression de leur compte des parcelles AT n° 1 et AT n° 27 qui constituent la meilleure partie de leur exploitation méconnaît les dispositions des articles L. 123-3 et

L. 123-4 du code rural dès lors qu'ils ont reçu en contrepartie des parcelles à proximité du lieudit " les Ribières " marécageuses, en nature de taillis, et des parcelles à proximité du lieudit " Les Rivaux " mal tenues ou très enrochées ; cette situation est de nature à mettre en péril la pérennité de l'exploitation et engendre une perte de sa valeur ;

- la décision méconnaît l'article L. 123-1 du code rural dès lors que l'opération aboutit à l'enclavement d'une de leurs parcelles AX n° 3 et n°4 située au lieudit " Les Côtes " et rend plus difficile l'accès à d'autres parcelles ; aucune communication n'est praticable entre la partie haute et la partie basse de certaines parcelles (Zx 47) ;

- le compte de propriété n'est pas équilibré, une grande partie des terres de première catégorie ayant été enlevées au profit de l'attribution de terres de seconde catégorie, même plus nombreuses ; en contrepartie de la parcelle AT n°1 qui comportait de la T01, aucune terre de cette catégorie ne leur a été attribuée en retour ; cette situation aggrave les conditions d'exploitation de leurs terres ; la nouvelle parcelle " Les Rivaux " ne forme pas un ensemble cohérent du fait de sa construction en deux îlots ;

- il n'y a aucune cohérence entre les parcelles retirées et les parcelles attribuées en matière de parcelles boisées ;

- ils ont droit à la réattribution des parcelles AT n° 1, AT n° 27, AY n°8 et

AY n° 9 en application de l'article L. 121-3 du code rural.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2017, le ministre de l'agriculture de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les attributions du compte de propriété des requérants ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 123-4 du code rural dans sa version applicable dès lors que la limite de tolérance de 1 % entre la valeur des apports réduits et des attributions est respectée et que la limite de 10 % entre les surfaces attribuées et celles apportées n'est pas dépassée ;

- la circonstance que les requérants ont perdu des parcelles classées en catégorie T1 ne suffit pas à démontrer que la règle d'équivalence prescrite à l'article L. 123-4 du code rural aurait été méconnue dès lors que le respect de cette règle s'apprécie globalement au vu de l'ensemble des apports et attributions réalisés et non au niveau de chaque parcelle ;

- ils ne démontrent pas en quoi la réattribution des parcelles AT n° 1 et n°27 et AY n° 8 et 9 est nécessaire à la pérennisation de leur exploitation ;

- les parcelles concernées ne peuvent être qualifiées d'immeuble à utilisation spéciale au sens de l'article L. 123-3 du code rural dont les requérants ne peuvent dès lors se prévaloir ;

- l'aggravation de leurs conditions d'exploitation au sens de l'article L. 123-1 du code rural n'est pas démontrée ; la perte des parcelles AT n°1 et 27 ne saurait à elle-seule aggraver leur situation ; les 30 îlots apportés ont été regroupés en 8 îlots avec une distance moyenne pondérée par rapport au centre de l'exploitation ramenée de 631 à 448 mètres ; la perte de quatre parcelles compte tenu du bon regroupement de parcelle ne caractérise pas une aggravation de leur situation :

- l'enclavement des parcelles AX n° 3 et 4 n'est pas établi ; au demeurant le seul isolement d'une parcelle ne caractérise pas une aggravation de leur situation ;

- la difficulté de desserte du nouveau parcellaire ou la traversée d'une route ne caractérisent pas une aggravation des conditions d'exploitation ;

Par ordonnance du 25 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 31 mai 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural ;

- la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public ;

- et les observations de Me D...représentant M. et MmeF....

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Creuse a ordonné par un arrêté du 15 décembre 2000 une procédure d'aménagement foncier agricole et forestier sur le territoire de la commune de

Moutier-Rozeille. M. A...F...et Mme E...F..., respectivement nu-propriétaire et usufruitière de parcelles de terrains incluses dans le périmètre de l'opération, ont présenté une réclamation auprès de la commission départementale d'aménagement foncier de la Creuse à l'encontre de cette opération pour ce qui concerne leur compte de propriété n° 2880 (ancien compte n° 5740).

