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07/06/2018 | FRANCE | N°18BX00675

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 07 juin 2018, 18BX00675


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 21 novembre 2017 par lequel le préfet de la Creuse a ordonné son transfert aux autorités italiennes considérées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, l'arrêté du 27 novembre 2017 l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 1701703 du 4 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa deman

de.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2018, M.A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 21 novembre 2017 par lequel le préfet de la Creuse a ordonné son transfert aux autorités italiennes considérées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'autre part, l'arrêté du 27 novembre 2017 l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 1701703 du 4 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1701703 du 4 décembre 2017 ;

2°) d'annuler les arrêtés contestés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Creuse de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en vue de l'examen de sa demande d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à défaut d'examiner à nouveau sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

• S'agissant de la décision portant remise aux autorités italiennes :

- elle est entachée d'un défaut d'information ; il ne s'est pas vu remettre les brochures d'information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes ; il n'a pas été informé des conséquences de l'inexécution de la décision attaquée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure : le préfet a décidé de son transfert vers un autre Etat membre avant même d'avoir enregistré sa demande d'asile ;

- l'Italie n'est plus responsable de sa demande d'asile, son transfert n'ayant pas été réalisé dans le délai de six mois prévu par le règlement (UE) n° 604/2013 (Dublin III) ;

- le préfet aurait dû faire application de la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement ;

- cette décision méconnaît l'article 3 du règlement : les autorités italiennes ne sont pas en mesure d'assumer leurs obligations en matière de droit d'asile ; il a été agressé par les services de police italiens ;

• S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'arrêté prononçant son transfert aux autorités italiennes ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation en ce qu'elle ne comporte que des dispositions d'ordre général ;

- elle méconnaît l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que le préfet s'est cru en situation de compétence liée alors que le prononcé d'une assignation à résidence n'est qu'une faculté ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ses conditions d'application étant excessives.

Par un mémoire enregistré le 9 avril 2018, le préfet de la Creuse conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 mars 2018 la clôture d'instruction a été fixée au 16 avril 2018 à 12h00.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 8 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aymard de Malafosse,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant éthiopien, est entré en France, selon ses déclarations, le 3 mars 2017. Il a déposé une demande d'asile le 14 mars 2017 au centre d'examen de situation administrative de Paris. Une demande de prise en charge a alors été formulée auprès des autorités allemandes le 15 mars 2017. Il a été orienté vers la préfecture de la Haute-Vienne où sa demande d'asile a été enregistrée au guichet unique le 29 mars 2017. A la suite des informations fournies par les autorités allemandes et de la comparaison du relevé décadactylaire de ces empreintes avec le fichier Eurodac ayant établi que ses empreintes avaient été relevées par les autorités italiennes le 3 août 2016 une demande de prise en charge de l'intéressé a été adressée le 31 mars 2017 aux autorités italiennes qui se sont reconnues compétentes par décision implicite née le 31 mai 2017. Le préfet de la Creuse a ainsi pris un premier arrêté en date du 4 juillet 2017, notifié le 31 octobre 2017, décidant le transfert du requérant vers l'Italie, arrêté qui a été annulé par un jugement du 3 novembre 2017 au motif que l'intéressé n'avait pas été suffisamment informé de ses droits en cas d'inexécution de l'arrêté. Par un nouvel arrêté du 21 novembre 2017, après réexamen de la situation du requérant, le préfet de la Creuse a décidé la remise de M. A...aux autorités italiennes en tant que responsables de l'examen de sa demande d'asile et par un arrêté du 27 novembre 2017, il l'a assigné à résidence. M. A...relève appel du jugement du 4 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de transfert :

2. En vertu de l'article 4 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 26 du même règlement : " Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge (...) d'un demandeur (...), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. (...) ". Selon le paragraphe 2 du même article : " La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert (...) ". La section VI de ce règlement, intitulé " Transferts " comprend un article 29 portant sur les " modalités et délais " et qui énonce, en son paragraphe 2 que " si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la décision de transfert doit contenir une information sur les conséquences d'une inexécution de la décision de transfert aux autorités de l'Etat responsable dans le délai maximum prévu pour y procéder et que cette information constitue non une simple mesure d'exécution mais une garantie essentielle donnée au demandeur d'asile pour lui permettre de connaître ses droits.

3. En l'espèce, l'arrêté du 21 novembre 2017 portant transfert de M. A...aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile mentionne, en son article 2, que : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois suivant le jugement du tribunal administratif du 3 novembre 2017, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite, en application de l'article 29.2 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ". Il ressort en outre des pièces produites par le préfet que M. A...s'est vu remettre les brochures d'information générale sur la demande d'asile, le relevé d'empreintes et la procédure Dublin rédigées en anglais, langue qu'il a déclaré lire, parler et comprendre. Ainsi, l'intéressé a été mis en mesure de connaitre les conséquences d'une éventuelle inexécution de la décision portant remise aux autorités italiennes. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il a été privé de son droit à l'information garanti par l'article 4 du règlement précité doit être écarté.

