Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.
Par un jugement n° 1705748 du 15 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à sa demande et a annulé cet arrêté du 15 novembre 2017.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête n° 18BX00524 enregistrée le 7 février 2018, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 janvier 2018 en tant qu'il a annulé la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire ainsi que celle fixant le pays de renvoi, et qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le préfet soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné a considéré qu'il n'avait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de l'intéressé pour le seul motif que la présence en France de la mère de ce demandeur d'asile n'avait pas été mentionnée dans l'arrêté attaqué ; cet élément a été pris en compte dans l'appréciation, au fond, de cette situation, et la présence de sa mère en France ne saurait être retenue comme le motif déterminant de l'entrée irrégulière de cet étranger dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatarides et la Cour nationale du droit d'asile ; le demandeur d'asile a été en effet élevé par ses grands-parents, sa mère étant partie pour la France alors qu'il était âgé de 11 ans, et il est aujourd'hui âgé de 23 ans ; l'envoi de sommes d'argent, en Colombie, par sa mère, a été aléatoire ;
- l'intéressé, qui dispose d'attaches en Colombie où résident ses grands-parents qui l'ont élevé, son frère et une tante, n'a aucunement le centre de ses intérêts privés et familiaux en France.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2018, M.C..., représenté par Me Amari de Beaufort, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 513 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- il a toujours entretenu des relations avec sa mère qui a subvenu à ses besoins, en dépit de son départ de Colombie en 2006 ; il a été victime de bandes armées à Medellin et a fui son pays en février 2016 ; sa mère a fait établir un certificat d'accueil à la mairie de Muret et a financé son voyage ; il est arrivé en France le 14 février 2016, aucun visa n'étant requis pour les ressortissants colombiens ; il a toujours vécu chez sa mère depuis son arrivée en France ;
- le préfet persiste à ne pas vouloir tenir compte de la situation réelle de l'intéressé en affirmant qu'il a un frère en Colombie alors que c'est faux : il a, en revanche, une demi-soeur qui vit en France et qui est venue souvent en Colombie ; Sa mère a justifié lors de l'audience de première instance être retournée régulièrement en Colombie ; en 2012, sa mère a financé ses études (coiffure) puis l'a aidé financièrement en 2015 pour ouvrir un commerce ;
- son droit à être entendu a en outre été méconnu par le préfet ; ce dernier s'est fondé sur le seul rejet de la demande d'asile ;
- par ailleurs, l'intéressé parle le français, bénéficie d'une promesse d'embauche et l'arrêté méconnaît donc les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
- enfin, en cas de retour en Colombie, il sera exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants, en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 23 mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 avril 2018 à 12h00.
II - Par une requête n° 18BX00674 enregistrée le 16 février 2018, le préfet de la
Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 1705748 du 15 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 15 novembre 2017 obligeant M. C...à quitter le territoire dans un délai de 30 jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.
Il soutient que le moyen dirigé contre le jugement de première instance paraît sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2018, M.C..., représenté par Me Amari de Beaufort, conclut au rejet de la demande de sursis et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 513 euros sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que le moyen soulevé doit être écarté.
Par une ordonnance du 23 mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 avril 2018 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
- le rapport de Mme Sylvande Perdu été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...D...C...ressortissant colombien né en 1994, est entré en France selon ses déclarations le 14 février 2016. Il a déposé une demande d'asile, laquelle a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 29 septembre 2016 puis le 2 mars 2017 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 17 novembre 2017, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours, en fixant le pays de destination. Par un jugement du 15 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. C...dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le préfet de la Haute-Garonne interjette appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du I de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;(...) ".
3. Par arrêté du 15 novembre 2017, le préfet de la Haute-Garonne a, en application des dispositions précitées, fait obligation à M. C...dont la demande d'asile avait été définitivement rejetée, de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. Pour annuler cet arrêté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur le moyen tiré du défaut d'examen sérieux et particulier de la situation de M.C....
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C...s'est prévalu en première instance comme il le fait également en appel, des liens entretenus avec sa mère, partie de la Colombie pour vivre en France à compter de 2006. Cette dernière, en situation régulière en France, a fréquemment envoyé de l'argent en Colombie où son fils vivait avec ses grands-parents et sa tante maternelle, et est venue le voir durant des séjours de plusieurs semaines effectués notamment en 2009, 2010 et 2011. Elle justifie également avoir financé une partie de ses études et l'avoir aidé financièrement à ouvrir un salon de coiffure en Colombie. La demi-soeur de M. C..., qui vivait en France, a également entretenu des liens réguliers avec lui et s'est déplacée en Colombie. De plus, M. C...justifie avoir été accueilli, à son arrivée en France, chez sa mère, auprès de laquelle il vivait toujours à la date de l'arrêté attaqué. Ainsi, M.C..., qui précise d'ailleurs qu'il n'a pas de frère vivant en Colombie, contrairement à ce qu'indique le préfet dans ses écritures, est fondé à soutenir que ce dernier en indiquant qu'il est célibataire et sans enfant et en se bornant à affirmer que " compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce une mesure d'éloignement ne portera pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé ", sans mentionner ni ne se prononcer sur l'intensité des liens qu'il entretenait avec les membres de sa famille résidant en France, ne peut être regardé comme ayant procédé à un examen suffisant de sa situation personnelle.
5. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a annulé, pour ce motif, l'arrêté du 15 novembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt qui confirme l'annulation prononcée de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 15 novembre 2017 pour défaut d'examen réel et sérieux de la situation de M. C... n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour mais seulement le réexamen de la situation de l'intéressé, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
7. Le présent arrêt statuant sur la requête n° 18BX00524 tendant à l'annulation du jugement n° 17005748 du 15 janvier 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 18BX00674 tendant au sursis à exécution de ce même jugement sont devenues sans objet.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 500 euros à verser à Me Amari de Beaufort, avocat de M.C..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18BX00674 du préfet de la Haute-Garonne.
Article 2 : La requête n° 18BX00524 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. C...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Amari de Beaufort, avocat de M.C..., une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. C...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M.C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet de la Haute-Garonne et à Me Amari de Beaufort.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2018 à laquelle siégeaient :
Philippe Pouzoulet, président,
Marianne Pouget, président-assesseur,
Sylvande Perdu, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 mai 2018.
Le rapporteur,
Sylvande Perdu
Le président,
Philippe PouzouletLe greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 18BX00254, 18BX00674