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05/06/2018 | FRANCE | N°18BX00730,18BX00731

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 05 juin 2018, 18BX00730,18BX00731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 23 mai 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1703053 du 26 janvier 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 23 mai 2017, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme A...un titre de séjour sur le fon

dement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des ét...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 23 mai 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1703053 du 26 janvier 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 23 mai 2017, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme A...un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 20 février 2018 sous le n° 18BX00730, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement n° 1703053 du 26 janvier 2018 du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- le refus de séjour n'a pas été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation que ce soit au regard du droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A...ou des conséquences de cette décision sur sa situation ; en effet, MmeA..., elle-même à l'origine d'une procédure d'ouverture d'un régime de protection pour l'une de ses soeurs, ne saurait se prévaloir de sa qualité de curatrice de cette dernière puisque cette tâche peut être confiée à un organisme spécialisé ou à un professionnel ; si elle fait valoir sa présence en France depuis cinq ans, elle y séjourne irrégulièrement depuis le 29 avril 2015, date à laquelle elle a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, non exécutée ; elle n'établit aucunement avoir noué une relation ancienne et intense avec un compagnon ; contrairement à ses dires, elle est pourvue d'attaches familiales fortes dans son pays d'origine ; enfin, elle est entrée sur le territoire français pour poursuivre ses études et non afin d'aider sa soeur ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, soulevé en première instance par MmeA..., est inopérant à l'encontre d'une décision portant refus de séjour ;

- la même décision ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de son enfant, tel que protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors qu'elle n'a pas pour objet de séparer celui-ci de l'intéressée et que cette dernière ne démontre pas qu'il ne pourrait poursuivre sa scolarité en Côte d'Ivoire, pays dont il a la nationalité ;

- Mme A...n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait prétendre de plein droit à un titre de séjour et qu'elle serait, en conséquence, protégée contre une mesure d'éloignement ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation ; Mme A...ne démontre pas qu'elle serait dans l'impossibilité, d'une part, de quitter la France avec son fils qui sera à même de poursuivre ses études en Côte d'Ivoire et, d'autre part, d'exercer une activité professionnelle dans ce pays dont elle est originaire ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une mesure d'éloignement ;

- contrairement à ce que prétend MmeA..., il ne s'est pas estimé en situation de compétence liée pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire dès lors qu'elle présente un risque de fuite ; cette décision n'est entachée ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de séjour n'étant pas entaché d'illégalité, la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi ne peuvent être regardées comme étant dépourvues de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2018, MmeA..., représentée par Me C..., demande à la cour :

- de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

- de rejeter la requête du préfet de la Haute-Garonne ;

- d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 72 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

- d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous la même astreinte, un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-14 ou L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros TTC à verser à son avocat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

o Sur la recevabilité de la requête :

- l'auteur de la requête d'appel, M. D...B..., ne disposait pas d'une délégation régulière lui permettant de relever appel du jugement ;

o Sur le refus de séjour :

- ce refus méconnaît l'autorité de la chose jugée par le juge des tutelles ; le préfet n'a présenté aucun élément de nature à remettre en cause le bien-fondé de la nomination de Mme A... comme curatrice de sa soeur ;

- le refus de séjour méconnaît les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; l'exécution de la mesure en litige l'empêcherait d'exercer sa mission de curatrice ; elle réside en France depuis cinq ans et son enfant y est scolarisé ; elle entretient une relation sérieuse et régulière et envisage de se marier ; elle dispose d'une promesse d'embauche et d'un contrat de travail à durée indéterminée ;

- pour les mêmes motifs, ce refus méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il porte également atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant, en violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le signataire de cette décision ne disposait pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

o Sur la mesure d'éloignement :

- le signataire de cette décision ne disposait pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- la décision doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elle pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salariée " ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

o Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par les critères énoncés par l'article L. 511-1 I 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et elle est disproportionnée dès lors qu'elle présente des garanties de représentation suffisantes, qu'elle bénéficie d'un passeport en cours de validité, qu'elle n'a pas dissimulé son identité et qu'elle ne s'est jamais soustraite à une précédente mesure d'éloignement ;

- la décision n'est pas fondée en droit, le préfet s'étant référé à la quasi-intégralité de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est dépourvue de base légale ;

o Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- elle a été signée par une autorité ne disposant pas d'une délégation de signature régulière.

