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08/06/2018 | FRANCE | N°16BX00799

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 08 juin 2018, 16BX00799


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G...A...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2014 par lequel le maire de Laguiole a délivré à M. C...un permis de construire en vue de l'édification d'une maison à usage d'habitation au lieu-dit Redoulès.

Par un jugement n° 1405295 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté contesté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 février 2016 et un mémoire en réplique,

enregistré le 15 février 2018, la commune de Laguiole, représentée par MeF..., demande à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G...A...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2014 par lequel le maire de Laguiole a délivré à M. C...un permis de construire en vue de l'édification d'une maison à usage d'habitation au lieu-dit Redoulès.

Par un jugement n° 1405295 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté contesté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 février 2016 et un mémoire en réplique, enregistré le 15 février 2018, la commune de Laguiole, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 décembre 2015 et de rejeter la demande présentée par les époux A...en première instance ;

2°) de mettre à la charge de M. et Mme A...une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir qu'elle a soulevée, tirée de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme et de l'absence d'intérêt à agir des épouxA..., dès lors qu'ils ne précisent pas l'atteinte portée par le projet à leur bien, ni ne démontrent pas que le projet aura des incidences qui porteront une atteinte aux conditions d'occupation et de jouissance de leur bien ; leur requête introductive d'instance est fondée sur leur seule qualité de voisin du terrain d'assiette du projet, ce qui ne suffit plus ;

- sur le fond : le projet est conforme aux dispositions des articles NC1 et 2 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune : en effet, la maison existante dans laquelle réside le pétitionnaire, dont la présence est nécessaire à proximité des bovins qu'il élève, ce que le tribunal n'a pas contesté, est vétuste et nécessite d'importants travaux de rénovation ; M. C...établit que les travaux à réaliser sur l'actuelle maison sont trop onéreux, tandis que les travaux de réfection de la toiture et de la charpente ne peuvent en réalité être réalisés car le poids final de ces ouvrages affecterait la stabilité de l'ensemble de l'immeuble ; la construction d'une maison neuve est donc nécessaire car moins onéreuse ;

- le projet ne méconnaît pas davantage les dispositions de l'article NC 6 du plan d'occupation des sols dès lors que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la construction projetée ne se situe pas en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2016, M. et MmeA..., représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de la commune une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- leur intérêt donnant qualité pour agir est justifié au regard des contraintes directement liés au projet qu'ils subissent, étant précisé qu'ils justifient d'une présomption en ce sens en leur qualité de voisin immédiat du projet ;

- le dossier de demande de permis est incomplet et méconnaît les dispositions des articles R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme dès lors qu'aucune notice architecturale n'est produite et que les abords ne sont pas décrits ; d'ailleurs la maison des époux A...n'est pas mentionnée sur le plan de masse joint ; la composition et l'organisation de la construction projetée ainsi que l'aménagement des accès ne sont pas davantage précisés ;

- l'avis de la chambre d'agriculture n'a pas été recueilli si une dérogation à l'application de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme était souhaitée ; l'avis de la chambre d'agriculture du 2 septembre 2014 produit par la commune en première instance ne correspond pas à une telle demande de dérogation et ne peut donc être pris en compte ;

- le projet nécessite un accès sur la voie communale ; or, aucune permission de voirie ou accord du gestionnaire prévu à l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme n'est joint à la demande, avant de modifier l'accotement ou réaliser un passage sur le fossé existant (avec busage) ;

- le projet est implanté à proximité immédiate d'une fosse à lisier et à moins de

50 mètres des bâtiments d'élevage leur appartenant, à savoir à 10 mètres d'un bâtiment situé au nord du projet et à 49 mètres de celui situé au sud, en méconnaissance des dispositions du règlement sanitaire départemental, notamment ses articles 153.4 et 155.1, et des articles L. 111-3 et R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- en outre, le projet méconnaît le principe d'inconstructibilité en zone agricole repris par les articles NC 1 et 2 du règlement du plan d'occupation des sols et n'est pas nécessaire à l'exploitation du pétitionnaire, au sens de ces dispositions : M. C...dispose déjà d'une maison à usage d'habitation située à proximité des animaux qu'il élève, et la rénovation de la maison existante n'est ni indispensable ni impossible ; le pétitionnaire vit seul et sans enfant et le projet autorisé n'a, au regard des critères jurisprudentiels, rien de nécessaire ;

- il méconnaît également les dispositions des articles NC 3, NC 4, NC 6 et NC 11 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme au regard du caractère insuffisant de la défense contre les incendies.

Par ordonnance du 15 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 2 mars 2018 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

- et les observations de Me B...représentant la commune de Laguiole et de

MeE..., représentant M. et MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 4 septembre 2014, le maire de Laguiole a délivré à M. C...un permis de construire en vue de l'édification d'une maison à usage d'habitation, au lieu-dit Redoulès. La commune de Laguiole interjette appel du jugement du 30 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé ce permis à la demande de

M. et MmeA....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la commune de Laguiole :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation.".

