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08/06/2018 | FRANCE | N°16BX01204

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 08 juin 2018, 16BX01204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1300422 du 9 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2016, M. et Mme B...C..., représentés par MeA..., demandent à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 février 2016 et de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1300422 du 9 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2016, M. et Mme B...C..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 février 2016 et de prononcer la décharge des impositions en litige ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration, en remettant en cause la validité du contrat de bail conclu avec la société Entre Terre et Mer et en qualifiant le loyer perçu de 2 300 euros de " libéralité ", s'est en réalité placée, implicitement mais nécessairement, sur le terrain de la répression des abus de

droit ; la procédure est entachée d'irrégularité dès lors que les garanties attachées à cette procédure n'ont pas été respectées, les contribuables n'ayant pas été mis en mesure de saisir le comité de l'abus de droit fiscal ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause la réalité de l'occupation des lieux ; les travaux réalisés à compter du mois de septembre 2007 faisaient obstacle à une utilisation normale du bien, et les nuisances ont été prises en compte pour fixer le montant du loyer litigieux ; Mme C...justifie de la réalité de l'occupation du bien loué pendant la réalisation des travaux : elle a donné des éléments de justification de ses déplacements professionnels sur l'Ile de Ré et de l'utilisation ponctuelle du bien loué, et aucun frais d'hôtellerie n'a été engagé ; la position de l'administration a évolué au cours de la procédure : elle est incohérente et emprunte de contradictions ;

- enfin, la majoration de 40 % pour manquement délibéré qui leur a été appliquée n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'administration n'a pas remis en cause l'existence du contrat de location ni la réalité de l'encaissement de la somme de 2 300 euros : elle a invoqué l'impossibilité matérielle d'une occupation effective du bien loué pour la période couverte par les travaux de rénovation, soit pendant 7 mois et a tiré les conséquences fiscales de ce constat ; elle n'a pas entendu réprimer un abus de droit ;

- elle a considéré que la somme de 2 300 euros correspondait à un revenu tiré de la location de ce bien pour la seule période de 5 mois, d'avril 2007 à septembre 2007, et à une libéralité, sans contrepartie réelle pour la société Grillou, pour les mois durant lesquels le bien ne pouvait être occupé ; il en a résulté une remise en cause de l'imputation des déficits réalisés sur le revenu global des associés dès lors que le seuil de 23 000 euros prévu à l'article 151 septies du code général des impôts n'était plus atteint ;

- la majoration de 40 % prévue par le a) de l'article 1729 du code général des impôts est fondée pour ces professionnels de la location qui connaissaient parfaitement les dispositions du

I de l'article 156 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le Livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauzies, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société Grillou dans laquelle

M. et Mme C...sont associés à parts égales, et dont les résultats sont imposés, en application de l'article 8 du code général des impôts, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux entre les mains de chacun des associés, l'administration a remis en cause la qualité de loueur en meublé professionnel de cette société, propriétaire notamment d'un ensemble immobilier situé au Bois-Plage-en Ré (Charente Maritime). La réclamation des intéressés formée à l'encontre de la proposition de rectification du 7 juin 2011 mettant à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, assorties de pénalités, a été rejetée le 4 décembre 2012. M. et Mme C...interjettent appel du jugement du 9 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande de décharge de ces impositions.

Sur la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. ".

3. Il résulte de l'instruction que, pour refuser la qualification de loyer à la somme de

2 300 euros versée à la société Grillou par la société Entre Terre et Mer dirigée par

MmeC..., en application d'un contrat de location conclu le 4 avril 2008, pour la période du 4 avril 2007 au 4 avril 2008, l'administration a fait valoir, tant dans la proposition de rectification, dans la réponse aux observations des contribuables qu'au cours de la présente instance, qu'en raison des travaux importants réalisés dans la maison louée, située au

Bois-Plage-en Ré, ce bien était impropre à la location, à tout le moins à compter du mois de septembre 2007, soit pendant plus de sept mois. L'administration n'a pas remis en cause l'existence du contrat de location ou la réalité de ce versement, mais a tiré les conséquences de cette situation de fait et a ramené le montant du loyer au temps de location raisonnablement envisageable, soit cinq mois. Ce faisant, elle ne s'est pas fondée sur le caractère fictif du bail conclu entre la société Grillou et la société Entre Terre et Mer ni n'a estimé que le bail avait été conclu dans le seul but d'atténuer les charges fiscales des requérants. Par suite, l'administration ne saurait être regardée comme s'étant placée, même implicitement, sur le terrain de l'abus de droit. Le moyen tiré de ce que l'administration était tenue de suivre la procédure prévue pour la répression des abus de droit doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

4. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts, applicable aux faits du

litige : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, (...) ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; (...) / Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (...) 1° bis des déficits provenant, directement ou indirectement, des activités relevant des bénéfices industriels ou commerciaux lorsque ces activités ne comportent pas la participation personnelle, continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. (...). Ces modalités d'imputation sont applicables aux déficits réalisés par des personnes autres que les loueurs professionnels au sens du VII de l'article 151 septies, louant directement ou indirectement des locaux d'habitation meublés ou destinés à être meublés. (...) ". Aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts, applicable aux faits du litige : " ( ....) Les loueurs professionnels s'entendent des personnes inscrites en cette qualité au registre du commerce et des sociétés qui réalisent plus de 23 000 € de recettes annuelles ou retirent de cette activité au moins 50 % de leur revenu. (. . .) ".

5. Ainsi qu'il a été précisé au point 3, l'administration a remis en cause l'occupation effective de la maison louée par la société Grillou à la société Entre Terre et Mer, dont la gérante est MmeC..., en vertu d'un contrat de location saisonnière, conclu le 4 avril 2008 pour la période allant du 4 avril 2007 au 4 avril 2008, et pour un loyer annuel de 2 300 euros. Il résulte de l'instruction que d'importants travaux touchant la toiture, les menuiseries, les plafonds et les sols ont été réalisés sur ce bien, à compter du mois de septembre 2007, et que ceux-ci rendaient l'immeuble impropre à son occupation. A cet égard, les requérants ne peuvent utilement soutenir en appel, comme ils le faisaient déjà en première instance, que la maison a été occupée pendant trente-sept nuitées, dont certaines durant les travaux, et que le faible montant du loyer convenu tenait compte des nuisances liées auxdits travaux. Ils ne peuvent pas non plus se prévaloir de ce que le service n'a pas requalifié de libéralité la somme de 2 300 euros versée par la SARL

Entre Terre et Mer, pourtant contrôlée par la même brigade de vérification.

6. Par suite, c'est à bon droit, ainsi que l'a jugé le tribunal, que l'administration a considéré que des loyers ne pouvaient correspondre à l'occupation effective de ce bien que pour une période allant du mois d'avril 2007 au mois de septembre 2007, et a retenu la qualification de loyer pour la seule fraction des 5/12èmes du loyer en litige (958,33 euros). Dans ces conditions, le montant des recettes annuelles de la société Grillou tirées de son activité de location au titre de l'exercice clos le 30 avril 2008, n'atteignait pas le seuil de 23 000 euros fixé par les dispositions précitées de l'article 151 septies et, dès lors, l'administration était fondée à remettre en cause la qualité de loueur en meublé professionnel de la société Grillou et, par voie de conséquence, l'imputation sur le revenu global des requérants du déficit de la société.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration

de : a. 40 % en cas de manquement délibéré...". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration qui entend appliquer les pénalités de mauvaise foi d'établir l'intention du contribuable d'éluder l'impôt.

8. En ayant constaté, dans la proposition de rectification du 7 juin 2011, que les appelants, professionnels de l'immobilier, connaissaient les dispositions précitées du I de l'article 156 du code général des impôts pour les avoir appliquées les exercices précédents, et en ayant pris en compte la date de conclusion du contrat de location (le 4 avril 2008), celle du paiement du loyer (le 3 avril 2008), la période de location (du 4 avril 2007 au 4 avril 2008), la date de clôture de l'exercice (le 30 avril 2008), et enfin le fait que la location avait été consentie sur une période où étaient réalisés des travaux lourds privant le locataire d'une occupation paisible, l'administration doit être regardée comme ayant établi l'intention délibérée des appelants d'éluder une partie de l'impôt, et par suite, le bien-fondé des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme C...la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 juin 2018.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 16BX01204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX01204
Date de la décision : 08/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : BIELER et FRANCK AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-08;16bx01204 ?
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