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12/06/2018 | FRANCE | N°16BX01553

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 12 juin 2018, 16BX01553


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Will Holding a demandé le 27 mai 2014 au tribunal administratif de Bordeaux la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice du 1er janvier 2009 au 30 novembre 2010 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1402174 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mai 2016 et le 14 février 2017, la socié

té Will Holding, représentée par le cabinet TAJ, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Will Holding a demandé le 27 mai 2014 au tribunal administratif de Bordeaux la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice du 1er janvier 2009 au 30 novembre 2010 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1402174 du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mai 2016 et le 14 février 2017, la société Will Holding, représentée par le cabinet TAJ, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 mars 2016 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition et des pénalités susmentionnés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'indemnité de droit d'entrée de 300 000 euros ne constitue pas un supplément de loyer imposable dès lors qu'elle est la contrepartie de la dépréciation de l'immeuble ainsi que l'indique l'article 25 du bail commercial du 4 septembre 2009 ;

- le loyer de l'immeuble qui est supérieur au niveau du marché de l'immobilier n'est pas anormalement bas ;

- le droit d'entrée est la contrepartie de l'abandon d'un élément de patrimoine et de la dépréciation de l'immeuble ; le renoncement par la SCI 29 Porte Dijeaux de faire exécuter l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en ce qu'il prononce l'expulsion de la société Réseau club Bouygues télécom constitue l'abandon d'un élément de son patrimoine ;

- il est en outre la contrepartie de la dépréciation de la valeur vénale de l'immeuble dès lors que le litige qui a opposé pendant 5 ans la SCI Porte Dijeaux et le locataire l'a empêchée de disposer librement de l'immeuble entraînant une dépréciation de sa valeur ;

- le rapport entre le prix d'acquisition de l'immeuble de 500 000 euros et l'indemnité versée de 300 000 euros démontre qu'il ne peut s'agir d'un supplément de loyer.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 novembre 2016 et le 4 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 8 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mai 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;

- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Will Holding est l'un des associés de la SCI 29 Porte Dijeaux qui exploite une activité de location de terrains et autres biens immobiliers. Le capital de la SCI est partagé entre M. A...B..., son épouse, tous deux co-gérants, et la SARL Will Holding. Le 4 septembre 2009, la SCI 29 Porte Dijeaux a conclu avec la société Réseau Clubs Bouygues Télécom (RCBT) un bail commercial portant sur un local à usage commercial situé 29 rue Porte Dijeaux à Bordeaux, moyennant un loyer annuel de 45 000 euros et le paiement d'un droit d'entrée de 300 000 euros hors taxe. A la suite d'une vérification de comptabilité de la SCI 29 Porte Dijeaux, l'administration a regardé le droit d'entrée de 300 000 euros comme un supplément de loyer imposable dans la catégorie des revenus fonciers et l'a réintégré dans les résultats de la société pour l'année 2009. A l'issue d'un contrôle sur pièces, le service a en conséquence notifié à la SARL Will Holding, en sa qualité d'unique détentrice de l'usufruit de la SCI 29 Porte Dijeaux, et en application de l'article 218 bis du code général des impôts, un supplément d'impôt sur les sociétés correspondant au rehaussement des bénéfices ainsi réalisés par la SCI au cours de la période du 1er janvier 2009 au 30 novembre 2010. La société Will Holding relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge de ce supplément d'imposition et des pénalités y afférentes.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Le droit d'entrée perçu par le bailleur doit être, en principe, regardé comme un supplément de loyer. Il ne peut en aller autrement que si, dans les circonstances particulières de l'espèce, il apparaît, d'une part, que le loyer n'est pas anormalement bas et, d'autre part, que le droit d'entrée constitue la contrepartie d'une dépréciation du patrimoine du bailleur ou de la cession d'un élément d'actif. La seule circonstance que le bail commercial se traduise, pour le preneur, par la création d'un élément d'actif nouveau, compte tenu du droit au renouvellement du bail que celui-ci acquiert, ne suffit pas pour caractériser une dépréciation du patrimoine du bailleur ou une cession d'actif de sa part.

3. Il résulte de l'instruction que la SCI 29 Porte Dijeaux a acquis l'immeuble en litige en 2005 alors que celui-ci avait été donné à bail commercial, en dernier lieu, à la société Bouygues Telecom qui en a fait apport à sa filiale (RCBT), pour exploiter une activité de téléphonie. A la suite d'un désaccord sur l'opposabilité de cet apport en société à la SCI 29 Porte Dijeaux, nouveau propriétaire, cette dernière a saisi le juge du contrat. Le 2 juin 2009, la cour d'appel de Bordeaux a jugé que la société RCBT était occupant sans titre des locaux du fait que l'apport du bail dont elle avait bénéficié était inopposable à la SCI 29 Porte Dijeaux, que la société RCBT devait libérer les lieux et qu'elle devait verser à la SCI une indemnité mensuelle d'occupation de 2 500 euros à compter du

2 novembre 2005.

