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22/06/2018 | FRANCE | N°16BX01303

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 22 juin 2018, 16BX01303


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cosmetic Distribution a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1400652 du 11 février 2016, le tribunal administratif de la Martinique a substitué à la pénalité au taux de 80 % dont les suppléments d'impôt sur les sociétés ont été assortis celle au taux de 40 % pr

évue par l'article 1729 du code général des impôts et a rejeté le surplus de la demande.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cosmetic Distribution a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1400652 du 11 février 2016, le tribunal administratif de la Martinique a substitué à la pénalité au taux de 80 % dont les suppléments d'impôt sur les sociétés ont été assortis celle au taux de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2016, la société Cosmetic Distribution, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 11 février 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande et de prononcer la décharge des impositions et pénalités restant en litige ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été privée de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le

vérificateur ; l'obtention de nouvelle pièce concernant la société Hair Solutions International a permis au vérificateur de constater que ladite société avait pour dirigeant M. A...et non

Mme B...aurait nécessité la réouverture d'un débat oral qui aurait permis d'éviter la confusion faite par l'administration entre les fonctions de " chief executive officer " (OCE) et celles de " manager " ; la convention conclue entre la société contrôlée et la société Hair Solutions n'aurait ensuite pas été écartée par l'administration ;

- elle a été privée de la possibilité d'être entendue devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CDI) ; elle n'a pas pu être avisée de la convocation qui lui a été adressée par le secrétariat de la CDI compte tenu de dysfonctionnements des services postaux (constat d'huissier produit, PJ 64) ; cette absence de convocation constitue une erreur substantielle de nature à accorder la décharge des impositions en litige en vertu de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales et du principe du respect des droits de la défense ;

- elle remplit les conditions pour bénéficier de l'abattement prévu par les dispositions de l'article 44 octies du code général des impôts, dès lors notamment que ces dispositions ne sont pas réservées aux activités de bureaux ;

- les provisions constituées pour créances douteuses sont justifiées ;

- les prestations facturées par la société Hair Solutions International sont également justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la société ne présente aucun moyen à l'encontre de l'amende de 100 % qui lui a été infligée de sorte que les conclusions tendant à la décharge totale des impositions et pénalités sont irrecevables dans cette mesure ;

- le litige est donc limité à la somme de 361 228 euros représentant les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société Cosmetic Distribution portant sur la période du 1er janvier 2006 au 8 janvier 2008, l'administration fiscale a, d'une part, remis en cause l'exonération instituée par l'article 44 octies du code général des impôts et, d'autre part, réintégré aux résultats imposables des provisions sur des comptes clients et des charges correspondant à des prestations réalisées par la société Hair Solutions International. Des cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés en ont résulté au titre des années 2007 et 2008, assorties de pénalités au taux de 80 % prévu par l'article 1729 du code général des impôts en cas de manoeuvres frauduleuses. La société Cosmetic Distribution interjette appel du jugement du 11 février 2016 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a seulement réduit le taux des pénalités qui lui ont été infligées et a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Lorsqu'après la fin des opérations de contrôle sur place, le vérificateur obtient des pièces nouvelles, celles-ci sont présumées ne pas avoir fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sauf preuve contraire rapportée par l'administration. L'absence de débat, dans une telle hypothèse, n'est en principe pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, sauf s'il apparaît que les pièces recueillies après la fin des opérations de vérification, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise.

3. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité s'est déroulée dans les locaux de la société Cosmetic Distribution, et l'administration indique sans être contredite les dates de sept réunions sur place que le vérificateur a tenues au cours des opérations, dont quatre en présence du cogérant, M.B.... La société appelante soutient en appel, comme elle le faisait en première instance, que le service a obtenu de nouvelles pièces concernant la société Hair Solutions International qui auraient dû être soumises à un débat oral et contradictoire. Il résulte cependant de l'instruction que le service a seulement consulté un site internet afin d'identifier cette société, et il est de plus constant que cette consultation a eu lieu le 18 novembre 2009, soit au cours de la vérification. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal, le moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