Par ordonnance du 10 avril 2018, la clôture d'instruction a été reportée au 17 avril 2018 à 12h00.

II°) Par une requête, enregistrée le 20 février 2018 sous le n° 18BX00731, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement susvisé n° 1703053 du 26 janvier 2018 du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par Mme A...en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2018, MmeA..., représentée par Me C..., conclut aux mêmes fins que celles exposées précédemment, concernant l'instance enregistrée sous le n° 18BX00730, en reprenant les mêmes moyens.

Par ordonnance du 10 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 avril 2018 à 12h00.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mai 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante ivoirienne, née le 25 août 1983, est entrée régulièrement en France le 18 octobre 2011 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ", valant titre de séjour jusqu'au 10 septembre 2012. Par un arrêté du 29 avril 2015, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande d'admission au séjour en qualité de parent d'enfant français et a assorti ce refus d'une mesure d'éloignement, décision confirmée par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 octobre 2015 et par une ordonnance de la cour du 4 mars 2016. Le 14 mars 2017, elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 mai 2017, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi. Mme A...a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Toulouse qui, par un jugement du 26 janvier 2018, a prononcé son annulation. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement. Par requête distincte, le préfet demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 18BX00730 et 18BX00731 concernent la situation de MmeA..., tendent à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre afin qu'il soit statué par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de la requête :

3. Par arrêté du 6 novembre 2017, publié au recueil des actes administratifs du département de la Haute-Garonne du 7 novembre 2017, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation de signature à M. D...B..., chef du bureau de l'asile et du contentieux des étrangers, pour signer les requêtes en appel relatives au contentieux de toutes décisions prises en matière de droit des étrangers, devant les juridictions administratives et judiciaires. Par suite, la fin de non recevoir tirée de l'incompétence de l'auteur de la requête en appel ne peut qu'être rejetée.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

4. Par une décision du 31 mai 2018, Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.

Sur la légalité de l'arrêté :

5. Si le tribunal d'instance de Toulouse, par un jugement du 5 juillet 2016, a prononcé une mesure de curatelle renforcée dans l'intérêt de la soeur de Mme A...et a désigné celle-ci en qualité de curatrice, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante, qui était elle-même à l'initiative de cette procédure, serait la seule personne à pouvoir assumer ces fonctions, l'article 450 du code civil prévoyant d'ailleurs qu'elles peuvent être confiées à une tierce personne n'appartenant pas à la famille de l'intéressée. En outre, la requérante n'établit pas qu'elle aurait informé le tribunal d'instance de Toulouse de la mesure d'éloignement dont elle faisait l'objet lorsqu'elle a sollicité sa désignation en qualité de curatrice. Dans ces conditions, et alors que la requérante n'est pas entrée en France pour s'occuper de sa soeur mais afin de poursuivre ses études, sa désignation comme curatrice de sa soeur ne constitue pas une circonstance suffisante pour que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour soit regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A...tant en première instance qu'en appel, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 23 mai 2017.

