Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA Leroy Merlin France a demandé au tribunal administratif de Limoges la réduction à hauteur de 35 768 euros du montant de la taxe sur les surfaces commerciales dont elle s'est acquittée, à raison de son établissement de Châteauroux (Indre), au titre des années 2010, 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1400518 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 8 avril 2016, 9 juin 2016 et 10 février 2017, la SA Leroy Merlin France, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 11 février 2016
2°) de prononcer la réduction de la taxe contestée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en limitant le bénéfice de la réduction de 30 % du taux de la taxe sur les surfaces commerciales aux seuls professionnels exerçant une activité de vente exclusive de certaines marchandises, les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 ont ajouté une condition non prévue par les dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972, lesquelles subordonnent l'application de ce taux aux professions dont l'exercice requiert des surfaces de vente anormalement élevées, sans opérer de distinction sur la nature de l'activité et sans aucune référence à la notion de vente exclusive ; la cour administrative d'appel de Nancy s'est prononcée en ce sens par une décision 15NC00083 du 24 mars 2016 concernant son établissement de Besançon ;
- la modification de la loi du 13 juillet 1972 par la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, certes inapplicable en l'espèce, démontre que le législateur est seul compétent pour délimiter le champ d'application de la réduction du taux de la taxe sur les surfaces commerciales, le pouvoir réglementaire ne pouvant qu'en fixer le montant ;
- il existe une difficulté d'interprétation de la loi ainsi qu'en attestent les dégrèvements qu'elle a obtenus pour certains de ses établissements, portant atteinte au principe de sécurité juridique ;
- en tout état de cause, dans son établissement situé à Châteauroux, elle exerce à titre principal une activité de vente de matériaux de construction et de meubles meublants lui ouvrant droit au bénéfice de la réduction de 30 % du taux de la taxe sur les surfaces commerciales prévue par les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 ; le petit matériel, qui ne pourrait recevoir ni la qualification de matériaux de construction ni celle de meubles meublants, occupe une surface moindre ; ainsi, la part des surfaces dédiée à la vente de matériaux de construction et meubles meublants représente 70,3 % des surfaces closes et couvertes retenues pour le calcul de la taxe ;
- à supposer que la condition de vente à titre exclusif soit requise, elle remplit cette condition, les ventes d'accessoires étant liées à son activité principale de vente de matériaux de construction ;
- dans le cas voisin des concessions automobiles, l'administration a admis, dans un rescrit n° 2012/34 du 15 mai 2012 que la vente d'accessoires et de pièces détachées ne fait pas perdre au concessionnaire le bénéfice de la réduction de 30% ; elle se prévaut du principe qui fonde cette décision.
Par des mémoires en défense, enregistré le 30 septembre 2016 et le 6 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SA Leroy Merlin France ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 modifiée ;
- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme (SA) Leroy Merlin France relève appel du jugement du
11 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la réduction, à hauteur de 35 768 euros, de la taxe sur les surfaces commerciales mise à sa charge au titre des années 2010 à 2012 à raison du magasin qu'elle exploite à Châteauroux.
Sur la compétence de la cour :
2. En vertu de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, lorsqu'une cour administrative d'appel est saisie de conclusions qu'elle estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, le dossier doit être transmis au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire.
3. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale (...).". Pour l'application de ces dispositions, doit être regardé comme un impôt local tout impôt dont le produit, pour l'année d'imposition en cause, est majoritairement affecté aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics qui en dépendent.
4. La taxe sur les surfaces commerciales due au titre des années d'imposition 2011 et suivantes constitue, du fait de son affectation aux communes et établissements publics de coopération intercommunale, un impôt local au sens du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Il en résulte que les jugements ou ordonnances afférents aux demandes tendant à la décharge de cette taxe, rendus en premier et dernier ressort, ne peuvent faire l'objet d'un appel, mais seulement donner lieu à pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.
5. En conséquence, les conclusions de la SA Leroy Merlin dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la réduction de la taxe en litige mise à sa charge au titre des années 2011 et 2012 ressortissent à la compétence du Conseil d'Etat, auquel il y a lieu de les transmettre.
Sur le bien fondé de l'imposition en litige devant la cour :
6. Aux termes de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972, dans sa rédaction applicable : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. (...) / Un décret prévoira, par rapport aux taux ci-dessus, des réductions pour les professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret n° 95-85 du 26 janvier 1995, dans sa rédaction applicable : " A.- La réduction de taux prévue au dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 susvisée en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées est fixée à 30 p. 100 en ce qui concerne la vente exclusive des marchandises énumérées ci-après : - meubles meublants ; (...) - matériaux de construction. (...) ".
7. En premier lieu, en ayant fixé la réduction de taux prévue par la loi à 30 % et précisé que cette réduction bénéficierait aux surfaces commerciales consacrées à la " vente exclusive " de certaines marchandises, notamment de meubles meublants et de matériaux de construction, les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 n'ont pas méconnu les limites de l'habilitation donnée par l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 en en restreignant la portée. Ainsi que le corroborent les travaux parlementaires, le législateur a modifié ultérieurement ces dernières dispositions en vue d'élargir le bénéfice de la réduction du taux de la taxe qu'elles prévoient aux entreprises dont l'activité " à titre principal " requiert des surfaces de vente anormalement élevées. Cette modification est sans incidence sur la légalité des dispositions du décret pris sur la base d'une habilitation antérieure qui ne prévoyait pas cette extension.
8. En deuxième lieu, il est constant que la SA Leroy Merlin France commercialise, au sein de son établissement situé à Châteauroux, outre des matériaux de construction et des meubles meublants, des articles de jardinage, de quincaillerie, d'outillage, de décoration, d'équipements sanitaires, d'électricité, de plomberie et de droguerie. Contrairement à ce qu'elle soutient, ces articles ne constituent pas tous de simples accessoires à des matériaux de construction. Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que l'activité de l'établissement situé à Châteauroux consistait en la vente exclusive de matériaux de construction et de meubles meublants. Dès lors, elle n'entre pas dans le champ de la réduction de 30 % de la taxe sur les surfaces commerciales prévue par les dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 et du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995.
9. En troisième lieu, l'interprétation de la loi par l'administration étant d'application stricte, la société n'est pas fondée à se prévaloir d'un principe de portée générale sur lequel se fonderait la règle énoncée dans le rescrit n° 2012/34 du 15 mai 2012 selon laquelle, en matière de vente de véhicules automobiles, la vente d'accessoires et de pièces détachées ne fait pas perdre au concessionnaire le bénéfice de la réduction de 30 % qui lui a été refusée.
10. Enfin, les décisions de dégrèvement prononcées par l'administration au profit d'établissements autres que celui exploité par la société requérante à Châteauroux ne sont pas motivées. Dans ces conditions, et à supposer même que le respect du principe de sécurité juridique implique que l'administration ne revienne pas sur une position antérieurement prise, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de ces décisions au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance de ce principe.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Leroy Merlin France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses conclusions à fin de réduction de la taxe sur les surfaces commerciales qu'elle a acquittée au titre de l'année 2010.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Leroy Merlin France de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : Les conclusions de la société Leroy Merlin France tendant à la réduction de la taxe sur les surfaces commerciales qu'elle a acquittée au titre des années 2011 et 2012 à raison de son établissement de Châteauroux sont transmises au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Leroy Merlin France est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à la société Leroy Merlin France et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience publique du 25 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 juin 2018.
Le rapporteur,
Marianne Pouget
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01209