Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision du 31 juillet 2014 par laquelle le directeur de la maison d'arrêt de Majicavo a refusé le versement d'une majoration de traitement.
Par un jugement n° 1400629 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté la demande de M.A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2016, M. A...demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 31 mars 2016 ;
2°) d'annuler la décision précitée du 31 juillet 2014 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme due, augmentée des intérêts de droit à compter de la réception de sa demande tendant au versement de la majoration de traitement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 100 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- par un arrêt du 23 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé un jugement du tribunal administratif de Mayotte du 29 décembre 2014 ayant annulé la décision implicite par laquelle le préfet de Mayotte avait refusé le bénéfice de la majoration de traitement à un agent de la police nationale affecté à Mayotte avant le 1er janvier 2014 ; le tribunal administratif en avait donc connaissance à la date du jugement attaqué ;
- le tribunal administratif a dénaturé son mémoire ampliatif du 8 janvier 2016 par lequel il démontrait qu'il percevait la majoration de traitement en 2014 et 2015 ;
- il aurait donc dû continuer à en bénéficier, d'autant plus qu'il s'agissait d'une décision créatrice de droits, qui ne pouvait être retirée que dans un délai de quatre mois ;
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit au regard de l'article 1 du décret n° 2014-730 du 27 juin 2014 modifiant le décret n° 2013-965 du 28 octobre 2013 portant application de l'indemnité de sujétion géographique aux fonctionnaires de l'Etat titulaires et stagiaires et aux magistrats affectés à Mayotte ;
- en vertu de l'article 1er de la loi n° 50-772 du 30 juin 1950 qui fixe les soldes et indemnités des fonctionnaires civils et militaires, il peut prétendre à cette majoration de traitement, quand bien même Mayotte est devenu un département, car il s'agit toujours de l'outre-mer ;
- le refus d'attribution contesté créé une rupture d'égalité entre les fonctionnaires de mêmes grade et échelon ;
- le jugement attaqué est donc entaché d'erreur de droit comme d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions en injonction, présentées pour la première fois en appel, ne sont pas recevables ;
- les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés ; en particulier, M.A..., affecté à Mayotte à compter du 16 avril 2012, a déjà bénéficié de l'indemnité d'éloignement, dont la dernière fraction lui a été versée en 2016 ; quant au moyen tiré de l'illégalité d'un retrait d'une décision créatrice de droits, il est inopérant en l'espèce, la décision attaquée n'ayant pas d'autre effet que de refuser le versement de la majoration.
Par une ordonnance en date du 12 avril 2017, la clôture de l'instruction a été reportée au 12 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 50-772 du 30 juin 1950, modifiée, fixant les conditions d'attribution des soldes et indemnités des fonctionnaires civils et militaires relevant du ministère de la France d'outre-mer, les conditions de recrutement, de mise en congé ou à la retraite de ces mêmes fonctionnaires ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte ;
- le décret n° 2013-964 du 28 octobre 2013 portant création d'une majoration de traitement allouée aux fonctionnaires de l'Etat et de la fonction publique hospitalière et aux magistrats en service dans le département de Mayotte ;
- le décret n° 2013-965 du 28 octobre 2013 portant application de l'indemnité de sujétion géographique aux fonctionnaires de l'Etat titulaires et stagiaires affectés à Mayotte ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., surveillant pénitentiaire à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, a été affecté à la maison d'arrêt de Majicavo (Mayotte) à compter du 16 avril 2012. Cette affectation a ensuite été renouvelée pour une durée de deux ans à compter du 16 avril 2014. Par courrier du 27 juillet 2014, il a demandé au directeur de la maison d'arrêt de lui accorder le bénéfice d'une " indexation sur sa paie " à compter du mois de juillet 2014, " sur la base de la loi organique de 1950 qui régit le traitement des fonctionnaires ". Le 31 juillet 2014, le directeur lui a opposé un refus, motif pris de ce qu'il n'entrait pas dans le champ d'application du décret n° 2013-964 du 28 octobre 2013 portant création d'une majoration de traitement allouée aux fonctionnaires de l'Etat et de la fonction publique hospitalière et aux magistrats en service dans le département de Mayotte. M. A...fait appel du jugement du tribunal administratif de Mayotte du 31 mars 2016, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de refus.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret n° 2013-964 du 28 octobre 2013 portant création d'une majoration de traitement allouée aux fonctionnaires de l'Etat et de la fonction publique hospitalière et aux magistrats en service dans le Département de Mayotte : " A compter du 1er janvier 2013, une majoration du traitement indiciaire de base est attribuée aux fonctionnaires relevant des lois des 11 janvier 1984 et 9 janvier 1986 (...) ainsi qu'aux magistrats en service dans le Département de Mayotte ". La notice de la publication dudit décret au Journal Officiel de la République Française du 29 octobre 2013 précise que " le présent décret a pour objet de créer, à l'instar de ce qui existe dans les autres départements d'outre-mer, une majoration du traitement indiciaire pour les fonctionnaires de l'Etat et de la fonction publique hospitalière ainsi que les magistrats, en service dans le département de Mayotte ".