3. M. et Mme A...font valoir en appel, comme ils le faisaient déjà en première instance, que leur domicile se situe à seulement une trentaine de mètres de l'emplacement du projet contesté, qu'ils auraient une vue directe sur le pignon est de la construction projetée, qu'ils sont propriétaires exploitants de deux bâtiments agricoles accueillant des bovins à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet, et que la construction d'une maison d'habitation ne serait pas sans incidence sur les contraintes susceptibles de peser sur l'actuelle liberté d'exploitation dont ils bénéficient. Ainsi, eu égard aux dimensions du projet de construction, à la proximité de la propriété des requérants et aux incidences du projet sur leur exploitation agricole, ces derniers justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre le permis de construire en litige. Par suite, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, la fin de non-recevoir opposée à ce titre par la commune de Laguiole doit être écartée.

En ce qui concerne la légalité du permis de construire :

4. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, lorsque le tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges, dès lors que

ceux-ci sont contestés devant lui, et d'apprécier si l'un au moins de ces motifs justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.

5. Pour annuler le permis de construire délivré à M.C..., le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la méconnaissance par le maire de Laguiole des articles NC 1 et 2, d'une part, et, d'autre part de l'article NC 6 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune.

6. Aux termes de l'article NC 1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Laguiole : " Types d'occupation ou d'utilisation des sols autorisés sous conditions (...) II - Ne sont admises que les occupations et utilisations du sol ci-après : (...) - Les constructions à usage d'habitation directement liées et nécessaires aux exploitations agricoles, (...) " et aux termes de l'article NC 2 du même règlement : " Types d'occupation ou d'utilisation du sol interdits. Sont interdites les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l'article NC1 (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M.C..., exploitant agricole, élevait un troupeau d'environ quarante bovins. Compte tenu des contraintes qui découlent de cette activité d'élevage, la présence permanente de M. C...était nécessaire sur les lieux de l'exploitation. Toutefois, il est constant que M. C...habite dans une maison ancienne située à proximité directe de son exploitation agricole. La commune de Laguiole reprend en appel, ainsi que le faisait également valoir M. C...en première instance, que la construction litigieuse est indispensable compte tenu de l'état de vétusté de la maison dans laquelle habite le pétitionnaire, et de l'impossibilité de réaliser les travaux de rénovation nécessaires en raison d'une part, de leur coût trop élevé et, d'autre part, de la fragilité d'ensemble de la construction existante qui ne pourrait supporter, en particulier, le poids d'une nouvelle charpente et d'un nouveau toit.

8. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de vétusté de la maison de l'appelant serait tel qu'elle ne pourrait plus être habitable ou du moins faire l'objet de travaux de rénovation suffisants pour permettre à M C...de continuer à l'occuper. Et tout état de cause, il n'est nullement établi que le coût des travaux de rénovation indispensables au maintien de M. C...dans cette habitation excéderait celui de la construction d'une maison neuve. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal, le projet en litige ne peut pas être regardé comme directement lié et nécessaire à l'activité agricole, au sens des dispositions précitées de l'article NC 1 du règlement du plan d'occupation des sols. Et le maire de Laguiole, en ayant pris l'arrêté attaqué, a méconnu les dispositions précitées des articles NC1 et NC2 du règlement du plan d'occupation des sols.

9. Aux termes de l'article NC 6 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Laguiole, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : " 1°) Dans les parties actuellement urbanisées : Les constructions doivent s'implanter soit au ras de l'alignement sauf si le projet de construction jouxte une construction existante qui serait en retrait , la construction à édifier pouvant alors s'aligner sur celle qui est en retrait, soit respecter un minimum de recul de H = L. 2°) En dehors des parties actuellement urbanisées : Les constructions doivent s'implanter en retrait par rapport aux voies publiques avec un recul minimum de : (...) - 8 mètres par rapport à l'axe des voies communales (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet se situe à environ six kilomètres du village de Laguiole et qu'il donne vers l'ouest sur un espace agricole vierge de toute construction. Si quelques constructions existantes entourent ce terrain, notamment des bâtiments agricoles, et si le secteur est desservi par les réseaux, ledit terrain se situe en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune de Laguiole. Par suite, le projet de construction contesté, dès lors qu'il n'est pas implanté en retrait de huit mètres par rapport à l'axe du chemin communal, méconnaît également les dispositions précitées de l'article NC6 du règlement du plan d'occupation des sols de cette commune.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Laguiole n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le permis de construire délivré à M.C....

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. et MmeA..., qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Laguiole une somme de

1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Laguiole est rejetée.

Article 2 : La commune de Laguiole versera à M. et Mme A...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Laguiole, à M. D...C...et à

M. et Mme H...A....

Copie en sera adressée pour information au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Millau.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2018 à laquelle siégeaient :

Philippe Pouzoulet, président,

Marianne Pouget, président-assesseur,

Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 juin 2018.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX00799


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 16BX00799
Date de la décision : 08/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Octroi du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : FIDAL LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-08;16bx00799 ?
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