2. Par décision du 16 octobre 2013, la commission départementale a rejeté leur réclamation. Les requérants relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

3. En l'absence de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé, le moyen relatif à l'insuffisante motivation du jugement doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'aggravation des conditions d'exploitation :

4. Aux termes de l'article L. 123-1 du code rural dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le remembrement, applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. / Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis. Il doit également avoir pour objet l'aménagement rural du périmètre dans lequel il est mis en oeuvre. / Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre d'exploitation principale, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire ".

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue des opérations de remembrement,

M. F...et Mme F...ont bénéficié d'un regroupement parcellaire de trente en huit îlots dont la distance moyenne pondérée par rapport au centre de l'exploitation a été ramenée de 631 mètres à 448 mètres. Ainsi les seules circonstances que quatre des parcelles apportées par les requérants, cadastrées section AT N° 1 et 27 et section AY N° 8 et 9, qui ne leur ont pas été réattribuées étaient de grande qualité et bénéficiaient d'une bonne desserte par des voies publiques ne traduisent pas à elles seules une aggravation de leur condition d'exploitation.

6. Il ressort encore des pièces du dossier que contrairement à ce que les requérants soutiennent, la commission départementale a relevé que le projet n'avait pas fait disparaître le chemin public d'accès aux parcelles cadastrées section AX nos 3 et 4. A cet égard, ni l'expertise dont les requérants font état, établie à leur demande sur la base des seuls documents qu'ils ont produits et d'une visite des lieux, ni les photographies des parcelles produites ne permettent de contredire la commission.

7. Par ailleurs, si les requérants soutiennent que les parcelles attribuées situées à proximité du lieudit " les Ribières " sont marécageuses, en nature de taillis, et que celles situées à proximité du lieudit " Les Rivaux " sont mal tenues ou très enrochées et présentent une forte déclivité, l'expertise susmentionnée qui se borne à des affirmations très peu circonstanciées ne permet pas à elle-seule de le tenir pour établi.

8. Enfin, les requérants font valoir qu'une partie des parcelles attribuées présenterait des difficultés de desserte du fait de la traversée d'une route départementale et de son éloignement. Toutefois, alors qu'ainsi qu'il a été dit, les opérations de remembrement ont permis de réduire la distance moyenne pondérée par rapport au centre de l'exploitation des requérants, cette circonstance ne permet pas de caractériser une aggravation des conditions d'exploitation. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L. 123-1 du code rural doit être écarté.

En ce qui concerne la règle de l'équilibre en valeur de productivité réelle :

9. Aux termes de l'article L. 123-4 du code rural dans sa version applicable aux faits de l'espèce : " Chaque propriétaire doit recevoir, par la nouvelle distribution, une superficie globale équivalente, en valeur de productivité réelle, à celle des terrains qu'il a apportés, déduction faite de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs mentionnés à l'article L. 123-8 et compte tenu des servitudes maintenues ou créées (...) Sauf accord exprès des intéressés, l'équivalence en valeur de productivité réelle doit, en outre, être assurée par la commission communale dans chacune des natures de culture qu'elle aura déterminées. Il peut toutefois être dérogé, dans les limites qu'aura fixées la commission départementale pour chaque région agricole du département, à l'obligation d'assurer l'équivalence par nature de culture. La commission départementale détermine, à cet effet : 1° Après avis de la chambre d'agriculture, des tolérances exprimées en pourcentage des apports de chaque propriétaire dans les différentes natures de culture et ne pouvant excéder 20 p. 100 de la valeur des apports d'un même propriétaire dans chacune d'elles ; 2° La surface au-dessous de laquelle les apports d'un propriétaire pourront être compensés par des attributions dans une nature de culture différente ; cette surface ne peut excéder 80 ares (...) Le paiement d'une soulte en espèces est autorisé lorsqu'il y a lieu d'indemniser le propriétaire du terrain cédé des plus-values transitoires qui s'y trouvent incorporées et qui sont définies par la commission (...) Le paiement de soultes en espèces est également autorisé lorsqu'il y a lieu d'indemniser les propriétaires de terrains cédés des plus-values à caractère permanent (...) " . En application de ces dispositions, la commission départementale d'aménagement foncier de la Creuse a fixé à 20 % la tolérance prévue au 1°) des dispositions précitées et à 80 ares le seuil prévu au

2°) de ces dispositions.