3. D'autre part, le III de l'article 8 du décret n° 2013-965 du 28 octobre 2013, portant application de l'indemnité de sujétion géographique aux fonctionnaires de l'Etat titulaires et stagiaires affectés à Mayotte, énonce des dispositions transitoires selon lesquelles, d'une part, les fonctionnaires affectés à Mayotte avant le 1er janvier 2014 et dont le centre des intérêts matériels et moraux ne se situe pas à Mayotte, conservent le bénéfice de l'indemnité d'éloignement prévue par le décret du 27 novembre 1996, relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte, pour les fractions restant dues et non encore échues et, selon lesquelles d'autre part, ces mêmes fonctionnaires " ne bénéficient pas de la majoration de traitement prévue par le décret du 28 octobre 2013 susvisé au titre des années civiles au cours desquelles ces fractions sont versées. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., dont il n'est pas contesté que le centre des intérêts matériels et moraux ne se situe pas à Mayotte, a été affecté dans ce département le 16 avril 2012, affectation qui a été renouvelée pour deux ans à partir du 16 avril 2014 et qu'il a perçu, par décisions du 1er avril 2014, les deux fractions de l'indemnité d'éloignement correspondant à son premier séjour, et par décisions des 15 juillet 2014 et 4 décembre 2015 les deux fractions de cette indemnité au titre de son second séjour.
5. En premier lieu, M. A...fait valoir que le refus qui lui a été opposé est entaché d'une erreur de droit et d'une méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires, dès lors que certains de ceux-ci, à savoir les agents de la police nationale, nonobstant les dispositions précitées, cumulent l'indemnité d'éloignement et la majoration de traitement alors qu'ils ont été affectés à Mayotte avant le 1er janvier 2014. Cependant, les agents de la police nationale bénéficient d'une indemnité spéciale d'éloignement instituée par le décret n° 78-1159 du 12 décembre 1978 et sont exclus du champ d'application du décret n° 96-1027 du 27 novembre 1996 relatif à l'indemnité d'éloignement. Par suite, ils ne sont pas soumis à la règle de non-cumul fixée par les dispositions susmentionnées du III de l'article 8 du décret n° 2013-965 du 28 octobre 2013 dès lors qu'ils ne se situent pas dans la même situation juridique que les autres fonctionnaires affectés à Mayotte.
6. En deuxième lieu, M. A...fait valoir que le III de l'article 8 du décret n° 2013 965 du 28 octobre 2013 privant du bénéfice de la majoration de traitement les fonctionnaires de l'Etat et magistrats dont le centre des intérêts matériels et moraux ne se situe pas à Mayotte, qui ont été affectés à Mayotte avant le 1er janvier 2014, crée une rupture d'égalité entre fonctionnaires de même grade et échelon par rapport à ceux qui y ont été affectés après cette date. Toutefois, ces fonctionnaires conservent à titre transitoire le bénéfice de l'indemnité d'éloignement qui a été supprimée pour les nouveaux personnels affectés et ne se trouvent donc pas placés, à raison de leur date de nomination, dans la même situation. Ainsi les auteurs du décret ont pu, sans méconnaître le principe d'égalité, leur appliquer un régime différent.
7. En troisième lieu, M. A...soutient qu'il a déjà perçu des majorations de traitement de janvier à juin 2014 et de janvier à novembre 2015, celles-ci n'étant plus versées depuis fin novembre 2015, et qu'une décision illégale ne peut être retirée, si elle est créatrice de droits, que dans les quatre mois suivant son édiction. Cependant, et alors qu'aux termes de l'article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive, ce moyen est en tout état de cause inopérant à l'encontre d'une décision qui n'a d'autre objet ou effet que de refuser à M. A...le bénéfice de la majoration sollicitée.
8. En dernier lieu, M. A...ne peut utilement soutenir que l'article 8 du décret n° 2013-965 du 28 octobre 2013 est entaché d'illégalité en ce qu'il méconnaîtrait les dispositions de l'article 1er de la loi n° 50-772 du 30 juin 1950 fixant les conditions d'attribution des soldes et indemnités des fonctionnaires civils et militaires relevant du ministère de la France d'outre-mer, dès lors que cette loi s'applique aux seuls territoires d'outremer et non aux départements comme Mayotte, pour lequel les deux décrets n° 2013 964 et n° 2013-965 du 28 octobre 2013 ont précisément instauré des dispositions spécifiques et qu'en outre, comme cela a été dit aux points 5 et 6 ci-dessus, le III de l'article 8 du décret n° 2013-965 ne crée pas une rupture d'égalité de traitement entre fonctionnaires, dès lors qu'ils sont placés selon leur date d'affectation dans des situations différentes sur le plan de leur rémunération.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt rejette la demande de M.A.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, en tout état de cause, être accueillies.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au garde des sceaux, ministre de la justice. Copie en sera transmise au directeur de la maison d'arrêt de Majicavo.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2018.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au Garde des sceaux, ministre de la justice, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Vanessa Beuzelin
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N° 16BX01948