Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 19 novembre 2013 par laquelle le directeur interrégional de la mer Sud-Atlantique l'a déclaré inapte à exercer la profession de marin.
Par un jugement n° 1400392 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 avril 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 février 2016 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision contestée ;
- cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a eu connaissance ni de la décision du médecin des gens de mer, ni de la date de réunion de la commission médicale régionale d'aptitude physique à la navigation, ni de la possibilité d'y assister accompagné du médecin de son choix ; son dossier n'a pu, en conséquence, faire l'objet d'un examen contradictoire ;
- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de motivation ;
- l'allergie dont il souffre ne saurait le rendre inapte à commander un navire de commerce ou de plaisance ; les avis médicaux diffèrent totalement puisque, par une décision du 7 octobre 2014 relative à l'attribution d'une pension d'invalidité pour maladie professionnelle, le directeur de l'Etablissement national des invalides de la marine a reconnu à son profit une incapacité permanente partielle limitée à 3 % alors que la décision en litige, édictée en raison de la gravité de sa pathologie, le déclare définitivement inapte à la navigation.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête de M.B....
Il soutient que :
- aucun des moyens de légalité externe n'est fondé ;
- l'évaluation de l'incapacité permanente partielle d'un marin atteint d'une maladie professionnelle est uniquement destinée à déterminer, au titre de sa prise en charge dans le cadre du régime d'assurances des marins, les séquelles définitives de la pathologie concernée ; dans ces conditions, elle n'a aucune incidence sur le sens de l'avis de la commission médicale régionale d'aptitude physique à la navigation.
Par ordonnance du 16 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juillet 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 67-690 du 7 août 1967 relatif aux conditions d'exercice de la profession de marin ;
- l'arrêté du 16 avril 1986 modifié relatif aux conditions d'aptitude physique à la profession de marin à bord des navires de commerce, de pêche et de plaisance, modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laurent Pouget,
- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...a été déclaré inapte à la profession de marin par une décision en date du 19 novembre 2013, prise sur proposition de la commission médicale régionale d'aptitude physique à la navigation. M. B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 4 du décret n° 67-690 du 7 août 1967 relatif aux conditions d'exercice de la profession de marin : " Peuvent être portées au rôle d'équipage d'un navire français les personnes qui remplissent les conditions suivantes : (...) 2° Remplir les conditions d'aptitude physique définies par arrêté du ministre chargé de la marine marchande et constatées selon les modalités prévues par ce texte ". Selon les dispositions de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 16 avril 1986, dans sa version applicable au litige : " L'exercice de la profession de marin est soumis aux règles médicales d'aptitude définies ci-dessous ; d'une manière générale, l'aptitude physique à la navigation requiert l'intégrité fonctionnelle et morphologique de l'individu (...). ". L'article 25 de ce même arrêté dispose que : " La constatation de l'aptitude physique à la navigation (...) appartient aux médecins des gens de mer ". L'article 26 du même arrêté institue une commission médicale régionale d'aptitude physique à la navigation chargée d'examiner toutes les questions qui lui sont soumises, relatives à l'aptitude physique à l'exercice de la profession de marin, tant à l'entrée dans la profession qu'en cours de carrière. Enfin, en vertu des dispositions de cet article 26 : " Lorsque la détermination de l'aptitude physique à la navigation d'un marin en cours de carrière présente des difficultés, le médecin chargé de la visite peut soumettre le cas à la commission, qu'il saisit lui-même et à laquelle il adresse un dossier complet (...). A réception de l'avis de la commission, l'autorité maritime statue au vu des conclusions qui lui ont été adressées et notifie sa décision au requérant (...) ".
3. Pour justifier de la compétence de M.D..., signataire de la décision prise le 19 novembre 2013 à l'égard de M.B..., le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer se prévaut d'une décision n° 369/2013 du 24 octobre 2013 par laquelle le directeur interrégional de la mer Sud-Atlantique attribue délégation à M. D...à l'effet de signer en son nom, en matière de formation professionnelle, les décisions de délivrance et revalidation de titres de formation continue, de délivrance des attestations et visas de reconnaissance, de dérogation aux conditions de qualification ou d'exercice de la profession de marin et d'organisation des examens de la marine marchande. Toutefois, la décision contestée, qui constate l'inaptitude physique de M.B..., marin professionnel, à continuer à exercer cette profession, n'entre pas dans le champ de la délégation produite. Il y a lieu par suite, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, d'accueillir le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande à fin d'annulation de la décision contestée du 19 novembre 2013.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B...de la somme de 1 200 euros qu'il demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1400392 du 25 février 2016 est annulé.
Article 2 : La décision du 19 novembre 2013 par laquelle M. B...a été déclaré inapte à la profession de marin est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
Lu en audience publique le 7 juin 2018.
Le rapporteur,
Laurent POUGET Le président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01354