4. Par ailleurs, la société soutient qu'elle n'a pas été régulièrement convoquée à la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (CDI) au cours de laquelle le désaccord l'opposant à l'administration fiscale allait être examiné et n'a pas ainsi pu présenter des observations. A l'appui de ce moyen, la société Cosmetic Distribution produit en appel une pièce attestant de dysfonctionnements des services postaux et de la distribution tardive du courrier, en particulier entre les mois de janvier et de mai 2011. Il résulte cependant de l'instruction que l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2008 a été rectifié selon la procédure de la taxation d'office et, par suite, ce moyen est inopérant à l'encontre des rectifications opérées au titre de cette année d'imposition. Par ailleurs, il résulte également de l'instruction que par courrier du 3 octobre 2011 adressé en lettre recommandée avec avis de réception, la convocation de la société pour une séance de la CDI prévue le

23 novembre 2011 a été adressée par le secrétariat de la commission à l'adresse du siège social de la société le 4 octobre 2011 et a été retourné au service avec la mention " non réclamé "

le 25 octobre 2011. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 44 octies du code général des impôts applicables aux faits du litige : " I Les contribuables qui exercent ou créent des activités avant le 31 décembre 2001 dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 modifié de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et dont la liste figure au I de l'annexe à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville-, sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de la délimitation de la zone pour les contribuables qui y exercent déjà leur activité ou, dans le cas contraire, celui de leur début d'activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération. (...) ".

6. La société Cosmetic Distribution soutient en appel, comme elle le faisait en première instance, sans faire valoir d'éléments nouveaux, qu'elle est fondée à bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions suscitées à raison de son activité exercée dans la zone de Dillon à Fort-de-France. Il y a lieu, d'écarter la contestation relative à la remise en cause, par l'administration, du bénéfice de l'exonération instituée par l'article 44 octies du code général des impôts au titre des années en litige, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

7. En deuxième lieu, il appartient au contribuable qui constitue une provision pour créance douteuse de justifier de l'existence, à la date de constitution de cette provision, du risque de non-recouvrement de la créance et du caractère probable de la survenance de ce risque. La société Cosmetic Distribution ne produit pas davantage en appel qu'elle ne le faisait en première instance d'éléments permettant de justifier des provisions en litige. Sa contestation sur ce point ne peut donc qu'être rejetée.

8. En troisième et dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

9. Le service vérificateur a constaté que la société appelante avait comptabilisé en charges, au titre des exercices clos en 2007 et 2008, des prestations facturées par la société Hair Solutions International pour des montants respectifs de 353 275 euros et de 307 488 euros. Les prestations concerneraient des actions de représentation, des prestations de gestion et des commissions sur ventes, ou encore des opérations de consolidation de containers et de fret terrestre. A la suite des demandes de précisions de la part du service, la société a présenté au vérificateur une convention conclue avec la société Hair Solutions International, représentée par MmeB..., mentionnant que cette société lui fournissait des prestations de gestion et achetait pour son compte des produits sur le marché américain qu'elle lui expédiait à la Martinique.

10. L'appelante souligne que Mme B...a pour nom d'épouse

MmeA..., ce qui aurait induit en erreur l'administration sur l'habilitation de cette dernière à représenter la société Hair Solutions International dont elle est l'unique dirigeante, lors de la conclusion de cette convention produite en cours de vérification.

11. Mais à supposer même que la convention conclue entre la société appelante et la société Hair Solutions International puisse établir une coopération commerciale entre les deux sociétés, elle ne suffit pas à justifier la nature des prestations fournies par cette société à l'appelante et facturées 20 000 euros par mois en 2007 pour des frais de gestion et de développement, alors que, comme le service l'a constaté sans être contredit, la société Cosmetic Distribution employait, sur la même période, un cadre administratif et financier ainsi qu'une secrétaire polyvalente.

12. En outre, s'il résulte de l'instruction que des relations commerciales existaient entre la société Hair Solutions International et son distributeur, la société Luster Products, les sommes que la société Cosmetic Distribution a inscrites en charge au titre des fournitures livrées par la société Hair Solutions International, durant les exercices clos 2007 et 2008, ne sont pas davantage justifiées.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Cosmetic Distribution n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté le surplus de sa demande en décharge.

14. Par suite, les conclusions de la société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Cosmetic Distribution est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cosmetic Distribution et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2018 à laquelle siégeaient :

Philippe Pouzoulet, président,

Marianne Pouget, président-assesseur,

Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 juin 2018.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 16BX01303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01303
Date de la décision : 22/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : FRADIN DE BELLABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-22;16bx01303 ?
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