10. Ces dispositions ne garantissent pas aux propriétaires ni une égalité absolue entre la surface qui leur est attribuée et celle de leurs apports, ni une équivalence parcelle par parcelle ou classe par classe entre ces terres. Les commissions d'aménagement foncier sont seulement tenues d'attribuer des lots équivalents en valeur de productivité réelle aux apports de chaque propriétaire après déduction de la surface nécessaire aux ouvrages collectifs. Enfin, l'équivalence entre apports et attributions que les commissions de remembrement rural sont tenues d'assurer rural doit être appréciée, compte par compte, en valeur de productivité réelle des sols, indépendamment de la valeur vénale, locative ou cadastrale.

11. M. F...et Mme F...ont obtenu en échange d'apports réduits d'une superficie totale de 29 ha 31 a 33 ca valant 924 190 points, des parcelles d'une superficie totale de 31 ha 59 a 29 ca valant 974 745 points soit un écart constaté de culture de 0,98 % en surface et de 0,12 % en valeur. Ainsi, la limite de tolérance de 1 % entre la valeur des apports réduits et des attributions est respectée et la limite de 10 % entre les surfaces attribuées et celles apportées n'est pas dépassée.

12. La circonstance que les parcelles, cadastrées section AT nos 1 et 27 et section

AY nos 8 et 9, ont été apportées par les requérants et ne leur ont pas été réattribuées alors qu'elles étaient de bonne qualité et bénéficiaient d'une bonne desserte par des voies publiques ne suffit pas par elle-même à traduire une méconnaissance de la règle d'équilibre prévue par l'article L. 123-4 précité du code rural.

13. Par ailleurs ainsi qu'il a été dit précédemment l'enclavement des parcelles

AX n° 3 et 4 dont les requérants se prévalent n'est pas établi et la compensation de l'apport de terres classées en première classe par l'attribution de terres en partie classées en deuxième classe, ne démontre pas davantage un grave déséquilibre.

14. Si les requérants soutiennent qu'il existe un manque de " cohérence " entre leurs apports et leurs attributions " en matière de parcelles boisées ", ils n'assortissent pas ce moyen de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la superficie des apports en bois des requérants excèderait de plus de 80 ares celle de leurs attributions dans la même nature de culture et que la valeur de ces apports en bois excèderait de plus de 20 % celle de leurs attributions dans cette même nature de culture et, d'autre part, il n'est pas contesté qu'une soulte de 4 653 euros a été allouée à M. F...et Mme F...en indemnisation d'une perte en valeur des peuplements des parcelles boisées apportées. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article L. 123-4 du code rural doit être écarté.

En ce qui concerne la demande de réattribution de parcelles :

15. Aux termes de l'article L. 123-3 du code rural dans sa rédaction alors applicable : " Doivent être réattribués à leurs propriétaires, sauf accord contraire, et ne subir que les modifications de limites indispensables à l'aménagement : 1° Les terrains clos de murs qui ne sont pas en état d'abandon caractérisé ; 2° Les immeubles où se trouvent des sources d'eau minérale, en tant qu'ils sont nécessaires à l'utilisation convenable de ces sources ; 3° Les mines et les carrières dont l'exploitation est autorisée au sens du code minier, ainsi que les terrains destinés à l'extraction des substances minérales sur lesquels un exploitant de carrières peut se prévaloir d'un titre de propriété ou d'un droit de foretage enregistré depuis au moins deux ans à la date de la décision préfectorale fixant le périmètre, prise dans les conditions de l'article L. 121-14 ; 4° Les immeubles présentant, à la date de l'arrêté fixant le périmètre de remembrement, les caractéristiques d'un terrain à bâtir au sens du 1° du paragraphe II de l'article L. 13-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; 5° De façon générale, les immeubles dont les propriétaires ne peuvent bénéficier de l'opération de remembrement, en raison de l'utilisation spéciale desdits immeubles ".

16. Dès lors que les seules circonstances alléguées par les requérants selon lesquelles les parcelles qu'ils ont apporté anciennement cadastrées section AT nos 1 et 27 et section

AY nos 8 et 9 constitueraient les meilleures terres culturales de leur exploitation et que les parcelles cadastrées section AY nos 8 et 9 disposeraient d'un accès privilégié sur des voies publiques ne sont pas au nombre des motifs mentionnés par les dispositions précitées de l'article L. 123-3 du code rural ouvrant droit à la réattribution de ces parcelles.

17. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 16 octobre 2013.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demandent M. et Mme F...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F..., Mme E...F...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera délivrée au préfet de la Creuse.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2018.

Le rapporteur,

Caroline Gaillard

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence DeligeyLa République mande et ordonne ministre de l'agriculture de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 16BX02925


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