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

7. L'arrêté contesté a été signé par M. Stéphane Daguin, secrétaire général de la préfecture qui, aux termes de l'arrêté du 5 février 2016 du préfet de la Haute-Garonne, régulièrement publié le 5 février 2016 au recueil spécial n° 31-2016-034 des actes administratifs de la préfecture, disponible en particulier sous sa forme électronique, a reçu " délégation générale et permanente de signature " à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Haute-Garonne, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions concernant le séjour et l'éloignement des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige du 23 mai 2017 doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

9. Mme A...soutient résider depuis plus de cinq années en France et y avoir créé le centre de ses intérêts privés et familiaux. Toutefois, elle est arrivée sur le territoire national à l'âge de vingt-huit ans et ne justifie pas d'une intégration particulière en France par la seule production de documents établissant qu'elle a travaillé durant quatre mois au cours des années 2014 et 2015, ainsi que d'une promesse d'embauche prenant effet au 15 février 2017. De plus, bien que né en France, son fils a la nationalité ivoirienne. Si elle-même a été désignée par le tribunal d'instance de Toulouse pour exercer le rôle de curatrice de sa soeur, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit plus haut, que cette fonction ne pourrait être assurée par un mandataire judiciaire. Enfin, si elle soutient avoir créé de forts liens affectifs en France, elle n'établit pas la réalité de la relation conjugale qu'elle évoque. Par ailleurs, l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident toujours sa mère et six de ses frères et soeurs. Enfin, elle a fait l'objet, le 29 avril 2015, d'une mesure d'éloignement à laquelle elle n'a pas déféré. Par suite, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne peut donc être regardée comme ayant méconnu les stipulations précitée de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le refus de séjour n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la vie personnelle de MmeA....

10. Le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour aurait été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est, en tout état de cause, assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé.

11. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. Mme A...n'invoque aucun élément qui ferait obstacle à ce que son enfant, né en 2012 et de nationalité ivoirienne, reparte avec elle en Côte d'Ivoire où il pourrait poursuivre sa scolarité. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

13. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement serait dépourvue de base légale doit être écarté.

14. La situation de Mme A...ne justifiant pas qu'un titre de séjour lui soit délivré de plein droit sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 à 13, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la violation des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dont serait entachée la décision susvisée.

En ce qui concerne la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

16. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

17. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée vise notamment le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne la circonstance que Mme A...présente un risque de fuite dès lors qu'elle " s'est sciemment maintenue en France en toute irrégularité au mépris de la mesure d'éloignement prise à son encontre ". Ainsi, MmeA..., qui n'avait pas déféré à une précédente mesure d'éloignement, pouvait faire l'objet d'une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire en application du d) du II de l'article L. 511-1 du code précité.

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé tenu de refuser à Mme A...un délai de départ volontaire. Le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet au regard de son pouvoir d'appréciation doit, par suite, être écarté.

19. Alors même que Mme A...disposerait d'un passeport en cours de validité, présenterait des garanties de représentation suffisantes et n'aurait pas dissimulé son identité, le préfet, en estimant qu'il existait un risque que l'intéressée se soustraie à son éloignement dès lors qu'elle n'avait pas exécuté une précédente mesure d'éloignement, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées. Cette décision n'est pas non plus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

20. Dès lors qu'elle n'a pas établi l'illégalité de la mesure d'éloignement qui lui a été opposée, Mme A...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 janvier 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 23 mai 2017 par lequel il avait refusé de délivrer un titre de séjour à MmeA..., lui avait fait obligation de quitter le territoire français sans délai et avait fixé le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

22. Dès lors que le présent arrêt statue sur la requête n° 18BX00730 tendant à l'annulation du jugement n° 1703053 du 26 janvier 2018, les conclusions de la requête n° 18BX00731 tendant au sursis à exécution de ce même jugement sont devenues sans objet.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

23. Le présent arrêt, qui rejette la demande présentée par MmeA..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

24. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Mme A...sur leur fondement.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par MmeA....

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 18BX00731.

Article 3 : Le jugement n° 18BX00730 du tribunal administratif de Toulouse du 26 janvier 2018 est annulé.

Article 4 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions d'appels sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 juin 2018.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRELe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

Nos 18BX00730, 18BX00731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX00730,18BX00731
Date de la décision : 05/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CANADAS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-05;18bx00730.18bx00731 ?
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