4. Une transaction a néanmoins été conclue le 4 septembre 2009 entre la

SCI 29 Porte Dijeaux et la société RCBT en vertu de laquelle la SCI renonçait à la libération des lieux par l'occupant et concluait le même jour avec ce dernier un nouveau bail stipulant un loyer annuel de 45 000 euros et, à l'article 25, un droit d'entrée de 300 000 euros

" en contrepartie de la dépréciation de l'immeuble due à la propriété commerciale conférée au locataire ".

5. En premier lieu, ni la qualification retenue par les parties à l'article 25 du bail commercial s'agissant de la somme en litige de 300 000 euros, ni le montant du droit d'entrée de 300 000 euros, ni le fait que le paiement de cette somme n'a pas été fractionné ne sauraient déterminer sa qualification au sens et pour l'application de la loi fiscale.

6. En deuxième lieu, il n'a pas été contesté par l'administration que le loyer de l'immeuble fixé dans le bail du 4 septembre 2009 n'était pas anormalement bas. Mais cette seule circonstance ne suffit pas à dénier à la somme en litige la qualification de supplément de loyer.

7. En troisième lieu, ainsi que le fait valoir l'administration, le droit d'entrée en litige ne peut pas être regardé comme la contrepartie d'une renonciation par la SCI 29 Porte Dijeaux à un quelconque élément d'actif : en effet, la SCI ne détenait aucun élément d'actif incorporel qui puisse être distingué de la propriété de l'immeuble et, sans d'ailleurs renoncer au paiement de l'indemnité fixée par la cour d'appel de Bordeaux pour l'occupation des locaux sans titre par la société RCBT à compter de novembre 2005, elle a immédiatement accepté de conclure, le même jour que la transaction mettant un terme au litige avec cette société, la reconduction de l'occupation des lieux par cette dernière en vertu d'un nouveau bail.

8. En quatrième lieu, comme le relève encore l'administration, le bail commercial conclu le 4 septembre 2009 pour une durée de neuf ans entre la SCI 29 Porte Dijeaux et la société RCBT n'entraîne aucune dépréciation de la valeur du local loué, alors même que la location créerait au profit du preneur un élément d'actif nouveau représenté par le droit au renouvellement du bail. Le bail ne met pas à la charge du bailleur de contrainte supplémentaire par rapport au droit commun de la législation sur les baux commerciaux ni n'entraîne une limitation particulière du droit de propriété du bailleur qui serait constitutive d'une perte en capital. Et la dépréciation de la valeur de l'immeuble en raison du contentieux qui a perduré de 2005 à 2009 entre la SCI 29 Porte Dijeaux et la société RCBT n'est nullement établie eu égard à la localisation de l'immeuble qui, au contraire, se prête particulièrement à une exploitation commerciale.

9. En dernier lieu, l'administration fait valoir à juste titre que le complément de

300 000 euros dû par la société RCBT à la conclusion du nouveau bail n'est pas excessif compte tenu de l'intérêt pour cette société de conserver un local commercial exploité de longue date sous l'enseigne Bouygues Telecom et situé au coeur de la zone de chalandise centrale de Bordeaux.

10. Dans ces conditions, l'administration établit que la somme susmentionnée de

300 000 euros ne saurait être regardée comme compensant la perte d'un élément d'actif ou une dépréciation de la valeur de l'immeuble. Elle constituait, dès lors, en application des dispositions du 1 de l'article 38 du code général des impôts aux termes duquel " le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises ", une recette d'exploitation assimilable au loyer de l'immeuble loué par la SCI 29 Porte Dijeaux. Et c'est par suite à bon droit que l'administration a compris cette somme dans les bases d'imposition de la société Will Holding à l'impôt sur les sociétés, au titre des bénéfices de cette dernière correspondant aux droits d'usufruit qu'elle détenait dans la SCI.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Will Holding n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société Will Holding la somme qu'elle réclame sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Will Holding est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Will Holding et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée à la direction spécialisée de contrôle fiscal

sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2018.

Le rapporteur,

Caroline Gaillard

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 16BX01553


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01553
Date de la décision : 12/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-02-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-12;16bx01553 ?
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