4. En vertu de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

5. Le requérant soutient que ses empreintes ont été relevées lors de sa présentation au centre d'examen de situation administrative de Paris le 14 mars 2017 et qu'il a été informé, à la même date, de sa prise en charge par l'Allemagne alors même que sa demande d'asile n'avait pas encore été enregistrée. Il considère ainsi qu'il n'a pas été en mesure de présenter de manière complète ses observations sur la mesure de transfert. Toutefois, par un courrier en date du 16 mars 2017, les autorités allemandes ont décliné leur responsabilité concernant l'instruction de la demande d'asile de M.A.... L'arrêté attaqué est relatif à la remise de l'intéressé aux autorités italiennes. Or, celles-ci ont été saisies par le préfet de la Haute-Vienne le 31 mars 2017 soit postérieurement à l'enregistrement de la demande d'asile de l'intéressé le 29 mars 2017 qui a été suivie d'un entretien individuel au cours duquel il a pu présenter toutes les observations qu'il jugeait utile. Dans ces conditions, le moyen sus-analysé doit être écarté.

6. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue (...) au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite (...) ".

7. Le point de départ du délai prévu par ces dispositions est la date à laquelle l'Etat membre saisi d'une requête d'un autre Etat membre à fin de prise en charge ou de reprise en charge accepte, implicitement ou explicitement, cette demande. En l'espèce, l'acceptation par les autorités italiennes de la requête à fin de prise en charge formulée au nom de l'Etat français par le préfet de la Haute-Vienne le 31 mars 2017 est intervenue implicitement, en vertu du 2 de l'article 22 du règlement précité, le 31 mai 2017. Dès lors, et en tout état de cause, le délai de six mois prévu par l'article 29 précité n'était pas expiré lorsque la décision litigieuse de transfert a été prise.

8. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

9. Il ressort de la motivation de la décision de transfert que le préfet a examiné, comme il était tenu de le faire, les éléments du dossier de M. A...en exerçant le pouvoir d'appréciation prévu notamment par la clause discrétionnaire mentionnée ci-dessus, sans s'estimer lié par l'accord des autorités italiennes. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut dès lors qu'être écarté.

10. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'audition de M.A..., que ce dernier, âgé de 27 ans, a déclaré être arrivé en France récemment, le 3 mars 2017, et n'avoir aucune attache familiale en France. Par suite, en s'abstenant de faire usage du pouvoir discrétionnaire dont il disposait en application de l'article du 17 du règlement précité, le préfet de la Creuse n'a pas méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Aux termes de l'article 3 du règlement Dublin III : " (...) 2. (...) lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ".

12. Le requérant soutient que l'Italie n'assure pas un niveau de protection satisfaisant aux demandeurs d'asile en raison de l'afflux massif auquel elle est confrontée. Il explique avoir été agressé par les services de police pour lui prendre ses empreintes. La mise en oeuvre du droit constitutionnel d'asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter la qualité de réfugié, implique la possibilité, pour les autorités françaises, d'assurer le traitement d'une demande d'asile même lorsque le droit international ou communautaire leur permet de confier cet examen à un autre Etat. Il appartient en particulier à ces autorités, sous le contrôle du juge, de faire usage de cette possibilité, prévue par le règlement susmentionné, lorsque les règles et les modalités en vertu desquelles un autre Etat examine les demandes d'asile méconnaissent les règles ou principes que le droit international et interne garantit aux demandeurs d'asile et aux réfugiés, en particulier ceux d'être admis au séjour pendant le temps nécessaire à un examen individuel de la demande, de pouvoir présenter un recours suspensif, et, une fois reconnue la qualité de réfugié, d'être effectivement protégé, notamment, comme le prévoit l'article 33 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés, sans pouvoir être éloigné vers un pays dans lequel la vie ou la liberté de la personne est menacée. Il est constant que l'Italie, Etat responsable de la demande d'asile de M.A..., est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les allégations du requérant, qui ne sont étayées par aucune pièce versée au dossier, ne permettent pas de regarder comme fondées les craintes dont il fait état quant aux défaillances du système de protection de l'Italie. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux a été pris en méconnaissance de l'article 3 précité dudit règlement.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

13. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de transfert aux autorités italiennes n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant assignation à résidence serait dépourvue de base légale ne peut qu'être écarté.

14. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ".

15. La décision contestée contient les motifs de fait et de droit qui ont conduit le préfet de la Creuse à la prendre et n'est donc pas entachée d'insuffisance de motivation.

16. il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...ait été assigné à résidence " de manière automatique ", c'est-à-dire sans examen préalable de sa situation personnelle et que le préfet aurait ainsi commis une erreur de droit.

17. M. A...soutient que la mesure d'assignation à résidence le concernant est assortie de modalités de contrôle excessives. Toutefois, si ces modalités obligent l'intéressé à se présenter au commissariat trois fois par semaine ce dernier n'invoque pas de difficulté particulière ni l'existence d'une activité qui serait spécialement affectée par cette sujétion. Dans ces conditions, en fixant les modalités de l'assignation à résidence qu'il a prononcée à l'encontre de M.A..., le préfet de la Creuse n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

18. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

19. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A...est entré seul en France où il ne dispose d'aucune attache familiale. Dans ces conditions, la décision d'assignation à résidence n'a pas porté à son droit de mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

21. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Creuse.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 juin 2018.

Le président-assesseur,

Laurent POUGETLe président-rapporteur,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

8

N° 18BX00675


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX00675
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MOREAU LISE-NADINE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-07;18bx00675 ?
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