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07/06/2018 | FRANCE | N°18BX00578

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 07 juin 2018, 18BX00578


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 19 octobre 2017 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704875 du 24 octobre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2018, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cou

r :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse du 24 oc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 19 octobre 2017 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704875 du 24 octobre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2018, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse du 24 octobre 2017 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet du Var du 19 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 72 heures à compter de la notification du présent arrêt et de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- les décisions sont insuffisamment motivées ; sa date et son lieu de naissance, sa nationalité, de même que sa situation familiale ne sont pas précisées ; le refus de délai de départ ne comporte aucune motivation dans le corps de la décision ;

- titulaire d'un titre de séjour italien en cours de validité, il relevait de la procédure de réadmission et non de la procédure d'obligation de quitter le territoire français ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit car le préfet n'a pas pris en compte sa situation personnelle pour apprécier les conséquences de la mesure prise ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est entaché d'erreur de droit car le préfet s'est à tort estimé lié par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de délai de départ volontaire est dépourvu de base légale et méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a été pris sur le fondement d'une erreur manifeste d'appréciation et est disproportionné.

Par ordonnance du 27 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 12 avril 2018 à 12 h.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Cécile Cabanne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant tunisien né le 20 juin 1993, est entré irrégulièrement en France à une date indéterminée. Il a été interpellé le 10 octobre 2017 alors qu'il travaillait à Toulon sans autorisation. Compte tenu de son titre de séjour italien, le préfet du Var a, par arrêté du 11 octobre 2017, décidé sa réadmission en Italie, sous réserve de l'accord des autorités de ce pays et l'a placé en rétention administrative. Le 19 octobre 2017, les autorités italiennes ont refusé de le réadmettre. Par arrêté du même jour, le préfet du Var a, d'une part, retiré son arrêté précédent, d'autre part, fait obligation à M. A...de quitter sans délai le territoire français et fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du 24 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant éloignement et fixation du pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement :

2. Le premier juge a relevé que " M. A...a déclaré n'être entré en France qu'en septembre 2017, donc à l'âge de 24 ans ; qu'il est célibataire et sans enfant et que l'ensemble de sa famille réside en Tunisie ". En concluant que compte tenu de ces éléments l'intéressé n'était pas fondé à soutenir que son éloignement emporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le premier juge doit être regardé comme ayant écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une omission à statuer sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

3. M. A...reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet1979 relative à la motivation des actes administratifs désormais codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi désormais codifié à l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. La décision contestée mentionne les considérations de droit qui en constituent le fondement, et notamment l'article L. 511-1 I (1°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise les motifs justifiant son adoption, en particulier le refus des autorités italiennes de réadmettre M. A...en dépit d'un titre de séjour italien et sa présence irrégulière en France depuis moins de six mois. Contrairement à ce que soutient le requérant, qui a communiqué une version tronquée de l'arrêté en litige, sa date et son lieu de naissance, sa nationalité et sa situation familiale sont précisées. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une insuffisance de motivation.

6. Il résulte des motifs de l'arrêté contesté que le préfet a procédé à un examen suffisamment complet de la situation personnelle de M. A...avant d'édicter la mesure d'éloignement.

7. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ". Aux termes de l'article L. 531-1 dudit code : " Par dérogation aux articles (...) L. 511-1 à L. 511-3, (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. (...) ". En vertu de l'article L. 531-2 du même code : " L'article L. 531-1 est applicable à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. / (...) ".

8. Le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Ainsi, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A...était titulaire d'un titre de séjour italien en cours de validité à la date de la décision attaquée. Préalablement à l'arrêté contesté, le préfet du Var a mis en oeuvre la procédure permettant la prise en charge de l'intéressé par les autorités italiennes, que ces dernières ont cependant refusée. Dès lors, le préfet a pu légalement faire application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une erreur de droit doit être écarté.

10. A l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, M. A...ne se prévaut d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation développée devant le premier juge. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par celui-ci.

En ce qui concerne la décision de refus de délai de départ volontaire :

11. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de délai de départ volontaire serait dépourvue de base légale doit être écarté.

12. L'arrêté du 19 octobre 2017, qui vise le 3°) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise qu'il existe un risque que M. A... se soustraie à son éloignement, qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire, qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour et qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective. Dans ces conditions, la décision considérée a expressément motivé le refus de délai de départ volontaire, contrairement à ce que soutient M.A....

13. M. A...reprend en appel les moyens déjà soulevés en première instance, tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation, sans apporter d'éléments nouveaux ni critiquer la réponse qui y a été apportée par le premier juge. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par celui-ci.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

14. Le préfet du Var, qui a visé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'accord franco-tunisien, a précisé la nationalité de M. A...et a relevé que l'intéressé n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de cette convention en cas de retour en Tunisie. Il a ainsi suffisamment motivé la décision fixant le pays de renvoi.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 juin 2018.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Virginie MARTY La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

No 18BX00578


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX00578
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CANADAS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-07;18bx00578 ?
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